536- [Convention nationale.] « Le tribunal du 3 e arrondissement vient de juger, le 10 de l’autre mois, qu’un enfant naturel né le 11 septembre 1791, n’était pas recevable à fortifier la preuve déjà écrite de son état, par la preuve testimoniale, et ce, a-t-il dit, attendu la loi du 4 juin et celles subséquentes. L’action en reconnaissance de paternité était engagée dès le 20 mars 1793, près de trois mois, par con¬ séquent, avant la loi du 4 juin. « Cette loi du 4 juin ne statue rien sur le genre de preuves à administrer de la paternité; elle établit seulement en faveur du bâtard le droit de succession. N’est-il pas inouï qu’un principe décrété en faveur de tous soit devenu contre l’un d’eux le prétexte de lui enlever son état et les moyens de le recouvrer. « L’enfant né en septembre 1791, dont la mère n’a pu, à cette époque, user des précau¬ tions prescrites par votre décret du 12 août dernier, peut-il être victime du défaut de recon¬ naissance directe et solennelle de son père? Ne serait-il pas inhumain de punir cette victime innocente de l’omission d’une formalité qui n’était pas introduite lors de sa naissance; ne serait-ce pas le comble de l’immoralité que d’au¬ toriser les refus barbares d’un père dénaturé à l’ombre d’un projet de loi éclos deux ans après son délit ? « Dans l’espèce particulière, il y a preuve écrite du mariage projeté entre les père et mère de l’enfant, que le 3e tribunal a repoussé. « Mais des législateurs n’ont pas à connaître des circonstances d’un fait : c’est l’infraction des principes constitutionnels qu’on leur dé¬ nonce. « Veuillez, citoyens, improuver les motifs du jugement du 10 septembre et déclarer qu’en aucun cas les tribunaux ne doivent appliquer des lois non promulguées, ni donner à celles promulguées un effet rétroactif. « Victoire Dubois (1). » « La Convention nationale après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de législation [Merlin (de Douai), rapporteur (2)], sur la péti¬ tion de 64 chefs de famille, sans-culottes de fait et de cœur, de la commune de la Loge, district de Montreuil, tendant à obtenir : « 1° La remise de 2,221 liv. 10 s. d’amende pro¬ noncée contre eux pour avoir, à l’exemple des gros fermiers du lieu, dont la maîtrise laisse pâturer les vaches et les moutons dans les bois, fait pacager leurs bestiaux dans les mêmes lieux; « 2° L’annulation du jugement en vertu duquel les poursuites sont exercées; « Décrète qu’il est sursis aux poursuites et exécutions faites ou à faire contre ces pétition¬ naires pour l’amende dont il s’agit, et renvoie au ministre de la justice, pour se faire rendre un compte exact des faits. » (1) En marge est écrit : « Le comité pense qu’il y a lieu de passer à l’ordre du jour motivé sur la loi du 11 brumaire présent mois. « Au comité, le 12 brumaire, l’an II de la Répu¬ blique française. « Cambacérès; Bezard. » (2) D’après le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 415, p. 235). n brumaire an II 7 novembre 1793 Le présent décret ne sera point imprimé (l). Suit le texte de la pétition des 64 chefs de famille de la commune de la Loge , d’après un document des Archives nationales (2). « Citoyens représentants, « De vrais sans-culottes ont recours à vos bontés paternelles, ce sont tous les habitants de la commune de la Loge, au canton de Fressein, district de Montreuil, département du Pas-de-Calais; leur position actuelle les met hors d’état de pouvoir exister davantage, ces citoyens sont au nombre de soixante-quatre chefs de famille sur quatre-vingt-dix mesures de territoire, dont plus de la moitié appartient à des étrangers, ils n’ont d’autres ressources que le travail de leurs bras dans une forêt nationale. Ils avaient, avant la Révolution, l’usage de faire pacager leurs vaches dans cette forêt en payant aux gardes d’icelle six livres par an, chaque tête de bête. ‘ Au moment de la Révolution ils se sont crus déchargés de cette vexation arbitraire de la part de la maîtrise d’Hesdin, ils se refusèrent à payer. Ladite ci-devant maîtrise se croyant en tout droit contre eux, les contraignit avec force armée de tenir leurs bestiaux aux étables. Cette position les mit au désespoir, la majeure partie vendirent leurs vaches et se condamnèrent à vivre de pain sec, plutôt que d’encourir les peines dont ils étaient journellement menacés; la misère augmenta, ils résolurent de remettre des vaches dans cette forêt, voyant que des fer¬ miers y mettaient des troupeaux de moutons en¬ tiers. L’ancien tribunal d’Hesdin, très connu par son incivisme, d’accord avec la ci-devant maîtrise de cette belle forêt par elle dévastée (en 1789 elle fit arracher plus de cent voitures de jeunes chênes, frênes et charmes, sans compter toutes les réserves qu’elle a fait enlever nuitamment), ainsi que par les gardes d’icelle (un seul a vendu dans une année jusqu’à sept cordes de bois), prononça des amendes à leur charge jusqu’à la somme de 2,221 liv. 10 sous. Cette somme est plus équivalente que leur for¬ tune, ils se trouvent hors d’état de payer, ce qui motive des exécutions lesquelles font monter cette somme au double; ils n’ont donc d’autre recours qu’à vous, représentants, et persuadés de votre amour pour les plus victimes de la Révolution, ils attendent comme des enfants de vos bontés paternelles un décret qui leur remette cette dette nationale, et ont signé. « En assemblée commune, le 20 juillet 1793, et 2e de la République française une et indi¬ visible. » (Suivent 12 signatures.) « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de législation [Merlin (de Douai), rapporteur (3)], sur la péti¬ tion de la veuve Qlivier-Sénozan, tendant à rap¬ porter le décret du 26 mai dernier, relatif aux pétitions des citoyens de la commune de Ver-nouillet et du citoyen Duplain; (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 42. (2) Archives nationales, carton Dm 200, dossier La Loge. (3) D’après le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 415, p. 235). ARCHIVES PARLEMENTAIRES.