94 îAfsejofcléç nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [21 septembre 1789.] 4° Que toutes les maisons de la ville de Paris payeront trois livres par croisée, donnant sur une cour et jardin; ' 5® QUp toutes les maisons des villes de provinces dont là population sera de trente rqille âmes et en sus, payeront quarante sous par croisée, donnant sur rue, cour ét iarçjin ; 6° Que toutes les maisons des villes de provinces dont la population sera au-dessous de trente mille âmes, payeront trente sous par croisée donnant sur rue, cour et jardin ; 7° Que tous les châteaux 6$ grands bâtiments construits dans la campagne, pàypront trente sous par croisée donnant sur rué, cour et jardin ; 8° Que toutes les maisons dans les bourgs et villages, appartenant à des citoyens qui payeront la valeur a’un màfc d’argent, seront, imposées à vingt sou§ pàr croisée; ' 9° Les maisons appartenant à des. ouvriers ou agriculteurs, payant moins què la valeur d’un marc d’argept, seront imposées à dix squs, par croisée. Les chaumières, hameaux, maisons d’artisans, manouvriers, et journaliers seront exempts de cet impôt. 10° L’impôt sera perçu à la diligence des officiers municipaux, du Ie' février au 1er avril prochain, et le produit en sera versé directement dans les mains du trésorier de chaque département, qui en fournira un double récépissé, dont l’un sera envoyé au dirécteur général dés finances, qui donnera, connaissance du produit générai à 1 Assemblée nationale. AUTRES OBSERVATIONS. Sur le projet de remplacement des impôts onéreux. Le Comité, des finances a annoncé la nécessité et le devoir d’imposer les objets de luxé, Je crois qu’il serait dangereux ap commercé, et à ses rapports avec l’étranger, que cet impôt fût dirigé sur les produits de l’industrie. Mais je pense qu’au nombre des objets de luxe que l’impôt peut et doit atteindre, on d(jit. surtout distinguer les équipages et lés chaises à porteurs. ' J’estime qu’on pourrait taxer les voitures à quatre roues à deux louis par cheval, les voitures à deux roues à un louis par cheval, et les chaises à porteurs, très-communes dans les villes de province, à douze livres. Qn pourrait augmenter les droits sur les ouvrages d’orfèvrerie. On doit imposer les jardins, les; bosquets et toutes les terres sacrifiées au luxe, au double des terres cultivées. AUTRE OBSERVATION, Le Comité des finances consacre l’emploi de 3 millions envlron'aux primes ou encouragements de commerce; mais, quoique je commerce soit infiniment avantageux â l'Etat, iL ne me paraît pas juste que ces 3 millions soient pris sur la masse des impositions générales. Les villes maritimes et les fabriques profitant plus immédiatement des avantagés du commerce, elles doivent particulièrement supporter cet impôt; et je suis d’opiniqn que tous les armateurs ou commissionnaires de commerce doivent être annuellement imposés à douze livres chacun, et les fabricants à six livres; cette contribution exigée par les municipalités sera directement versée, dans la caisse d’un comité de commerce permanent, qu’il sera de la sagesse de l’Assemblée nationale d’établir à la place des intendants ou autres administrateurs du commerce actuellement existants. L’emploi de la somme que produira cette contribution, sera dirigée par ce comité, de concert avec l’administrateur général des finances et le ministre de la marine, vers les objets de plus grande utilité. AUTRE OBSERVATION. 11 n’v aurait aucun inconvénient à assujettir les billets dé commercé, lettres de change, quittances, comptes courants, au timbre, de telle manière, toutefois, que chaque négociant, marchand du particulier qui auraient des billets du autres elfets dé cette nature à faire circuler dans le commerce, devrait prendre chez le contrôleur ou autre préposé le papier timbré; j’observe que le papier fourni doit être de très-bonne qualité. L’Assemblée nationale pourrait déterminer le prix du timbré daps la proportion des sommes, depuis cinquante livres jusqu’à une somme quël-conqüe. On devrait soulager dé cet impôt les quittances des Ouvriers, fermiers et agriculteurs. autre observation. Personne n’ignore qtie l’Espagne a augmenté progressivement les droits de sortie de ses laines, à ce point que le prix des laines est si exorbitant, que nos fabriques sont forcées d’y renoncer, et d’avilir là qualité de leurs draperies. Sachons profiter de l’exemple de cette puissance sur les objets de première nécessité ddnt