[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 septembre 1790.] 751 On demande la question préalable sur l’article. La question préalable est rejetée. L’article est ensuite décrété dans la teneur ci-dessous i « L’Assemblée nationale instruite que, dans la plupart des diocèses du royaume, il existe dans fa caisse des impositions du clergé, une masse de deniers comptants, formant le reliquat des comptes des années précédentes, et connus sous le nom de bons et gras de caisse , dérogeant en cette partie à l’article 4 du décret du 18 juillet dernier sanctionné par le roi le 18 du môme mois, ordonne que dans la huitaine du jour de la notification du présent décret, qui sera faite aux receveurs des décimes et à tous autres receveurs des impositions du clergé, sous quelque nom qu’ils soient connus, à la diligence des procureurs-syndics des districts, lesdits receveurs verseront ou feront verser à la caisse de l’extraordinaire en deniers comptants, comme objet déposé entre leurs mains, la totalité des deniers étant en leurs mains pour reliquat des comptes par eux précédemment rendus-, décrète en outre que lesdits receveurs des décimes et impositions du clergé rendront sans délai, par-devant les directoires des districts où ils sont domiciliés, le dernier compte de leur administration, auquel compte seront appelés trois curés du diocèse, nommés par le directoire des districts dans lesquels ils sont établis, et en feront verser le reliquat à la caisse de l’extraordinaire. » M. Defermon, rapporteur du comité de la marine. Votre décret sur le pacte de famille a autorisé un armement de 45 vaisseaux de ligne; le ministre de la marine vous a présenté le tableau de la dépense de l’armement des 31 vaisseaux, 9 frégates, une corvette et un aviso, nécessaires pour compléter le total de nos forces. Ce tableau présente une nouvelle dépense de 21,615,456 livres par année, à raison de 1,673,263 livres par mois ; mais comme il eût été difficile d’exécuter à la fois les levées d’hommes nécessaires à la totalité de ce second armement, le comité s’est assuré que le ministre a limité ses ordres à l’armement de 16 vaisseaux de ligne avec les frégates, corvette et aviso, en indiquant par préférence les vaisseaux de premier rang: c’est d’après cette instruction que le comité a porté la dépense aux deux tiers de celle énoncée, pour la totalité, par le ministre. Dans ce département, l’habitude d’intervertir les fonds et d’en dénaturer l’emploi a jusqu’à présent paru invincible. G’est cette confusion qui depuis 11 ans a rendu impossible la comptabilité générale. Il importe, sans doute, de mettre un terme à ce désordre. Votre comité y a pourvu par une disposition spéciale et vous propose le projet de décret qui suit : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de ses comités de marine et des finances réunis, sur la demande faite par le ministre de la marine d’un fonds extraordinaire pour pourvoir aux dépenses qu’exigent les armements; « Décrète qu’il sera provisoirement délivre au ministre de la marine un fonds extraordinaire de 4,600,000 livres, pour pourvoir, tant aux dépenses de l’escadre de Brest, aux ordres de M. d’Albert, pendant le mois d’août, qu’aux frais du nouvel armement, et aux approvisionnements nécessaires. « Décrète, en outre, que dans le compte que le ministre sera tenu de fournir chaque mois, conformément au décret sur le pacte de famille du 26 août dernier, les frais d’armements et entretien des escadres seront séparés des dépenses ordinaires et présentés dans une colonne particulière afin de justifier clairement la destination et l’emploi des sommes qui auront été mises à sa disposition pour ces objets. » (Adopté.) M. Duhart, député du département des Basses-Pyrénées, demande et obtient un congé de six semaines pour affaires. M. le Président. Le comité militaire demande à faire un rapport sur la discipline intérieure des corps et sur les punitions à infliger à ceux qui y con trev tendraient. M. de Bouthillier, rapporteur. Messieurs, la discipline est l’âme d’une armée : sans elle, sans subordination, elle serait sans force comme sans moyens d’exécution. Le soldat ne doit point perdre, sans doute, ees droits, comme homme et comme citoyen; mais il en est cependant une portion dont il doit de plus le sacrifice, en raison de l’état militaire auquel il s’est consacré. L’abnégation qu’il en doit faire momentanément , en faveur de l’utilité de ses concitoyens, qu’il s’est engagé à défendre ou à protéger, devient pour lui un titre de plus à leur reconn