434 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 octobre 1T9Q.J c’est aux dépens des biens nationaux que cette démolition aura été faite; c’est parla chose même qu’elle aura été payée, puisque vous déléguerez le payement de cette somme sur la caisse chargée de recevoir les revenus et le prix des veütes des biens nationaux situés dans le district de Paris. Je croirais faire injure à votre patriotisme et à votre justice d’insister davantage et s’il s’élevait encore des réclamations et des murmures, je dirais : reportez-vous au 14 juillet 1789 et dites-nous si vous auriez donné la somme qu’on nous demande pour la destruction de la Bastille et montrez-nous quels sontles Français qui ne voudraient pas concourir à cette dépense patriotique et nationale ? ( Les murmures recommencent à droite. — Des applaudissements éclatent à gauche.) M. Prieur. On ne marquerait pas la même opposition s’il s’agissait de reconstruire la Bastille. M. de Foucault. Pour peu qu’on se connaisse en démolition, on ne peut croire à une dépense aussi considérable, et l’on juge aisément que cette opération a dû coûter à peine 50 mille livres. Si l’on accorde en ce moment une indemnité à la ville de Paris, toutes les villes en réclameront avec quelque droit, et la nation se trouvera chargée d’une dépense imprévue de 10 millions au moins. Je propose de renvoyer cette demande à la prochaine législature. Un membre. La somme demandée par la municipalité pourrait être prise sur le produit de la vente des biens nationaux qui se trouvent dans l’enceinte de Paris. M. Regnaud, député de Saint-Jean-d'Angely. Si la liberté pouvait avoir un prix, qui ne voudrait payer sa part de ce qû’elle a coûté? Il n’est pas un député des ci-devant provinces qui ne tînt à honneur de voter en faveur dé la demande de la ville de Paris. On propose cependant d’acquitter les dépenses dont il s’agit sur le prix des biens nationaux, de manière qu’il n’y aurait en ce moment pas de déboursés pour le Trésor public. Si ce moyen ne se présentait pas, j’inviterais à imposer sur les provinces les sommes nécessaires, et certes il n’est pas de Français qui ne se soumît avec joie à cette contribution. M. Madter de Slonljau. 11 faut consulter les provinces, quel que soit le parti que l’on prenne, avant d’accorder une indemnité considérable, dont toutes les provinces partageront le poids, à moins que vous ne mettiez à la charge du Trésor national toutes les démolitions d’édi-fices faites dans les provinces. M. le Président rappelle à l’ordre ce membre, qui, à chaque fois, renouvelle sa motion et interrompt la délibération. M. de Mirabeau. Bien que je croie, contre le préopinant, que M. le président a le droit, mais encore le devoir de rappeler à l’ordre un membre qui fait une réclamation aussi inconstitutionnelle, je ferai cependant une observation. Si je n’avais une idée parfaite de l’immuable principe que nous avons adopté, et qui hdus ‘constitue tous représentants de la nation, et non de tel ou tel département, je serais trop jaloüx de demander, au nom de la province qui m’a envoyé, l’honneur de contribuer a la démolition du monument du despotisme, et de partager le fruit d’une œuvre si nationale. La demande de l’ajournement est écartée par la question préalable, et le décret ést rendu éû ces termes : « L'Assemblée nationale, après ûYdir entendu les comités des domaines et des finances rêütlis, décrète : « Qu’il sera payé à la municipalité de Paris sur la caisse chargée de recevoir les revenus et le produit des ventes des biens nationaux situés dans l’étendue du district de Paris, la somme de 568,143 livres 13 sols 3 deniers en remboursement des dépenses qui ont été faites pour les travaux delà démolition de la Bastille ; sur laquelle somme sera déduite celle de 41,243 livres 17 sois, montant de la recette qu’elle a faite du prix provenant de la vente des matériaux, et à la chargé de verser successivement dans ladite caisse le prix des matériaux restants qu’elle est autorisée, en conséquence, à vendre au profit de lu dation, et le montant des sommes qui sont en recouvrement pour vente de matériaux déjà faite, suivant l’état envoyé