328 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 janvier 1790.] du comité de constitution, que le département occidental du Poitou, dont Fontenay est le chef-lieu, est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Fontenay-le-Gomte, la Châteigneraye, Montaigu, Chalans, les Sables-d’Olonne et la Roche-sur-Yon, sauf, en faveur de la ville de Pouzauges, d’être le siège de la juridiction du district de la Châteigneraye, si les électeurs jugent qu’il soit utile de l’y placer. » M. Salle de Chonx demande à faire une motion. Il expose que l’Assemblée a décrété qu’il ne pourrait être objecté, pour les citoyens actifs, d’autres motifs d’exclusion que ceux portés par les décrets ; il annonce que dans ce moment, où toute la France est assemblée pour nommer des municipalités, on objecte, dans bien des endroits, aux religieux, leur état, pour les exclure des assem-blées.L’orateur expose les raisons pour et contre : d’un côté l’incompatibilité apparente de leur état, de leur vœu, de leur vie, avec les fonctions publiques; de l’autre l’imposition directe qu’ils paient aujourd’hui. Après avoir développé ces arguments, il est d’avis que les religieux ne soient pas admis et soient privés des droits de citoyens actifs. M. Fréteau propose une exception en faveur des officiers des maisons religieuses. M. C’abbé Latyl demande l’ajournement et le renvoi de la motion au comité de constitution pour avoir son avis. Celte proposition est adoptée. M. Madierde Montjau demande une interprétation des décrets sur les municipalités, en faveur des habitants des campagnes et des artisans des villes qui, ne sachant pas signer leur nom, semblent ne pouvoir pas user de la voie du scrutin, L’Assemblée renvoie cet objet à l’examen du comité de constitution. M. l’abbé Gouttes propose de décider si les directeurs des fermes à sel et du tabac seraient exclus ou non des places municipales. Cette question est également renvoyée au comité de constitution. M. Goupil de Préfeln demande à faire une motion sur l'incompatibilité des fonctions de député avec des fonctions administratives et autres inhibitions. M. le Président lui donne la parole. M. Goupil de Préfeln. Dans une des séances du 7 de ce mois, M. le président fit lecture d’une lettre par laquelle M. Le Couteulx de Canteleu demandait l’agrément de l’Assemblée pour occuper la place de caissier de l’extraordinaire, qui lui avait été accordée par leHoi. L’Assemblée décida qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. M. Le Couteulx de Canteleu a délibéré pour son compte, et les papiers publics nous ont appris sa réception à cet emploi. Nous savons également, par l’opinion publique, que deux députés ont accepté des commissions: l’un, pour la fourniture des vivres et des fourrages de l’armée ; l’autre, pour surveiller et inspecter le commerce de l’île de Corse. Je suis bien éloigné de croire qu’aucun membre s’écarte de cette austérité de principes que vous avez toujours déployée ; je ne veux pas penser que les ministres, distributeurs des emplois et des grâces, cherchent en ce moment à gagner des suffrages; mais, dans une mission aussi importante et aussi délicate que celle de membre de l’Assemblée législative d’une grande nation, il faut être exempt non-seulement de blâme, mais encore de soupçon. Depuis quelques jours, trois de nos collègues se trouvent les objets des faveurs du gouvernement. Ce nombre peut augmenter progressivement. Nos commettants, inquiets sur leurs propres intérêts, diront peut-être: Nos représentants ne s’occupent pas seulement de nos affaires, ils s’occupent encore de leurs arrangements personnels ..... L’Assemblée des législateurs doit obtenir la confiance générale : de cette confiance dépend le sort de la nation. On dira peut-être quecette Assemblée, par sa nature, peut renfermer des hommes utiles aux opérations du gouvernement, et que ce serait un grand mal public que de les écarter de l’administration. Je me regarderai bien de faire une proposition qui pourrait mériter ce reproche; mais il est naturel qu’on n’accepte aucune place sans l’agrément de l’Assemblée, M. Le Couteulx de Canteleulx vous a consultés, il a interprêté votre décret. Il a pu se tromper ; mais il n’a pas eu l’intention de faire une démarche contraire aux vues de l’Assemblée. Je propose de rendre un décret dont voici le projet : « L’Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu’aucun membre, tant de l’Assemblée nationale actuelle, que des Assemblées nationales futures, ne pourra, pendant tout le temps qu’il sera revêtu du titre de député, accepter, de la part du gouvernement, soit directement par lui-même, soit indirectement par ses