[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 mai 1791.] M. Lanjninals. Je saisis, Messieurs, l’occasion qui m’est offerte, pour dénoncer non pas seulement à l’Assemblée nationale, mais à la nation, Un autre abus du même genre et qui tient peut-être aux vues du même plan. Il est connu que plusieurs des officiers des ré-gimeuls, qui sont en garnison dans nos frontières, vont journellement, sous divers prétextes, tantôt de plaisir, tantôt d’affaires, chez l’étrang r, arborant dans ces voyages cette cocarde blanche, insigne de ral lument et de reconnaissance des ennemis de la liberté et de la souveiaineté du peuple français, et reviennent ensuite en France y colporter des libelles antipatriotiques. # Je demande que l’Assemblée veuille bien s’occuper de cet objet et prenne des précautions pour empêcher nos officiers d’entretenir d�s liaisons dangereuses avec les ennemis de L’Etat. M. Chabroud. Je demande le renvoi des trois propositions qui viennent de vous être faites aux comités diplomatique, militaire, des re herches et des rapports, pour en rendre compte incessamment. (Ce renvoi est décrété.) M. Vieillard, au nom du comité de judicature, demande la parole pour soumettie à l’Assemblée une difficulté qni retarde la liquidation des offices de la chambre des comptes de Paris. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour. M. Vieillard, rapporteur, insiste pour être entendu demain à l’ouverture de la séance. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour et renvoie à l’ouverture de la séance de demain le rapport du comité de judi-cature sur la liquidation des offices de la chambre des comptes de Paris.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le Code pénal {Peine de mort){ 1). M. Mon gins de Roquefort (2). Messieurs, c’e.-t uu seu liment pénible que celui de présenter une opinion qui semble contrarier les droits de l’humanité. Je lais aussi violence à mon caractère, pour n’écouter que l’utilité publique, le bien général, celui de la société entière. Tels sont les puissants intérêts qui commandent des sacrifices à ma sensibilité. Notre législation criminelle prononce, j’en conviens, des supplices qui la déshonorent. Un saint respect pour la justice et pour l’humanité doit nous porter à abolir des peines trop sévères. Mais ne nous laissons pas entraîner au delà des bornes de la raison. Mais la protection due aux citoyens honnêtes contre les attaques des méchants, la sûreté, la tranquillité publique, exigent de mesurer les peines à l’atrocité des crimes, et de ne pas sacrifier, au nom de l’humanité, l’humanité même. Car perdre de vue le terme nécessaire de la gradation proportionnelle des délits et des peines, ce seiait, au lieu de servir la nature, s’imposer la loi barbare de la faire frémir. Anéautissez la peine de mort pour tous les crimes, excepté pour l’homicide, et vous ferez des lois sages, justes, salutaires. (1) Voy. ci-dessus, séance du 30 mai 1791, p. 617. (2) Ce discours est incomplet au Moniteur. 637 Qu’un malheureux qui, sur un grand chemin, avait arraché, par la force, un pain qu’on ne lui aurait pas refusé par charité, ne soit pas, ainsi que rordonueutnos lois encore existantes, livré à la mort. Que la fragilité d’un moment ne soit pas punie comme un crime. Qu’un valet iripon ne soit pas jugé comme uu meurtrier. Mais que l’homme qui verse le sang de son semblable, qui le prive de la vie, ne puisse pas conserver lui-mème ce précieux présent de la na ure. Je dis donc que tout homme qui, volontairement, attente à la vie d’un autre, par le fer, le poison ou le feu, doit être puni de mort. J’appuie ma proposition: 1° sur les lois datons les peuples ; 2° sur l’inürêi de la société et de l’humanité même; 3° sur le sentiment des philosophes les plus humains et les plus sensibles. Je réponds, en très peu de m -ts, aux principaux moyens que l’on emploie pour rejeter, dans tous les cas, la peine de mort. Oui, Messieurs, presque tous les peuples l’ont décernée cette peine ; elle a été en usage dans tous les siècles. Si nous in errogeons ceux de l’antiquité, nous verrons qu’en Egypte l’homicide et le parjure étaient frappés de mort. En Judée, les peines capitales étaient communes. A Athènes, à Rome, la peine de mort a toujours été prononcée coatre le meurtrier. Elle est admise chez tous les peuples de nos jours, particuliérement en Angleterre; et les lois criminelles adoptées par cette nation ne peuvent pas nous être suspectes, puisq ie c’est d’ede que nous avons emprunté l’institution des jurés. Or, une expérience si longue, si universelle, en un mot, cehe de tous les siècles et de tous les peuples, ne présente-i-elle pas un argument bieu fort contre l'abolition de la peine que votre comité prononce? L’histuire des hommes, qui est univoque pour frapper de mort celui qui tue son semblable, n’est-elle donc, ainsi que vous l’a dit. un préopi-nant, qu’une longue suite u’erreurs; et n>j pruu-ve-t-etle pas plu ôt la justice et la nécessité de la peine? N’est-elle pas un témoignage plus fort que celui produit par des idées neuves et philosophiques, qui, quoique sémillantes, ne peuvent jamais avoir le même caractère de crédibilité et de conviction, que celles dictées par l’expérience. Les raisonnements les plus simples viennent à l’appui de ces premières propositions. Dans l’état de nature, j’ai le droit de repousser la force parla force, et de donner par conséquent la mort à celui qui attente à ma vie. Eu entrant eu société, j’ai résigné ce pouvoir de me défendre, à la loi ou au magistrat qui eu est l’organe. Il ne peut ni ne doit en user, que comme j’en aurais usé moi-même. Il est obligé de veiller à la conservation de mon existence; et l’homme qui en a interrompu le cours, qui m’a empêché de vivre, doit être condamné à mourir, uutie-ment la peine serait au-dessous de la gravité du crime. Si le sort d’un citoyen vertueux est pire que celui d’un meurtrier, il n’y a plus d’ordre, de sûreté, de droit sacré parmi les hommes; l’on fait naître le plus grand de tous lés maux, celui de l'impunité. La haine d’un scélérat pourra