692 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PJ Ah ! que i’on ne se méprenne pointa cetteespèce de voix publique qui gronde aujourd’hui comme le tonnerre ; ce n’est point celle qui prononcera sur les lois, sur les vertus, sur les réputations de ce temps-ci ; ce n’est point par les adresses de quelques curés, de quelques officiers municipaux que la nation s’expliquera ; c’est d’après la situation morale, civile et politique de la France dans vingt ans. Les haines, les violences, les soupçons, les préventions injustes seront alors éteintes, et ceux qui s’en abstiennent aujourd’hui, ceux qui n’auront jamais à se reprocher d’avoir voué à l’exécration publique leurs concitoyens, ni d’avoir applaudi à un tel ex-voto , ceux-là ont au moins la consolation et la certitude d’adopter, dès à présent, les principes et les mœurs d’une nation heureuse et libre, c’est-à-dire juste et généreuse. M. Chabroud, secrétaire, reprend ensuite la lecture des adresses ainsi qu’il suit : Adresse des officiers municipaux et notables de Chaux lès-Clerval, département du Doubs en Franche-Comté; ils font soumission et offre à la nation de la somme de 30,0U0 liv. pour les biens du prieuré de Saint-Pierre, dans leurterritoire, et de 2,000 liv. pour un fonds du même prieuré ; ils engagent, pour sûreté de l’acquisition, non seulement tous les biens de la commune, mais la généralité des biens et propriétés individuelles de tous les habitants. Adresse de la municipalité de Saint-Cloud, portant dénonciation d’une délibération des prétendus catholiques de la ville d'Uzès. Adresse de la nouvelle municipalité et des citoyens de la ville de Château-Villain ; ils sollicitent un tribunal de district. Adresse de la garde nationale de Sainl-Lô, qui renouvelle le serment de défendre enverset contre tous, à la vie et à la mort, la nouvelle Constitution. Adresse des citoyens de Bordeaux , actionnaires de la caisse patriotique , qui présentent à l’Assemblée l’hommage de l’établissement d’une caisse où les porteurs d’assignats de 200 liv. et de 300 liv. pourront à tout instant les échanger contre de l’argent sans la moindre perte. L’Assemblée charge son président d'écrire pour exprimer sa satisfaction de cette adresse dontelle ordonne l’impression et qui est ainsi conçue : Messieurs, les citoyens de Bordeaux, actionnaires delà caisse patriotique, pénétrés de la plus vive reconnaissance pour les décrets émanés de votre sagesse, croient ne pouvoir mieux vous témoigner les sentiments d’admiration que leur inspirent toutes vos opérations, qu’en faisant tout ce qui dépend d’eux pour en faciliter le succès, et pour détruire lesfunesles insinuations que les ennemis du bien public ne cessent de répandre. Vous avez, par vos décrets des 16 et 17 avril dernier, concernant les dettes du clergé, les assignats et les revenus des domaines nationaux, adopté les seules mesures qui, dans les circonstances périlleuses où se trouvait l’Etat, pouvaient nous mettre à l’abri des plus terribles secousses. Le Trésor public étaitréduit à une situation déplorable, par une suite inévitable des abus de l’ancien régime ; et vous avez, autant qu’il était possible, non seulement suppléé aux besoins indispensables du moment et à la rareté du numéraire, mais encore vous avez secouru les créanciers de l’Etat, ranimé la circulation et la con-LEMENT AIRES. 121 mai 1190.] fiance qui fait la vie du commerce, et relevé les espérances des bons citoyens. Vous avez attaqué jusque dans sa source un agiotage corrupteur, et vous avez présenté la possibilité et l’espoir le mieux fondé de le détruire sans retour. Que de biens, Messieurs, n’a pas déjà produits cet acte de la puissance que la nation vous a conférée pour son bonheur et pour sa gloire! En vous priant d’accueillir favorablement l’assurance formelle que tout ce qui émane de votre auguste Assemblée sera toujours étayé de toutes nos ressources, nous vous prions, Messieurs, de vouloir bien aussi agréer l’hommage que nous vous faisons d’un établissement qu’un zèle ardent pour la chose publique nous a portés à former. Les coupables détracteurs de vos décrets répandaient dans Bordeaux, comme ailleurs, des bruits propres à effrayer le peuple. Sans cesse occupés de le séduire, ils lui disaient que les assignats feraient disparaître entièrement le numéraire ; que leurs denrées, leurs fournitures, ne seraient plus payées qu’en papier dont ils cherchaient à rendre la valeur suspecte. Nous avons pensé que le meilleur moyen de prévenir ou de détruire l’effet de ces propos insidieux, c’était d’établir une caisse, où, par le moyen d’une certaine somme en espèces, qui y serait versée par des souscriptions volontaires, les porteurs d’assignats de 200 et de 300 livres qui désireraient les échanger contre de l’argent, pourraient à tout instant faire cet échange sans la moindre perte. Nous ne nous attacherons pas à vous présenter les bons effets qui doivent, selon nous, résulter de cet établissement; mais nous croyons pouvoir vous assurer que ces effets seront tels que nos artisans, nos ouvriers, même les gens de la campagne, recevront dans peu en payement de leurs salaires ou de leurs fournitures, ces assignats avec plus de plaisir que des espèces ; et la raison en est bien simple : c’est qu’en gardant pendant quelque temps l'assignat, il leur laisse un bénéfice que l’argent ne saurait leur procurer. Nous n’avons pas cru devoir nous occuper de l’échange des assignats de 1,000 livres, parce que nous n'avons pas prévu la moindre difficulté à leur circulation, que déjà ils en ont une très active sur notre place, et qu’ils y font très avantageusement, pour les propriétaires, l’office de l’argent. Dans la confiance où sont les actionnaires de la caisse patriotique, d’avoir fait une chose utile, il ne manquera rien à leur satisfaction, si vous approuvez leur zèle. Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs, les souscripteurs à la caisse bordelaise, représentés par leurs commissaires soussignés : Camercarre, commissaire ; Gautier aîné, commissaire ; PLUCADEN, commissaire ; Janvier Delorthe, commissaire ; J . Bru-NAUJD, commissaire. Bordeaux, le 18 mai 1790. Nous avions cru devoir proposer aux bons citoyens des principales villes avec lesquelles Bordeaux est en relation, d’imiter notre exemple et de prendre les moyens les plus convenables pour faciliter la circulation des assignats; mais nous apprenons avec peine que plusieurs de ces villes, notamment Bayonne et Toulouse, n’ont point encore reçu les lettres patentes sur les décrets des