SÉANCE DU 10 MESSIDOR AN II (28 JUIN 1794) - Nos 16-20 237 fication serait pour nous un nouvel encouragement, et il a tiré de son portefeuille un assignat de 250 liv. qu’il a remis à notre chef, le citoyen Villard. « Nous sommes très-sensibles à cet acte généreux; il ne peut partir que d’un cœur entièrement dévoué à la chose publique; mais, en rendant hommage aux sentiments du chef de la brigade du 19e de cavalerie, nous pensons que des républicains ne se battent point par intérêt, et que l’argent ne peut payer les vertus guerrières. «D’après ces principes, qui sont généralement adoptés et suivis par le bataillon, nous nous sommes déterminés à vous faire passer les 250 liv. de gratification que le chef du 19® de cavalerie nous a données, afin que vous les employiez au genre d’utilité que vous croirez le plus convenable. Quant à nous, nous ambitionnons, pour prix de nos travaux, votre estime et celle de nos concitoyens, et nous la regardons comme la récompense la plus digne de tout soldat français ». 16 Les maire et officiers municipaux, membres du comité de surveillance et du conseil-général de la commune d’ Abondant (1), écrivent qu’ils ont nommé deux commissaires pour présenter à la Convention les dons civiques qu’ils font aux défenseurs de la patrie, et qui consistent en 85 chemises, 45 paires de souliers et 35 paires de guêtres... Ils félicitent la Convention sur ses glorieux travaux. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité des marchés (2). 17 L’agent national près le district de Castel-Sarrasin (3) annonce que des biens d’émigrés, estimés 27,736 1. ont été vendus 64,950 1. Insertion au bulletin, renvoi au comité des domaines nationaux (4) . 18 Les administrateurs du district de Bar-sur-Ornain (5) annoncent à la Convention que Jean Herbillon, cultivateur à Monplonne, et Pierre Herbillon, cultivateur à Stainville, ont fait don à la patrie de 2 chevaux. Mention honorable, insertion au bulletin (6). (1) Eure-et-Loir. (2) P.V., XL, 242. Bin, 10 mess. (2e suppl‘) et 12 mess.; J. Sablier, n° 1405. (3) Haute-Garonne. (4) P.V., XL, 242. Bin, 12 mess.; M.U., XLI, 172; J. Sablier, n° 1405; C. Eg., n° 682. (5) Meuse. (6) P.V., XL, 242. B{n, 10 mess. (2® suppl‘); M.U.; XLI, 172; J. Fr., n°642; J. Sablier, n°1405. 19 L’agent national près le district de Saint-Omer (1) écrit que dans son district il a été vendu, depuis le mois brumaire jusqu’au l*r prairial, pour 3,535,180 liv. de biens d’émigrés, qui n’avoient été estimés que 1,374,129 liv. 11 s., et qu’il en reste encore à vendre pour plus de 80 millions. Insertion au bulletin et renvoi au comité des d ornâmes nationaux (2). 20 La société populaire de Rochefort (3) fait passer deux exemplaires du plan de la fête célébrée en floréal. Renvoi au comité d’instruction publique (4). [Rochefort, 12 prair. II] (5). « Citoyens, Votre, commission décadaire va vous entretenir de la pompe et de la solemnité de la fête du 20 prairéal consacrée à l’être suprême, à ce moteur universel que personne ne comprend, que tout mortel contemple avec ravissement par le spectacle de la nature et qu’il trouve au fond de son cœur, lorsqu’il se porte vers le chemin de la vertu. Votre commission n’est pas assez audacieuse pour vous développer les motifs politiques d’un décret qui atténué le parti de l’étranger, qui détruit les projets dévastateurs du parlement britannique, qui renverse les combinaisons des assassins de la liberté, qui fait tomber la calomnie répandue sur le peuple français et ses représentans; la convention nationale a parlé par l’organe de ROBESPIERRE, l’univers a sanctionné ses maximes, elles ont été traduites en toutes les langues, elles seront burinées sur le marbre et l’airin, par le génie de l’histoire, et la postérité jugera qui de PITT ou des républicains ont le mieux mérité de l’espèce humaine. Nous vous parlerons seulement de son influence sur la morale, des effets salutaires qu’il doit produire dans l’ame des hommes probes et intègres, de l’espoir consolateur, qu’il va faire naître à l’épouse vertueuse qui s’est identifiée à l’existence de son époux et qui veut le suivre au delà du tombeau; à la respectable mere de famille qui veut être éternellement liée à ses enfans; au fils aimable et tendre qui se complaît dans l’idée sublime que la mort G) Pas-de-Calais. (2) P.V., XL, 243. B1», 12 mess.; M.