[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juillet 1791.] Art. 5. « Les comptables d’objets antérieurs au premier janvier 1791, et dont les recettes et dépenses sont fixes, pourront réunir en un seul compte les exercices de plusieurs années, et porter en un même article la somme d’une même recette ou d’un même payement, qui a eu lieu pendant les années qu’embrasse le compte. » (Adopté.) Art. 6. « Une sera rien innové à la forme des comptes déjà présentés. »( Adopté .) M. le Président. Je viens de recevoir une lettre de M. d'Hodicq , député du département du Pas-de-Calais , ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Lorsqu’après 25 mois de séance assidue, ma santé m’a forcé de venir prendre du repos chez moi, j'espérais que 6 semaines ou 2 mois suffiraient pour la rétablir un peu. Mais j’éprouve que 50 ans de services dont 12 campagnes de guerre laissent après eux des infirmités que l’art adoucit quelquefois, mais ne détruit jamais. « Quoi qu’il en soit, Monsieur le Président, si l’Assemblée exige ou même désire que je me rende à Paris dans l’état où je me trouve, elle peut me donner ses ordres et je m’y conformerai. Ils me seront inutiles dès que je croirai pouvoir assister à ses délibérations. « Je suis, etc. « Signé: Hodicq, maréchal de camp, député du département du Pas-de-Calais. » M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain. Un membre demande que les articles proposés par le comité de Constitution pour le Code de police municipale et de police correctionnelle (1) soient mis à cet ordre du jour. (Cette motion est adoptée.) M. Goudard, au nom du comité d’ agriculture et de commerce , présente un projet de décret relatif aux entrepreneurs de la manufacture de Charleville et des forges de Marienbourg et du Haut-Marteau , et à l’exportation de toute espèce de bois par la rivière de Sarre. Ce projet de décret est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les entrepreneurs de la manufacture de Char-leville pourront extraire dans la présente année, en exemption de tous droits, de la minedeSaint-Pancré et de Sapogue, pour les forges de Berchiwé, Ja quantité de 1,800 voitures de mine lavée, et 400 bannes de charbon de bois, à la charge de rapporter desdites forges à Charleville 600 milliers pesant de fer, et d’acquitter sur lesdits fers les droits d’entrée du nouveau tarif, Art. 2. >< Les entrepreneurs des forges de Mariembourg et du Haut-Marteau, situées dans le canton du même nom, continueront d’avoir la faculté de tirer du royaume, en exemption de droits, les (I) Voy. ci-après ce document aux annexes de la séanee, page 720. 711 bois et charbons dont ils auront besoin pour l’aliment desdites forges; les quantités de ces bois et charbons seront fixées par le directoire du département Art. 3. « La permission d’exporter du rovaume toute espèce de bois par la rivière de Sarre, continuera à avoir lieu pendant deux années, eu payant sur lesdits bois au bureau de Sarguemines, ou à tout autre premier bureau de la route, un droit de 5 0/0 de la valeur. » (Ce décret est adopté.) M. Lanjtiinais fait lecture d’une adresse des citoyens de la ville de Rennes , ainsi conçue: « Messieurs, « Vous arriviez au terme de vos travaux, et nous allions recueillir les fruits de notre persévérance. Le fanadsma démasqué n’inspirait plus que le mépris et l’horreur. L’aristocratie semblait avoir perdu jusqu’à ses espérances. Nous allions voir renaître la comorde et la prospérité. Une nouvelle désolante! Les monstres qui entourent le trône ont séparé le père de ses enfants ! Messieurs, cette nouvelle a du nous surprendre, mais elle n’a rien ôté à noire courage : nous sommes et seront toujours les habitants de cette cité gé-néreu-e qui a hâté et secondé de tout son pouvoir les progrès de la Révolution. « Les corps administratifs réunis ont pris les mesures que commande l'urgence des circonstances. Ils justifieront notre confiance et la vôtre. Ici tous les bras sont armés pour exécuter sans délai les ordres émanés des dépositaires de la loi. « Notre brave garnison, qui, peut-être la première, entendit la voix de la patrie, qui, vainement calomniée, a forcé les calomniateurs au silence, comme elle saura repousser les agresseurs et dompter les rebelles, a resserré, s’il était possible, les liens qui nous unissaient. « Le commandant de la 13° division, les chefs et officiers de tous les corps militaires ont souscrit, sans balancer, rengagement d’honneur ordonné par votre dernier décret. « Les drapeaux confondus de la garnison et de la garde nationale reposent ensemble sur l’autel de la patrie jusqu’à l’instant où ils devront être déployés de concert pour la défense de la liberté. « Le nombre des volontaires inscrits, excède considérablement celui que vous avez déterminé; et si la défense intérieure n’exigeait pas toute notre surveillance, vous pourriez disposer de tous ceux qui sont en état de porter les armes et de marcher sur les frontières. « La garde nationale redouble ses exercices. Elle veut que sa discipline égale son dévouement; et alors, quels satellites du despotisme oseront la combattre ? « Tous les citoyens amis de la Constitution ont unanimement renouvelé le serment civique. « Législateurs, voilà ce que nous avons déjà fait. Ordonnez, et vous serez obéis. Nous nous reposons sur votre fermeté et sur votre sagesse ; c’est à vous d’achever votre ouvrage et de sauver la patrie. « Si les rois arment contre nous les nations aveugles qu’ils gouvernent, vous leur opposerez un peuple libre, et qui plus d’une fois les a vaincus, lorsqu’il avait et moins de forces et moins d’énergie. « Deux faibles Républiques dissipèrent les millions d’hommes que le tyran d’Asie traînait à sa 712 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juillet 