390 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE son enfant, étant venu de Brest à Paris, en vertu d’une authorisation de Prieur de la Marne, pour réclamer de l’emploi auprès de la commission des armées de terre, conformément à un arretté du comité de salut public du 21 floréal qui le concerne, demande à la Convention nationale de vouloir bien prendre en considération ses réclamations ci-j ointes et les renvoyer au comité de salut public afin d’y faire droit s’il y a lieu. Sherlock. Aux représentans du peuple français. Citoyens, L’intention de la Convention nationale n’est sans doute pas de suspendre en ce moment de ses fonctions le militaire qui, depuis le commencement de la révolùtion, a toujours observé une conduite sans reproche, qui n’intrigua jamais pour obtenir aucune place, et qui, rigide observateur de ses devoirs, s’attira toujours la bienveillance de ses camarades et de toutes les autorités constituées sous lesquelles la loi l’a placé; c’est dans cette pleine et entière confiance que Sherlock, capitaine au second bataillon du 92e régiment d’infanterie, vient auprès des représentans de la nation réclamer aujourd’hui une justice rigoureuse. Elevé dès son bas âge parmi les armes, fils d’un ancien soldat, autrefois connu sous la dénomination d’officier de fortune, ayant 11 années de service effectif et 6 années de campagne, il se voit au moment d’être sans emploi, sans appointemens et sans ressource, si la bienfaisance nationale, en laquelle il ose tout espérer, ne vient à son secours. Sherlock se trouve dans une position tout à fait particulière. Son bataillon étant en Amérique, il revint en France par congé; resté quelque temps à Paris où il est domicilié depuis son enfance, il fut momentanément employé au comité de sûreté générale qui l’honora de différentes missions qu’il mit une pleine exactitude à remplir; enfin, obligé de sortir de Paris en sa qualité de militaire, par un décret général de la Convention nationale, il reçut ordre du ministre de la guerre de se rendre à Brest, afin d’y attendre son embarquement pour rejoindre son bataillon, conformément à la décision qui en avoit été prise au conseil exécutif. Peu de temps après son arrivée dans ce port, il fit parvenir différentes réclamations aux commissions de la marine et des troupes de terre pour obtenir un remplacement quelconque dans une armée en France; il y démontroit l’inutilité évidente d’envoyer des officiers rejoindre des bataillons en Amérique, dont depuis longtemps, on n’avoit reçu aucune nouvelle officielle, et qui peut-être n’existoient plus. La commission de la marine ayant égard à ses observations, fit un rapport à ce sujet au comité de salut public, qui, le 21 floréal, prit l’arrêté suivant : « 1). Les officiers des différens corps des troupes employés dans les colonies, qui se trouvent en France par congé ou autrement, ne seront pas renvoyés dans les colonies, leur présence y devenant inutile, attendu la réduction considérable que ces différens corps ont éprouvés. 2). Le traitement dont ils jouissoient, et qui leur étoit payé par la commission de marine et de défense des colonies, cessera à la fin du présent mois de floréal, an IL 3). La commission de l’organisation et du mouvement des troupes de terre s’occupera sur-le-champ des moyens d’employer ces officiers en Europe, de la manière la plus utile pour le service de la République, s’ils ne sont pas de la caste nobiliaire, et s’ils sont républicains». Sherlock, d’après cet arrêté qui lui fut transmis par l’agent de la marine à Brest, le 3 prairial, renouvella ses instances auprès de la commission des armées de terre pour obtenir un remplacement conformément à cette loi; il s’adressa pareillement au général Tribout pour trouver un moyen d’occuper un emploi dans l’état-major de sa division; mais en vain, car dans cette armée, comme dans presque toutes celles de la République, il se trouve un tiers d’adjudans-généraux et d’adjoints au-delà de ce qu’exige le service. Etant à attendre la réponse de la commission des troupes de terre, il reçut une lettre de celle de la marine, le 13 prairial, ainsi conçue : « La commission de marine et de défense des colonies te prévient, citoyen, qu’elle donne ses ordres à l’agent maritime de Brest pour qu’il te fasse faire le compte de tes appointemens à compter du 1er octobre 1792 (v.s.), époque à laquelle tu as cessé