712 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juillet 1791. J suite. Rome naissante triompha de Porsenna. Tous les efforts de la maison d’Autriche échouèrent contre les agriculteurs de l’Helvétie et contre un petit nombre de Hollandais; plus récemment encore l’Amérique a donné un grand exemple à l’univers. Combien les ressources et la population de la France l’emportent sur celles des contrées estimables que leur courage délivra de la servitude! Non, la France ne peut être subjuguée. « Vous direz au roi qui nous abandonne; Monarque infortuné, vous que nous chérissions, vous que nous avions proclamé Restaurateur de la liberté française , nos ennemis communs ont donc pu vous surprendre! Réfléchissez et voyez comme ils vous trompent; considérez toute la profondeur de l’abîme dans lequel ils vous précipitent; frémissez de tous les maux que votre démarche peut occasionner. Encore un instant, et vous vous déclariez l’ennemi de votre patrie; votre nom sera inscrit pour la postérité sur la liste des tyrans parricides! Encore un instant, et vous nous” déliez de nos serments, parce que vous aurez violé les vôtres... Entourez-vous des armées que l’on prépare et vos satellites éprouveront ce que peuvent la constance et le dést spoir. Si les rois vous secondent, nous aurons pour nous le ciel, la justice de notre cause, les peuples qui connaissent leurs droits et leurs devoirs, notre union et notre courage. La Constitution est inébranlable, parce qu’elle repose sur les principes éternels de la raison et de la vérité. Pour la renverser, il faudrait faire de la France entière un vaste tombeau; et si vous réussissiez, que vous resterait-il de vos succès déshonorants? Des ruines, un désert habité par quelques hommes avilis. Car, nous qui préférons la mort à l'esclavage, s’il faut périr en défendant la patrie, nous mourrons libres, glorieux et vengés. (Applaudissements.) « Nous sommes avec respect, Messieurs, « Les citoyens, habitants de la ville de Rennes, au nombre d’environ 1,500. » Rennes, 23 juin 1791. (L’Assemblée décrète l'impression de cette adresse et son insertion dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture d’une adresse des citoyens de la Flotte, île de Ré, ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Quelle affreuse nouvelle traverse la mer qui nous environne, et vient nous frapper d’épouvante et d’effroi ! Le roi enlevé. . . le roi parti de Paris... ! Et où va-t-il, s’écrient les vieillards, les femmes, les enfants... ? Il régnait sur des hommes libres ;il va chez des tyrans armer leurs satellites et préparer les fers dont il veut nous charger! Bientôt, sans doute il osera, il voudra devenir l’oppresseur du peuple qui l’aimait et dont il eût pu être le père ! Prince trop faible, vois l’abîme creusé sous les pas par les mains qui te sont les plus chères! Vois les Français, témoins de tes serments, victimes de tes parjures, te reprocher leur amour et ton ingratitude ! Vois, vois les courir de toutes parts se ranger sous les drapeaux de la liberté, opposer à tes lâchas soutiens la haineimplacabledelatyrannie etl’éner-gie du patriotisme! « Législateurs, pères de la patrie, le destin de la France est confié à vos mains; les lois sont votre égide, les Français sont pour vous; et la rage impuissante de nos ennemis ne pourra résister à l’effort de nos bras. « La France est en armes, le cri de vivre libre ou mourir retentit de toutes parts, et l’écho du patriotisme l’a déjà porté aux extrémités de l’Empire. « Représentants de la nation, vous qui, dans la criseviolente, réunissez tous les pouvoirs suprê-mej, dont le roi n’était que le premier agent, soyez inébranlables, montrez dans le danger qui menace l’Etat, ce courage intrépide et réfléchi qui vous fit faire le serment au Jeu de Paume. « Voilà votre tâche. . . La nôtre, c’est de mourir pour vous défendre. « Les citoyens, amis de la Constitution de La Flotte (lie de Ré). Signé: J. Viellon-Durand, Henry l’aîné, Pageoin, Sorin, Lavertu fils, J. Guyon, J. Sibille, Gorini François, Dupont, P. Durand l’aîné, Hibrü, Dornet, B. Masseau, Pizan, Coursolle, Gicatean, P. Valleau, D<-ché-zeau, Aveau, Grelami aîné, S ephan, Michel Porsain, Couisolle, Charles Villeneau. « La Flotte (Ile de Réj, le 24 juin 1791. " (L’Assemblée décrète l’impression de cette adresse et son insertion dans le procès-verbal.