elle est forcée de sé pourvoir chez nous. La Gascogne et le Roussillon fournissent annuellement aux boucheries d’Espagne, trois eént mille bêtes à laine; én pourrait sans inconvénient établir un impôt de trois livres sur chaque bête à laine, à la sortie du royaume, à moins qu’on n’estime plus àvahtagëux de demander à l’Espagne un bélier dé Castille, de Léon ou de Ségovie, sur chaque cent de moutons qui lui seraient fournis. autre observation. Le comité des finances devra calculer sur 10 millions que devra produire à l’Etat la per-ception dés droits Sur les marchandises importées de l’Inde pour le compté des armateurs particuliers qui par les principes de l’Assemblée nationale, vont rentrer dans lé droit naturel, de faire librement ce commercé, dont le privilège exclusif avait été impolitiquement accordé à douze particuliers, sans aucun avantage pour l’Etat. Voilà des moyens de suppléer aux impôts des gabelles, des traites , des aides et à celui des cuirs. Ce dernier impôt et les vexations qu’il nécessite, ont détruit les belles tanneries de France et les étrangers ont profité de nos errëurs. Mes collègues sauront que je suis négociant, sans prétentions à l’élégance du style ; ilsvoudront bien pardonner les négligences et incorrections de ce mémoire en faveur de ma bonne intention. M.Künjubaultdela (toçRe, député duMaine{ï). Messieurs, je suis né et j’ai toujours vécu dans (1) L’oRinion de M, Enjubault de JLft Roche n’a pas été itérée au 'Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 1789.] 95 un pays soumis aux grandes gabelles et voisin ■ de la Bretagne ; cette position m’a mis à portée de connaître et de sentir tous les inconvénients de détail qui résultent de l’impôt du sel. J’ai été frappé de cette multitude de bras que la con trebande et l’armée fiscale qui la réprime, arrachent à l’agriculture, aux manufactures et aux arts. J’ai vu entre ces deux troupes, souvent trop aguerries, des combats fréquents èt meurtriers. J’ai vu les campagnes, les rues même de la ville que j’habite, teintes du sang du citoyen. Souvent j’ai gémi sur le sort des familles malheureuses dont les membres les plus intéressants pour elles, étaient péris dans ces combats ou sous le glaive de la loi. J’ai vu les moissons dévastées tour à tour par les contrebandiers et par leurs agresseurs. J’ai remarqué surtout que la contrebande accoutumait lès hommes à mépriser la loi ; qu’elle était l’école de la fourberie, du mensonge et du vice. C’est à ce malheureux apprentissage que se sont formés tous les scélérats qui ont quelquefois infesté ma province; et j’ajouterai, sans crainte d’être démenti, que l’employé qui les surveille ne contracte pas des habitudes plus heureuses et ne prend pas des mœurs plus honnêtes. Je ne m’appesantirai point, Messieurs, sur ces détails affligeants. Us vous ont été prèsèntés avec plus de force et d’énergie que je ne le pourrais faire, et je n’emploierai pas un temps précieux à de vaines répétitions. Je considérerai la chose sous un autre point de vue. Je prouverai succinctement que l’impôt sur le sel est infiniment préjudiciable à la richesse nationale; qu’il dessèche les autres branches de l’administration fiscale et qu’il est de l’intérêt général du royaume et de toutes les provinces de profiter de l’occasion qui est offerte de l’abolir à jamais. Le sel est une grande richesse, et cette richesse est particulière à la France, puisque la nature lui a donné l’avantage de produire le meilleur sel de l’univers, le plus propre surtout à la pèche et aux salaisons. Les pays du Nord sont privés de la chaleur nécessaire pour faire le sel et ceux qui sont situés au delà du quarante-deuxième degré de latitude ont un sel trop corrosif, qui mange et détruit les chairs au lieu de les conserver. Cette production, cette faveur de la nature bien administrée serait pour la France une mine plus précieuse que celles du Nouveau-Monde. La consommation journalière conserve au sel sa valeur tandis que les métaux la perdent par l’extraction, en raison de ce qu’ils deviennent plus communs. Cependant la gabelle a presque anéanti cette richesse, qui nous est prodiguée avec la plus grande profusion (1). D’abord la consommation intérieure se trouve infiniment réduite par le haut prix qui force à n’user du sel qu’avec la plus grande économie. Si le sel coûtait moins, on en ferait bien plus d’usage : mais comment apprécier la consommation qu’en feraient les étrangers, si le