[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1791.] A75 M. le Président répond : « L’impurtance du département dont la _ confiance vous a mis à la tête de son administia-tion, el l’avantage que vos fonctions vous donnent pour apprécier le résultat des travaux de l’Assemblée nationale, ajoutent un nouveau prix aux sentiments que vous venez de lui exprimer. « Elle a voulu la prospérité publique; vous comblez ses vœux en lui apportant un témoignage de la satisfaction générale. « Elle a rempli le vœu du peuple en lui donnant une Constitution libre. « C’est maintenantaux administrateurs, dignes comme vous, Messieurs, de la mission dont ils sont honorés, à joindre à ce grand bienfait celui de l’exécution exacte du régime constitutionnel. L’Assemblée vous invite d’assister à sa séance. » (Applaudissements). (L’Assemblée décrète que le discours du procureur général syndic et la réponse du Prési lent seront imprimés et insérés dans le procès-verbal.) M. Gaultier-Bîauzat rappelle à l’Assemblée qu’elle a adopté hier un décret qui défend qu'aucun membre prenne la parole lorsque le roi est présent; ii demande qu’avant l’arrivée du roi, il soit fait une nouvelle lecture de ce décret. (Marques d’ assentiment.) M. Gonpflleau. Comme il est nécessaire que le procès-verbal de la séance d’aujourd’hui soit rédigé et lu immédiatement avant la levée de la séance, je demande que la députation qui sera chargée d’aller au-devant du roi à son arrivée, aille seule l’accompagner à sa sortie et que la séance ne soit levée qu’après la lecture du procès-verbal et sa signature par M. le président et MM. les secrétaires. (Cette motion est adoptée.) M. le Président annonce que le sieur Alexandre Barthélemy, membre de la Société des amis de la Constitution à Toulon , a déposé la somme du 140 livres pour l’entretien d’une garde sur les frontières pendant 6 mois; il se soumet à la renouveler tous les 6 mois, tant que la patrie sera menacée. (L’Assemblée accepte avec satisfaction l'offre patriotique du sieur Barthélemy.) M. Salomon de La Saugerie demande qu’il soit accordé une somme de 200 livres au secrétaire de la commission envoyé par l'Assemblée dans les départements du Nord; il propose à cet égard le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera accordé 200 livres au sieur Gory, secrétaire de la commission envoyée par l’Assemblée nationale dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais et de l’Aisne. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président fait lecture du décret rendu hier qui règle le cérémonial à observer lors de la présence du roi dans l’Assemblée (1). M. Thouret demande que le président soit excepté de la disposition de l’article 3 qui porte que « personne ne pourra adresser la parole au roi, si ce n’est en vertu d’un décret exprès de l’Assemblée précédemment rendu. » (1) Voir ce décret ci-dessus, séance du 29 septembre 1791, au matin, page 596. M. JEmmery. Je crois qu’en général, il est extrêmement dangereux que le président, qui n’a pas pu savoir d’avance ce que le roi peut dire, charge de lui répondre et engage ainsi par son discours l’Assemblée, qui est alors forcée, au moins par décence, de ne pas l’interrompre. Nous devons observer la forme qui s’observe dans les pays où le roi vient dans le Corps législatif : en Angleterre, la Chambre des communes délibère une adresse que le président porte au roi en réponse à son message, à son discours : mais le président ne peut pas de lui-même et spontanément dire des mots vagues et inutiles. Je demande donc que le président lui-même ne puisse adresser aucun discours au roi si ce n’est en vertu d’un décret de l’Assemblée; je demande toutefois que, pour aujourd’hui, il soit autorisé à lui faire le discours qu'il jugera convenable. ( Assentiment .) (La motion de M. Emmery est mise aux voix et adoptée.