342 [Assèïhblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er décembre 1789.] Un mémoire dicté par le sieur Augeard, et corrigé de sa main, forme la base de cette accusation. Le sieur Augeard prétend que ce mémoire est sa pensée etne peut pas conséquemment servir de matière à un procès. Il aurait raison si le fait était vrai ; nemo cogitationis pœnam patitur. Mais peut-on dire que le mémoire du sieur Augeard n’ait été que sa pensée, lorsque ce mémoire même annonce qu’il avait communiqué son projet à une personne de considération, en lui remettant par écrit l’itinéraire qu’il prétendait faire suivre à Sa Majesté? Quoique ce mémoire eût pu paraître suffisant pour opérer la condamnation du sieur Augeard , on n’a pas cru devoir négliger le secours de l’information. On a fait assigner divers témoins ; ils sont éloignés ; et cette seule circonstance empêche que la procédure ne soit plus avancée. Un quatrième procès dénoncé, sous le nom de la Commune, au tribunal national, est celui des enrôlements, dans lequel se trouvent impliqués l’abbé Douglas ,' le sieur du Reynier et plusieurs autres. Il n’est que trop constant que, pour favoriser la fuite du Roi à Metz, on avait entrepris de lever un corps de troupes, sous le nom de gardes du Roi surnuméraires, probablement ainsi appelés par opposition à nos gardes nationales. L’abbé Douglas et compagnie étaient les recruteurs de cette armée; le comte d’Astorg, officier aux gardes du corps, recevait les déclarations des enrôlements. Il est en fuite, et là se rompt le 111 de cette conspiration. L’abbé Douglas , le chevalier du Reynier et deux autres ont été décrétés de prise de corps, par le Châtelet, vendredi dernier : il est à présumer que leurs interrogatoires indiqueront d’autres coupables. Le cinquième procès pendant au tribunal national, et dénoncé sous le nom de la Commune, est celui du chevalier de Rutlidge, qui, en annonçant une mission du gouvernement, qu’il n’avait pas, faisait venir les boulangers, recevait leurs soumissions, et leur promettait un prêt de 2 à 3 millions pour acheter des grains; prêt bien plus avantageux, disait-il, que celui offert aux mêmes boulangers par la Commune, sous caution, suivant lui, et à gros intérêt. Le chevalier de Rutlidge est encore auteur ou coopérateur de différents mémoires, imprimés sous le nom de la communauté des boulangers, qui ont causé le plus grand scandale; il a été question de lui plus d’une fois dans cette Assemblée. Son procès avait d’abord été porté devant le juge ordinaire, qui est le lieutenant criminel du Châtelet; mais il a paru tenir au crime de lèse-nation ; et, en conséquence, il vient d’être renvoyé devant le tribunal national, c’est-à-dire le Châtelet même, tous les services assemblés, et présidé par le lieutenant civil. Un sixième procès, également pendant à ce tribunal, sur la dénonciation dr> la Commune, est celui du nommé Deschamps, prévenu d’être allé chez les fermiers pour les engager à ne pas battre leurs grains et à ne point les porter au marché. Ce délit avait encore été déféré au tribunal ordinaire; mais il vient d’être renvoyé, comme le précédent, au tribunal national. Le dernier procès pendant au tribunal national, sur la poursuite de la Commune, est celui relatif aux attentats commis dans le château de Versailles, le 6 octobre. La dénonciation vient d’en être formée; vous avez entre les mains l’avis du comité qui en détermine l’objet; et, quant aux détails, il h’est pas encore temps de les dévoiler au public. Je me contenterai de dire que, si les autres délits portaient atteinte à notre sûreté, celui-ci a compromis un autre intérêt qui nous est plus précieux encore, celui de notre honneur, l’honneur de cette capitale, indignement calomniée dans les provinces, et jusque dans les nations étrangères. Il importe qu’on sache à qui l’on doit imputer les attentats commis à Versailles dans la matinée dû 6 octobre, quel en était le but, et principalement combien ils sont étrangers aux bons habitants d’üne ville renommée dans tout l’univers par son respect pour ses rois et qui, après avoir manifesté ce sentiment dans