SÉANCE DU 28 VENDÉMIAIRE AN III (19 OCTOBRE 1794) - N° 28 277 Le district de Sancerre est parfaitement tranquille et a toujours joui de la plus heureuse tranquilité, en dépit des aristocrates et des in-trigans! Vive la République! Législateurs, Placés par le peuple sur le volcan dangereux de la Révolution, vous avez eu d’un côté à comprimer les efforts convulsifs de l’aristocratie et de l’autre à prévenir l’explosion des factions contre révolutionnaires. La grandeur de l’entreprise ne vous a point effrayé; vous avez proclamé la République et vous avez puni le tyran qui avoit inondé du sang des citoyens les portiques de son palais. En vain l’orage gronde autour de vous, en vain la trahison livre nos places frontières, en vain le fer des assassins est dirigé contre vous, fermes et inébranlables, vous ne voyez que le peuple, sa liberté et son bonheur, et méprisant les dangers et le trépas, il n’est aucun de vous qui ne s’écrie : que la France soit libre et que je meure. Législateurs, le peuple qui a remis entre vos mains sa confiance et son pouvoir, se repose sur vous du soin de faire triompher la liberté, et son espoir ne sera point trompé. S’il s’élève dans votre sein des tempêtes, semblables à celles de la nature, elles contribuent au bien général, en démasquant les hypocrites, en découvrant les trames obscures des ambitieux. C’est dans ces circonstances mémorables que les hommes courageux s’élèvent et que le masque tombe. Législateurs, nous serions criminels si nous vous laissions ignorer nos sen-timens, dans un moment où la malveillance cherche à élever un mur de division entre les sociétés populaires et la Convention, où des écrits astucieux circulent dans les départe-mens. Qu’espérez vous de ces foibles moyens, machinateurs ténébreux ! insensés ! ignorez vous que la Convention et les sociétés populaires ne sont qu’un pour vous punir et soutenir la liberté ? Avez-vous oublié que la Convention est le corps de bataille et que les sociétés populaires sont les hussards qui éclairent les antres obscurs d’où vous exhalez vos poisons? Législateurs de la France, vous sur qui l’Univers a les yeux fixés, en ouvrant les portes des demeures du crime, aux innocentes victimes de l’oppression, aux citoyens égarés, frappez de la massüe d’Hercule, l’hydre de l’aristocratie ; que l’homme juste, que l’homme foible marchent sous l’égide de la justice et à l’abri des traits homicides de la calomnie, mais que l’ennemi de la révolution trouve la peine düe à ses forfaits. Nous, amis de la République, adorateurs de la liberté et de l’égalité, loin de nous l’individu qui croiroit vous asservir par l’empire de l’opinion, une fraction seule du peuple n’est rien, le peuple en masse est tout ; nous ne reconnoissons que la Convention une et indivisible, elle sera toujours le point unique de notre ralliement, comme centre unique du gouvernement révolutionaire. Les membres composant le comité de correspondance de la société populaire, suivent six signatures. Les administrateurs du district de Sancerre, Durou, président et sept signatures. Les membres de la municipalité et du conseil général de la commune de Sancerre, Lepiot, maire et six signatures. Les membres du comité révolutionnaire, La-gogue, président et huit autres signatures. Les membres des tribunaux civils de Sancerre, suivi de cinq signatures. 28 La société populaire d’Aubenas félicite la Convention d’avoir arraché des mains des bourreaux les innocentes victimes que la férocité des tyrans avoit dévouées à la mort. Achevez, disent-ils, votre ouvrage ; si vos travaux font notre félicité, notre amour, notre reconnoissance seront votre récompense; nous redirons à nos neveux ce que vous avez fait de grand, et ils béniront à jamais vos vertus et votre mémoire. Mention honorable, insertion au bulletin (50). [La société populaire d’Aubenas, département de l’Ardèche, à la Convention nationale, s. d.] (51) Liberté Egalité Citoyens représentants, Après avoir abattu les infâmes tyrans qui avoient formé l’insensé projet de nous asservir, il vous restoit à réparer les maux qu’ils avoient faits à la France, et à prévenir ceux que leurs complices méditoient encore; il vous restoit à arracher des mains des bourreaux ces innocentes victimes que leur férocité avoit dévouées à la mort, parcequ’ils avoient désespéré de tromper leur patriotisme. Cette tache est déjà remplie. Pendant que d’une main bienfaisante et consolatrice, vous essuyés les larmes des malheureux; que de l’autre vous relevés l’agriculture, l’industrie, le commerce, les arts et les sciences persécutés et presque anéantis, vous proclamés solennellement les vrais principes de la morale et de la justice. Que vos travaux sont sublimes et grands! Saisies d’admiration, nos âmes s’élèvent et s’aggrandissent à la vüe de cette attitude imposante et majestueuse que vous avés prise; mais elle fait le désespoir de ces vils intriguants, de ces faux démocrates qui n’aiment la Révolution que pour eux-mêmes. Le désordre qui convenoit si bien à leurs ambitieux projets, va cesser, et leurs rugissements se font entendre, ils frémissent en voyant tomber le masque dont ils s’étoient couverts. Que leur rage impuissante, ne vous arrette pas : frappés (50) P.