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 29 septembre au soir. M. La Réveillère-Lépeaux. L’Assemblée nationale a reçu hier un message du roi sur lequel je ne me permettrai aucune réflexion (1). M. le secrétaire le relate mot à mot dans son procès-verbal; je demande qu’il soit dit simplement que M. le Président a reçu un billet du roi qui annonce qu’il viendra faire demain la clôture de l’Assemblée. Je demande ensuite, qu’il soit dressé un formulaire de correspondance entre le Corps législatif et le roi et que le soin de l’é ablir suit renvoyé à la prochaine législature qui saura sans doute maintenir les égards qui sont dos à la majesté nationale dans la personne des représentants que la nation a directement chargés d’exprimer sa volonté. M. Barnave. Aux voix la proposition! (La double proposition de M. La Réveillère-Lépeaux est mise aux voix et adoptée.) M. Bailly. Avant que l’Assemblée se sépare, au moment où elle donne des témoignages de satisfaction et des remerciements à ceux qui ont servi la patrie, aux troupes de ligne, aux gardes nationales du royaume, et particulièrement à la garde nationale de Paris ; je prends la liberté de lui recommander les militaires qui ont bien servi la chose publique, M. de la Salle, M. Désaudray, tous deux commandants de la garde nationale, dans les jours les plus périlleux de la Révolution. M. de la Salle a pensé être la victime de la fureur du peuple. M. Désaudray a reçu un coup de sabre en voulant sauver la vie à un citoyen. Les électeurs de 89, à qui la patrie a tant d’obligations, nous ont chargés, M. La Fayette et moi, de solliciter pour ces 2 militaires, les récompenses qu’ils méritent. La ville de Paris ne peut s’en acquilter, les services qui lui ont été rendus, ont été réellement rendus à la nation, et ne peuvent être dignement payés que par elle. M. de La Fayette et moi, nous supplions l’Assemblée de faire leur sort, et ce dernier décret sera encore un acte de bienfaisance et de justice. J’exhorte tous messieurs les électeurs qui sont membres de cette Assemblée de joindre leur témoignage aux nôtres. M. Dclavigue. Messieurs, témoin des faits de (I) Voir ci-dessus, séance du 29 septembre 1791 au soir, page 636. * 676 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1791.] patriotisme que le préopinant vient d’annoncer a l'Assemblée, c’est à celui qui a eu l’honneur de présider l’assemblée des électeurs de l'année 1789 qu’il appartient spécialement de lui rappeler quelques faits qui peuvent aider à sa décision. Je puis attester à l’Assemblée que le 25 du mois de juin 1789, époque où il pouvait y avoir quelque mérite de prendre un parti bien décidé en faveur des premières opérations de l’Assemblée nationale et de la liberté, M. de la Salle, un des électeurs du ci-devant ordre de la noblesse, fut le premier à l’assemblée électorale pour s’occuper de donner l’adhésion la plus formelle aux premiers décrets de l’Assemblée nationale. VoLà, Messieurs, le premier trait que je connaisse, et celui-là en vaut bien un autre. M. de la Salle, fidèle à ses principes, a été mis à la tête de l’armée nationale parisienne dès l’instant de sa formation. C’est sur lui seul que reposa le soin de maintenir la tranquillité publique dans les importantes journées du 13 et du 14 juillet 17c49, jusqu’à cequelagarde nationale fût organisée. Je crois, Messieurs, qu’il est inutile de vous détailler les dangers qu’a courus ce citoyen, et surtout son patriotisme qui ne s’est pas démenti un seul instant dans les fonctions importantes dont la confiance publique l’avait investi. Le 10 du mois d’août, te sieur de la Salle faillit être la victime d’une erreur populaire, et c’est d’après ces faits que, rentré dans la foule des citoyens, il est resté sans récompense. M. Désaudray, officier des troupes de ligne supprimé, s’est présenté le 14 du mois de juillet, à 10 heures du matin à l’hôtel de ville et a offert ses services. Ils ont été acceptés ; on lui a expédié un brevet, et le premier acte qu’il a fait du jouvoirdont l’avait investi la confiance de ses concitoyens a été de voler au secours du sieur Grouet, de l’arracher des bras de ceux qui, le prenant pour le gouverneur de la