[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 janvier 1790.J 297 garnison et qu’en arrivant dans différentes villes, quelques ci-devant privilégiés avaient refusé de loger des officiers ou des soldats ; qu’il était instant pour établir l’égalité que l’Assemblée nationale avait consacrée, de déclarer que tous les citoyens indistinctement participeraient à cette charge publique. M. le baron de Menou propose ensuite un projet de décret qui est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale ayant , par ses précé-« dents décrets , ordonné l’égale répartition de « toutes les charges publiques, déclare que tous « les citoyens , saüs exception, sont et devront « être soumis au logement des gens de guerre , « jusqu’à ce qu’il ai tété pourvu à un nouvel ordre « de choses. » L’ordre du jour appelle ensuite le rapport de l’affaire de Marseille. M. l’abbé Maury, rapporteur, monte à la tribune. M. Blin. Je demande que M. le Président annoncela censure prononcée hier contre M. l’abbé Maury et que ce dernier descende à la barre pour y faire son rapport. M. le Président allait mettre cette proposition aux voix lorsque les membres siégeant à droite ont tous crié qu’il excédait ses pouvoirs et queM. l’abbé Maury ne devait pas descendre de la tribune. — Beaucoup se sont levés et se sont répandus avec emportement au milieu de la salle. M. l’abbé Maury a voulu parler. Les membres siégeant à gauche ont crié qu’il ne serait entendu qu’à la barre. (L’Assemblée est dans un grand tumulte pendant plus d’un quart d’heure), M. le Président ayant obtenu un moment de silence dit qu’il va lire le décret de censure. Un membre du côté droit dit que la censure est insérée au procès-verbal et que la chose est faite. M. l’abbé Maury qui est resté à la tribune, avec un grand calme, demande par l’organe de M. Lavie, que lecture lui soit faite de son décret. M. le Président demande à l’Assemblée s’il fera cette lecture; l’affirmative est décidée et elle a lieu au milieu d’un désordre général. L’Assemblée étant devenue plus calme, M. l’abbé Maury fait son rapport ainsi qu'il suit : M. L’abbé Manry lit le rapport sur laprocédure prévôtale de Marseille (1). Messieurs, des insurrections populaires, troublèrent fréquemment la tranquillité de la ville de Marseille, durant le cours de l’année dernière ; elles s’y renouvelèrent quatre fois, depuis le 23 mars jusqu’au 8 du mois de décembre. Une déclaration de Sa Majesté attribua au parlement d’Aix la connaissance immédiate des troubles qui avaient agité cette ville et une partie de la Provence. S’il faut en croire M. le comte de Mirabeau, « la Provence se soumit à (1) Le rapport de M. l’abbé Maury n’a pas inséré au Moniteur. « cette loi de sang ; mais Marseille, qui, dans les « assemblées primaires, s’était élevée contre le « parlement de Provence, contre l’intendant qui « présidait cette cour; Marseille, où le parlement <« désignait déjà ses victimes parmi les chefs de « cette milice qui défendait le peuple, et que le « peuple défendait à son tour ; Marseille, dont la « seule émotion populaire avait eu pour cause « une juste vengeance contre ses oppresseurs; « Marseille contesta l’attribution du parlement, « qui demandait une année pour entrer dans » Marseille par la brèche, comme un roi méconnu, « mais vainqueur, punit des sujets rebelles. Eh ! « qu’importait, en effet, que Marseille fût dé-« truite, si le parlement était vainqueur ? » M. le comte de Garaman, commandant pour le Roi en Provence, fut envoyé à Marseille, avec quelques régiments pour y rétablir la tranquillité. Les troubles recommencèrent le 23 du mois de juillet, et la consternation des bons citoyens fut d’autant plus générale, que la sédition s’était déjà signalée par les meurtres, par le pillage et par un incendie ; mais avant cette époque mémorable du 23 juillet, le parlement d’Aix, avait manifesté des sentiments d’humanité fort différents des projets sanguinaires que lui impute, sans pudeur, M. de Mirabeau. Ce fut, en effet, sur la demande expresse de cette compagnie que le Roi fit expédier des lettres d’amnistie générale, le premier du mois d’aoùt. Le Roi rappelle d’abord, dans cet acte solennel de clémence, qu’il avait accordé, le 16 avril précédent, des lettres-patentes par lesquelles, il attribuait à sa Cour du parlement d’Aix, la suite et le jugement, en première et dernière instance, de toutes les procédures qui auraient lieu relativement aux émotions populaires de la Provence. « Mais à peine l’instruction fut-elle commencée, « dit le Roi dans les lettres d’amnistie, que notre « parlement nous fit connaître combien ce dou-« loureux ministère répugnait à son cœur, et « combien il désirait d’arriver au moment où il « pourrait, en se livrant à son penchant naturel, « solliciter lui-même une amnistie générale; et « le 23 juillet, il a pris un arrêlépar lequel, après « l’exécution de quelques condamnations inévi-« tablement nécessaires au maintien de Tordre, « il nous supplie d’accorder des lettres de pardon « général, et délibère de surseoir à toute exécu-« tien, et même à toute instruction ultérieure, » jusqu’à ce que nous ayons pu lui faire connaî-« tre notre volonté. » M. le comte de Mirabeau conciliera difficilement cet honorable témoignage que Sa Majesté a rendu aux dispositions pacifiques de son parlement d’Aix, « dès le commencement de l’instruction », avec le projet qu’il ose imputer à ces vertueux magistrats, d’avoir voulu entrer dans Marseille par la brèche. Les lettres d’amnistie furent enregistrées au parlement d’Àix, le 11 du mois d’août 1789 ; mais a clémence du souverain, si noblement sollicitée par les ministres des lois, n’ayant pu étouffer tous les germes de la sédition que les ennemis du bien public ne cessaient de répandre à Marseille, il fallut recourir aux poursuites juridiques, pour protéger plus efficacement la tranquillité des citoyens. Les communes de Provence s’adressèrent, le 22 du mois d’août, à M, le comte de Garaman, pour obtenir, par son intervention, l’activité du prévôt général de la maréchaussée. Les maires et échevins écrivirent, le 23 du mois d’août, à M. le garde des sceaux et à M. le comte de Saint-Priest, pour demander, disent-ils dans