98 (Assemblée nationale.] ARÇHIVES PARLEMENTAIRES. [U avril 1791.] titution et de responsabilité, négocier aucun effet, lorsqu’il se trouvera cédé par un négociant dont la faillite serait déclarée ouverte, ou qui leur serait remis par des particuliers non connus et non domiciliés. « Art. 12. Les particuliers qui, sans être pourvus de patentes, se seraient immiscés dans les fonctions de courtier et agent de change et de commerce, seront non recevables à aucune action, pour raison de leurs salaires; les registres où ils auront écrit leurs négociations n’auront aucune foi en justice; ils seront de plus sujets à l’amende déterminée par l’article 9 du décret du 16 février dernier. « Art. 13. Les courtiers et agents de change, de banque et de commerce ne pourront, à peine d’interdiction, se servir de commis, facteurs et entremetteurs pour traiter et conclure les marchés ou négociations dont ils seront chargés. « Art. 14. Il sera incessamment procédé par les tribunaux de commerce à la confection du tarif des droits de courtage, dans les différentes places de commerce du royaume : ce tarif aura force de loi, dans chaque ville où il aura été fait ; et jusqu’à la publication du nouveau tarif, ceux actuellement subsistants continueront à être exécutés. « Art. 15. Il sera également fait par les tribunaux de commerce un règlement sur la manière de constater le cours de change et des effets publics. « Art. 16. Les courtiers et agents de change se conformeront aux dispositions du présent décret à peine de destitution; et ceux contre lesquels elle aura été prononcée ne pourront, dans aucun temps, être pourvus de patentes pour en exercer les fonctions. « Art. 17. La connaissance des contraventions et contestations relatives à l’exécution du présent décret sera attribuée aux tribunaux de commerce. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Germain. Il n’est personne dans l’Assemblée qui ne convienne qu’il faut des règlements pour les agents de change; mais la grande question est de savoir si le nombre des agents sera illimité ou déterminé. Les courtiers sont pour le premier avis; les agents de change tiennent pour le second. Quel est l’intérêt du commerce? Le voici : sûreté, précision, vérité, promptitude et secret. Sûreté pour les effets; précision pour le cours; vérité pour les déclarations de ce cours; promptitude pour la négociation; secret enfin pour l’opération. Vous pressentez déjà, Messieurs, mon opinion; vous penserez, peut-être, comme moi ( Murmures prolongés.), qu’il estimpossiblequ’avec un nombre illimité on puisse réunir toutes ces conditions, réunion qui est cependant essentielle. Si le nombre des agents est illimité, les opérations seront divisées; dès lors elles seront nécessairement ralenties, et conséquemment point de promptitude dans les négociations. Le cours deviendra plus difficile à savoir, car le cours ne peut être fixé que par des opérations marquantes et faites à la même époque. A l’égard du secret, on sent très aisément qu’il est toujours plus compromis en raison du nombre. Ce nombre indéfini leur serait même réciproquement préjudiciable, au grand détriment du commerce. Je n’ai examiné, quant à présent, la question que relativement au commerce.Si je l’avais encore considérée relativement aux commerçants, je vous aurais montré d’autres inconvénients qui me con-firment dans l’opinion où je suis, que le nombre des agents de change doit être limité, fî’est ce qui m’engage à vous proposer le projet de décret suivant : « Le nombre des agents de change sera limité et il sera déterminé par les municipalités des lieux où ils exerceront leurs fonctions. » M. Helavïgsse. La discussion des articles proposés pur le comité exige beaucoup de réflexions et une grande maturité à cause de l’intérêt de Paris et de toutes les places de commerce pour le change. L’Assemblée devrait en prononcer l’ajournement. M. fiSouttcville-Bÿumetz. On peut toujours s’occuper du principe et décréter les deux premiers articles du comité. M. ISnzot. Vous avez rendu un décret qui établit la liberté des professions et ce décret a été reçu avec reconnaissance. L’obligation de se munir d’une patente et d’en acquitter le prix, les règlements à observer pour certaines vacations, ce sont là les seules conditions auxquelles vous avez attaché le libre exercice des différents genres