256 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 novembre 1789.] « Décrète que déférant au vœu des citoyens de Metz, elle dispense de se rendre à la barre de l’Assemblée, les membres du parlement de Melz qui avaient pris l’arrêté du 12 novembre ; « Ordonne que l’adresse de la municipalité et des communes de Metz, et l’arrêté du parlement, seront imprimées à la suite du procès-verbal ; « Ordonne, en outre, que le président se retirera par devers Sa Majesté pour lui présenter le présent décret et la prier de lui accorder sa sanction. » M. le duc de la Rochefoucauld. Les opérations de l’Assemblée nationale ont excité la reconnaissance de tous les Français et l’admiration des étrangers ; c’est un hommage étranger que j’ai l’honneur de vous présenter. La société qui se rassemble à Londres pour célébrer l’anniversaire de la révolution de 1688 a cru devoir offrir à l’Assemblée nationale de France un hommage pur, qu’aucune prévention de nation à nation n’a pu empêcher. Cette société est présidée par lord Stanhope; elle a pour secrétaire le docteur Price ; tous les deux sont célèbres par leurs lumières dans les sciences, et par leur zèle pour les libertés publiques ; elle est composée de trois cents membres aussi distingués par leurs talents que par leur naissance. Cette société, dégagée de toute prévention nationale et se réjouissant de tous les triomphes que la liberté et la justice remportent en France sur le pouvoir arbitraire, présente à l’Assemblée nationale ses félicitations et le plaisir qu’elle ressent en voyant que bientôt les deux premières nations participeront en commun aux bienfaits de la liberté civile et religieuse. Elle espère, et c’est l’objet de tous ses vœux, que l’influence du glorieux exemple donné par la France aux autres nations concourra puissamment à rendre le inonde entier heureux et libre. On avait déjà, selon l’usage, fait circuler plusieurs toasts patriotiques, lorsque le docteur Price, si avantageusement connu par des écrits aussi lumineux que pleins d’énergie en faveur de l’indépendance de l’Amérique, proposa une motion qui fut adoptée à l’unanimité. U a été résolu unanimement que copie de ladite résolution serait signée par le président au nom de la société, et envoyée à l’Assemblée nationale de France. Copie d'une lettre de lord Stanhope à M. le duc de la Rochefoucauld. Du 6 novembre 1789. C’est avec une grande satisfaction que j’ai l’honneur de vous envoyer deux résolutions unanimes d’une assemblée très-nombreuse et très-respectable, de la société établie en Angleterre, pour célébrer la fameuse révolution de 1688. Ces motions ont été reçues avec l’approbation la plus marquée, et des acclamations réitérées. Oserai-je vous prier, de la part de rassemblée, de présenter ces résolutions à l’Assemblée nationale de France? Je vous prie de me croire avec le plus grand respect et sincère attachement, Monsieur le duc, Votre très-humble, etc. Signé : Stanhope. Extrait d’un billet du docteur Price à M. le duc de la Rochefoucauld. Stackent, près Londres, le 9 novembre 1789. L’adresse de félicitations à l’Assemblée nationale de France qui se trouve ci-jointe, ayant été proposée par le docteur Price , il espère que le duc de la Rochefoucauld ne trouvera pas mauvais qu’il l’accompagne de quelques lignes, pour l’informer qu’elle a été adoptée, avec une ardeur que l’on peut difficilement exprimer, par une assemblée composée du comte de Stanhope, du lord-maire de Londres, de plusieurs membres du parlement d’Angleterre, et de plus de 300 personnes de distinction réunies, à l’occasion de l’anniversaire de la révolution anglaise, pour célébrer cet événement. Si les expressions de leur admiration , si les souhaits de prospérité qu’ils prient le duc de la Rochefoucauld de présenter pouvaient paraître une témérité de leur part, ils espèrent que l’Assemblée nationale de France voudra bien excuser cette démarche , comme l’effet d’une effusion de zèle dans la cause générale de la liberté publique, qu’aucunes considérations d’inconvenance n’ont pu retenir. Les représentants de la France travaillent pour le monde