Ü., XLI, 170; J. Sablier, n° 1405. (3) Charente-Inférieure. (4) P.V., XL, 243. (S) DXXXVHI, 3 - doss. LVII. Rapport fait à la Sté révol. de Rochefort, au nom de sa Commission des fêtes décadaires, par le c11 Cassius Quillet. Signé Rossignol ( présid .), Fidixe-Brudieu, Allibert, Burgeoin. Joyeux (secret.). Imprimé par ordre de la Sté, chez Jousserant, à Rochefort. SÉANCE DU 10 MESSIDOR AN II (28 JUIN 1794) - Nos 16-20 237 fication serait pour nous un nouvel encouragement, et il a tiré de son portefeuille un assignat de 250 liv. qu’il a remis à notre chef, le citoyen Villard. « Nous sommes très-sensibles à cet acte généreux; il ne peut partir que d’un cœur entièrement dévoué à la chose publique; mais, en rendant hommage aux sentiments du chef de la brigade du 19e de cavalerie, nous pensons que des républicains ne se battent point par intérêt, et que l’argent ne peut payer les vertus guerrières. «D’après ces principes, qui sont généralement adoptés et suivis par le bataillon, nous nous sommes déterminés à vous faire passer les 250 liv. de gratification que le chef du 19® de cavalerie nous a données, afin que vous les employiez au genre d’utilité que vous croirez le plus convenable. Quant à nous, nous ambitionnons, pour prix de nos travaux, votre estime et celle de nos concitoyens, et nous la regardons comme la récompense la plus digne de tout soldat français ». 16 Les maire et officiers municipaux, membres du comité de surveillance et du conseil-général de la commune d’ Abondant (1), écrivent qu’ils ont nommé deux commissaires pour présenter à la Convention les dons civiques qu’ils font aux défenseurs de la patrie, et qui consistent en 85 chemises, 45 paires de souliers et 35 paires de guêtres... Ils félicitent la Convention sur ses glorieux travaux. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité des marchés (2). 17 L’agent national près le district de Castel-Sarrasin (3) annonce que des biens d’émigrés, estimés 27,736 1. ont été vendus 64,950 1. Insertion au bulletin, renvoi au comité des domaines nationaux (4) . 18 Les administrateurs du district de Bar-sur-Ornain (5) annoncent à la Convention que Jean Herbillon, cultivateur à Monplonne, et Pierre Herbillon, cultivateur à Stainville, ont fait don à la patrie de 2 chevaux. Mention honorable, insertion au bulletin (6). (1) Eure-et-Loir. (2) P.V., XL, 242. Bin, 10 mess. (2e suppl‘) et 12 mess.; J. Sablier, n° 1405. (3) Haute-Garonne. (4) P.V., XL, 242. Bin, 12 mess.; M.U., XLI, 172; J. Sablier, n° 1405; C. Eg., n° 682. (5) Meuse. (6) P.V., XL, 242. B{n, 10 mess. (2® suppl‘); M.U.; XLI, 172; J. Fr., n°642; J. Sablier, n°1405. 19 L’agent national près le district de Saint-Omer (1) écrit que dans son district il a été vendu, depuis le mois brumaire jusqu’au l*r prairial, pour 3,535,180 liv. de biens d’émigrés, qui n’avoient été estimés que 1,374,129 liv. 11 s., et qu’il en reste encore à vendre pour plus de 80 millions. Insertion au bulletin et renvoi au comité des d ornâmes nationaux (2). 20 La société populaire de Rochefort (3) fait passer deux exemplaires du plan de la fête célébrée en floréal. Renvoi au comité d’instruction publique (4). [Rochefort, 12 prair. II] (5). « Citoyens, Votre, commission décadaire va vous entretenir de la pompe et de la solemnité de la fête du 20 prairéal consacrée à l’être suprême, à ce moteur universel que personne ne comprend, que tout mortel contemple avec ravissement par le spectacle de la nature et qu’il trouve au fond de son cœur, lorsqu’il se porte vers le chemin de la vertu. Votre commission n’est pas assez audacieuse pour vous développer les motifs politiques d’un décret qui atténué le parti de l’étranger, qui détruit les projets dévastateurs du parlement britannique, qui renverse les combinaisons des assassins de la liberté, qui fait tomber la calomnie répandue sur le peuple français et ses représentans; la convention nationale a parlé par l’organe de ROBESPIERRE, l’univers a sanctionné ses maximes, elles ont été traduites en toutes les langues, elles