aisance, et cetle espèce de privation d’une partie de ses droits qu’il s’impose, est sans contredit le premier pas qu’il doit faire dans la carrière de l’honneur dont la voix doit toujours le diriger. La subordination militaire doit être établie de grade en grade; mais si elle doit être passive pour ceux qui y sont soumis, il faut en même temps que l’exigence en soit réfléchie de la part de tous ceux qui sont dans le cas de la prescrire, et que des lois sages, en l’ordonnant, préviennent aussi les abus qu’on en pourrait faire. Pour pouvoir contenir une multitude d’hommes armés, rassemblés et faits pour obéir, il faut qu’ils puissent savoir ce qu’on est en droit de leur prescrire, et les châtiments auxquels ils peuvent être exposés s’ils refusent de s’v soumettre. La loi, et non la fantaisie arbitraire des commandants, doit le prononcer d’une manière positive; et s’il est nécessaire qu’elle établisse des peines contre ceux qui troubleraient l’ordre, il faut qu’elles soient proportionnées aux fautes, qu’elles ne contrarient pas fè caractère national, et, par-dessus tout, qu’elles ne puissent être infligées que loyalement. Les fautes que l’on doit punir sont de deux natures : les unes sont seulement contraires à la discipline et n’intéressent qu’elles; les autres sont de véritables crimes ou délits contre le bon ordre, soit militaire, soit civil. Les punitions de discipline ont été infligées, jusqu’ici, par la volonté seule des commandants sur leurs subordonnés. Celles contre les crimes et délits militaires ne l’étaient qu’en vertu des lois, et que conformément aux formes orescriles par elles. G’est au roi à prononcer les règlements de détails de la discipline intérieure ; mais c’est au Corps législatif à décréter les articles constitutionnels qui doivent leur servir de bases. G’est aux représentants de la nation seuls qu’il appartient de dicter les lois qui peuvent intéresser l’honneur, l’existence civile, ou la vie des citoyens consacrés à la défense de la patrie; c’est à eux qu’il appartient de prononcer les formes légales qui doivent constater la justice et l’authen- 752 [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 septembre 1790.1 ticité des jugements; le code pénal doit donc être leur ouvrage. Pour mettre de l’ordre dans un travail de cette importance, le comité a pensé devoir le diviser en deux parties : l’une, sous le nom de discipline, comprendra les bases constitutionnelles des règlements de détails à prononcer par le roi ; l’autre, sous le nom de crimes et délits militaires, renfermera le code pénal et la forme légale des tribunaux chargés de prononcer contre les coupables les peines encourues par la loi. En vous les soumettant toutes les deux à la fois, il pourrait en résulter quelque confusion dans votre délibération. La première partie, concernant la discipline, sera seule l’objet du présent rapport. Il sera suivi immédiatement de celui sur les jugements et procédures des tribunaux militaires, et sur les crimes et délits qui doivent y donner lieu. Les fautes contre la discipline sont plus ou moins graves, suivant leur nature ou les circonstances qui les accompagnent ; les châtiments qu’elles peuvent mériter doivent leur être proportionnées et varier en conséquence. Il serait trop difficile et trop minutieux de chercher à en faire une application exacte, à tous les cas. U doit suffire d’indiquer celles des fautes à ranger dans cette classe, ainsi que celles des punitions susceptibles d’être prononcées contre ceux qui les commettraient : ces punitions de discipline sont ordinairement légères et de peu d’importance. Les assujettir à des formes légales serait s’écarter de leur but, qui doit être de punir la faute aussitôt qu'elle est commise, et même de prévenir, par elles, celles qui pourraient devenir plus graves et plus dangereuses; tous ceux revêtus du commandement doivent avoir le droit de les prononcer eux-mêmes contre leurs subordonnés, sauf le compte graduel à en rendre conformément à la hiérarchie des grades militaires; mais en leur accordant ce droit, pour écarter l’arbitraire de quelques-unes de ces punitions, qui, quoique légères, n’en deviendraient pas moins sévères et fâcheuses, eut-être, par leurs résultats, pour la santé des ommes qui les subiraient, si elles pouvaient être prolongées à volonté, la loi doit nécessairement en déterminer la durée ; et si quelques fautes plus graves, sans être de nature cependant à mériter des peines plus fortes, ni l’appareil d’un jugement légal, semblaient demander que ces punitions