autant que pour eux, et le monde entier est intéressé à leur succès. To the national Assembly of France. The Society for commemorating the révolution in Great Britain, disdaining national partialities, and rejoicing in every triumph of liberty and justice over arbitrary power, offer to the national Assembly of France their congratulations on the révolution in that country, and on the prospect it gives, to the two first kingdoms in the world, of a common participation in the blessings of civil and religious liberty. They cannot help adding their ardent wishes for an happy seulement of so important a révolution, and at the same time expressing the particular satisfaction with which they reflect on the tendency of the glo-rious example given in France, to encourage otber nations to assert the unalienable rights of man-kind, and thereby to introduce a general reformation in the governments of Europe, and to make the world free and happy. Resolved that the said resolution be signed by the chairman in the name of this meeting, and that it be by Kim transmitted to the national Assembly in France. The two foregoing resolutions passed unani-mously. By order of the meeting. Signed : SANTHOPE, chairman of the meeting . London, november 4 th. 1789. Traduction de la lettre de lord Stanhope, écrite, au nom d’une société de Londres, à l'Assemblée nationale. La société réunie pour célébrer la révolution de la Grande-Bretagne, dédaignant toutes les préventions nationales, et se réjouissant de tous les triomphes que la liberté et la justice remportent sur le pouvoir arbitraire, présente, à l’Assemblée nationale de France ses félicitations sur la révo- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 novembre 1789.] 257 lution opérée dans ce royaume, et sur la perspective qu’elle ouvre aux deux premiers empires du monde, de participer en commun aux bienfaits de la liberté civile et religieuse. La société ne peut s’empêcher d’unir ses vœux ardents pour l’heureux et complet succès d’une révolution si importante, et en même temps d’exprimer la satisfaction qu’elle éprouve en réfléchissant sur l’influence du glorieux exemple donné en France pour encourager les autres nations à assurer les droits inaliénables de l’humanité, à amener une réforme générale dans les gouvernements de l’Europe, et à rendre le monde entier heureux et libre. Arrête que la présente déclaration sera signée par le président, au nom de la société, et adressée par lui à l’Assemblée nationale de France. Les deux résolutions ci-dessus ont passé à l'unanimité. Par ordre de l’assemblée. Signé : Stanhope, président . Londres, 4 novembre 1789. La lecture decette adresse produit dans l’Assemblée une grande sensation, qui se manifeste par des applaudissements reitérés. Sur la motion de M. le duc de Liancourt, il est unanimement décidé que M. le président écrira à lord Stanhope, pour lui témoigner la vive et profonde sensibilité de l’Assemblée à la démarche que fait près d’elle la Société de la révolution. M. de Cazalès propose la motion qui suit : « L’Assemblée nationale charge son comité de constitution de lui présenter le projet d’une loi qui définisse avec une scrupuleuse attention tout ce qui sera réputé crime de lèse-nation ; « De déclarer que les écrits, que les paroles ne pourront être la matière d’un crime de lèse-nation à moins qu’ils ne soient liés à une action, qu’ils ne l’aient préparée, accompagnée ou suivie; « De déclarer enfin que nul crime autre que ceux expressément nommés par la loi ne pourra être qualifié du crime de lèse-nation. » M. Target. Le comité est déjà chargé de cette mission.il vous aurait présenté son travail depuis quelque temps, si des objets du moment ne l’avaient empêché de le terminer. Je demande, d’après cette observation, que la motion du préopinant soit ajournée. L'ajournement est ordonné. M. le comte de llirabeau. J’eus l’honneur de vous exposer, le 5 du courant, que votre décret sur les nouvelles formes de l’instruction criminelle n’était point encore en vigueur dans Marseille, et qu’une foule de citoyens pouvaient devenir à chaque