seront burinées sur le marbre et l’airin, par le génie de l’histoire, et la postérité jugera qui de PITT ou des républicains ont le mieux mérité de l’espèce humaine. Nous vous parlerons seulement de son influence sur la morale, des effets salutaires qu’il doit produire dans l’ame des hommes probes et intègres, de l’espoir consolateur, qu’il va faire naître à l’épouse vertueuse qui s’est identifiée à l’existence de son époux et qui veut le suivre au delà du tombeau; à la respectable mere de famille qui veut être éternellement liée à ses enfans; au fils aimable et tendre qui se complaît dans l’idée sublime que la mort G) Pas-de-Calais. (2) P.V., XL, 243. B1», 12 mess.; M.Ü., XLI, 170; J. Sablier, n° 1405. (3) Charente-Inférieure. (4) P.V., XL, 243. (S) DXXXVHI, 3 - doss. LVII. Rapport fait à la Sté révol. de Rochefort, au nom de sa Commission des fêtes décadaires, par le c11 Cassius Quillet. Signé Rossignol ( présid .), Fidixe-Brudieu, Allibert, Burgeoin. Joyeux (secret.). Imprimé par ordre de la Sté, chez Jousserant, à Rochefort. 238 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ne le séparera pas d’un pere qu’il chérit et d’une mere qu’il adore. Sanctifier la divinité, c’est honorer ses parens, aimer ses freres, chérir sa patrie; c’est contracter l’obligation d’être juste, humain, généreux et patriote; elever son cœur vers l’être suprême, c’est reconnoître son origine, c’est avouer que tous les hommes sont les enfans d’un même pere, que les tyrans sont les destructeurs du monde, et l’amitié fraternelle, la première affection des êtres pensans. Celui qui fit connoître aux hommes l’existence d’une puissance infinie qui régit l’univers, qui donne la vie à tout ce qui respire, qui dispense les saisons, faits rouler sur nos têtes et dans l’immensité de l’espace, tous les globes divers, celui-là, disons nous, fut le bienfaiteur de l’humanité; l’être hypocrite qui la fit parler, cette puissance, fut un imposteur et l’ennemi des hommes. C’est ainsi que les prêtres de toutes les nations, employant un jargon mystérieux, des caractères hyérogliphiques, un ton d’inspiration, abusèrent de la simplicité des peuples pour s’annoncer comme les représentans immédiats de la divinité, et chargés d’interpréter ses oracles; delà est né ce polithéisme absurde qui rend telle peuplade, adoratrice d’un poisson, telle autre d’un crocodille; qui fait LAMA éternel, et PIE VI infaillible; qui donne aux enfans d’Israël un dieu local et jaloux, aux PHILISTINS, un dieu cruel et sanguinaire, qui fait fléchir aux GUEBRES et aux IGNICOLES, le genou devant le soleil, ou devant le feu comme principe de toute chose; qui précipite l’Indien dans le Gange, et le Faquir sur des pointes de Cloux; la raison a fait justice d’une partie de ces absurdités, le tems s’avance à grands pas où elle détruira le reste. Quand je porte mes regards vers le ciel, que j’y contemple en silence la marche des astres et la sagesse qui la dirige, lorsqu’au lever de l’Aurore, je m’eleve dans la campagne pour voir dans l’Orient le lever du soleil, de cet astre bienfaisant qui répand la joie et la prospérité; soit lorsque j’envisage les arbres chargés de fruits délicieux, les prairies émaillées, les plaines de moissons ondoyantes, la vigne ornée de raisins, la multiplicité des oiseaux qui peuplent les forêts, philomène chantant tout le jour sous le feuillage qui sert d’abri aux laboureurs fatigués, le cri des troupeaux paissant, le souffle léger du zéphir qui caresse le sein matinal des roses, le murmure des ruisseaux limpides qui serpentent dans les champs qu’ils fertilisent, le cours rapide des torrens, le mugissement des cascades qui tombent des montagnes. Soit que j’examine au microscope les insectes qui rampent sur la terre et dont lés différentes métamorphoses échappent à nos regards; soit enfin que je rentre en moi-même, que j’interroge ma conscience, que j’analyse les jouissances qui me sont offertes et que je goûte chaque jours sous mille formes diverses; par-tout la main invisible d’un être suprême se fait sentir; par-tout l’existence de l’étemel se retrace, par-tout je découvre l’empreinte d’uiié divinité tutélaire et universelle. Mais, citoyens, si