fussent prononcées pour un terme plus long que celui permis à la disposition pour ainsi dire arbitraire des chefs, la nécessité delà discipline nous a paru exiger qu’elles puissent être ainsi prolongées, mais la justice et la raison ont semblé en même temps nous faire la loi de ne pas abandonner leur prolongation indéterminée à la merci de la volonté d’un seul homme, mais bien de les soumettre à la décision d’un conseil de discipline établi à cet effet dans l’intérieur du régiment. Si les punitions de discipline doivent être prononcées sans formes légales, selon les circonstances et le moment, et pour ainsi dire par la volonté seule descommandants contre leurs subordonnés, la justice exige que la loi réserve à ces derniers des moyens de se plaindre des injustices qu’ils croiraient avoir éprouvées, ou des griefs qu’ils pourraient avoir contre leurs chefs. Il nous a paru que le même conseil de discipline, chargé de prononcer les prolongations de peine au delà du terme laissé à la disposition des commandants, doit l’être en même temps de recevoir les plaintes que les subordonnés croiraient devoir lui adresser; mais comme la subordination exacte, si nécessaire dans le métier des armes, ne permet pas de retard dans l’exécution des punitions, ni de plaintes sans fondement de la part des subordonnés contre leurs chefs, il nous a paru encore que ces derniers, quelques fondés qu’ils puissent se croire à se plaindre, devaient commencer provisoirement par obéir, et même par subir la punition qui leur serait ordonnée, et que si ‘les commandants, contre lesquels ils porteraient des plaintes fondées, doivent être punis, ils devaient i’être eux-mêmes, relativement à celles qu’ils porteraient injustement contre eux. Dans le nombre des punitions de discipline usitées jusqu’ici, il en existait plusieurs intéressant l’existence des militaires, ou contraires au caractère français, telles que les coups de plats de sabre, le renvoi avec des cartouches infamantes ou la cassation des grades. La première opposée au génie de la nation, que l’honneur conduit d’une manière plus efficace encore que les coups, avait été prescrite par les ordonnances de 1776 ; ce général qui, pendant la guerre d’Allemagne, avait su connaître assez bien l’esprit français pour arrêter, par la crainte des coups, la maraude que la peine de mort ne pouvait pas même réprimer,- en a ordonné la suppression pendant son court ministère. Vous avez proscrit provisoirement l’abus des cartouches infamantes, la cassation des grades subsiste encore. Ces trois punitions nous ont paru de nature âne jamais être infligées qu’en vertu de formes légales, et en les réservant comme un châtiment nécessaire peut-être à prononcer pour certains délits militaires auxquels elles seraient jugées applicables, nous avons pensé devoir les interdire absolument pour des fautes de simple discipline. Il existe encore une punition fort en usage, et dont les effets nous ont paru contraires, non seulement à la santé des hommes, mais encore à la dignité même du service ; celle de condamner à monter des gardes hors de tour. Rien n’use les hommes, rien ne les fatigue et ne leur occasionne plus de maladies que les corps de garde ; sous ce point de vue cette punition devient fâcheuse, elle ne l’est pas moins sous celui du celui du service. Il est un des premiers devoirs du militaire, garder ses concitoyens, veiller à leur défense, à leur sûreté, est un honneur; ce sentiment doit animer et soutenir dans ces fonctions pénibles, c’est risquer de l’anéantir que de les confier en même temps et concurremment à des hommes qui n’en seraient chargés que par punition ; nous avons donc pensé que celles de cette nature devaient être abolies. Tels sont, Messieurs, les principes qui ont dirigé votre comité dans le projet de loi qu’il a l’honneur de vous présenter, relativement à la discipline intérieure des corps et aux punitions à prononcer contre ceux qui y contreviendraient. M. de Bouthillier donne lecture d’un projet de décret. Après une discussion assez confuse, l’Assemblée adopte les 9 articles qui suivent : « L’Assemblée nationale, convaincue que la principale force des armées consiste dans la discipline, qu’il est de son devoir de la maintenir, en même tempsqu’il estde sa justice d’en déterminer les bases, de manière qu’aucune punition ne puisse être infligée arbitrairement hors de l’esprit de la loi, se réservant en outre de prononcer sur les crimes et délits militaires, ainsi que sur les formes légales à employer pour les juger, décrète