d’en être payé à Paris, jusqu’au dernier floréal, an IL Il n’est plus question, au surplus, de ton retour aux isles françaises de l’Amérique sous-le-vent, et, conformément à un arrêté du comité de salut public du 21 du mois dernier, ce sera désormais la commission de l’organisation et du mouvement des troupes de terre, qui te fera payer tes appointemens, et qui s’occupera des moyens de t’employer ainsi qu’elle le jugera le plus utile pour le service de la République ». Signé David. C’est dans ces entrefaites que Sherlock apprit la formation nouvelle de son bataillon en France; un malheureux reste de celui qu’il avoit laissé en Amérique étoit à son insçu débarqué depuis 2 mois, et, au moment même où il recevoit des ordres ministériels et les plus précis pour aller le rejoindre en Amérique, il se formoit au port de la Liberté en vertu d’un arrêté des représentans du peuple qui se ser-voient à cet effet, pour le compléter, de la première réquisition de Dourdan; dans cette po[si]tion, Sherlock se rendit chez le représentant du peuple Prieur de la Marne; il sollicita vainement l’ordre d’aller rejoindre ce bataillon, où il pensoit ne pouvoir être frustré de son grade de capitaine; Mayer, adjudant-général, commandant temporaire de la place de Brest, assura que tous les emplois y étoient nommés, et qu’aucun n’étoit vacant. Prieur fit sentir à Sherlock qu’on ne pouvoit avec justice déplacer un capitaine légalement nommé dans ce corps 390 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE son enfant, étant venu de Brest à Paris, en vertu d’une authorisation de Prieur de la Marne, pour réclamer de l’emploi auprès de la commission des armées de terre, conformément à un arretté du comité de salut public du 21 floréal qui le concerne, demande à la Convention nationale de vouloir bien prendre en considération ses réclamations ci-j ointes et les renvoyer au comité de salut public afin d’y faire droit s’il y a lieu. Sherlock. Aux représentans du peuple français. Citoyens, L’intention de la Convention nationale n’est sans doute pas de suspendre en ce moment de ses fonctions le militaire qui, depuis le commencement de la révolùtion, a toujours observé une conduite sans reproche, qui n’intrigua jamais pour obtenir aucune place, et qui, rigide observateur de ses devoirs, s’attira toujours la bienveillance de ses camarades et de toutes les autorités constituées sous lesquelles la loi l’a placé; c’est dans cette pleine et entière confiance que Sherlock, capitaine au second bataillon du 92e régiment d’infanterie, vient auprès des représentans de la nation réclamer aujourd’hui une justice rigoureuse. Elevé dès son bas âge parmi les armes, fils d’un ancien soldat, autrefois connu sous la dénomination d’officier de fortune, ayant 11 années de service effectif et 6 années de campagne, il se voit au moment d’être sans emploi, sans appointemens et sans ressource, si la bienfaisance nationale, en laquelle il ose tout espérer, ne vient à son secours. Sherlock se trouve dans une position tout à fait particulière. Son bataillon étant en Amérique, il revint en France par congé; resté quelque temps à Paris où il est domicilié depuis son enfance, il fut momentanément employé au comité de sûreté générale qui l’honora de différentes missions qu’il mit une pleine exactitude à remplir; enfin, obligé de sortir de Paris en sa qualité de militaire, par un décret général de la Convention nationale, il reçut ordre du ministre de la guerre de se rendre à Brest, afin d’y attendre son embarquement pour rejoindre son bataillon, conformément à la décision qui en avoit été prise au conseil exécutif. Peu de temps après son arrivée dans ce port, il fit parvenir différentes réclamations aux commissions de la marine et des troupes de terre pour obtenir un remplacement quelconque dans une armée en France; il y démontroit l’inutilité évidente d’envoyer des officiers rejoindre des bataillons en Amérique, dont depuis longtemps, on n’avoit reçu aucune nouvelle officielle, et qui peut-être n’existoient plus. La commission de la marine ayant égard à ses observations, fit un rapport à ce sujet au comité de salut public, qui, le 21 floréal, prit l’arrêté suivant : « 1). Les officiers des différens corps des troupes employés dans les colonies, qui se trouvent en France par congé ou autrement, ne seront pas renvoyés dans les colonies, leur présence y devenant inutile, attendu la réduction considérable que ces différens corps ont éprouvés. 