tous les âges de la monarchie, n’aurait garde de l’affaiblir sous le règne d’un prince si digne de sa soumission, de sa reconnaissance et de son amour. Tels sont, Messieurs, les objets dont nous avions à vous entretenir. Après avoir préparé par nos recherches l’instruction des procès soumis au tribunal national, nous nous proposons de suivre cette instruction. On doit nous donner des copies de tous les interrogatoires, de toutes les informations qui ont été faites, et de celles qui sont à faire; nous assisterons, autant qu’il nous sera possible, à toutes les séances publiques de la procédure ; en un mot nous ne négligerons aucun moyen pour tâcher d’opérer la conviction des coupables, et procurer à la justice un triomphe éclatant. Heureux si, par nos travaux, nous pouvons contribuer à rétablir l’ordre public, et à assurer le repos de nos concitoyens ! Nous n’ignorons pas que nos fonctions, désagréables pour nous-mêmes, ne sont pas vues de bon œil par ceux qui peuvent les redouter; nous savons qu’elles nous exposent à des haines et à des inimitiés puissantes, dont l’obscurité d’une vie privée semblait devoir nous garantir. Mais à Dieu ne plaise qu’une pareille crainte nous fasse jamais oublier nos devoirs! Vous nous avez conlié vos plus chers intérêts, votre sûreté, l’honneur de cette capitale, le salut de la patrie, voilà les grands objets qui nous occupent ; et, quoi qu’il puisse arriver, ce seront toujours les seuls que nous appréhendions de compromettre. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGELIN, ARCHEVÊQUE D’AIX. Séance du mardi 1er décembre 1789, au matin (1). M. Salomon de ha Saugerie, l’un des MM. les secrétaires , donne lecture des adresses de diverses villes et communautés dont suit la teneur : Adresse des habitants de la ville de Mortemart en Limousin; ils expriment leurs respects pour l’Assemblée nationale, et leur adhésion à tous ses décrets ; ils demandent la conservation du collège et de l’hôpital établis dans le lieu , et administrés par des Augustins et des Carmes. Adresses des communautés de Gaujac, Goep-penne, Morrin, Castaudet, la Mainsans, Claussun, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er décembre 1789.] 343 Aurice, Leleuy, Lourquen, Peyre, Poyaller et Saint-Aubin, Pimbo, Goublucq, Canna, Montaud, Baigts, Puyol, Audignon, Bastennes, la Cadie, Gastel-Sarra'sin, Mugron, la Motte, situés en Gha-losse, sénéchaussée de Saint-Sever en Guyenne , portant félicitations, remerciements et adhésion a tous les décrets de l’Assemblée nationale, notamment à ceux du 4 août et des jours suivants, avec renonciation à tous privilèges particuliers dont elles ont joui jusqu’à ce jour. Adresse des représentants de la commune de Montpellier , qui se plaignent de n’avoir reçu directement, de même que les officiers municipaux, aucun des décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le Roi ; ils la supplient de pourvoir à ce défaut d’envoi, attendu les inconvénients très-graves qui en résultent pour la chose publique. Adresse du conseil permanent réuni en conseil politique de la ville de Saint-Hippolyte en Languedoc, contenant l’expression de sa soumission parfaite à tous les décrets de l’Assemblée nationale. Adresse du même genre des officiers municipaux et communes de la ville de Frontignan en Languedoc. Adresse du même genre des citoyens de la ville de Vierzon en Berry : pleins d’admiration pour les travaux de l’Assemblée nationale ; ils adhèrent notamment au décret concernant la contribution patriotique, et sont disposés à faire tous les sacrifices qui pourront concourir à la gloire et à la prospérité de l’empire français. Délibération du peuple des hautes et basses Gevennes , composant les villes de la Salle de Saint-Pierre, Gauge , Sumène, Avallerangue , Duvigan, Barre, Saint-Jean de Gardonnengue, An-duze, et de dix-sept communautés, qui ont formé une confédération dirigée particulièrement contre les perturbateurs de l’ordre public, et parcon-séquent contre tous ceuxqui refuseraient de payer les impôts, ou qui chercheraient à soulever les peuples par des propos séditieux, et tendant à anéantir