[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [J> juillet 1790.] 7Q1 je ne craindrais point d'encourir sa défaveur d’un moment pour mériter à jamais son estime. » (Ges deux discours sont fort applaudis.) L’Assemblée vote des remerciements unanimes à M. Le Pelletier pour sa présidence. M. le Président. Le premier objet à l’ordre du jour est la discusssion du nouveau projet du comité de Constitution sur l’ordre judiciaire (1). M. Thouret, rapporteur. Messieurs, l’ordre judiciaire était si dénaturé en France que le comité a cru devoir faire précéder son travail d’un titre qui pût convenir à tous les tribunaux, à tous les juges. C’est ainsi que vous avez placé en tête de la Constitution la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Je vais vous donner lecture de l’article 1er. TITRE PREMIER. Des juges en général. Art. 1er. La justice sera rendue au nom du roi. M. Pétion. Il n’est pas dans les principes de dire que la justice est rendue au noin du roi ; c’est au nom de la société entière, et même sous l’ancien régime, le nom du roi n’intervenait que lorsqu’il s’agissait de rendre les jugements exécutoires. M. Fréteau. Votre sagesse a prévenu les inconvénients de cette expression trop vague. D’après les décrets rendus, il ne reste aucun doute sur son véritable sens; vous avez statué que ni l’Assemblée nationale, ni le roi ne pourraient rendre aucun jugement. H y a une seconde maxime; c’est qu’il n’existera plus déjugés seigneuriaux : d’après cette explication, il ne reste plus de difficulté, et je demande qu’on aille aux Yoix. M. Chahroud. Je demande au rapporteur : 1° si, en conséquence de cette disposition, les jugements seront intitulés, comme ci-devant, au nom du roi; 2° si, à côté de chaque tribunal, il y aura comme ci-devant, une chancellerie, dont l’inutilité me paraît démontrée ; 3° si, en conservant le principe, on ne pourrait pas inscrire en tête des jugements les noms des juges qui les auraient rendus? M. Thouret. Le comité s’est borné, à cet égard, à transcrire les dispositions déjà décrétées par l’Assemblée. M. Dufraisse-Duchey. Je ne connais pas de monarchie dans laquelle la justice ne soit pas rendue au nom du roi. (L’article 1er est adopté sans changement.) M. Thouret, rapporteur. Vous avez déjà adopté les articles 2, 3 et 4. J’en donne lecture: « Art. 2. La vénalité des offices de judicature est abolie; les juges rendront gratuitement la justice, et seront salariés par l’Etat. « Art. 3. Les juges seront élus par les justiciables. (1) Voyez le texte de caprojet inséré dans le tome X des Archives parlementaires, page 735. « Art. 4. Ils seront élus pour six années : à l’expiration de ce terme, il sera procédé à une élection nouvelle dans laquelle les mêmes juges pourront être réélus. » (Ces articles sont décrétés de nouveau sans discussion). M. Thouret, rapporteur. L’article 5 contient une disposition nouvelle, mais qui est une conséquence des articles précédents. Le comité a pensé que, puisque le peuple nommait ses juges, il convenait qu’il ne fût pas sans cesse convoqué pour des élections nouvelles que la mort, la démission des juges nécessiteraient souvent: Rétablissement des suppléants pare à cette difficulté : il n’a pas plus d’inconvénients dans l’ordre judiciaire que dans l’ordre représentatif. Le comité a pensé que le second avantage de ces suppléants serait de remplacer momentanément les juges qui seraient forcés de s’absenter. Voici l’article tel que nous vous le proposons : « Art. 5. Il sera nommé aussi des suppléants qui, selon l’ordre de leur nomination, remplaceront, jusqu’à la prochaine élection, les juges dont les places viendront à vaquer dans le cours des six années ; une partie sera prise dans la ville même du tribunal, pour servir d’assesseurs en cas d’empêchement momentané de quelques-uns des juges. » M. Cochelet. L’ancien usage des tribunaux était de remplacer les juges forcés de s’absenter par des gradués; je ne vois aucune nécessité de déroger à cet usage. M. Thouret. Le comité a considéré qu’il était préférable que les suppléants fussent revêtus d’une mission du peuple. M. Barrère. Je demande qu’après le mot empêchement on ajoute celui de légitime , afin que les juges ne négligent pas leurs devoirs pour leurs plaisirs. M. Garat l’aîné. Je demande qu’en l’absence des suppléants, les gradués soient appelés comme dans l’usage établi jusqu’à présent. M. Chabroud. Il faut dire dans l’article que tous les suppléants seront pris dans la ville. M. Démeunier. Je considère tous ces amendements comme inutiles et je propose la question préalable. Les amendements sont rejetés. (L’article 5 est adopté sans changement.) M. Thouret, rapporteur. L’article 6 est ainsi conçu : « Les juges élus et les suppléants, lorsqu’ils devront entrer en activité, recevront du roi des lettres patentes, scellées du sceau de l’Etat, lesquelles ne pourront être refusées, et seront expédiées, sans retard et sans frais, sur la seule présentation du procès-verbal d’élection. » M. Voidel. Il faut distinguer deux sortes d’activité que peuvent avoir les suppléants, l’une permanente et l’autre momentanée. L’article du comité ne fait aucune distinction entre deux cas si différents. M. Fréteau. Les parties ont toujours intérêt à connaître le nom des juges, parce que la patente 702 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 juillet 1790.] d’un juge et de l’une des parties est un moyen de cassation. L’article ne s’explique pas à ce sujet. M. Thouret. Rien ne justifie l’observation du préopinant, puisque l’article ne porte pas que le procès-verbal de l’élection des