commerce était libre? Tout le Nord manque de sel. La Suède, la Norwége le Danemarck l’Angleterre, la Hollande viendraient s’approvisionner sur nos côtes.Nos sels pénétreraient dans toute l’Allemagne. (1) Des personnes instruites prétendent que la consommation du sel tant par l’étranger, que dans l’intérieur du royaume, pourrait excéder de beaucoup un milliard de livres. Un droit d’un sou par livre produirait donc plus de cinquante millions sans nuire à la liberté. Ils partageraient du moins avec la Sicile, l’approvisionnement de l’Italie et partout ils Seraient préférés. Q’on ne dise pas que rien n’arrête la consommation des étrangers, et qu’aucune loi ne s’oppose à l’exportation. La France fournit sans douté des sels à l’étranger; mais elle ne leur en vend pas, â beaucoup près, ce qu’elle ferait dans l’état de liberté. Si je ne craignais pas. Messieurs, d’abuser de vos moments, dont remploi est si nécessaire au salut de la patrie, je ferais voir que la compagnie des fermes, générales disposant à Son gré des sels de la Méditerranée, et plus jalouse de la consommation du royaume, que du débit extérieur, repousse l’étranger qui voudrait s’ën approvisionner ; elle fait plus, elle met des bornes à la production. Elle imite pour le sel la politique odieuse que les Hollandais exercent dans les Moluques pour les épiceries. Elle empêche d’exploiter les sources salées. Elle détruit, elle réduit au moins les marais salants. Le commerce du sel avec l’étranger n’est pas plus libre sur les côtes de l’Océan. L’ordonnance n’y a cependant point fixé le prix de l’achat; ce prix devrait conséquement se former par la concurrence entre le fermier et l’étranger; mais si cette liberté existe dans le droit, elle est illusoire et à peu près nulle dans le fait : le fermier presque seul vendeur du sel dans l’étendue du royaume ét toujours sûr de lé vendre au prix fixé par l’ordonnance. Cette certitude ne lui laisse d’autre intérêt que celui d’àeheter à bas prix et conséquemment d’écarter là concurrence. Il a mille moyens pour y parvenir et l’oq croira aisément qu’il n’en néglige aucun. Je n’entrerai point ici dans le détail de ces moyens odieux et destructifs. L’esprit fiscal est connu et vous imaginez aisément, Messieurs, ce que doit faire une compagnie puissante, protégée, et très-éclairôe sur ses intérêts. Vous vous peindrez aisément l’adresse, les manœuvres et les intrigues dé ses suppôts que le désir de l’avance-menf anime et dont des fortunes aussi rapides que scandaleuses sont souvent la récompense. Ce qu'il y a de certain, c’est que nos sels sont les meilleurs qui existent principalement pour les salaisons, ae tout temps lès étrangers s’en fournissaient en France. Les difficultés qu ils ont éprouvées dans leurs achats, ont forcé les peuples du Nord d’aller chercher des sels inférieurs et corrosifs eh Espagne, en Portugalet jusqu’en Sicile. Ce ne peut être que par les entraves mises à ce commerce qu’ils ont été rebutés, et qu’ils se sont éloignés de nos ports ; les Hollandais, qui tirent du sel par évaporation , préféreraient sûrement venir s’y approvisionner. , Aussi nos salines sont-elles en partie abandonnées. Nos côtes offrent de toutes parts dés ruines de marais salants, autrefois entretenus et que les propriétaires ont laissé détruire depuis qu’ils leur sont devenus infructueux. Quel anéantissement de richesses! la nature nous a donné en quelque sorte le privilège exclusif de la vente du sel et nous avons comblé nos marais salants. On ne peut évaluer, il est incalculable, à quel point s’élèverait cette production précieuse dans l’état de liberté. Nous avons maladroitement obstrué une source intarissable de richesses ; il faut s’empresser d’en rouvrir l’issue. Cette heureuse liberté après laquelle nous soupirons et qui sera l’ouvrage de l’Assemblée nationale nous fournirait encore de grands avantages d’un autre genre. H en résulterait des bénéfices (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 1789.] immenses, des bénéfices dont on ne se ferait pas d’idée, sur la pêche, les salaisons et la nourriture des bestiaux. Le souffle fiscal a desséché ces branches de revenu ; hâtons-nous de leur rendre la vie. Ces réflexions ne sont pas nouvelles. Il en est peu d’entre vous, Messieurs, qui ne reconnaissent la source où elles ont été puisées; mais j’ai cru nécessaire de vous les rappeler, pour vous déterminer à proscrire sansretour l’impôt désastreux de la gabelle; depuis