330 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1791.] de l’avis du comité diront oui. Ceux qui sont d’un avis contraire diront non. (L’appel nominal a lieu.) Le résultat du vote donne 271 voix pour le projet de décret du comité et 286 voix contre. En conséquence, le projet de décret du comité est rejeté et l’Assemblée adopte le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le compte que son comité des rapports Jui a rendu de l’état de la procédure criminelle instruite devant les juges du tribunal de Saint-Germain-en-Laye, a décrété qu’il n’y avait pas lieu à accusation contre le cardinal de La Rochefoucauld. » La séance est levée à minuit. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE BEAUIIARNAIS. Séance du dimanche 19 juin 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Dauchy occupe Je fauteuil de la présidence. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 17 courant. Un autre de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du samedi 18 au matin. (Ges procès-verbaux sont adoptés.) M. Treilhard. Messieurs, j’ai demandé la parole pour proposer à l’ Assemblée une disposition qui me paraît instante pour conserver la tranquillité publique. J’applaudis au décret que vous avez rendu hier, relativement à M. le cardinal de La Rochefoucauld (2); il est fondé sur des circonstances qui ont dû faire impression sur beaucoup de membres de cette Assemblée. Mais l’intention de ceux qui l’ont rendu serait cruellement trompée si on pouvait en induire que le vœu de l’Assemblée est que les fonctionnaires remplacés peuvent toujours continuer leurs fonctions. Il est nécessaire de prévenir l’abus qu’on pourrait faire de ce décret par une interprétation contraire à l’esprit qui l’a dicté. Je demande, en conséquence, afin qu’il ne reste plus aucun doute à cet égard, que vous vouliez bien expliquer l’intention expresse de l’exécution du décret du 27 novembre dernier et ordonner que les accusateurs publics sont tenus, sous peine de forfaiture et de destitution, de poursuivre tous ceux des anciens fonctionnaires publics ecclésiastiques qui, depuis leur remplacement, auraient continué ou continueraient les mêmes fonctions publiques, et de requérir contre eux l’exécution des décrets de l’Assemblée. (Murmures à droite; applaudissements à gauche.) M. Gonpil-Préfeln. J’appuie la motion de M. Treilhard et j’observe que le motif principal de votre décret d’hier, c’est qu’il n’a pas été prouvé, qu’il n’a pas même été allégué queM. le (l) Cette séance est incomplète au Moniteur. (2) Voy. ci-dessus, séance du 18 juin 1791, au soir, p. 330. cardinal de La Rochefoucauld ait eu connaissance de l’installation de son successeur à Versailles, alors qu’il a écrit ses lettres. M. de liachèze. Je ne m’oppose pas à ce que vous rendiez un décret qui charge les accusateurs publics de poursuivre les ci-devant fonctionnaires publics qui troubleront l’ordre public; mais je vous supplie de ne pas vous mettre en contradiction avec vous-mêmes. Il existe un de vos décrets confirmatifs d’un arrêté du département de Paris, qui porte que les personnes qui ne reconnaîtront pas les nouveaux fonctionnaires publics, pourront, pour leur usage particulier, recourir à d’anciens fonctionnaires, en ne troublant pas l’ordre public. A gauche : Ce n’est pas cela ! M. de Lachèze. Si l’on peut abuser du décret dans les termes qu’on vous propose, il faut déterminer les fonctions publiques. Aux termes de vos décrets, le culte doit être public; tout le monde peut y aller... A gauche : Il n’est pas question de cela! M. de Laclièze. Pardonnez-moi. ( Murmures à gauche. — Aux voix ! aux voix !) Les murmures n’éclaircissent pas la question. Je demande qu’en adoptant la motion de M. Treilhard, vous exceptiez nommément les personnes qui rempliront les fonctions dans les églises qu’elles pourront avoir aux termes de votre décret confirmatif de celui rendu relativement au département de Paris. M. d’André. Monsieur le Président, il me paraît que le préopinant ne connaît pas bien lui-même les décrets dont il veut appuyer son opinion ; car, par ces décrets, il est très bien spécifié quelles sont les fonctions publiques et quelles sont les fonctions purement de culte qu’il est permis aux prêtres non conformistes d’exercer. Nous n’avons donc pas besoin d’expliquer de nouveau ce que nos lois expliquent de la manière la plus claire. Je demande donc la question préalable sur l’amendement de M. de Lachèze et qu’on aille aux voix sur le projet de décret de M. Treilhard. A gauche : Aux voix! aux voix! M. de Airieu. Monsieur le Président, je demande la parole. A gauche : La discussion fermée ! M. de Airïeu. Je demande, Messieurs... A gauche : Aux voix ! aux voix, le décret ! ... Je demande que la vivacité avec laquelle on veut faire délibérer sur une question aussi importante ( Murmures à gauche.). . . je demande que cela ne soit pas délibéré dans le tumulte. Je demande que les décrets que M. d’André prétend être si clairs soient rapportés ou relus. A gauche : La discussion fermée ! Les murmures ne sont pas des raisons, c’est la raison de ceux qui n’en ont pas. M. Gombert. Ils en ont plus que vous. