744 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1791.1 M. Brlols-Beanmetz, rapporteur. Voici d’abord l’article présenté hier par M. Démeunier : Art. 1er. « Les décrets du Corps législatif concernant l’établissement, la prorogation et la perception des contributions publiques, porteront le nom et l’intitulé de lois, et seront promulgués et exécutés sans être sujets à la sanction ; le Corps législatif ne pourra insérer dans ces décrets aucune disposition étrangère à leur objet. » (Adopté.) Art. 2. « Les décrets relatifs aux contributions ne pourront, en aucun cas, être rendus qu’après les trois discussions, et dans les délais prescrits par les articles 4, 5, 6, 7, 8, de la section II, chapitre 3. » (Adopté.) M. de La Rochefoucauld. Je demande que, par addition à l’article 2, il soit dit que les projets de décrets relatifs aux contributions publiques seront imprimés après la première lecture. M. Dauchy. Je crois que cette disposition est très utile, mais je ne crois pas que ce soit uniquement aux projets de décret concernant l’impôt qu’elle doit être appliquée, mais à tous les projets de décret qui seront présentés de quelque nature qu’ils soient. M. Fréteau-Saint-Just. Je demande à étendre l’observation à un article qui se rapporte aux contributions. Si quelque chose peut nous sauver des abus dans lesquels l’administration était tombée, c’est la publicité. Je demande donc que les états des dépenses, les états de produit des contributions, en un mot, tous les éléments des délibérations qui seront prises dans chaque législature sur la matière de l’impôt, soient imprimés au commencement de chaque législature, afin que les citoyens puissent les connaître avant et que ceux qui ont des lumières sur chaque partie puissent les communiquer au Corps législatif. M. Briois-Beaumetz, rapporteur. J'adopte l’addition proposée par M. de La Rochefoucauld, avec l’extension qui lui a été donnée par M. Dauchy, et je prie M. le Président de la mettre aux voix dans les termes suivants : <* Les projets de décret seront imprimés et distribués après la première lecture. » (Cette disposition est mise aux voix et adoptée.) M. Briois-Beaumetz, rapporteur. En ce qui concerne la disposition proposée par M. Fréteau, je l’adopte. J’observerai toutefois que ce n’est pas parmi les articles qui nous occupe actuellement qu’elle doit prendre place. Je prie donc M. le Président de la mettre aux voix et les comités la classeront dans le travail général, selon l’ordre des matières. (Marques d'assentiment.) Voici comme je rédige cette disposition : « Les comptes détaillés de la dépense des départements de la guerre, de la marine et autres, signés et certifiés par des ministres ou ordonnateurs généraux, seront rendus publics par la voie de l’impression au commencement des sessions de chaque législature. « Il en sera de même des états de recette des divers impôts, et de tous les revenus publics. « Les états de ces dépenses et recettes seront distingués, suivant leur nature, et exprimeront les sommes touchées et dépensées, année par année, dans chaque district. « Les dépenses particulières à chaque département, et relatives aux tribunaux, aux corps administratifs sans exception, et autres établissements, seront également rendues publiques. » (Cette disposition est adoptée et renvoyée aux comités pour être classée.) M. Briois-Beaumetz, rapporteur. Avant de passer à la discussion du troisième article, je dois rendre compte des motifs qui ont présidé à sa rédaction. 11 a paru à vos comités que les lois d’impôts pouvaient être sanctionnées par des lois coercitives de deux sortes : les unes coercitives pécuniaires, les autres sont des peines qui s’appliquent à la perception. Quant à la coercition purement pécuniaire, il vous a semblé que cette sorte de contrainte ôtait une partie intégrante de l’impôt, qu’elle pouvait être considérée comme l'impôt lui-même, ou comme la restitution des sommes auxquelles était condamné celui qui avait fraudé l’impôt. Nous avons pensé qu’il devait en être de ce genre de coercition, comme de l’impôt, c’est-à-dire que la sanction ue lui était pas plus nécessaire qu’à l’impôt. La nécessité de faire payer l’impôt peut entraîner quelquefois des peines* coercitives plus fortes, des peines qui s’attachent à la personne ; et dans une loi de ce genre, l’impôt n’est plus l’objet principal, c’est la peine. Si, pour pousser l’exemple à l’extrême et le faire sentir par une application, s’il était possible, ce que l’humanité de nos rois nous fait espérer, ne devoir jamais arriver, s’il était possible qu’une législation fut obligée d’établir, pour la perception de l’impôt, des peines afflictives corporelles ou des détentions, telles que les galères, les chaînes, ou même, comme notre ancien code fiscal barbare, la peine de mort; vous sentez, Messieurs, que dans cette lui, la gravité de la peine, son action sur la personne, ferait disparaître en quelque sorte la fiscalité de la loi ; telles sont les contraintes par corps qui attaquent la liberté. Il n’y a rien de plus précieux aux citoyens que la liberté. Et certes, une loi qui arrive jusqu’à contraindre la personne, jusqu’à exposer la liberté individuelle, cette loi n’est pas purement fiscale, elle rentre dans la partie législative. La liberté y est l’objet principal, la fiscalité n’en est que l’accessoire, et elle doit être alors soumise à toutes les formalités que vous avez décrétées pour l’exécution des lois. Nous avons pensé, de même que, lorsqu’il s’agissait de la nullité d’un acte, cela étant encore assez pénal pour qu’on dût y employer les formes ordinaires de la législation. En effet, si dans la procédure civile ordinaire vous regardez que la prononciation de la nullité d’un acte est une disposition de la loi des plus essentielles et des plus délicates, pourquoi n’en serait-il pas ainsi lorsque c’est une disposition fiscale qui amende un acte et qui porte à la liberté des citoyens, sur leur propriété, une atteinte très grave et très importante? Et ce qui serait l’objet d’un article mûrement délibéré dans le code civil, ne peut pas être considéré comme une simple disposition fiscale dans un code de lois destinées à la seule perception des impôts. C’est sur ces motifs, Messieurs, que nous nous sommes déterminés à ré- | Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1791.] 