enfants, aucun bénéfice, don, pension, gratification, charge, place, emploi et autre faveur, si ce n’est que, par délibération expresse de l’Assemblée nationale, il eût été autorisé à l’accepter. » J’ai rédigé une autre clause; elle prononce un effet rétroactif. Vous jugerez si, dans vos principes, il vous eSt possible de l’accueillir ; elle est ainsi conçue : « L’ Assemblée nationale ordonne que le présent décret sera exécuté à l’égard des bénéfices, dons, pensions, emplois, etc., qui, depuis le 1er novembre dernier, auraient été donnés parle gouvernement à quelques représentants de la nation, et acceptés par eux sans le consentement de l’Assemblée. » M. le vicomte de Mirabeau. Si le préopinant se fût contenté d’établir un principe général, je n’aurais pas demandé la parole pour lui répondre ; mais il a fait des explications gui concernent un des mes collègues, et je ne puis garder le silence. M. Naurissart a obtenu une place dans la direction des vivres de l’armée. Ses commettants en ont été instruits; ils lui ont fait écrire par la raunicipalitéde Limoges, qu’ils voyaient avec plaisir que le gouvernement honorait de sa confiance un homme auquel ils avaient donné la leur. Je défie qu’un député ait rempli plus exactement ses devoirs que M. Naurissart, actuellement absent, et qu’on cite une seule séance à laquelle il ait manqué ; il était donc inutile que le préopinant se permît deux assertions inexactes. M. JLe Couteulx de Canteleu. Je rappelle d’abord les faits qui onl accompagné et suivi ma nomination à la place de caissier de l’extraordinaire. Je vous ai déclaré que, si vous prononciez l’incompatibilité, je ne balancerais pas à renoncer à tout autre titre, plutôt qu’à celui de votre collègue. En décidant qu’il n’y avait pas lieu à délibérer, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 janvier 1790.] 329 vous m'avez laissé la liberté d’acepter. J’ai envisagé qu’il se présentait une occasion de servir ma patrie. J’ai pensé à mes moyens personnels, à ceux que pouvait me fournir un nom qui depuis longtemps a mérité la confiance, et j’ai cru non-seulement pouvoir, mais devoir accepter. Je l’ai fait; j’ai prêté serment, et je ne puis maintenant renoncer à une place que j’ai promis de remplir, en usant de la liberté que vous m’avez accordée par votre décret. La motion qui vous a été proposée ne peut être discutée comme objet de circonstances d’intérêt particulier. D’après vos principes, elle ne doit point avoir d’effet rétroactif, et je crois qu’il est de votre sagesse de la convertir en motion générale. M. le duc de la Rochefoucauld. Le décret qu’on vous a proposé a deux parties très-distinctes: la seconde consiste à lui donner un effet rétroactif. Vous avez plusieurs fois annoncé votre vœu à ce sujet; vous l’avez consacré dans la déclaration des droits, c’est le vœu de la raison, c’est celui de la justice : il repousse loin de vous la disposition qui vous est présentée. Je ne m’arrête pas d’avantage sur cet objet. Quant à la première partie, c’est un point de droit public très intéressant , et que sans doute vous ne déciderez pas sans un mûr examen. En Angleterre, tout membre du pouvoir législatif pourvu d’une place, laisse sa place vacante à l’instant de son élection. S’il est pourvu de quelque emploi pendant le temps delà session, il doit êtré réélu. Lorsque des électeurs ont choisi tel homme pour occuper tel poste, ils l’ont choisi dans la position où il était alors. Il est juste qu’il retourne à eux, qu’il leur dise : Vous m'avez donné votre confiance, lorsque mes intérêts étaient tels ; ils sont changés, voulez-vous me la rendre? Ce n’est pas l’Assemblée législative qui peut juger en ce cas. La clause qui concerne les enfants est de toute injustice: je ne m’occuperai point à le prouver. Je conclus que, sur la deuxième partie du décret, il n’y a pas lieu à délibérer, et que la première doit être envoyée au comité de constitution. M. Duport. Vous avez décrété, le 3 novembre dernier, qu’aucun membre de l’Assemblée nationale ne pourra occuper des places dans le ministère. Vous n’avez pas voulu avoir des ministres, voulez-vous avoir des commis ? Quand nous allons régler les départements, un homme subordonné au ministre de tel ou tel département, pourra-t-il opiner avec nous ? Vous avez décrété fa responsabilité des agents : il faudra juger ici l’agent responsable; il serait membre de cette Assemblée. Développons, raffermissons notre décret du 3 novembre. Les ennemis de la révolution sont prêts à calomnier nos intentions. Un député appartient à la France entière; il faut qu’il n’y ait pas dans la France entière un individu qui puisse le soupçonner. Votre décret ne