notre raison se rend à l’évidence, si nous reconnaissons un dieu : «Gardons en l’adorant, (dit Voltaire) un silence profond, « Sa nature est immense et l’esprit s’y confond, « Pour savoir ce qu’il est, il faut être lui-même ». Le seul culte qui peut lui être agréable est celui de la justice et de la probité, un cœur pur, dit J. J. Rousseau, est le vrai temple de la divinité. « O dieu ! il suffit que nous t’offrions notre reconnoissance et que nous nous émerveillons de ta majesté; notre extase est la seule connois-sance de ta grandeur, que tu exige de nous; il vaut mieux faire de bonnes actions que de méditer de beaux discours, et une heureuse immortalité est la récompense de tous ceux qui représentent quelqu’ouvrage merveilleux du tout-puissant ». Oui, servir sa patrie, aimer ses semblables, être bon pere, bon fils, bon époux, être plein de douceur et de tendresse, de justice et de bonne foi, c’est adorer l’être suprême, c’est vivre dans l’éternité. L’homme vicieux est naturellement athée ou du moins il prétend l’être; il n’aime point sa patrie; il s’isole de ses semblables; rapporte tout à lui-même et devient l’agent secret du premier qui lui offre le plus de jouissances. L’athéisme arrache du fond des cœurs les remords du crime et l’espoir de la vertu; il renverse tout l’ordre moral et politique, et ses sectateurs osent encore s’avouer les bienfaiteurs du genre humain ! Tout ce qui console l’homme dans ses malheurs, tout ce qui l’élève dans la prospérité, tout ce qui peut le porter vers les grandes actions, l’intérêt général et l’amour de la patrie, ne peut lui être enlevé sans sapper par les fondemens, le sublime édifice de la liberté; fuyez ces hommes qui sous le prétexte de détruire tous les préjugés, n’osent pas même avouer que l’amour de la patrie est une vertu, de crainte de sanctionner un préjugé; qui ne veulent pas convenir qu’ils pensent et raisonnent, de peur d’affirmer qu’ils ont une intelligence distincte de la matière; qui s’obstinnent à ne pas lire dans le livre ouvert et intelligible de la nature; pour ne pas avouer qu’il existe une première cause dans l’univers; étrange abus de la philosophie ou de la mauvaise foi, je pardonne à ces hommes, ils meurent chaque jour et leurs jouissances sont bornées; tout est animé pour celui qui croit à un être suprême, à l’immortalité de l’ame; tout est triste, tout est mort pour celui qui croit au hasard et aux atômes d’Epicure. Il est de votre devoir d’élever l’ame des citoyens jusques vers celui de qui elle est émanée; il est de votre obligation de dire à l’homme juste que ses vertus auront leur récompense, au pervers que ses crimes secrets ont un témoin; il faut que vous disiez sans cesse que la morale est basée sur un principe éternel, que la vertu découle de la morale et que la république est fondée sur la vertu. Oter l’idée d’un être suprême, c’est faire porter, comme certaines hordes de sauvages, l’univers sur une tortue, et la tortue sur rien; c’est établir un système politique en rêve et bâtir un monument en l’air; disons avec Robespierre, que si même l’existence de dieu et l’immortalité de l’âme n’étoient que des 238 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ne le séparera pas d’un pere qu’il chérit et d’une mere qu’il adore. Sanctifier la divinité, c’est honorer ses parens, aimer ses freres, chérir sa patrie; c’est contracter l’obligation d’être juste, humain, généreux et patriote; elever son cœur vers l’être suprême, c’est reconnoître son origine, c’est avouer que tous les hommes sont les enfans d’un même pere, que les tyrans sont les destructeurs du monde, et l’amitié fraternelle, la première affection des êtres pensans. Celui qui fit connoître aux hommes l’existence d’une puissance infinie qui régit l’univers, qui donne la vie à tout ce qui respire, qui dispense les saisons, faits rouler sur nos têtes et dans l’immensité de l’espace, tous les globes divers, celui-là, disons nous, fut le bienfaiteur de l’humanité; l’être hypocrite qui la fit parler, cette puissance, fut un imposteur et l’ennemi des hommes. C’est ainsi que les prêtres de toutes les nations, employant un jargon mystérieux, des caractères hyérogliphiques, un