102 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE faire un inutile éloge, ne songeons qu’à suivre leur exemple. Il me reste, citoyens, quelque chose à dire sur les ennemis de l’intérieur, car c’est là spécialement la partie adverse de ceux des républicains qui n’habitent pas les camps. Avez-vous remarqué qu’ils ont pris eux-mêmes l’initiative de la joie, lorsqu’ils ont appris la conspiration et la chute de Robespierre ? Il n’est pas naturel cependant que les patriotes et les aristocrates se réjouissent du même sujet. Voyons donc si, toujours opposés jusqu’à ce moment, ils peuvent être d’accord aujourd’hui. Je considère pour un instant deux espèces d’hommes dans Robespierre et ses complices : des patriotes chauds en apparence, jusqu’à la découverte de leurs crimes, et des conspirateurs reconnus à la fin de leur carrière. Jusqu’alors ces grands coupables, ces odieux artisans du triumvirat (1), voulant dominer les 2 partis, s’étaient déclarés contre le plus foible, pour usurper la confiance du plus fort. De là les coups que leur politique avoit portés d’abord contre la coupable aristocratie, de là la haine qui s’en est naturellement suivie contr’eux de la part des aristocrates, d’où il résulte que cette classe en général n’ayant vu long-temps, comme nous-mêmes, que d’ardens patriotes dans Robespierre et autres conjurés, se réjouit de leur supplice à cause du mal qu’ils lui ont fait, au nom de la liberté outragée; tandis que par une raison contraire, nous nous réjouissons de leur terrible châtiment à cause du mal qu’ils vou-loient faire à la République, en dernier résultat. Ainsi et toujours la joie des aristocrates n’est qu’une haine liberticide ou une vindicte personnelle; l’amour de la patrie n’y entre pour rien, lorsque ce sentiment est pour tous dans l’alé-gresse comme dans la sollicitude des patriotes. Ce n’est pas tout : indépendamment de leur ressentiment particulier, peut-être dans leur folie, auront-ils cru entrevoir l’ébranlement de la Montagne dans la chute de quelques-uns de ses faux habitants. C’est comme si les gros seigneurs de Naples avaient espéré la destruction du Vésuve qui vient de renverser leurs palais, parce qu’il s’est dégagé de ses matières séditieuses. Qu’ils ne s’y trompent pas, les ennemis de la Montagne : c’est alors qu’elle s’est déchargée du fardeau des crimes que sa masse est plus inébranlable; elle continuera à lancer ses laves dévorantes sur les trônes et sur les complots; toujours elle fera l’effroi des tyrans et des conspirateurs; roche Tarpéïenne pour les forfaits, elle reste Montagne pour les vertus : c’est le peuple français lui-même qui l’habite, c’est lui qui la soutient de sa force, et lui seul la domine par sa souveraineté. (1) En note : on appelle triumvirat le gouvernement de 3 hommes qui régissent ensemble la République à leur volonté. Ainsi Antoine, Octave et Lépide tyrannisèrent l’empire romain. Le dictateur est un autre tyran, qui maître par le fait du peuple et du sénat, vexe à son gré l’un et l’autre. Tel on vit le monstre Scylla désoler la patrie par les plus affreuses proscriptions. Ces noms abominables ne peuvent être prononcés qu’avec horreur, et s’ils sont rappelés ici c’est pour faire connaître de tout le monde le but et l’énormité des attentats de Robespierre et de ses complices. Ainsi n’espérez pas plus qu’auparavant, ou plutôt, n’espérez rien du tout, aristocrates, et vous tous, faux patriotes ! N’allez pas croire que la Convention qui a frappé le crime dans son sein, l’épargne ailleurs. N’allez pas croire que les représentants du peuple et les bons citoyens, en s’occupant à rechercher et à saisir tous les fils de la conspiration du triumvirat, négligent de suivre les manœuvres secrettes du royalisme, de l’intrigue et de la malveillance en général ! N’allez pas croire enfin que, si une nouvelle organisation du tribunal révolutionnaire ôte tout sujet d’inquiétude aux républicains persécutés, les traîtres doivent cesser d’être surveillés et traduits devant la justice nationale. Qu’avez-vous de commun avec les amis de la patrie, vous qui avez conspiré contr’elle ? pourquoi la punition d’un forfait produirait-elle l’impunité d’un autre ? Au contraire, la liberté doit frapper tous les ennemis à la fois, et le fer de la loi ne peut s’émousser qu’après le supplice du dernier conspirateur. Pour vous, citoyens, ne l’oubliez pas, aucun événement dans le cours de la révolution ne peut rapprocher réellement l’ami et l’ennemi du peuple. Ne vous laissez donc séduire par aucune apparence. Que le gouvernement provisoire ne s’écarte pas de son principe. Que la Convention nationale et les autorités qui en émanent soient de plus en plus respectées. Que la probité, la sagesse soient à l’ordre des cœurs . Que le dévouement à la patrie soit la passion dominante. Que la fermeté ne quitte pas le républicain, et la terreur, l’incorrigible ennemi de la République : en un mot, que les grandes réputations ne produisent plus les grands crimes, et que la liberté triomphe par les grandes vertus. Port Malo, 15 therm. 11(1). Le Carpentier. 26 Les administrateurs du district de Quin-gey, département du Doubs, annoncent qu’un bien ecclésiastique vendu à un émigré, en 1791, 61 100 liv., vient d’être revendu à la folle enchère 214 180 liv. Insertion au bulletin, renvoi au comité des domaines (2). [Les administrateurs du distr. de Quingey, à la Conv.; Quingey, 2 therm. II] (3) Citoyens représentants, La vente des biens nationaux se continue avec succez : un bien ci-devant ecclésiastique, vendu à un émigré en 1791 61 100 liv., vient d’être vendu par folenchère 214 180 liv. S. et F. ! Dugourd ( agent nat.), Roze ( présid .), R. Bertin ( secrêt .) et 3 autres signatures. (1) De l’imprimerie du citoyen Hovius fils, imprimeur de la représentation nationale. (2) P.V., XLIII, 233. (3) C 313, pl. 1251, p. 29. Bm, 1er fruct. Moniteur (réimpr.), XXI, 538.