1791. J suite. Rome naissante triompha de Porsenna. Tous les efforts de la maison d’Autriche échouèrent contre les agriculteurs de l’Helvétie et contre un petit nombre de Hollandais; plus récemment encore l’Amérique a donné un grand exemple à l’univers. Combien les ressources et la population de la France l’emportent sur celles des contrées estimables que leur courage délivra de la servitude! Non, la France ne peut être subjuguée. « Vous direz au roi qui nous abandonne; Monarque infortuné, vous que nous chérissions, vous que nous avions proclamé Restaurateur de la liberté française , nos ennemis communs ont donc pu vous surprendre! Réfléchissez et voyez comme ils vous trompent; considérez toute la profondeur de l’abîme dans lequel ils vous précipitent; frémissez de tous les maux que votre démarche peut occasionner. Encore un instant, et vous vous déclariez l’ennemi de votre patrie; votre nom sera inscrit pour la postérité sur la liste des tyrans parricides! Encore un instant, et vous nous” déliez de nos serments, parce que vous aurez violé les vôtres... Entourez-vous des armées que l’on prépare et vos satellites éprouveront ce que peuvent la constance et le dést spoir. Si les rois vous secondent, nous aurons pour nous le ciel, la justice de notre cause, les peuples qui connaissent leurs droits et leurs devoirs, notre union et notre courage. La Constitution est inébranlable, parce qu’elle repose sur les principes éternels de la raison et de la vérité. Pour la renverser, il faudrait faire de la France entière un vaste tombeau; et si vous réussissiez, que vous resterait-il de vos succès déshonorants? Des ruines, un désert habité par quelques hommes avilis. Car, nous qui préférons la mort à l'esclavage, s’il faut périr en défendant la patrie, nous mourrons libres, glorieux et vengés. (Applaudissements.) « Nous sommes avec respect, Messieurs, « Les citoyens, habitants de la ville de Rennes, au nombre d’environ 1,500. » Rennes, 23 juin 1791. (L’Assemblée décrète l'impression de cette adresse et son insertion dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture d’une adresse des citoyens de la Flotte, île de Ré, ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Quelle affreuse nouvelle traverse la mer qui nous environne, et vient nous frapper d’épouvante et d’effroi ! Le roi enlevé. . . le roi parti de Paris... ! Et où va-t-il, s’écrient les vieillards, les femmes, les enfants... ? Il régnait sur des hommes libres ;il va chez des tyrans armer leurs satellites et préparer les fers dont il veut nous charger! Bientôt, sans doute il osera, il voudra devenir l’oppresseur du peuple qui l’aimait et dont il eût pu être le père ! Prince trop faible, vois l’abîme creusé sous les pas par les mains qui te sont les plus chères! Vois les Français, témoins de tes serments, victimes de tes parjures, te reprocher leur amour et ton ingratitude ! Vois, vois les courir de toutes parts se ranger sous les drapeaux de la liberté, opposer à tes lâchas soutiens la haineimplacabledelatyrannie etl’éner-gie du patriotisme! « Législateurs, pères de la patrie, le destin de la France est confié à vos mains; les lois sont votre égide, les Français sont pour vous; et la rage impuissante de nos ennemis ne pourra résister à l’effort de nos bras. « La France est en armes, le cri de vivre libre ou mourir retentit de toutes parts, et l’écho du patriotisme l’a déjà porté aux extrémités de l’Empire. « Représentants de la nation, vous qui, dans la criseviolente, réunissez tous les pouvoirs suprê-mej, dont le roi n’était que le premier agent, soyez inébranlables, montrez dans le danger qui menace l’Etat, ce courage intrépide et réfléchi qui vous fit faire le serment au Jeu de Paume. « Voilà votre tâche. . . La nôtre, c’est de mourir pour vous défendre. « Les citoyens, amis de la Constitution de La Flotte (lie de Ré). Signé: J. Viellon-Durand, Henry l’aîné, Pageoin, Sorin, Lavertu fils, J. Guyon, J. Sibille, Gorini François, Dupont, P. Durand l’aîné, Hibrü, Dornet, B. Masseau, Pizan, Coursolle, Gicatean, P. Valleau, D<-ché-zeau, Aveau, Grelami aîné, S ephan, Michel Porsain, Couisolle, Charles Villeneau. « La Flotte (Ile de Réj, le 24 juin 1791. " (L’Assemblée décrète l’impression de cette adresse et son insertion dans le procès-verbal.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 4 JUILLET 1791. PROJET DE décret pour parvenir à l'audition de tous les comptes à rendre jusqu au 1 er janvier 1791 inclusivement ( arriéré de la comptabilité), présenté, au nom du comité central de liquidation, par M. Briols-Beaunietx , député du département du Pas-de-Calais (1). — (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Titre Ier. DE LA SUPPRESSION DES CHAMBRES DES COMPTES. Art. 1er. A compter du jour de la publication et de la notification du présent décret aux chambres des comptes du royaume, supprimées par le décret du 2 septembre 1790, elles cesseront toutes fonctions. Art. 2. A compter du même jour, les offices de procureurs postulants et les autres offices ministériels près lesdites chambres des comptes seront supprimés. Art. 3. Aussitôt que le présent décret sera parvenu aux directoires de déparlements, ils le feront notifier aux chambres des comptes situées dans l’étendue de leur département; et dans le jour, les directoires des départements feront procéder par detix de leurs membres, assistés du procureur général syndic du département, à l’apposition des scellés sur les greffes, dépôts et archives desdites chambres des comptes, ainsi que sur leur mobilier. (1) Ce projet de décret fait suite au rapport de M. Briois-Beaumetz sur l’arriéré de la comptabilité. — Voir Archives parlementaires, t. XXVI, séance du 25 mai 1791, page 437.