instant les victimes d’une procédure suspecte sous mille rapports. Je vous dénonçais que le 27 octobre, temps auquel votre décret aurait dû être exécuté, le prévôt de Marseille avait rendu un jugement suivant les anciennes formes que vous avez proscrites. Vous ordonnâtes, Messieurs, qu’il serait provisoirement sursis à l’exécution de tout jugement en dernier ressort, rendu dans la forme ancienne postérieurement à l’époque où votre décret aurait dû être exécuté, et que tout tribun al qui dans trois jours ne l’aurait pas inscrit sur ses registres, qui lre Série, T. X. dans la huitaine ne l’aurait pas fait publier, serait poursuivi comme coupable de forfaiture. Le décret ne décidait pas un objet très-important pour les accusés : il annonçait implicitement que le jugement rendu le 27 octobre était nul; mais il ne prononçait pas cette nullité d’une manière expresse; il n’ordonnait pas de faire juger une seconde fois la même question par d’autres juges, et, comme il s’agissait de la récusation du procureur du Roi et de l’assesseur du prévôt, le sort des accusés restait évidemment compromis. J’ai gardé quelque temps le silence, parce que j’attendais que le comité des rapports, qui a reçu une infinité de mémoires sur cet objet , vous les fît connaître ; mais cette affaire a entièrement changé de face par deux nouvelles circonstances, dont l’une m’était inconnue le 5 du courant , et dont l’autre était impossible à prévoir. La première, c’est que le prévôt de Marseille, loin de traiter les accusés avec cette humanité que sollicitent vos nouvelles lois, les a fait enfermer dans une prison d’Etat ; ils avaient été resserrés jusqu’ici dans une citadelle ; ils ne sont plus aujourd’hui sous la sauvegarde de la loi, mais dans les anciens cachots du despotisme, La seconde, c’est que bien loin d’exécuter vos décrets, le prévôt a écrit à MM. les députés de la ville de Marseille qu’il était impossible de rendre la procédure publique. S’il faut l’en croire, des témoins qui n’ont déposé que sous la foi du serment ne consentiront pas que leurs dépositions soient connues. Si la procédure devient publique dans le fort, le peuple s’en emparera ; si le prévôt se rend dans le palais de la sénéchaussée, il aura des dangers à courir, même pour sa vie. J’ai ouï dire que le prévôt avait exposé les mêmes motifs dans un mémoire qu’il a adressé à l’Assemblée nationale ; je ne sais si ce mémoire existe, mais je puis assurer que la lettre à MM. les députés de Marseille est certaine. Si le mémoire dont je parle a été envoyé, je demande qu’il soit sur-le-champ communiqué à l’Assemblée, parce qu’une affaire aussi grave ne peut souffrir aucun délai. La lettre suffit pour m’autoriser à vous demander s’il est possible de laisser une procédure entre les mains d’un juge qui ne croit point à la sagesse de votre décret, qui refuse de l’exécuter, qui allègue pour s’en défendre les plus frivoles prétextes, qui craint de ne pouvoir soustraire les prisonniers aux réclamations d’une ville entière s’il ne les précipite dans des prisons d’Etat, qui ne peut exercer ses fonctions que dans un fort, qui craint encore que ce fort ne soit enlevé, qui a admis des témoins tellement suspects qu’il n’ose espérer qu’il veuillent rendre leurs dépositions publiques, qui a choisi deux juges tellement odieux qu’il ne peut répondre même de leur vie si la procédure se fait dans le palais de justice. Ne croyez pas, Messieurs, que je veuille inculper directement le prévôt. C’est un militaire digne de l’estime de ses concitoyens ; mais il est excusable d’ignorer les formes de l’instruction criminelle, et il les ignore. Forcé de choisir un assesseur et un procureur du Iloi, forcé de confier à d’autres qu’à lui-même les fils tortueux d’une procédure compliquée, le choix qu’il a fait a rendu ses bonnes intentions inutiles, et sa probité personnelle ne peut plus rassurer contre les plus coupables erreurs. Quel parti reste-t-il donc à prendre ? Un seul, Messieurs, et vous concilierez l’exécution rigoureuse des lois avec ce que vous devez à la tranquillité publique. C’est de confier à un autre tri-17