d’industrie. Cependant, Messieurs, c’est une de ces libres professions qui sort maintenant de la ligne et qui vient réclamer une exception en sa faveur; c’est la profession d’agent de change; ce sont les soixante brevetés par l’ancien gouvernement qui viennent vous demander de mettre leur état au-dessus de la loi commune. Pour colorer leurs demandes, ils donnent à leurs fonctions une importance toute particulière. A les entendre, si vous ne faites pas pour les agents de change une loi d’exception, un corps dans la société; si vous ne limitez pas le nombre des membres dont ce corps doit être composé, il n’est pas de dangers qui n’en résultent pour le crédit public, pour la fortune des particuliers, pour la sûreté des affaires. Ce sont là, Messieurs, de faibles terreurs, que la moindre connaissance dissipe aisément; ce sont de vaines assertions de l’intérêt particulier, qui ne peuvent pas tenir contre les vues d’esprit public, qui doivent vous diriger dans cette matière. Aujourd’hui que les agents de change voient la liberté des professions établies, ils prétendent être des fonctionnaires publics, et à ce titre ils demandent encore la conservation de leur privilège; mais les entremetteurs sont-ils autre chose que des agents, des hommes de confiance qui facilitent par leur entremise les affaires de commerce? Il faudrait donc regarder aussi les banquiers, les commissionnaires, tous ceux qui font les affaires d’autrui, comme des fonctionnaires publics. Cependant a-t-on jamais pensé à donner à tous ces individus des privilèges? A-t-on jamais prétendu en limiter le nombre? Ces limites sont-elles compatibles avec une fonction de pure confiance? Les fonctionnaires publics sont salariés par le public et font les affaires des particuliers gratuitement ; proposer cette condition aux agents de change, ce serait, je crois, mettre leur patriotisme à une rude épreuve. ( Applaudissements .) On nous parle beaucoup de la confiance publique. Ne voit-on pas qu’il faut que les particuliers puissent se confier librement, et non qu’ils soient obligés de se livrer à une classe privilégiée d’individus? Ceux qui justifieront cette confiance ne tarderont pas à se faire une réputation, et cette réputation que leur probité et leurs lumières leur acquerront sera leur privilège. (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 avril 1791.) On parle de la confiance publique, et quand donc a-t-onvu les agents de change mériter cette confiance? L’ont-ils méritée par leurs intrigues, leurs banqueroutes, les fortunes scandaleuses qu’on les voyait accumuler? Cependant, pour prétendre qu’ils doivent continuer à faire une corporation, il faudrait que l’exnérience parlât en leur laveur. Comment se fait-il au contraire que, depuis la nouvelle formation des agents de change surtout, on se plaigne de tant d’infidélités, de tant de spéculations hasardées, de tant de marchés absurdes, de tant de banqueroutes? D’où vient qu’on les a vus si souvent se concerter pour tromper ceux dont ils usurpaient la confiance, et combinera leur gré les résultats de la Bourse? D’où vient que, depuis qu’ils forment une corporation, on les a vus être toujours les instru-inentsde l’agiotage d’un ministère déprédateur?... La liberté seule peut mettre fin à ces abus. Mais, dira-t-on, lorsque tout le monde s’immiscera dans l’exercice de ces fonctions, comment le secret des affaires sera-t-il maintenu? Je réponds que le secret était nécessaire sans doute pour cacher aux yeux du public, longtemps crédule, les honieuses spéculations des ministres. Il fallait du secret pour seconder les intrigues cruellement perfides par lesquelles ces agents élevaient leur fortune sur les malheurs publics; c’est par le secret, sans doute, qu’ils ont ruiné tant de commerçants, obligés par la loi de leur confier leurs affaires, qu’ils ont porté la désolation dans tant de familles. Non! non! Messieurs, plus de loi de secret, plus d’obscurité. Ceux qui osent la réclamer encore ne sont pas faits pour le grand jour qui nous éclaire. L’intégrité, la loyauté, voilà le premier secret dans la gestion des affaires. (Vifs applaudissements .) Ce secret, dira-t-on, peut être dans quelques affaires un acte de prudence particulière pour soutenir le crédit d’un commerçant. Mais pourquoi donc un honnête homme, l’honnête homme muni d’une patente, ne