peut avoir un effet rétroactif. Vous avez donné à un de vos membres une grande marque de confiance en le taisant libre d’accepter ou de refuser une faveur du souverain; laissons-lui encore cette liberté. M. Deïacour d’Ainbésieux. Nous ne devons accepter aucune grâce: rentrons dans nos provinces tels que nous en sommes sortis. (Des applaudissements réitérés partent de tous les coins de la salle.) M. Pétion de Villeneuve. Vous avez, par un décret, défendu à tout député d’accepter des places dans le ministère ; vous n’avez pas laissé la liberté de choisir entre de nouvelles fonctions, et les fonctions honorables que la nation vous a confiées; votre décret est positif. De quoi s’agit-il aujourd’hui? de savoir si les membres de cette Assemblée peuvent accepter des commissions subordonnées et révocables à volonté. S’ils ne peuvent remplir des places dans le ministère, à plus forte raison ils ne peuvent accepter des missions données par les ministres. La conséquence est forcée : un député ne peut rester dans cette Assemblée s’il a accepté une commission. M. Fréteau. Je professe les mêmes principes : je suis loin d’interpréter le décret que vous avez rendu le 7 de ce mois, en le considérant sous ses rapports avec le membre qui y a donné lieu. Il faut l’interpréter par vos propres décrets. En décrétant les conditions d’éligibilité, vous avez exclu les juges par incompatibilité ; vous avez craint l’espèce de crédit attaché à leurs fonctions; vous avez redouté jusqu’à la vertu; et après avoir porté ce décret rigoureux, vous pourriez balancer à vous opposer à ce que la liberté soit opprimée par la séduction ministérielle! Je stipule ici pour la liberté publique, pour l’honneur et l’intégrité de l’Assemblée nationale: il n’y a qu’un moyén d’assurer l’inviolabilité, c’est de mettre les députés le plus loin possible des recettes, des caisses et de la cour. (On applaudit de toutes parts avec transport.) M. Rœderer représente que la grande universalité des cahiers défend aux députés d’accepter du gouvernement des places, emplois, etc., et que, sur un pareil point, les cahiers peuvent être considérés comme l’expression du vœu général. M. de Volney. La situation où je me trouve est sans doute fâcheuse, puisqu’il faut que je parle de moi. Je ne m’oppose point au décret qui est présenté ; j’aurais mauvaise grâce à le faire, étant un de ceux auxquels on a accordé des places. Le parti que je prendrai est fondé sur cette opinion: qu’on ne peut être législateur et subordonné.... Il V a longtemps que, par des événements particuliers, j’ai l’Intention de borner mon travail dans cette Assemblée. Je déclare donc que, dans peu, je donnerai ma démission. Je crois être obligé de faire cette déclaration dès ce moment, afin que, quelle que soit la décision, on ne puisse m’accuser de récrimination. M. le duc de Riron. Il m’aurait été bien flatteur de porter vos décrets chez un peuple que vous rendez libre; mais en ce moment je me trouve trop heureux de vous témoigner à quel point j’applaudis au décret qu’on vous a proposé, et de tout sacrifier pour rester dans le sein de cette Assemblée. (L’Assemblée et les tribunes retentissent d’applaudissements.) M. le baron de Menou demande qu’on mentionne dans le procès-verbal et le fait et la manière dont il est accueilli. Cette proposition est adoptée. M. Sallicetlî. On attend M. de Biron en Corse; on le désire impatiemment: la nouvelle de sa nomination au gouvernement de cette île y a porté la joie. Tous, dans cette Assemblée, nous avons senti combien il était intéressant que ce fût par 330 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (26 janvier 1790.] lui que vos décrets fussent transmis à ma patrie. Au nom de mes compatriotes, je supplie l’Assemblée de nous donner M.de Biron. On fait une nouvelle lecture de la proposition de M. Duport, qui obtient la priorité sur les autres rédactions présentées. De nombreux amendements sont proposés. Sur les observalions de MM. Démeunier, Martin, Glezen, Guillotin et Rewbell, on substitue les mots ne peut à ceux ne pourra. M. Dillon. Je propose de dire : « L’Assemblée déclare, conformément à l’esprit du décret du 7 novembre dernier, » (Adopté.) M. Féraud. Je demande qu’on prononce l’exclusion, même après la démission. D’autres veulent étendre l’exclusion des places à deux ou trois années après la session. MM. Dillon et la Galissonnière disent que de pareilles dispositions détruiraient le principe de la liberté. M. le prince de Poix. Peut-on empêcher de choisir dans cette Assemblée des officiers dignes de servir leur pays ? Un officier-général capable de sauver la patrie ne pourra-Ml donc sortir de cette Assemblée? M.