ton d’inspiration, abusèrent de la simplicité des peuples pour s’annoncer comme les représentans immédiats de la divinité, et chargés d’interpréter ses oracles; delà est né ce polithéisme absurde qui rend telle peuplade, adoratrice d’un poisson, telle autre d’un crocodille; qui fait LAMA éternel, et PIE VI infaillible; qui donne aux enfans d’Israël un dieu local et jaloux, aux PHILISTINS, un dieu cruel et sanguinaire, qui fait fléchir aux GUEBRES et aux IGNICOLES, le genou devant le soleil, ou devant le feu comme principe de toute chose; qui précipite l’Indien dans le Gange, et le Faquir sur des pointes de Cloux; la raison a fait justice d’une partie de ces absurdités, le tems s’avance à grands pas où elle détruira le reste. Quand je porte mes regards vers le ciel, que j’y contemple en silence la marche des astres et la sagesse qui la dirige, lorsqu’au lever de l’Aurore, je m’eleve dans la campagne pour voir dans l’Orient le lever du soleil, de cet astre bienfaisant qui répand la joie et la prospérité; soit lorsque j’envisage les arbres chargés de fruits délicieux, les prairies émaillées, les plaines de moissons ondoyantes, la vigne ornée de raisins, la multiplicité des oiseaux qui peuplent les forêts, philomène chantant tout le jour sous le feuillage qui sert d’abri aux laboureurs fatigués, le cri des troupeaux paissant, le souffle léger du zéphir qui caresse le sein matinal des roses, le murmure des ruisseaux limpides qui serpentent dans les champs qu’ils fertilisent, le cours rapide des torrens, le mugissement des cascades qui tombent des montagnes. Soit que j’examine au microscope les insectes qui rampent sur la terre et dont lés différentes métamorphoses échappent à nos regards; soit enfin que je rentre en moi-même, que j’interroge ma conscience, que j’analyse les jouissances qui me sont offertes et que je goûte chaque jours sous mille formes diverses; par-tout la main invisible d’un être suprême se fait sentir; par-tout l’existence de l’étemel se retrace, par-tout je découvre l’empreinte d’uiié divinité tutélaire et universelle. Mais, citoyens, si notre raison se rend à l’évidence, si nous reconnaissons un dieu : «Gardons en l’adorant, (dit Voltaire) un silence profond, « Sa nature est immense et l’esprit s’y confond, « Pour savoir ce qu’il est, il faut être lui-même ». Le seul culte qui peut lui être agréable est celui de la justice et de la probité, un cœur pur, dit J. J. Rousseau, est le vrai temple de la divinité. « O dieu ! il suffit que nous t’offrions notre reconnoissance et que nous nous émerveillons de ta majesté; notre extase est la seule connois-sance de ta grandeur, que tu exige de nous; il vaut mieux faire de bonnes actions que de méditer de beaux discours, et une heureuse immortalité est la récompense de tous ceux qui représentent quelqu’ouvrage merveilleux du tout-puissant ». Oui, servir sa patrie, aimer ses semblables, être bon pere, bon fils, bon époux, être plein de douceur et de tendresse, de justice et de bonne foi, c’est adorer l’être suprême, c’est vivre dans l’éternité. L’homme vicieux est naturellement athée ou du moins il prétend l’être; il n’aime point sa patrie; il s’isole de ses semblables; rapporte tout à lui-même et devient l’agent secret du premier qui lui offre le plus de jouissances. L’athéisme arrache du fond des cœurs les remords du crime et l’espoir de la vertu; il renverse tout l’ordre moral et politique, et ses sectateurs osent encore s’avouer les bienfaiteurs du genre humain ! Tout ce qui console l’homme dans ses malheurs, tout ce qui l’élève dans la prospérité, tout ce qui peut le porter vers les grandes actions, l’intérêt général et l’amour de la patrie, ne peut lui être enlevé sans sapper par les fondemens, le sublime édifice de la liberté; fuyez ces hommes qui sous le prétexte de détruire tous les préjugés, n’osent pas même avouer que l’amour de la patrie est une vertu, de crainte de sanctionner un préjugé; qui ne veulent pas convenir qu’ils pensent et raisonnent, de peur d’affirmer qu’ils ont une intelligence distincte de la matière; qui s’obstinnent à ne pas lire dans le livre ouvert et intelligible de la nature; pour ne pas avouer qu’il existe une