saurait-il pas garder un secret que l’honnêteté, la bienséance ou son propre intérêt lui commandent? Un brevet accordé ;à la cupidité donnera-t-il donc des qualités morales qu’une modeste patente enlèverait? J’ai honte de répondre à de pareilles objections; mais, j’ose le répéter, si le secret est nécessaire dans certains cas, qui tous les jours deviendront plus rares, je l’espère, que la loi ne l’autorise jamais, à peine de se rendre complice des infamies qu’elle semblerait vouloir protéger. On objecte que les agents de change futurs n’auront pas les connaissances nécessaires. Ges connaissances, je ne crois pas qu’elles soient si rares; mais l’expérience même des agents actuels est plutôt une objection contre eux, qu’un titre en leur faveur. Que peut-on désirer de mieux dans les nouveaux agents, sinon qu’ils ignorent ces honteuses manœuvres de l’agiotage, qu’ils ne connaissent pas cette science funeste de faire des marchés sur le cours fictif des effets, de faire des négociations de 100,000 livres là;où il n’y a pas 20,000 livres d'effets véritables ? Plusieurs membres : Cela est vrai. M. Buzot. Dans tous les cas nous croyons que les vraies’connaissances, c’est la liberté, c’est la concurrence qui nous les donnera. Si les agents actuels croient mériter la confiance publique, qu’ils ne redoutent pas la perte de leur privilège. La conscience les suivra sous le régime de la liberté, et ils conserveront le premier rang. 99 Je ne vois donc aucune raison directe qui puisse nous engager à faire exception, en faveur des agents de change, à la loi commune de liberté et d’égalité. Je vois au contraire beaucoup de raisons pour qu’ils soient soumis, comme tous les autres citoyens, à votre décret général sur les métiers et professions. C’est dans ces principes que les agents de commerce sont institués chez les nations étrangères, distinguées par leur commerce. On n’y connaît point de ces faiseurs de négociations, nantis d'un brevet d’accaparement.' Je pense donc que, en laissant la vocation d’agent de change libre à tout le monde, moyennant des patentes, il est nécessaire d’établir un règlement pour que tous ceux qui voudront se vouer à cet état, sachent à quoi ils sont tenus en l’embrassant, de manière que la sûreté des engagements s’allie avec le libre exercice de cette industrie. (Applaudissements .) Je vote donc pour les deux premiers articles du comité qui renferment les résultats des principes que je viens de développer; et je demande l’impression et l’ajournement des autres articles. (L'Assemblée ferme la discussion.) M. Roussillon, rapporteur , donne lecture de l’article 1er. Art. 1er. « Les offices et commissions d’agents et courtiers de change, de banque, de commerce et d’assurance, tant de terre que de mer, conducteurs, interprètes dans les ports de mer tant français qu’étrangers et autres, de quelque nature et sous quelque dénomination qu’ils aient été créés, sont supprimés, à compter du jour de la promulgation du présent décret. » (Adopté.) M. Roussillon, rapporteur , donne lecture de l’article 2 ainsi conçu : « Art. 2. Conformément à l’article 7 du décret sur les patentes, du 2 mars dernier, il sera libre à toutes personnes d’exercer la profession de courtier et d’agent de change, de banque et de commerce, tant de terre que de mer, mais à la charge de se conformer aux dispositions des règlements qui seront incessamment décrétés, sans que personne puisse être forcé d’employer leur ministère. » M. de lia Roehefoucauld-Uancourt. Je crois que, pour assurer le service de la Bourse qui finirait subitement demain, il faut décréter que les fonctions des agents de change actuels continueront provisoirement jusqu’au 1er de mai. M. Buzot. Il me semble que les règlements à porter sur cet objet sont infiniment simples. Je crois donc qu’il faut ordonner l’impression des articles du règlement et ajourner à samedi. Je ne vois pas comment cet intervalle d’aujourd’hui à samedi pourrait être nuisible à quelque opération de commerce. M. JLe Couteulx de Canteleu appuie la motion de M. de La Rochefoucauld-Liancourt. M. Delavigne. Je proposerai à l’Assemblée, en modifiant la proposition de M. de Liancourt, de décréter provisoirement que les nouvelles dispositions adoptées n’auront leur effet qu’après la confection du règlement. M. de Hoailles. Pourquoi attendrait-on jus-