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1791.] M. de Yirieu. Je demande que les décrets soient relus, parce que, s’ils sont clairs, je n’y répondrai pas. Mais comme je ne connais pas l’énoncé si précis dont M. d’André nous a parlé, si vous adoptez la proposition de M. Treilhard, vous ouvrez la porte aux persécutions... M. Goinbert, Et vous, vous ouvrez la porte au désordre. M. Prieur. Je demande que la discussion soit fermée. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. le Président Je mets aux voix l’amendement de M. de Laclièze. A droite : Point de voix ! A gauche : Non ! non ! (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement de M. de Lachèze.) M. de Yirieu. Je demande le renvoi de la motion de M. Treilhard au comité ecclésiastique. M. lioys. J’appuie la demande de renvoi. A gauche : La question préalable sur le renvoi. (L’Assemblée décrète qu’il u’y a pas lieu à délibérer sur le renvoi au comité.) M. Boussion. Je demande que les fonctionnaires qui ont prêté serment et qui se seraient rétractés ou se rétracteraient à l’avenir, ne jouissent pas des traitements accordés par les décrets. (Murmures.) M. le Président. Monsieur Treilhard, veuillez rappeler votre proposition. M. Treilhard. Ma proposition ne tend qu'à faire exécuter les décrets de l’Assemblée, dont nous devons tous désirer l’entière exécution. La voici : « L’Assemblée nationale décrète que les accusateurs publics seront tenus, sous peine de forfaiture et de destitution, de poursuivre tous ceux des anciens fonctionnaires publics ecclésiastiques qui, depuis leur remplacement, auraient continué ou continueraient les mêmes fonctions publiques, et de requérir contre eux l'exécution des décrets des 27 novembre et 4 avril derniers. » A droite : Point de voix! (L’Assemblée décrète la motion de M. Treilhard.) M. Chahroud. Je demande qu’on mette aux voix la proposition de M. Boussion. Vous avez fait des lois; il faut pourvoir à leur exécution. Il est certain qu’on fait de très grands efforts pour renverser la constitution civile du clergé et semer la discorde ; il est certain que ces efforts ne sont pas sans effet ; il est certain que rien n’est plus dangereux, que rien n’est plus propre à égaler le peuple que ces rétractations que l’on trouve le moyen de taire faire à des fonctionnaires publics. C’est clans ce sens-là que j’appuie la motion de M. Boussion, parce que je ne pense pas que la nation doive continuer de payer ceux -qui se 331 déclareraient d’un parti opposé à ses intérêts. ( Applaudissements .) M. Legrand. J’appuie la motion de M. Boussion. Messieurs, il faut faire une très grande différence entre un prêtre ci-devant fonctionnaire public qui n’a pas prêté le serment, et le prêtre qui, l'ayant prêté, se rétracte. Le premier est censé n’avoir fait autre chose que le refus de son serment, que d’avoir renoncé à une fonction publique, et, sous ce point de vue là, il méritait de votre part quelque traitement; mais le prêtre qui, ayant prêté son serment, devient parjure et se rétracte, ne mérite aucun traitement. Je vous prie donc de considérer cette distinction, qui est dans les principes de la justice et de la morale, et de décréter la motion de M. Boussion. M. Millet de Mur eau. La motion qui vient d’être faite est de toute justice, mais elle est assez importante pour mériter qu’on y donne au moins quelque réflexion, parce que vous ne pouvez pas comprendre dans ce décret les fonctionnaires publics et ceux qui ne le sont pas. En conséquence, il serait prudent et plus sage de renvoyer cette motion au comité ecclésiastique. A gauche : Non ! non! M. Prieur. Il ne peut pas y avoir lieu au renvoi au comité sur une question aussi simple et aussi précise. Que propose-t-on? Que la nation ne donne pas des honoraires à des hommes qui, après avoir fait le serment de fonctionnaires publics, c’est-à-dire après avoir contracté l’obligation de la servir en cette qualité, déclarent aujourd’hui qu’ils ne le veulent plus. Eh bien ! ceux qui tiennent ce langage ne méritent aucun traitement de la nation; ils s’engagent dans l’armée des contre-révolutionnaires ; c’est à elle à les solder, et non à la nation. Je demande donc la question préalable sur le renvoi au comité et que l’on mette aux voix la motion princi pale qui est de toute j ustice. (. Applaudissements à gauche.) Un membre : Je demande, comme le préopinant, la question préalable sur le renvoi au comité ecclésiastique. Je déclare à l’Assemblée que les comités diplomatique, militaire, des rapports et des recherches, réunis, ont examiné la proposition qui vous est faite, et qu’on a différé de vous la présenter, parce que ces comités ont trouvé des difficultés dans les dispositions purement militaires concernant les derniers décrets que vous avez rendus soit pour M. de Gondé, soit pour l’armée. On a trouvé, dis-je, qu’il y aurait quelque chose de disparate à vous présenter là-dessus une mesure particulière; mais j’ai l’honneur d’assurer à l’Assemblée que les comités se sont occupés de cette proposition : moi-même je l’ai faite aux comités et ils sont tombés d’accord qu’ils la présenteraient en forme de loi générale. L’occasion est arrivée. On ne peut pas trop tôt prendre cette mesure efficace, et tout est perdu si vous ne la prenez pas. M. Millet de Murean. M. Prieur ne m’a pas entendu, ou ne m’a pas compris, car j’ai commencé par dire que cette motion pouvait être de toute justice, mais que vuus ne pouviez pas... (Murmures.) .....