-V., XL VII, 259-260. (51) C 322, pl. 1355, p. 25. 278 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE touts les conspirateurs. Il en est sans doutte encore qui ourdissent dans les ténèbres de nouvelles trames. A votre voix, le peuple reprendra sa massue redoutable, et ils seront anéantis. Il veut être libre : il le sera; mais il attend de vous son bonheur, et il ne sera heureux que lorsque vous aurés forcé touttes les passions à se taire, touts les traitres à se cacher. Législateurs, achevés votre ouvrage; le sort de la première nation du monde vous est confié. Tenés d’une main ferme les rênes du gouvernement; tout pliera sous l’autorité nationale. Pour nous, invariablement attachés à votre gloire et à vos succès, nous vous renouvelions nos serments de fidélité et de dévouement. Si vos travaux font notre félicité, notre amour notre reconnoissance seront votre récompense; nous redirons à nos neveux ce que vous avés fait de grand, et ils béniront à jamais vos vertus et votre mémoire. Embry, président, Genisserel, Ozil, secrétaires. 29 Attachement inviolable à la Convention, écrit le conseil-général de la commune de Provins [Seine-et-Mame] ; continuation du gouvernement révolutionnaire jusqu’à ce que la queue de Robespierre soit coupée, jusqu’à ce que la République, sauvée et solennellement reconnue, ait anéanti les anarchistes de l’intérieur, et ait donné des lois aux despotes coalisés ; règne de la justice et guerre à mort à tous les amis de Pitt, à tous les buveurs de sang, à tous les scélérats, en un mot, qui voudroient avilir la représentation nationale ou rivaliser d’autorité avec elle. Mention honorable, insertion au bulletin (52). 30 Un secrétaire fait la seconde lecture des décrets rendus dans la séance d’hier; la rédaction en est adoptée (53). 31 LAKANAL : Je viens offrir à la Convention nationale et à ma patrie le fruit de mes recherches sur les manuscrits de J.-J. Rousseau, insérés jusqu’ici dans des portefeuilles particuliers. (52) P.-V., XL VII, 260. (53) P.-V., XLVII, 260. Voici quinze cahiers écrits en entier de la main de ce grand homme; ils renferment divers morceaux qui n’ont jamais paru, et les germes des principales productions de son génie. On y voit les premiers jets des pensées de ce philosophe et les modifications qu’elles ont éprouvées avant d’avoir cette perfection admirable de style qu’on trouve dans tout ce qui est sorti de sa plume. Ce serait un excellent traité de l’art d’écrire. Je compte vous offrir bientôt l’original de l’ouvrage du philosophe genevois sur le gouvernement de Pologne : il fut communiqué dans le temps par l’auteur à Necker, qui le fit copier et mettre au net. Cet ouvrage est d’autant plus précieux, qu’il s’y trouve plusieurs passages importants qui n’ont pas été imprimés, parce qu’ils parurent trop forts au despotisme. Le texte de l’auteur, dénaturé dans toutes les éditions, est ici dans toute sa pureté. Je demande que les manuscrits que je vous présente aujourd’hui soient renvoyés à votre comité d’instruction publique, qui accordera à la citoyenne qui me les a confiés l’indemnité que sa position l’oblige de réclamer (On applaudit). Les propositions de Lakanal sont décrétées (54). Bar demande que ces manuscrits ne restent pas ensevelis dans les archives, mais qu’ils soient livrés à l’impression (55). LAKANAL : J’observe que la librairie Poin-çot, qui prépare une édition complète de Jean-Jacques aura communication de ces manuscrits, pour insérer dans son édition des morceaux que ces cahiers contiennent, et qui n’ont pas encore été imprimés (56). [Lakanal lui répond que le citoyen Poinçot qui fait une édition de tous les ouvrages de J. -Jacques, prendra dans ces manuscrits les pensées qui n’ont pas été encore publiées, que cette édition sera faite avec le plus grand soin, et que Poinçot y met un tel intérêt, qu’il vouloit imprimer le Contrat Social en lettres d’or.] (57) Un membre demande le nom de la citoyenne qui a remis ces manuscrits. Lakanal nomme la citoyenne Mazuyer. Il annonce ensuite que, sous trois jours, il présentera à l’Assemblée nationale un rapport sur les écoles primaires, et que le comité espère que ce projet de décret pourra satisfaire les vues de la Convention (Vifs applaudissements) (58). (54) Moniteur, XXII, 283. J. Mont., n° 7 ; M. U., XLIV, 444. (55) J. Paris, n° 29. (56) Moniteur, XXII, 283. (57) J. Paris, n° 29. (58) Moniteur, XXII, 283; Ann. Patr., n° 657; Ann. R.F., n“ 28; C. Eg., n° 792; Gazette Fr., n° 1022; J. Fr., n" 754; J. Paris, n° 29; J Perlet, n° 756; J. Univ., n° 1789; Mess. Soir, n” 792; M. U., XLIV, 444; Rép., n” 29.