à l’Assemblée nationale par la mu� nipalitë de Paris. « Décrète en outre que ladite municipalité fera cesser les travaux de la Bastille dans la huitaine après la publication du présent décret. » M. Puthod, capitaine des chasseurs de l’armée parisienne, et membre de plusieurs académies, est admis à la barre et présente une adresse dont voici la substance : « Je me livre depuis plusieurs années aux antiquités nationales. Ami de l’bistoire, j’en puise l intelligence dans ces sources. Peu content d’ouvrir ces archives, dédaignées du vulgaire, les recueils poudreux, ou l’eXâctitüde dédommage de l’ennui, je parcours aveé beaucoup de fruit nos temples. Et si, dans des inscriptions mensongères, ouvrage de Ja vanité d'ün fils, je n’ai pas toujours réussi à démêler quel était le père, je me suis instruit du moins de faits inconnus et de dates essentielles, dont la découverte, ou rectifiait Jes erreurs de notre histoire, ou accroissait la masse de ses richesses. Ainsi un double motif peut attirer Je savant dans ces mêmes temples, où le commun des fidèles ne cherche que le Dieu qui y réside. Les monastères lui offrent autant de richesses ; mais bientôt ces retraites ne seront plus. On vous donne l’état des bâtiments, des revenus, des meubles et immeubles, cela ne suffit pas. 11 faut exiger un relevé de toutes les inscriptions, légendes, épitaphes, tombeaux et autres monuments quelconques. Il faut exiger qu’on les retire de ces coins ténébreux où un mépris ignare les avait enterrés. Il faut exiger qu’on rende à ces marbres la propriété qui leur convient, et que, dans ceux où le lecteur aura à s’exercer, on fasse disparaître cette croûte des siècles qui en rend les caractères indéchiffrables. « Ce travail n’exige qu’un goût et une intelligence, dont tous sont susceptibles ; aussi est-ce à cela que doivent se borner les Soins de nds ci-devant religieux ou religieuses. Il en est üh autre plus difficile, celui de tirer parti de tant de richesses, de les rassembler dans üh liéü qui soit propre à les contenir, de placer et classer insensiblement chaque marbre, chaque mdiiüïhent à mesure qu’on le connaîtra, de sorte que cette salie d’antiques devienne Une espèce ‘de bibliothèque où le public pourra, comme dans les autres, aller s’instruire certains jours de la semaine. . . Pourquoi celui qui se chargera des fonctions [Assemblée nationale.] ARCHIVES PAR d’historien ne se chargerait-il pas aussi de celles de directeur du travail de nos religieux, fonctions qu’il importe de fae pas séparer? Mais qui voudra gratuitement et par principe d’instruction s’imposer cette tâche pénible? Moi, par exemple, si, conformément au sentiment d’équité dont voüs faites profession, vous pensez que l’auteüf du plan doit être, de préférence à d’autres, chargé de son exécution ; cette confiance me flatterait en ce qu’elle me donnerait les moyens nécessaires pour perfectionner un travail déjà bien avancé sur cette matière et connu de beaucoup de savants ... Un entier accomplissement dé mon projet deviendrait un nouvel embellissement pour Paris, et un des plus beaux monuments du siècle. » M. te Président répond : « Les monuments de piété dont nos temples sont remplis, sont aussi la plupart des monuments précieux de notre histoire : l’Assemblée nationale applaudit aü zèle éclairé que vous faites paraître pour leur conservation. Elle prendra votre mémoire en considération, et vous accorde les honneurs de sa séance. » M. Alexandre de Lainetil. La pétition renferme un projet utile. Il est essentiel en détruisant les maisons religieuses de ne pas détfuire les monuments précieux qu’elles renferment ; ces monuments n’a|outeraient aucun prix à la vente des biens ecclésiastiques et enlèveraient aux sciences des objets qui peuvent servir à leurs progrès et surtout à la connaissance des faits historiques; réunis, au contraire, ils formeront un des recueils les plus intéressants de l’Europe. , Je demande, en conséquence, que la pétition de M. Puthod soit renvoyée au comité d’aliénation des domaines nationaux. (Ce renvoi est ordonné.) M. Oattiave, membre du comité Colonial. Je m’occupais ce matin dé l’affaire de la colonie