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 4 JUILLET 1791. PROJET DE décret pour parvenir à l'audition de tous les comptes à rendre jusqu au 1 er janvier 1791 inclusivement ( arriéré de la comptabilité), présenté, au nom du comité central de liquidation, par M. Briols-Beaunietx , député du département du Pas-de-Calais (1). — (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Titre Ier. DE LA SUPPRESSION DES CHAMBRES DES COMPTES. Art. 1er. A compter du jour de la publication et de la notification du présent décret aux chambres des comptes du royaume, supprimées par le décret du 2 septembre 1790, elles cesseront toutes fonctions. Art. 2. A compter du même jour, les offices de procureurs postulants et les autres offices ministériels près lesdites chambres des comptes seront supprimés. Art. 3. Aussitôt que le présent décret sera parvenu aux directoires de déparlements, ils le feront notifier aux chambres des comptes situées dans l’étendue de leur département; et dans le jour, les directoires des départements feront procéder par detix de leurs membres, assistés du procureur général syndic du département, à l’apposition des scellés sur les greffes, dépôts et archives desdites chambres des comptes, ainsi que sur leur mobilier. (1) Ce projet de décret fait suite au rapport de M. Briois-Beaumetz sur l’arriéré de la comptabilité. — Voir Archives parlementaires, t. XXVI, séance du 25 mai 1791, page 437. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juillet 1791.] Art. 4. Lesdits commissaires, iors de l’apposition des sc* liés, se feront représenter et remettre tous les comptes non encore définivement jugés, apurés ou corrigés, qui se trouveront exister dans les greffes, ainsi que les pièces à l’appui ; ils en dresseront un bref état, dont un doub e -era délivré aux greffiers pour leur décharges desdits comptes et pièces. Art. 5. Ils se feront représenter les registres aux distributions des comptes, et remettre ceux desdits registres sur lesquels il se trouvera des articles non encore déchargés. Art. 6. Les officiers qui s ■ sont chargés sur les registres des comptes et pièces à l’appui seront tenus de remettre lesdits comptes et pièces au directoire du département en dedans quinzaine. à compter de la notification; aprè-laquelle quinzaine, faute par eux d’avoir remis lesdits comptes et pièces, les intérêts de leurs finances cesseront de plein droit; et après une seconde quinzaine, ils seront, en outre, condamnés à une amende de 300 livres, laquelle sera ensuite augmentée de 10 livres par chaque jour de retard. Art. 7. Les directoires des départements feront parvenir, sans délai, au bureau de comptabilité qui sera ci-après établi, les comptes et pièces à l’appui qu’ils auront retirés soit des greffes, soit des mains des conseillers-rapporteurs. Art. 8. L’Assemblée nationale pourvoira à la levée des scellés, à l’inventaire et conservation des pièces reposantes aux greffes, dépôts et archives des chambres des comptes supprimées. Art. 9. Il sera pourvu incessamment à la liquidation et au remboursement des offices supprimés par le présent décret, et ce, suivant les lormes et les principes décrétés par l’Assemblée nationale, concernant la liquidaiion et le remboursement des offices de judicature et ministériels. TITRE II. DE L’EXAMEN ET DE L’ARRÊTÉ DES COMPTES. Art. 1er. L’Assemblée nationale, et, après elle, le Corps législatif, s’occuperont avec la plus grande activité de l’examen des comptes à rendre jusques et y compris l’année 1790. Art. 2. A cet effet, il sera nommé un comité dé 60 membres, qui sera nommé Comité de l’examen des comptes arriérés. Art. 3. Ce comité sera divisé en 10 sections de 6 membres chacune, entre lesquelles le travail sera pariagé également. Elles connaîtront indifféremment de l’examen des différents genr s de comptabilité et seront formées par la voie du sort, et désignées par l'ordre numérique de leur formation. Art. 4. Le comité de comptabilité sera chargé de recevoir les comptes de tous les compiabf s; il sera aussi autorisé à exiger de tous les ministres et ordonnateurs la justification de la légitimité de tous les ordres qu’ils auront donnés pour quelque dépense que ce soit, jusqu’au 1er juin 1791. Art. 5. Le premier soin de ce comité sera de correspondre avec les directoires des départements, puur la remise des comptes non présentés et non jugés, ou qui, étant jugés, ne sont pas encore apurés ou corrigés, et d'en presser la remise conformément à l’article 1er du titre Ier. Art. 6. A mesure que les