longtemps le monarque bienfaisant qui nous gouverne, en a formé ie vœu. Le produit immense que versait ce subside dans les coffres de l’Etat, joint à la difficulté du remplacement, en avait retardé l’effet. Des circonstances imprévues en ont avancé l’exécution. La gabelle est détruite de fait. Les barrières qui empêchaient les versements n’existent plus; les gardes qui les surveillaient, frappés de terreur, sont disparus. N’allons pas rétablir ces odieuses entraves. Gardons-nous de sanctionner par un décret, même provisoire, l’existence d’un impôt mal conçu et si contraire à l’intérêt national. Je sais que dans vos intentions le rétablissement ne serait que momentané, mais les suites n’en seraient pas moins dangereuses. Il désespérerait, il soulèverait peut-être les peuples des frontières ; il leur ferait craindre de perdre pour toujours la liberté qu’ils ont recouvrée et dont ils jouissent avec transport. Ils en viendraient peut-être à mépriser et à violer ouvertement vos décrets; et ce mépris, cette violation du seul pouvoir aujourd’hui respecté, deviendrait un malheur général. Mais il s’élève ici une question incidente que le projet du ministre des finances n’a pas prévue; les députés des provinces rédimées l’ont fait naître, et ils l'ont agitée avec cette chaleur patriotique cette louable énergie qu’excite constamment en eux le zèle dont ils sont animés pour l’intérêt de leurs commettants. Ils ont prétendu que le soulagement que les pays de grande gabelle allaient recevoir sur le prix du sel ou sur l’impôt qui doit le remplacer tournait à la perte de leurs provinces, en ce qu’il diminuait la masse totale des perceptions ; et ils ont demandé qu’elles en fussent indemnisées par un nouvel impôt sur celles qui vont en profiter. Cette indemnité, disent-ils, est nécessaire pour maintenir l’équilibre qui doit subsister entre les provinces soumises à la même domination. J’admets dans toute son étendue le principe sur lequel ils se fondent; je fais plus, je le réclame et je demande qu’en matière d’impositions l’équilibre soit constamment établi. Mais je vais prouver que l’application que font ici les provinces rédimées de cette règle essentielle du droit social n’est pas heureuse pour elles. A la fin du siècle dernier, temps auquel fut établi le système de finances qui nous a régis jusqu’à ce jour, le prix moyen du sel pour les provinces de grande gabelle était au-dessous de 40 livres par minot, et leur consommation s’élevait à peine à dix mille muids de vente volontaire et forcée. La portion qu’elles supportaient alors de cet impôt, réduite en argent, n’était donc que d’environ 20 millions, et c’est d’après cette évaluation que fut déterminée la contribution de nos provinces à la masse de l’impôt personnel et territorial. On ne put prendre pour base de répartition que la somme effective qu’elles payaient alors. On ne supposera pas que les accroissements futurs et éventuels dont elle était susceptible aient été prévus et calculés. Depuis ce temps, cette proportion primitive a été détruite ; des droits additionnels, souvent répétés, ont élévé le prix du sel; on l’a surchargé succcessivement et graduellement de droits manuels, de sous pourlivre(l) et aujourd'hui le prix moyen de cette denrée nécessaire est de 62 livres par minot dans les pays de grande gabelle. L’activité, la dureté même de la régie s’est accrue dans une proportion plus grande encore. A force de contraintes et de règlements fiscaux on a trouvé le secret de pressurer les contribuables, et d’élever la vente à seize mille muids, qui au prix actuel, forment un impôt de près de 48 millions. Sur ce simple aperçu que je me réserve de développer s’il est nécessaire, je demande aux habitants du reste du royaume, à ceux surtout des provinces rédimées si ia portion d’impôts directs qu’ils doivent supporter seuls pour balancer nos gabelles, a jamais reçu un semblable accroissement? C’est une question de fait, elle dépend d’un calcul bien simple. Je me rends, je m’avoue vaincu s’ils peuvent prouver que la proportion primitive s’est maintenue entre eux et nous, et que leur contribution à la masse des impôts a fait les mêmes progrès que la nôtre. Je sais que les provinces rédimées jouissent de cette faveur à titre onéreux. Vers le milieu du seizième siècle elles ont payé pour l’obtenir, une somme assez considérable que le traité de l’administration des finances porte à 1,750,000 livres. Le marc d’argent