745 diger, de concert avec le comité des contributions publiques, l’article que voici : « Quant aux dispositions relatives à la perception des contributions, qui établiraient des peines contre les personnes, la contrainte par corps ou la nullité des actes, elles ne pourront être exécutées sans être revêtues de la sanction. » M. Castellanet. Il me semble que l’Assemblée qui a écarté toutes dispositions qui tendaient à des contraintes personnelles, à quelques voies de fait, ou à quelque exécution contre les personnes, ne doit pas, dans un article constitutionnel, laisser présumer uu’il serait-possible que les législatures prochaines pussent avoir d’autres intentions que celles de l’Assemblée actuelle, et laisser entrevoir que, pour les contributions directes, on peut contraindre les personnes. Messieurs, les contributions sont directes ou indirectes ; si elles sont directes, la propriété sur laquelle l’imposition peut se percevoir répond du paiement de l’imposition ; si elles sont indirectes, ie receveur ne peut se dessaisir de la marchandise. Ainsi, dans l’un comme dans l’autre cas, je crois qu’il est impolitique et inconstitutionnel de mettre dans l’article que les législatures prochaines pourront infliger des peines personnelles contre ceux qui n’auraient pas payé leurs impositions. Je demande donc le retranchement de cette disposition, et, en outre, que l’article soit conçu dans des termes génériques. M. de La Rochefoucauld. Je suis persuadé que la nation, allant toujours en s’éclairant, perfectionnera successivement son mode d’imposition. Mais il est possible que cette marche soit lente. Il est possible que l’on produise des modes de perception extrêmement durs, extrêmement contraires à la liberté. Alors, non seulement je ne vois aucun inconvénient, mais je vuis, au contraire, de grands avantages, et pour la chose publique et pour la liberté individuelle des citoyens, que de pareils impôts soient difficiles à établir. Je ne pense pas, d’ailleurs, que vous puissiez ni que vous deviez établir constitutionnellement la contrainte par corps. C’est une très grande question de savoir si elle devra subsister, et, dans ce cas, jusqu’où elle devra s’étendre. Messieurs, je distingue les peines attachées au non-payement des impositions, je les distingue en deux classes très séparées : les peines pécuniaires, qui sont de la même nature que la contribution, qui en font partie; et celles-là, je demande qu’elles puissent être prononcées sans être soumises à la sanction. Mais, toute autre peine qui attaquerait la liberté individuelle des citoyens, c’est-à-dire les peines afflictives, doivent être sanctionnées pour être mises à exécution. Je demande donc que l’Assemblée décrète que les dispositions relatives à la perception des contributions, qui établiraient des peines afflictives, soient soumises à la sanction. M. Briois-Beaumetz, rapporteur. Nous adoptons l’amendement; voici la rédaction de l’article modifié : Art. 3. « Quant aux dispositions relatives à la perception des contributions, qui établiraient des peines autres que des peines pécuniaires, elles ne pourront être exécutées sans être revêtues de la sanction. » (Adopté.) M. Treilhard. Entendez-vous que ce soit la totalité du décret ou seulement la peine qui soit soumise à la sanction? M. Duport. La peine seulement. Plusieurs membres : Très bien ! M. Démeunîer , rapporteur des comités de Constitution et de révision (en l’absence de M. Thou-ret ). Nous passons, Messieurs, à l’article relatif aux corps administratifs ; cet article a été ajourné sur la demande du comité des contributions publiques qui s’est réuni, depuis, aux deux comités de Constitution et de révision pour y faire l'addition que nous avons insérée dans le commencement. Voici l’article que nous proposons : Sur les corps administratifs. « Les administrateurs répartiront les contributions directes, et surveilleront les deniers provenant de toutes les contributions et revenus publics, dans leur territoire. Il appartient au pouvoir législatif de déterminer les règles et le mode de leurs fonctions, tant sur les objets ci-dessus exprimés, que sur toutes les autres parties de l’administration intérieure. » Un membre propose, par amendement, de dire : « Les administrateurs sont essentiellement chargés de répartir les contributions directes et de surveiller, etc. » M. Démeunier, rapporteur. J’adopte l’amendement ; voici l’article modifié : « Les administrateurs sont essentiellement chargés de répartir les contributions directes, et de surveiller les deniers provenant de toutes les contributions et revenus publics dans leur territoire. Il appartient au pouvoir législatif de déterminer les règles et le mode de leurs fonctions, tant sur les objets ci-dessus exprimés, que sur toutes les autres parties de l’administration intérieure. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Nous passons aux articles qui concernent le pouvoir judiciaire : Voici l’article : Sur le pouvoir judiciaire , Art. lor. « Le droit des citoyens, de terminer définitivement leurs contestations par la voie de l’arbitrage, ne pourra recevoir aucune atteinte par les actes du pouvoir législatif. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Voici le second article : « Les tribunaux ne pourront recevoir aucune action au civil, sans qu’il soit justifié que les parties ont comparu, ou que le demandeur a cité sa partie adverse devant des médiateurs, pour parvenir à une conciliation. » M. Le Bois-Desgnays. Je crois que cet article présente des idées très morales, mais l’expérience peut démontrer qu’il aura peut-être des inconvénients; qu’il sera susceptible de quelques modifications. Je crois donc qu’il serait bien dangereux d’en faire un article constitutionnel. Certainement