comptes et pièces à l’appui seront adressés à l’Assemblée nationale, le comité aura soiu de les faire classer et enre-713 gistrer, et d’en accuser la réception aux directoires. Art. 7. Le comité recevra aussi des comptables : l°les états, mémoires et soumissions mentionnés ci-après en l’article 1 et 2 du titre III, et leur en délivrera récépissé; 2° les comptes qu’ils présenteront et les pièces à l’appui. Art. 8. Les comptes à examiner, distribués à chaque section, seront répariis également entre les membres de la section, pour lès examiner et en faire leur rapport à la section dont ils sont membres. Art. 9. Le rapporteur, en examinant un compte, sera tenu de viser chacune des pièces produites à l’app i, et de faire mention, à l’une des marges du compte, de l’inspection qu’il a prise de chacune des pièces relatives à l’article. Art. 10. Les membres de chaque section feront le rapport à leur section, des comptes qu’ils auront examinés. Dans ce rapport, ils commenceront par exposer sur quelle nature de pièces le comptable a appuyé les preuves de sa recette et de sa dépense, et ils rapprocheront cet exposé du texte des lois qui ont réglé chaque nature de comptabilité. Art. 11. Les rapporteurs exposeront ensuite au bureau les difficultés qu’ils auront remarquées dans l’examen du compte, et les soumettront à i’opinion du bureau. Art. 12. Les difficultés sur lesquelles il y aura partage d’opinion entre les membres d’un même bureau, seront décidées par Lavis du bureau du numéro suivant, et celles qui surviendront dans le bureau numéro 10, par l’avis du bureau numéro 1. Art. 13. Les rapports sur les partages d'opinion seront faits par le rapporteur du compte. Les membres qui auront été de l’opinion contraire à celle du rapporteur, nommeront un d’entre eux pour la soutenir au bureau qui devra départager. Art. 14. Le comité général se réunira pour délibérer sur toutes les actions à intenter, soit contre les comptables, soit contre les ministres et ordonnateurs. Art. 15. Lesdites actions seront toujours inien-tées par-devant le juge de district du domicile de chaque comptable, ministre et ordonnateur de l’avis du comité de comptabilité, et à la diligence du procureur général, syndic du département de son domicile. Art. 16. Toutes poursuites à intenter contre les comptables, soit pour les ob'iger à rendre compte et les faire condamner aux amendes résultant de leur négligeance, soit pour les contraindre à satisfaire aux clauses de 1 arrêté de compte, seront exerrées par la voie judiciaire, conformément à l’article p écédent. Art. 17. Il pourra être prononcé des condamnations de dépens et même de dommages et intérêts contre le Trésor public, dans le cas où la contestation serait jugée en faveur du comptable. Art. 18. Le comité de compiabilitô sera autorisé à former un bureau d’un nombre suffisant de personnes versées dans la comptabilité, pour l’aider dans le travail de la réception et l’examen des comptes. Art. 19. Le comité proposera à l’Assamblée le plan *ie la formation de ce bureau, l'état nominatif des personnes qui le composeront, avec l’i ndicat ion des fonctions et emplois qu’ils ont précédemment exercé-, et enfin, la somme des appointements destinés à chacun d’eux. Art. 20. Cette formation sera réglée définitive- 714 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juillet 1791. J ment par un décret de l’Assemblée nationale, et il n’y pourra être porté aucun changement qu’en vei tu d’un nouveau décret. TITRE III. DE LA PRÉSENTATION DES COMPTES. Art. 1er. Dans le délai de quinzaine après la publication du présent décret, tous individus ou compagnies qui comptaient de la recette ou dépense des deniers publics, soit par-devant les chambres des comptes, soit par devant le conseil du roi ; tous héritiers et ayants cause d’individus comptables, comme aussi les receveurs, économes, séquestres, régisseurs ou administrateurs tenus de rendre compte par devant le Corps législatif, aux termes des décrets, adresseront au comité de comptabilité de l’Assemblée nationale, un état de situation de leur comptabililé, contenant : 1° la date de leur dernier compte jugé, apuré et corrigé, avec le certificat de quitus ou décharges à l’aepui; 2° la date de leurs comptes jugés, mais non encore apurés ni corrigés, avec copie des jugements; 3° la date des comptes par eux présentés, et qui n’ont pas encore été jugés; 4° la date des années de leur exercice, dont ils n’ont pas