première cause dans l’univers; étrange abus de la philosophie ou de la mauvaise foi, je pardonne à ces hommes, ils meurent chaque jour et leurs jouissances sont bornées; tout est animé pour celui qui croit à un être suprême, à l’immortalité de l’ame; tout est triste, tout est mort pour celui qui croit au hasard et aux atômes d’Epicure. Il est de votre devoir d’élever l’ame des citoyens jusques vers celui de qui elle est émanée; il est de votre obligation de dire à l’homme juste que ses vertus auront leur récompense, au pervers que ses crimes secrets ont un témoin; il faut que vous disiez sans cesse que la morale est basée sur un principe éternel, que la vertu découle de la morale et que la république est fondée sur la vertu. Oter l’idée d’un être suprême, c’est faire porter, comme certaines hordes de sauvages, l’univers sur une tortue, et la tortue sur rien; c’est établir un système politique en rêve et bâtir un monument en l’air; disons avec Robespierre, que si même l’existence de dieu et l’immortalité de l’âme n’étoient que des SÉANCE DU 10 MESSIDOR AN II (28 JUIN 1794) - N° 20 239 songes, elles seroient encore la plus belle conception de l’esprit humain; si dieu n’exis-toit pas, dit un philosophe, il faudroit l’inventer; eh bien ! comme tout parle dans la nature, comme sa présence s’annonce jusques dans le calice des fleurs et la trompe des papillons, rendons lui l’hommage qu’il mérite. Vous meres de famille, accourez à la fête qu’on lui prépare, ceignez de fleurs le front de vos enfans, pressez dans vos bras ceux qui sucent encore le lait salutaire de votre sein, et levant vos regards vers l’immensité des cieux, remerciez l’être de votre fécondité, énorgueillissez-vous d’être meres, en rapportant vos affections vers son auteur. Jeunes adolescens, saisissez vos armes, venez sur le sommet de la Montagne, jurer dans les embrassemens de ceux qui vous ont donné le jour, et en invoquant l’auteur de la nature, que vous imiterez les fondateurs de la république, que vous n’aurez d’ennemis que les tyrans, d’autre culte que la pratique des droits de l’homme et du citoyen. Vous jeunes filles, venez la tête couronnée de myrthe et de roses, que la modestie, ornement de votre sexe, vous accompagne; venez jurer à l’étemel que vous n’épouserez jamais que des hommes qui auront servi la patrie. Vous, viellards respectables, qui avez élevé des citoyens à la république, qui avez blanchi dans la vertu, qui avez observé tous les devoirs de la société, suivez également le chemin de la montagne, que vos têtes soient ornées de pampres et de laurier; venez recevoir le serment de vos dignes enfans, leur donner votre bénédiction paternelle, et mourir satisfaits de laisser des défenseurs de la patrie. Citoyens, accourez tous à cette fête, venez vous epencher dans une sainte réunion; venez manifester la joie la plus pure, et faire l’hommage de vos cœurs à l’être suprême, de vos bras à la république, de votre amitié à tous vos f reres; que l’étemel contemple ce spectacle délicieux, enchanteur, et que les plaisirs, la danse et les jeux terminent cette fête auguste. Citoyens, votre commission n’a point été embarrassée de combiner ses idées pour la théorie de cette cérémonie simple et majestueuse; elle s’est circonscrit dans le plan qui a été tracé par la main du célèbre David, elle en a approprié les dispositions à cette cité, à sa population et aux moyens locaux; elle a seulement retranché ce qui ne pouvoit s’exécuter sans des préparatifs immenses et ce qui étoit impossible à faire; voici ces dispositions; [ Plan de la Théorie de la Fête de l’Etre Suprême]. Première salve d’artillerie dès l’aurore. Musique éclatante, roulement de Tambours par la ville. Aux coups de salve, les drapeaux tricolores seront déroulés à l’extérieur des maisons. Le Temple sera paré de verdure, la façade de la Société Populaire, la maison Commune, la maison des Représentons du Peuple. Toute [s] les jeunes filles se vêtiront de blanc, elles couronneront de fleurs leurs cheveux flottans. 