Bastille, ont manqué de le rendre victime de leur erreur. Il a reçu un coup sabre quia été pansé dans l’hôtel de ville ; néanmoins it n’a pas cessé un instant de continuer les fonctions qu’il remplissait. Messieurs, ce sont des citoyens de cette espèce pour lesquels je demande une pension de 2,0U0 écus. ( Mouvements divers.) M. dedustine. Un devoir dont l’Assemblée ne doit jamais s’écarter, c’est de ne distribuer que les faveurs qui sont en son pouvoir et de laisser au pouvoir exécutif le droit de proposer les pensions à donner. En conséquence, je demande qu’il soit fait une mention honorable au procès-verbal des actions de ces 2 officiers et que le surplus soit renvoyé au pouvoir exécutif. M. Rœderer. Le principe de M. de Gustine est extrêmement bon pour tous le3 acles dignes de récompense qui se sont passés dans les temps ordinaires; mais, quand il s’agit des services de la Révolution, d’un acte de la Révolution à sa naissance, c’est au pouvoir constituant, qui seul a les pouvoirs révolutionnaires, si je puis me servir de cette expression, à décerner de pareilles récompenses. En conséquence, je crois que l’Assemblée nationale doit suivre l’exemple qu’elle s’est déjà donné à elle-même : c’est elle qui a récompensé les gardes nationales tués devant Nancy; c’est elle qui doit attribuer les récompenses dues aux gardes nationales de Paris. Je propose toutefois un amendement à la moiion de M. Delavigne : c’est de réduire la somme qu’il propose à 2,000 livres pour M. de la Salle et de 1,000 livres pour M. Désaudray. ( Marques d'assentiment.) (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il sera accordé une pension de 2,000 livres à M. de la Salle et de 1,000 livres à M. Désaudray, en sus de leur traitement.) M. Lavie. Je propose à l’Assemblée de voter et d’insérer dans le procès-verbal des remer ciments , au nom de la nation, à la municipalité de Paris, à laquellenous avons tant d’obligations, ainsi qu’à M. Bailly, son maire. {Applaudissements). (Cette motion est décrétée.) M. Camus annonce qu’il est prêt à rendre compte de la fabrication des 800 millions en assignats ; mais attendu la multitude d’affaires dont l’Assemblée est chargée dans cette séance, il demande l’impression de son rapport. (Cette impression est ordonnée.) (1). M. le Président. La paro'e est à M. Bureaux de Pusy pour faire un rapport sur V organisation de la garde du roi. M. Bureaux de Pusy, au nom du comité militaire. Messieurs, vous avez décrétéque leroiaurait une garde et \o s avez posé les bases de l’organisation générale de cette gerde dans la Constitution même. Actuellement le roi propose l’organisation de sa garde. Le comité militaire, àqui cette proposition a été renvoyée, n’ayant trouvé rien qui ne fut conforme à vos principes constitutionnels, a rédigé, sous forme de décret, la proposition du roi ; et c’est celle que je vais avoir l’honneur de vous soumettre : « L’Assemblée nationale, délibérant sur la proposition du roi, après avoir entendu son comité militaire, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Conformément aux dispositions de l’acte constitutionnel, la garde du roi sera divisée en 2 corps; l’un de 1,200 hommes d’infanterie, l’autre de 600 hommes de cavalerie, ainsi qu’il sera plus amplement expliqué ci-après. Art. 2. « Le grand état-major de la garde du roi sera composé d’un lieutenant général commandant en chef, de 2 maréchaux de camp, commandant l’un l’infanterie, l’autre la cavalerie, et de 2 adjudants généraux colonels, attachés l’un à la garde à pied, l’autre à la garde à cheval. Art. 3. « La garde à pied sera partagée en 3 divisions, de 400 nommes chacune. Art. 4. « L’état-major de chaque division de la garde à pied sera composé d’un colonel commandant de division, de 2 lieutenants-colonels, et de 2 adjudants-majors. Art. 5. « Chaque division de la garde à pied sera de 8 compagnies de 50 hommes, commandées chacune par un capitaine, un tieuteaant et un sous-lieutenant. (1) Voir ci-après ce document aux annexes de la séance, page 690.