encore présenté le compte, jusques et y compris l’année 1790. Art. 2. Lesdits comptables, ou leurs ayants-cause, joindront, dans le même délai, au précédent état, un mémoire motivé et expositif du temps qu’ils jugeront leur être nécessaire pour dresser et présenter leurs comptes, comme aussi pour les apurer; le tout dans les formes qui seront ci-après prescrites avec leur soumission de satisfaire auxdites présentations et apurement dans ledit délai. Art. 3. Tous comptables qui n’auront pas envoyé à l’Assemblée nationale les états et mémoires indiqués aux 2 articles précédents, dans le délai de quinzaine ci-dessus énoncé, cesseront, à compter dudit délai, d’avoir droit aux intérêts du montant de leurs finances, cautionnements ou fonds d’avance, et seront en outre condamnés à une amende de 300 livres, qui sera augmentée de 10 livres, par chaque jour de retard; et à cet effet ils seront tenus de se pourvoir au comité de comptabilité d’un certificat de remise de leurs états et mémoires, où le jour de ladite remise sera énoncé; le décompte de leurs finances, fonds d’avance ou cautionnements, ne pourra être fait que sur la représentation dudit certificat. Art. 4. L’Assemblée nationale connaîtra, par le rapport qui lui en sera fait, du délai demandé par chacun des comptables ou leurs ayants-cause, pour présenter leurs compies jusques et y compris l’année 1790; et elle fixera par un décret le lemps qui sera accordé à chacun d’eux pour y satisfaire. Art. 5. Tout comptable qui n’aura pas présenlé ses comptes dans le délai décrété par l’Assemblée natbmale, perdra, à compter de l’expiraiion dudit délai, l’intérêt de ses finances, cautionnements ou fonds d’avance, et sera condamné en outre à la restitution du double du montant des débets dont il sera délinitivement jugé reliquataire; et 6 mois après l’expiration dudit délai, s’il n’avait pas encore satisfait, il sera contraint par corps. TITRE IV. DES FORMES A SUIVRE PAR LES COMPTABLES POUR RENDRE COMPTE. Art. 1er. Au moyen de la suppression des procureurs à la chambre des comptes, tous comptables dresseront et présenteront eux-mêmes leurs comptes, et pourront en suivre l’examen par enx-mêmes ou par qui ils commettront à cet effet. Art. 2. Les comptes pourront être écrits sur papier libre. Art. 3. Les comptables ne seront pas tenus à la formalité de rapporteur di s états au vrai signés du ministre ou des ordonnateurs; ils dresseront un compte par chapitres des recettes, dépenses et reprises, et rapporteront les pièces à l’appui. Art. 4. Les recettes, dépenses et reprises seront établies et justifiées d’après les mêmes règles et par les mêmes pièces qui ont été requises jusqu’à ce jour par les lois, ordonnances et règlements pour chaque nature de comptabilité. Art. 5. Il sera joint à chaque compte un état des frais nécessaires pour le dresser, et il sera prononcé sur cet état de frais en même temps que sur l'arrêté du compte. Art. 6. Les comptables qui ont des recettes et des dépenses fixes pourront réunir en un seul compte les exercices de plusieurs années, et porter en un même article la somme d’une même recette ou d’un même payement, qui a eu lieu pendant les années qu’embrasse le compte. Art. 7. Il ne sera rien innové à la forme des comptes déjà présentés. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 4 JUILLET 1791. MÉMOIRE concernant la comptabilité des finances, rédigé par l'agent du Trésor public, sur la demande du comité central de liquidation de l'Assemblée nationale, et imprimé par son ordre. Le comité central de liquidation a déjà arrêté qu’il y aurait un bureau de comptabilité : que ce bureau serait composé de commissaires dont les droits seraient égaux entre eux: que ces commissaires seraient au nombre de 15 et formeraient 5 sections : qu’ils seraient nommés par le roi et ne pourraient être destitués que pour cause de forfaiture, ou sur la demande au Corps législatif: que ces commissaires auraient sous leur inspection les préposés nécessaires pour mettre les pièces des comptes en ordre, s’assurer de leur nombre et préparer leur travail. Le comité, ne considérant les comptes arriérés que comme un accessoire de l’ordre de comptabilité qui va être établi pour l’avenir, a cru qu’il fallait s’uccuper d’abord du point de savoir s’il était nécessaire de créer un tribunal spécialement chargé de juger les contestations auxquelles l’apurement des comptes pourrait donner lieu: c’est l’objet de ce mémoire.