était alors à 14 livres 11 sous 8 deniers , ce qui élèverait cette somme à environ 6 millions de notre monnaie actuelle. La province d’Auvergne paie même encore, pour ce rachat, un droit équivalent confondu aujourd’hui avec la taille. Il peut donc être juste, je consens du moins que l’intérêt de ces 6 millions, l’équivalent d’Auvergne, et toutes les perceptions de même genre, soient joints à leur impôt, pour lui faire atteindre la proportion réclamée, mais j’ai peine à croire qu’avec toutes ces additions, il puisse s’élever jusque-là. Je pourrais aller plus loin et soutenir que le contrat par lequel ces provinces se sont rédimées de l’impôt des gabelles, est nul en lui-même, que le dépositaire du pouvoir exécutif n’a pas droit d’aliéner à perpétuité les revenus de l’Etat. Je pourrais prétendre du moins que la somme qu’elles ont payée pour acquérir cette franchise est absorbée au" centuple parleurs jouissances passées; mais j’abandonne dans ce moment-ci ces prétentions rigoureuses ; à la veille d’une répartition générale et proportionnelle de tous les impôts qui vont être rétablis, ce serait s’appesantir, sur des questions vraiment oiseuses. Etranger jusqu’ici aux affaires publiques, je n’ai point été initié aux mystères de l’administration. Le système vaste et compliqué de nos finances (1) Nos administrateurs, dit l’Éloge de Colbert, pour fuir la peine, se sont accoutumés, suivant leurs besoins, à renchérir nos impositions de 2, 4, 6 et 8 sous par livre. Cette route vicieuse ruine nos recettes. 11 pouvait ajouter qu’elle aggrave les premières injustices. Le premier établissement des droits manuels, ajoutés au prix du sel, tels qu’ils subsistent aujourd’hui, est de 1691. Ceux des sous pour livre datent des années 1705, 1715, 1718, 1771 et 1781. Ils ont toujours dû cesser à des époques peu éloignées de leur création. Le terme arrivé, au lieu de les supprimer, on en a ajouté de nouveaux. Ces additions n’ont procuré aucune indemnité aux provinces de grande gabelle. Le soulagement qu’on leur accorde et qui n’est qu’un retour à l’ordre primitif ne doit en faire espérer aucune aux autres provinces. 97 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PAR avait excité en moi plus de frayeur que de curiosité. Cependant j’ai souvent lu et quelquefois médité ce livre élémentaire et précieux qu’on en regarde comme le catéchisme. J’y ai observé que le taux moyen des contributions individuelles des provinces rédimées n’est que de 16 livres 10 sous 8 deniers par tête, tandis que celui des provinces de grande gabelle sans y comprendre Paris, est de 24 livres 6 sous 3 deniers; et j’ai toujours attribué à l’impôt du sel cette énorme, cette injuste différence. Je me suis encore attaché quelquefois à suivre le progrès des prix de la ferme générale à l’époque des différents baux, et j’ai vu avec étonnement que dans le bail de Prévôt commencé en 1761, les gabelles n’entraient que pour une somme de 35,596,404 livres, en temps de paix, tandis que dans le bail actuel, elles approchent de 60 millions. De tous ces éléments rapprochés et combinés selon mes lumières, j’ai tiré la conséquence que la diminution du prix du sel, arrachée par les circonstances, est en elle-même un acte de justice (1), qu’elle ne peut donner lieu à aucune indemnité au profit de qui que ce soit; que son unique effet sera de rétablir l’équilibre qui doit subsister entre les impositions respectives de toutes les provinces; en un mot, je n’ai vu dans le soulagement qu’on vient d’accorder aux pays de grande gabelle que le retour à l’ordre, et la réparation d’une longue injustice. D’après cette digression, que la réclamation des provinces franches a rendue nécessaire, j’en reviens à la proposition que j’ai d’abord établie que l’impôt désastreux de la gabelle doit être aboli sans retour, qu’il faut en effacer jusqu’au nom ; mais cet impôt infiniment productif doit être remplacé. Nous avons, du moins on nous annonce un déficit énorme; l’anarchie actuelle l’a encore considérablement augmenté. Si l’on supprime une branche de revenu, il faut sur-le-champ lui en substituer une autre. S’il était question de faire dès à présent un règlement définitif on indiquerait les moyens de remplacement dont la nécessité est constante; mais il ne s’agit encore que d’un règlement provisoire, et le temps ne permet pas de s’arrêter à des spéculations et des calculs qui feraient naître des discussions interminables. il faut trancher