2e salve d’artillerie à 9 heures. Roulement de tambours par toute la ville. Scéance du Temple. Lecture des lois. Combats littéraires de jeunes élèves, distribution de prix. 3e salve d’artillerie à 2 h. 1/2. Roulemens de tambours. Les adolescens, gardes Nationales et volontaires armés de leurs fusils, forment un bataillon autour du drapeau de leurs sections respectives. Les Meres portent à la main des bouquets de rose, leurs Filles les accompagnent et portent des corbeilles de fleurs. Les Peres et enfans qui ne sont pas armés, tiennent à la main des branches de chêne. Tout le Peuple se réunit au Jardin National. Les Autorités Constituées et Corps Administratifs arrivent, les Représentans du Peuple, la Société Populaire. Tout part précédé d’une musique éclatante. Les bataillons des Gardes Nationales. Les Hommes deux-à-deux s’avancent d’un côté. Les Femmes de l’autre pareillement disposées. Les Enfans, la tête parée de bluets. Les Jeunes Gens, de myrthe. Les Hommes faits, couronnés de chêne. Les vieillards, de pampres et de laurier. 4 bœufs couverts de festons et de guirlandes trainent des charrues. Le Représentant du peuple, le Maire, le Président du District, celui du comité de Surveillance, le Président du Tribunal de District, le Président du Tribunal de Commerce, le Président de la Société Populaire, portent à la main un bouquet d’épis de bled, de fleurs et de fruits. Le cortège est terminé par les bataillons de volontaires. La marche suit les rues Jemmapp, l’Egalité jusqu’à celle des Fonderies. Arrivé sur la place, le Représentant du Peuple met le feu, en présence de l’autel de la Patrie, au bûcher sur lequel sont déposés des inscriptions infâmes, des objets consacrés jadis à la superstition. Après avoir rendu cet hommage à l’Etre Suprême, les roulemens de Tambours annoncent le départ, et l’on s’avance vers le champ de Mars par la rue de l’Union. 4e salve d’artillerie, lorsque le cortège arive près de la Montagne. Les Gardes Nationales se placent d’un côté, lés bataillons de Volontaires de l’autre. Le Peuple se grouppe sur les divers plans de la Montagne. Le Représentant du Peuple prononce un discours civique, la musique recite quelques strophes. Alors tous les Tambours s’agitent, le Peuple s’élève, l’on s’embrasse fraternellement, les cris de la République se font entendre de toutes parts, et s’élèvent au milieu d’une décharge formidable d’artillerie. On se livre ensuite à des danses générales jusqu’au soir, et l’on se rend par la Poterne, la rue Lepelletier et l’Union au Temple, lorsque les canons ont indiqué le départ. Le Temple est illuminé. Un discours civique sur l’Etre Suprême y est prononcé. On exécute un chœur de musique. Tous les citoyens se livrent à la joie, et la nuit s’écoule au milieu des danses de la Fraternité. SÉANCE DU 10 MESSIDOR AN II (28 JUIN 1794) - N° 20 239 songes, elles seroient encore la plus belle conception de l’esprit humain; si dieu n’exis-toit pas, dit un philosophe, il faudroit l’inventer; eh bien ! comme tout parle dans la nature, comme sa présence s’annonce jusques dans le calice des fleurs et la trompe des papillons, rendons lui l’hommage qu’il mérite. Vous meres de famille, accourez à la fête qu’on lui prépare, ceignez de fleurs le front de vos enfans, pressez dans vos bras ceux qui sucent encore le lait salutaire de votre sein, et levant vos regards vers l’immensité des cieux, remerciez l’être de votre fécondité, énorgueillissez-vous d’être meres, en rapportant vos affections vers son auteur. Jeunes adolescens, saisissez vos armes, venez sur le sommet de la Montagne, jurer dans les embrassemens de ceux qui vous ont donné le jour, et en invoquant l’auteur de la nature, que vous imiterez les fondateurs de la république, que vous n’aurez d’ennemis que les tyrans, d’autre culte que la pratique des droits de l’homme et du citoyen. Vous jeunes filles, venez la tête couronnée de myrthe et de roses, que la modestie, ornement de votre sexe, vous accompagne; venez jurer à l’étemel que vous n’épouserez jamais que des hommes qui auront servi la patrie. Vous, viellards respectables, qui avez élevé des citoyens à la république, qui avez blanchi dans la vertu, qui avez observé tous les devoirs de la société, suivez également le chemin de la montagne, que vos têtes soient ornées de pampres et de laurier; venez recevoir le serment de vos