les lois actuellement existantes; et jusqu’à ce que l’Assemblée nationale en ait établi de nouvelles, les habitants, protestants pour le plus grand nombre, supplient l’Assemblée de leur accorder la liberté du culte public. Adresse des municipalités de la juridiction de Metz, dans laquelle elles adhèrent avec une respectueuse reconnaissance à tous les décrets de l’Assemblée nationale ; elles réclament avec instance que l’imposition des ci-devant privilégiés pour les derniers six mois de cette année soit faite dans le lieu où leurs biens sont situés, et non dans celui de leur résidence. Adresse du même genre du comité permanent de la ville de Pamiers ; il demande des armes pour sa garde nationale, décidée à verser jusqu’à la dernière goutte de son sang pour faire exécuter les décrets de l’Assemblée. Adresse du même genre des officiers municipaux de la ville de Sarreguemines en Lorraine; ils demandent l’augmentation de l’arrondissement des tribunaux que la ville renferme dans son sein , comme chef-lieu de la Lorraine allemande. Adresse du même genre des officiers municipaux de la ville de Lavardens en Guyenne ; ils demandent des armes et des habits pour une partie de leur garde nationale. Délibération du même genre de la communauté de Riduer en Quercy ; elle demande l’abolition des trois différentes dîmes dont elle est surchargée. Adresse du même genre des officiers municipaux et habitants de la ville de Gahors ; ils conjurent l’Assemblée nationale de poursuivre ses glorieux travaux, intimement persuadés qu’elle ne se séparera point avant d’avoir achevé le grand œuvre de la régénération et de la prospérité publique; ils demandent que la ville de Gahors, ancienne capitale du Querci, devienne un chel-lieu de département. Délibération du même genre de la communauté de Gan en Béarn, et de celle de Bizanos : elle ratifie en conséquence l’abandon fait par les députés de la province de ses privilèges particuliers, et leur donne des pouvoirs illimités. Délibération des officiers du sénéchal et présidial de Libourne, portant qu’il rendront désormais la justice gratuitement ; ils présentent cette délibération comme un témoignage de leur profond respect et de leur dévouement pour l’observation des décrets de l’Assemblée nationale. M. le marquis de Calron, député du bailliage de Caux, demande la permission de s’absenter pour affaires pendant une quinzaine de jours. L’Assemblée la lui accorde. M. Brun, curé de Saint-Chély , député du bailliage de Mende en Gévaudan, donne sa démission. — Gette démission est acceptée, et M. l’abbé de Bruges, son suppléant, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis à prendre séance. M. le vicomte de Mirabeau, secrétaire, chargé de la rédaction du procès-verbal de la veille, parait à la tribune. Quelques membres font remarquer qu’il arrive en retard. M. le vicomte de Mirabeau répond que les législateurs ne sont pas absolument à l’heure et qu’ils peuvent être parfois retenus hors de la salle. Le procès-verbal est lu et adopté après une réclamation de M. Camus, demandant qu’il soit fait mention expresse de sa motion relative à l’ordre de Malte. M. Gobel, évêque de Lydda, lit une délibération des membres du clergé du diocèse de Besançon et du ressort bailliager de Belfort et Huningue en Haute-Alsace, par laquelle ils désavouent et désapprouvent la participation que la chambre ecclésiastique de la Haute-Alsace, séant à Colmar, s’est permis de donner à son acte d’adhésion à la protestation du clergé de la Basse-Alsace contre les arrêtés de l’Assemblée nationale, du 4 août et des jours suivants, chargent leurs députés à l'Assemblée nationale de rendre publics leurs désaveu et déclaration, et, en môme temps, de demander la suppression de ladite chambre ecclésiastique de Colmar, comme désormais onéreuse et sans utilité. M. le Président. L’Assemblée passe maintenant à son ordre du jour concernant la suite de la discussion sur l’ organisation des municipalités. La délibération doit porter sur l’article 41 , devenu le 42e, de la série proposée par le comité de constitution. M. liepelletier de Saint-Pargean pro-