de Saint-Domingue, j’entendais les éclaircissements ue me donnaient quelques colons, quand la ei-evant assemblée générale de Saint-Marc vous a envoyé une insolente adresse, dans laquelle on prétend régler vos travaux; et l’on porte des plaintes contre moi, tandis que j’ai formellement demandé qu’avant de prendre aücun parti cette ci-devant assemblée fût entendue. Elle annonce qu’elle apporte ses archives, et aucune pièce ne nous a été remise. Elle a dit qu’elle déposerait sur le bureau la minute du discours prononcé par elle à la barre, et nous n’avous pas encore ce discours. Cependant il est instant de prendre des mesures, et l’on ne doit pas porter trop loin les égards pour des hommes qili sont soupçonnés avec trop de raison d’avoir jeté le trouble à Saint-Domingue et même à Brest. Je demande donc que les pièces annoncées soient remises dans les quaràhte-hüit heures, et que, dans tous les cas, le rapport soit fait au jour que vous avez fixé. M. dè Ifoucault. Je demande que M-Barnave soit rappelé à l’ordre pour avoir taxé d'insolente l’adresse de l’assemblée générale de Saint-Marc. L’Assemblée doit donner l’exemple du respect pour toutes les réclamations qui lui sont adressées. .. M. Gttupiïteau. L’adresse ne peut être qualifiée autrement qu’elle l’a été par M. Barnave. Je propose donc de passer immédiatement à la délibération sur sa motion. EMEAT AIRES. ]4 octobre 1790. 43b (La motion de M. Barnave est adoptée. En fcôn-séquence, les membres de l’assemblée de Saitit-Marc remettront dans quarantediuit heùrês, entre les mains des secrétaires de l’Assemblée nationale, les pièces dont ils entendent s’aider -, faute de quoi, ledit délai expiré, ii ne sera plus apporté de retard au rapport que le comité colonial est chargé de faire.) M. Chasset, au nom des comités ecclésiastique* d’aliénation des biens nationaux* de mendicité et des finances, présente un projet de décret en cinq titres, concernant la désignation des biens nationaux à vendre dès à présent ; leur administration jusqu'à la vente; les créanciers particuliers des différentes maisons et l'indemnité dè la dîme inféodée, PROJET DE DÉCRET (1). L’Assemblée nationale voulant faire cesser les incertitudes qui peuvent exister sur ce qu’elle entend par biens nationaux ; désigner ceux dont elle a décrété la vente, tant aux municipalités qu’aux particuliers, ainsi que ceux qu’elle n'a pas cru devoir faire vendre, oü dont elle a seulement suspendu l’aliénation pendant quelque temps : désirant pareillement indif�Uér distinctement lesbiens nationaux dont elle a édrtfié, dès cette année, l’administration aüx corps administratifs, et établir des règles Uniformés d’adttiî-nistratiort jüsqu’à eç (ju’ils soient tous Vendus ; ayant encore en vue de rassemblé!1, d’uüé maniéré analogue à ces règles, les titres et pâpieTs concernant ces lieux; considérant aussi qu’il est de la plus exacte justice dé pourvoir le plus promptement possible, à la liquidation et aü payement des dettes légitimement contractées en particulier par les maisons, communautés et corps supprimés; considérant enfin qu’il est de la même justice d’accéiêrer la liquidation et le payement de l’indemnité due a raison des dîmes inféodées; Après avoir entendu le rapport qui lui a été fait par les commissaires tirés des comités des affaires ecclésiastiques, de l’aliénation des biens nationaux, des domaines, de la mendicité et des finances, décrète de qui suit ; TITRE PREMIER. De la distinction des biens nationaux - à vendre ou à conserver et de V administration en général. Art. lor. L'Assemblée nationale déclare qu’elle entend par biens nationaux i 1° Tous les biens du domaine de la couronne ; 2° Tous les biens d’apanage; 3° Tous les biens du clergé ; 4° Tous les biens des fabriques; 5° Tous les biens des fondations ; 6° Tons les biens des séminaires, collèges et établissements d’étude ou de retraite, destinés à l’enseignement public ; 7° Tous les biens des hôpitaux, ttiàisbns de charité, même celles, connues sous le nom de monts-de-piété, et de tous les établissements destinés au soulagement des pauvres, ainsi que (1) Co projet do décret u’a pas été inséré au Moniteur.