dignes enfans, leur donner votre bénédiction paternelle, et mourir satisfaits de laisser des défenseurs de la patrie. Citoyens, accourez tous à cette fête, venez vous epencher dans une sainte réunion; venez manifester la joie la plus pure, et faire l’hommage de vos cœurs à l’être suprême, de vos bras à la république, de votre amitié à tous vos f reres; que l’étemel contemple ce spectacle délicieux, enchanteur, et que les plaisirs, la danse et les jeux terminent cette fête auguste. Citoyens, votre commission n’a point été embarrassée de combiner ses idées pour la théorie de cette cérémonie simple et majestueuse; elle s’est circonscrit dans le plan qui a été tracé par la main du célèbre David, elle en a approprié les dispositions à cette cité, à sa population et aux moyens locaux; elle a seulement retranché ce qui ne pouvoit s’exécuter sans des préparatifs immenses et ce qui étoit impossible à faire; voici ces dispositions; [ Plan de la Théorie de la Fête de l’Etre Suprême]. Première salve d’artillerie dès l’aurore. Musique éclatante, roulement de Tambours par la ville. Aux coups de salve, les drapeaux tricolores seront déroulés à l’extérieur des maisons. Le Temple sera paré de verdure, la façade de la Société Populaire, la maison Commune, la maison des Représentons du Peuple. Toute [s] les jeunes filles se vêtiront de blanc, elles couronneront de fleurs leurs cheveux flottans. 2e salve d’artillerie à 9 heures. Roulement de tambours par toute la ville. Scéance du Temple. Lecture des lois. Combats littéraires de jeunes élèves, distribution de prix. 3e salve d’artillerie à 2 h. 1/2. Roulemens de tambours. Les adolescens, gardes Nationales et volontaires armés de leurs fusils, forment un bataillon autour du drapeau de leurs sections respectives. Les Meres portent à la main des bouquets de rose, leurs Filles les accompagnent et portent des corbeilles de fleurs. Les Peres et enfans qui ne sont pas armés, tiennent à la main des branches de chêne. Tout le Peuple se réunit au Jardin National. Les Autorités Constituées et Corps Administratifs arrivent, les Représentans du Peuple, la Société Populaire. Tout part précédé d’une musique éclatante. Les bataillons des Gardes Nationales. Les Hommes deux-à-deux s’avancent d’un côté. Les Femmes de l’autre pareillement disposées. Les Enfans, la tête parée de bluets. Les Jeunes Gens, de myrthe. Les Hommes faits, couronnés de chêne. Les vieillards, de pampres et de laurier. 4 bœufs couverts de festons et de guirlandes trainent des charrues. Le Représentant du peuple, le Maire, le Président du District, celui du comité de Surveillance, le Président du Tribunal de District, le Président du Tribunal de Commerce, le Président de la Société Populaire, portent à la main un bouquet d’épis de bled, de fleurs et de fruits. Le cortège est terminé par les bataillons de volontaires. La marche suit les rues Jemmapp, l’Egalité jusqu’à celle des Fonderies. Arrivé sur la place, le Représentant du Peuple met le feu, en présence de l’autel de la Patrie, au bûcher sur lequel sont déposés des inscriptions infâmes, des objets consacrés jadis à la superstition. Après avoir rendu cet hommage à l’Etre Suprême, les roulemens de Tambours annoncent le départ, et l’on s’avance vers le champ de Mars par la rue de l’Union. 4e salve d’artillerie, lorsque le cortège arive près de la Montagne. Les Gardes Nationales se placent d’un côté, lés bataillons de Volontaires de l’autre. Le Peuple se grouppe sur les divers plans de la Montagne. Le Représentant du Peuple prononce un discours civique, la musique recite quelques strophes. Alors tous les Tambours s’agitent, le Peuple s’élève, l’on s’embrasse fraternellement, les cris de la République se font entendre de toutes parts, et s’élèvent au milieu d’une décharge formidable d’artillerie. On se livre ensuite à des danses générales jusqu’au soir, et l’on se rend par la Poterne, la rue Lepelletier et l’Union au Temple, lorsque les canons ont indiqué le départ. Le Temple est illuminé. Un discours civique sur l’Etre Suprême y est prononcé. On exécute un chœur de musique. Tous les citoyens se livrent à la joie, et la nuit s’écoule au milieu des danses de la Fraternité.