104 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE avait inventées pour pressurer le peuple; je me plaçai ailleurs, et déjà j’avais oublié les maux que j’avais faits, lorsque le ministre Clavière, au mois de frimaire dernier, vint me tirer de mon assoupissement, pour m’ordonner de reprendre mes anciennes fonctions. Accoutumé à obéir à des ministres, je cédai à ses instances. La municipalité de Paris, informée par lui de cette mesure, nomma des commissaires pour m’aider, ou au moins me surveiller dans mes opérations. J’ai continué depuis; et comme on ne donnait pas de passeports aux orfèvres ou aux bijoutiers qui voulaient porter des marchandises dans les foires de la république, le droit de contrôle, qui n’avait rapporté pendant toute la révolution, depuis qu’il avait été supprimé par la force des circonstances, que 13,000 liv., s’éleva beaucoup plus haut; et, au moyen des visites, des saisies, des confiscations, il a toujours été en augmentant ». Mais, dit-on, ses commis ont prêté le serment civique dans leur section. Je le crois bien, il était de leur intérêt de ne pas passer pour suspects ; mais ce serment leur donne-t-il le droit de faire des visites domiciliaires, des saisies, d’exercer des vexations ? Le citoyen Bournet, horloger, maison Egalité, connu surtout par son patriotisme, avait acheté une certaine quantité de boîtes de montres, des bagues, colliers, breloques et bonnets de la liberté, etc., le tout or de Genève; une boîte de femme et un étui, ces deux derniers objets ayant tous les poinçons en usage sous la régie qui a précédé celle actuellement existante. Procès-verbal dressé, la saisie en a été faite le 18 floréal, sous prétexte que les boîtes de Genève n’étaient pas contrôlées, et que la boîte de femme et l’étui n’avaient pas payé le droit de revente ou mutation. Le citoyen Bournet a justifié d’un acquit de payement, fait par son vendeur, de la somme de 299 liv. à la douane du Villier, direction de Besançon, en date du 2 frimaire dernier, signé Poinsol. L’article XXV du titre II de la loi du 22 août 1792 enjoint de présenter les acquits de payement, pour être échangés contre des brevets de contrôle. Mais, pour que cette loi soit exécutée, il faut deux choses : 1° Trouver les bureaux d’échange, et on assure qu’il n’en existe plus un seul dans toute l’étendue de la république; 2° Qu’il soit donné autant de coupons de ces brevets qu’il existe de pièces â vendre, ce qui n’est guère possible, puisque les droits d’entrée sont payés sur le poids de la quantité, et non sur celui de chaque pièce. Allons au fait : Qu’est-ce qu’exige l’intérêt national et celui de chaque particulier ? Que les droits d’entrée soient payés, et que les matières soient au titre : or ces deux intérêts sont à couvert : 1° Le droit d’entrée des montres saisies a été payé à l’administration de Besançon; 2° Les matières sont au titre : car, quand deux nations font publiquement un commerce qui repose sur la bonne foi, les négociants qui s’y livrent ont intérêt à éviter la fraude; et ce qui nous vient de Genève en orfèvrerie, bijouterie, est marqué d’un poinçon de maître contre lequel il est facile dans tous les temps d’avoirs recours; l’or de Genève d’ailleurs se distingue facilement; on sait que pour les gros objets il n’est qu’à 18 karats. Restent donc la boîte et l’étui qui n’ont pas payé le droit de revente ; mais ils ont payé celui de contrôle, et ils sont au titre, puisqu’ils ont été essayés. Toutes ces considérations doivent vous inviter à adopter le projet de décret suivant : [adopté] (l). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [THIBAULT, au nom de] ses comités de commerce et des monnoies sur la pétition du citoyen Bournet, horloger, maison Égalité, décrète que les objets d’horlogerie, orfèvrerie, bijouterie, saisis chez ce citoyen, lui seront rendus, sans délai ; annulle la procédure commencée contre lui au tribunal du second arrondissement de Paris, charge ses comités des monnoies et de commerce de lui faire incessamment un rapport, et de lui présenter un réglement général sur l’orfèvrerie et bijouterie. « Le présent décret ne sera publié que par la voie du bulletin de correspondance; il en sera adressé un exemplaire manuscrit au tribunal du second arrondissement de Paris » (2). 