2). Le traitement dont ils jouissoient, et qui leur étoit payé par la commission de marine et de défense des colonies, cessera à la fin du présent mois de floréal, an IL 3). La commission de l’organisation et du mouvement des troupes de terre s’occupera sur-le-champ des moyens d’employer ces officiers en Europe, de la manière la plus utile pour le service de la République, s’ils ne sont pas de la caste nobiliaire, et s’ils sont républicains». Sherlock, d’après cet arrêté qui lui fut transmis par l’agent de la marine à Brest, le 3 prairial, renouvella ses instances auprès de la commission des armées de terre pour obtenir un remplacement conformément à cette loi; il s’adressa pareillement au général Tribout pour trouver un moyen d’occuper un emploi dans l’état-major de sa division; mais en vain, car dans cette armée, comme dans presque toutes celles de la République, il se trouve un tiers d’adjudans-généraux et d’adjoints au-delà de ce qu’exige le service. Etant à attendre la réponse de la commission des troupes de terre, il reçut une lettre de celle de la marine, le 13 prairial, ainsi conçue : « La commission de marine et de défense des colonies te prévient, citoyen, qu’elle donne ses ordres à l’agent maritime de Brest pour qu’il te fasse faire le compte de tes appointemens à compter du 1er octobre 1792 (v.s.), époque à laquelle tu as cessé d’en être payé à Paris, jusqu’au dernier floréal, an IL Il n’est plus question, au surplus, de ton retour aux isles françaises de l’Amérique sous-le-vent, et, conformément à un arrêté du comité de salut public du 21 du mois dernier, ce sera désormais la commission de l’organisation et du mouvement des troupes de terre, qui te fera payer tes appointemens, et qui s’occupera des moyens de t’employer ainsi qu’elle le jugera le plus utile pour le service de la République ». Signé David. C’est dans ces entrefaites que Sherlock apprit la formation nouvelle de son bataillon en France; un malheureux reste de celui qu’il avoit laissé en Amérique étoit à son insçu débarqué depuis 2 mois, et, au moment même où il recevoit des ordres ministériels et les plus précis pour aller le rejoindre en Amérique, il se formoit au port de la Liberté en vertu d’un arrêté des représentans du peuple qui se ser-voient à cet effet, pour le compléter, de la première réquisition de Dourdan; dans cette po[si]tion, Sherlock se rendit chez le représentant du peuple Prieur de la Marne; il sollicita vainement l’ordre d’aller rejoindre ce bataillon, où il pensoit ne pouvoir être frustré de son grade de capitaine; Mayer, adjudant-général, commandant temporaire de la place de Brest, assura que tous les emplois y étoient nommés, et qu’aucun n’étoit vacant. Prieur fit sentir à Sherlock qu’on ne pouvoit avec justice déplacer un capitaine légalement nommé dans ce corps SÉANCE DU 22 THERMIDOR AN II (9 AOÛT 1794) - N° 15 391 pour lui donner son emploi; qu’il ne lui restoit qu’à réclamer, auprès de la commission des armées de terre, un remplacement quelconque, conformément à la loi sur les officiers en inactivité de service pour cause légitime : « cette loi dit que lesdits officiers en inactivité de service pour cause légitime, sont habiles, s’ils en ont les qualités requises, à remplir les places de commissaires des guerres, d’adjudans généraux, d’adjudants aux états-majors, ou de commandons temporaires ». Sherlock se rendit une seconde fois chez le général pour savoir si ses services provisoires pouvoient dans son armée être de quelque utilité à la République : ce dernier lui ayant témoigné le regret de ne pouvoir l’employer de longtemps, se rendit avec lui chez le représentant du peuple pour lui faire accorder la permission de se rendre à Paris, y réclamer un remplacement que lui assuroit son ancienneté de service, tant auprès de la commission des troupes de terre qu’au comité de salut public. Telle fut l’autorisation qui lui fut accordée. « Au nom du peuple français, Le représentant du peuple dans les départe-mens maritimes, autorisans le citoyen Sherlock, capitaine d’infanterie, à se rendre à Paris auprès de la commission des armées de terre pour y réclamer de l’emploi, conformément à l’arrêté du comité de salut public du 21 floréal, qui le concerne. A Brest, ce 15 prairial, l’an deuxième de la république française, une