suppléants doive être séparé. être dépossédés que pour forfaiture dûment jugée par juge compétent. M. Barnave. J’observe qu’il faut énoncer dans l’article une autre disposition constitutionnelle, déjà décrétée, qui distingue entre les juges qui sont élus à temps et entre les officiers du ministère public qui doivent être à vie. M. Prieur. Le mot suppléants est en trop dans l’article. J’en demande la suppression. M. Démeunier. Je crois que nous lèverions toutes les difficultés en introduisant dans l’article le membre de phrase suivant : « Après la mort ou démission des juges. » Cette modification est adoptée, et l’article 6 est décrété ainsi qu’il suit : « Art. 6. Les juges élus et les suppléants, lorsqu’ils devront entrer en activité après la mort ou la démission des juges, recevront du roi des lettres patentes scellées du grand sceau, lesquelles ne pourront être refusées, et seront expédiées sans retard et sans frais, sur la seule présentation du procès-verbal d’élection ». M. Thouret, rapporteur. Je donne lecture de l’article 7 qui porte : Les lettres patentes seront conçues dans les termes suivants : « Louis, etc. Les électeurs du « district de. . . . (ou du ressort du tribunal d’ap-« pel de. . . .), Nous ayant fait présenter le procès-« verbal de l’élection qu’ils ont faite, confor-« mément aux décrets constitutionnels, de la « personne du sieur.... pour remplir, pendant « six années, un office de juge dans le district t de.... (ou dans le tribunal d’appel de....), « Nous avons déclaré et déclarons que ledit « sieur. . . . est juge du district de. . . . (ou du tri-« bunal d’appel dé....); qu’honneur doit lui être « porté en cette qualité Tet que la force publique « sera employée, en cas de nécessité, pour l’exé-« cution des jugements auxquels il concourra, « après avoir prêté le serment requis et avoir « été dûment installé. » M. Chabroud. L’article 7, par sa formule d’énonciation, préjuge la question qui n’est pas résolue de savoir si, oui ou non, il y aura des tribunaux de district. Je demande la suppression de cette partie de l’article. M. Thouret. L’observation est fondée ; en conséquence, nous vous proposons d’adopter l’amendement et de rédiger l’article ainsi qu’il suit : Art. 7. Les lettres patentes seront conçues dans les termes suivants : « Louis, etc., les électeurs ......... .... Nous ayant fait présenter le procès-vernal d’élection qu’ils ont faite, conformément aux décrets constitutionnels, de la personne du sieur ......... , pour remplir, pendant six années, un office de juge ........... Nous avons déclaré et déclarons que ledit sieur ........... est juge du ......... ; qu’honneur doit lui être porté en cette qualité, et que la force publique sera employée, en cas de nécessité, pour l’exécution des jugements auxquels il concourra, après avoir prêté le serment requis et avoir été dûment installé. » M. Thouret, rapporteur. Voici l’article 8 : « Les officiel s chargés des fooctionsdurainistère public, seront nommés par le roi et ne pourront M. Prieur. J’ai à présenter une autre observation sur ce même article 8, c’est que le mot dépossédés est impropre comme dérivant des funestes idées de propriété que la vénalité avait amenées dans les offices. Ces deux amendements sont adoptés. L’article est décrété en ces termes : « Art. 8. Les officiers chargés du ministère public seront nommés « à vie » par le roi, et ne pourront être destitués que pour forfaiture dûment jugée par juge compétent. M. Thouret, rapporteur. L’article 9 porte : « Art. 9. Nul ne pourra être élu juge, ou suppléant, ou chargé des fonctions du ministère public, s’il n’est âgé de trente ans accomplis, et s’il n’a été pendant cinq ans juge ou homme de loi exerçant publiquement auprès d’un tribunal.» M. Pellerlu de Ta Buxière. On a oublié les procureurs, cette classe d’hommes qui ne sont pas indignes de l’éligibilité, puisque, par la jurisprudence de plusieurs cours, ils ont postulé un certain temps. M. Aflougins de Roquefort. Je demande qu’on ait égard aux dispenses d’âge accordées à des personnes qui ont été juges et qui n'ont pas encore 30 ans. M. Démeunîer. Je réponds à M. Pellerin que le comité a employé le terme générique d 'homme de loi et non d'avocat, parce que l'Assemblée n’a pas encore jugé si l’ordre des avocats serait conservé et que le comité présentera un article détaillé sur cet objet, avant les exceptions. M. Thouret. Quant aux juges actuels par dispense d'âge que le comité a cru ne pas devoir proposer à l’Assemblée, c’est parce que cela est contraire aux principes constitutionnels; quant au mot homme de loi, nous l’avons choisi afin de n’employer, dans les articles de la Constitution, que des expressions génériques. M. de Folleville. Pour se conformer aux principes de la Constitution, il faut appeler tous les citoyens aux places de la magistrature et dire, en conséquence, hommes capables et instruits. M. d’André. Je crois, comme le préopinant» qu’il est conforme aux principes de la Constitution’ que tout citoyen soit appelé à être juge. Mais examinons s'il y a des objections propres à faire oublier le principe constitutionnel. Il y a beaucoup d’hommes qui ont exercé l’état d’homme de loi pendant cinq, dix, vingt ans, et qui n’entendent pas mieux les lois. Il y eu a, au contraire, qui n’ont pas étudié les lois et qu’on choisit tous les jours pour arbitres et qui jugent fort bien. Vos juges de paix ne pourront pas être nommés dans la suite juges dans les tribunaux, si vous n’y appelez que les hommes de loi; aussi j’appuie l'amendement de M. de Folleville. M. Toys. Ce qui est le plus conforme à la