court et supprimer irrévocablement la gabelle. C’est avec complaisance que je répète cette phrase que je voudrais qui fût entendue de mes commettants; mais pour obtenir ce bienfait, il faut que chaque province calcule la part qu’elle supporterait encore de cet impôt, si le système proposé par le premier ministre des finances était adopté ; qu'elle déduise sur le montant de sa portion : 1° les frais de régie; 2° la valeur intrinsèque de la denrée, et qu’ensuite la somme restante soit répartie dans chaque province d’après la base et le mode de répartition que chacune d’elles jugera à propos d’adopter. Il faut enfin que cet abonnement ne soit que provisoire, j usqu’à ce que l’Assemblée ait pris sur cette matière importante un parti définitif. M. Roger, député du Comminges (2). Messieurs, (1) Cette diminution sera moindre qu’elle ne parait au premier coup d’œil. La consommation sera plus forte et les barrières qui séparent les pays de grande et petite gabelle seront enlevées. {•£) Le discours de M. Roger n’a pas été inséré au Moniteur. lre Sékie, T. IN. ■EMENTAIRES. [21 septembre 1789.J loin de retarder le vœu de l’Assemblée nationale et son empressement à faire jouir les peuples d’un bienfait par l’abolition d’un impôt aussi contraire aux principes de l’humanité que meurtrier au progrès de l’agriculture, je la supplie de hâter l’exécution de son projet; mais j’ai l’honneurdelui observer que le pays du Comminges et du Nébouzan , dont je suis un député, a payé et paye encore l'impôt de la gabelle au moyen d’une augmentation considérable de ses impositions réelles, personnelles et accessoires. L’Assemblée nationale, en ordonnant par ses précédents arrêtés une égalité dans la répartition de l’impôt de toute espèce, sans distinction de personnes et de biens, contrarierait ses propres principes en exceptant le Comminges et le Nébouzan de la règle commune. Or, si par la loi qu’elle veut établir elle prononce que le sel doit être vendu 6 sous la livre dans tout le royaume, il est évident que cette égalité s’évanouirait pour le pays du Comminges et du Nébouzan, par une surtaxe qui consommerait la ruine de ses habitants. En effet, Messieurs, l’augmentation en représentation de l’impôt de la gabelle est telle, que le sel est vendu dans ce pays à raison de 30 livres le minot; et si, par le nouveau régime, nous étions assujettis à l’acheter 4 sous de plus la livre, le Comminges et le Nébouzan payeraient effectivement la livre de sel plus de 12 sous : vous ne feriez alors autre chose que transporter la gabelle d’un lieu à un autre, l’abolir d’un côté pour l’établir ailleurs, affranchir quelques provinces et surcharger le reste du royaume ; enfin l’Assemblée nationale manquerait le but qu’elle se propose d’atteindre, de procurer la liberté, l’égalité et la fécilité publique et de maintenir un parfait équilibre dans les contributions aux charges de l’Etat parmi tous les citoyens. Cette considération n’échappera pas sans doute à l’Assemblée nationale ; je la conjure de se pénétrer qu’il est de sa sagesse et de sa justice d’accueillir les réclamations que je fais au nom de mes commettants et de mes collègues, et de ne pas comprendre dans son décret les provinces rédimées, qui, comme le Comminges et le Nébouzan, acquittent l’impôt de la gabelle par une contribution confondue dans la masse générale de ses impositions, et représentative du prix que l’Assemblée se propose de fixer. J’espère aussi que ces raisons détermineront l’Assemblée à ne pas faire supporter au Comminges, au Nébouzan et autres provinces rédimées les trente millions que l’on veut défalquer sur la totalité de ceux qui étaient ci-devant payés par les provinces sujettes à la gabelle. J’enfais la motion expresse tan t en mon nom qu’en celui de mes collègues, MM. Cornus, curé , Las-martres, curé , le baron de Montagut-Barrau, le vicomte d’Ustou de Saint-Michel, Latour, Pégot, La Viguerie, députés du Comminges et du Nébouzan. M. le Président rappelle les divers projets d’arrêtés qui ont été proposés. Les trois projets de décrets présentés par M. de Boisgelin, archevêque d’Aix, par M. Dupont et par le comité des finances semblent se partager les suffrages. Un membre fait la motion de charger quelques députés réunis à M. Dupont de conférer avec le premier ministre des finances sur ces différents projets et d’arrêter les termes du décret. Cette motion est appuyée, discutée, mise aux voix et finalement rejetée. 7