et indivisible ». Signé, Prieur de la Marne, Duras (secrét.). A son arrivée à Paris, Sherlock apprit que cette formation s’étoit opérée à l’insçu du ci-devant ministre de la guerre, qu’il ignoroit également le débarquement du détachement qui en avoit servi de noyau, lorsqu’il lui avoit donné l’ordre de se rendre à Brest; il se présenta au bureau de la nomination des officiers généraux pour y réclamer la place d’adjoint auprès de l’adjudant-général Meade, conformément à sa demande; cette place lui parut la seule qui fut à la disposition de la commission. Déjà il s’apprêtoit à partir, et songeoit à l’achat de son équipage, lorsque la commission lui manda « que, par arrêté du comité de salut public, elle ne pouvoit lui proposer aucune nouvelle nomination d’adjoint, qu’elle ne connût provisoirement le nombre effectif de ceux déjà employés dans les armées de la République, et qu’à cet effet elle avoit écrit aux généraux en chef pour qu’ils aient à lui envoyer l’état nominatif des adjoints employés dans leur armée ». Sherlock observe à la Convention nationale que, d’après l’instance de l’adjudant-général Meade, il est inscrit sur la liste de ceux envoyés par le général Vial, commandant en chef l’armée des côtes de Cherbourg, la seule peut-être où le nombre n’en soit pas plus que suffisant. Voici la demande que Meade a fait en sa faveur : « En vertu de l’article 8 du titre idem de la loi sur l’organisation de l’armée, le choix des adjoints qu’elle m’accorde m’étant réservé, je soussigné, adjudant-général, chef de brigade confirmé, employé à l’armée des côtes de Cherbourg, déclare prendre pour adjoint le citoyen Sherlock, capitaine au second bataillon du 92° régiment d’infanterie, dont je connois la capacité, le patriotisme et les talens militaires : je prie la commission des troupes de terre de vouloir bien lui expédier le plus promptement possible son brevet, afin qu’il puisse me rejoindre et le mettre sur-le-champ en activité de service. Fait au quartier général à Caen, ce 3 messidor, 2e année républicaine ». J. Meade. La justice et toutes les lois semblent assurer à Sherlock la continuation de son grade dans l’état militaire; cependant, si la Convention nationale ne prend une détermination à son égard, il se trouve hors d’état d’exister, quand bien même il seroit adjoint, n’ayant dans cette qualité seule que 100 liv. par mois à titre de gratification et pour l’entretien de ses chevaux; il ose donc espérer que le comité de salut public, auquel il prie la Convention nationale de vouloir bien renvoyer sa pétition, lui accordera la place d’adjoint auprès de Meade, avec ses appointemens de capitaine, comme attaché au second bataillon du 92e régiment d’infanterie, dans lequel il a consécutivement servi depuis le 27 décembre 1787. Sherlock n’est point né dans la caste nobiliaire, il est fils d’un ancien soldat, qui, après 30 ans de service, parvint au grade d’officier, il a servi lui-même 4 années comme simple fusilier dans le 27e régiment; il a fait 3 campagnes dans l’Inde, une en Europe, et 2 en Amérique. Il est parvenu au grade de capitaine le 11 novembre 1792 dans son bataillon, à son tour et rang d’ancienneté; il ne demande point d’avancement et ne sollicite que la place d’adjoint, avec les appointemens de son grade. Il fut proposé le 8 juin (v.s.) par le ministre de la marine (Dalba-rade) au conseil exécutif, pour remplir la place d’adjudant général, vacante dans la partie du Nord de St-Domingue; il ne l’avoit point demandée : cette place fut accordée au frère du général Galbaud, qui y avoit été provisoirement nommé sur les lieux. Sherlock a déposé, au bureau de la nomination des officiers généraux de la commission des troupes de terre, toutes les pièces exigées par l’arrêté du comité de salut public du 30 germinal, tant pour obtenir un emploi où l’on auroit été provisoirement nommé par les représentans du peuple, que pour passer d’un grade à un autre; il joint des certificats de bonne conduite militaire depuis le 10 mars 1784, à différens certificats de civisme qui lui ont été délivrés par le conseil d’administration de son régiment. Il ne demande qu’à servir fructueusement sa patrie, qui l’a nourri jusqu’à ce jour, et à laquelle il consacre tout le reste de son existence. Sherlock (capitaine d’infanterie), Paris 7 thermidor II (1). (1) De l’imprimerie de Le Normant, rue du Muséum, 4 p. in-4°.