45 MENUAU : Citoyens, le citoyen Barthélémy Perrot, canonnier attaché au 4e bataillon des fédérés nationaux, âgé de 24 ans, a eu le malheur d’avoir le bras droit emporté par un boulet en sauvant le canon auquel il était attaché. Mais, citoyens, vous allez juger combien les braves sans-culottes sont dignes de servir la cause de la liberté. « Je n’ai qu’un regret, me disait ce matin le brave Perrot : c’est que ces scélérats Autrichiens m’aient enlevé le bras droit; encore si c’eût été le gauche ! je pourrais au moins me servir du bras qui me reste pour poser la mèche à mon canon, et exterminer encore quelques-uns de ces esclaves ! ». Console-toi, brave canonnier, tu as glorieusement rempli ta tâche, et la patrie reconnaissante, pour qui tu as fait un si grand sacrifice, va te donner des preuves de sa justice. [applaudissements] Le rapporteur termine par un décret qui est adopté en ces termes : (3) « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MENUAU, au nom de] son comité des secours publics sur la pétition du citoyen Barthélémy Perrot, canonnier, attaché au 4e bataillon des fédérés nationaux, natif de la Guillotière, département du Rhône, qui a eu le malheur d’avoir le bras droit emporté par un boulet de canon, en servant la pièce où il étoit attaché, décrète ce qui suit : « Art. I. - Sur le vu du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Barthélémy Perrot, canonnier, qui a perdu le bras (1) Mon., XXI, 206-209. (2) P.V., XLI, 213. Minute de la main de Thibault. Décret n° 9910. Reproduit dans Bm, 28 mess. (ler suppl1); Débats, n° 660 ; Ann. R.F., n° 224 ; J. Sablier, n° 1434 ; J. Fr., n° 656 ; J. Mont., n° 77 ; Mess, soir, n° 692. (3) Mon., XXI, 205. 104 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE avait inventées pour pressurer le peuple; je me plaçai ailleurs, et déjà j’avais oublié les maux que j’avais faits, lorsque le ministre Clavière, au mois de frimaire dernier, vint me tirer de mon assoupissement, pour m’ordonner de reprendre mes anciennes fonctions. Accoutumé à obéir à des ministres, je cédai à ses instances. La municipalité de Paris, informée par lui de cette mesure, nomma des commissaires pour m’aider, ou au moins me surveiller dans mes opérations. J’ai continué depuis; et comme on ne donnait pas de passeports aux orfèvres ou aux bijoutiers qui voulaient porter des marchandises dans les foires de la république, le droit de contrôle, qui n’avait rapporté pendant toute la révolution, depuis qu’il avait été supprimé par la force des circonstances, que 13,000 liv., s’éleva beaucoup plus haut; et, au moyen des visites, des saisies, des confiscations, il a toujours été en augmentant ». Mais, dit-on, ses commis ont prêté le serment civique dans leur section. Je le crois bien, il était de leur intérêt de ne pas passer pour suspects ; mais ce serment leur donne-t-il le droit de faire des visites domiciliaires, des saisies, d’exercer des vexations ? Le citoyen Bournet, horloger, maison Egalité, connu surtout par son patriotisme, avait acheté une certaine quantité de boîtes de montres, des bagues, colliers, breloques et bonnets de la liberté, etc., le tout or de Genève; une boîte de femme et un étui, ces deux derniers objets ayant tous les poinçons en usage sous la régie qui a précédé celle actuellement existante. Procès-verbal dressé, la saisie en a été faite le 18 floréal, sous prétexte que les boîtes de Genève n’étaient pas contrôlées, et que la boîte de femme et l’étui n’avaient pas payé le droit de revente ou mutation. Le citoyen Bournet a justifié d’un acquit de payement, fait par son vendeur, de la somme de 299 liv. à la douane du Villier, direction de Besançon, en date du 2 frimaire dernier, signé Poinsol. L’article XXV du titre II de la loi du 22 août 1792 enjoint de présenter les acquits de payement, pour être échangés contre des brevets de contrôle. Mais, pour que cette loi soit exécutée, il faut deux choses : 1° Trouver les bureaux d’échange, et on assure qu’il n’en existe plus un seul dans toute l’étendue de la république; 2° Qu’il soit donné autant de coupons de ces brevets qu’il existe de pièces â vendre, ce qui n’est guère possible, puisque les droits d’entrée sont payés sur le poids de la quantité, et non sur celui de chaque pièce. Allons au fait : Qu’est-ce qu’exige l’intérêt national et celui de chaque particulier ? Que les droits d’entrée soient payés, et que les matières soient au titre : or ces deux intérêts sont à couvert : 1° Le droit d’entrée des montres saisies a été payé à l’administration de Besançon; 2° Les matières sont au titre : car, quand deux nations font publiquement un commerce qui repose sur la bonne foi, les négociants qui s’y livrent ont intérêt à éviter la fraude; et ce qui nous vient de Genève en orfèvrerie, bijouterie, est marqué d’un poinçon de maître contre lequel il est facile dans tous les temps d’avoirs recours; l’or de Genève d’ailleurs se distingue facilement; on sait que pour les gros objets il n’est qu’à 18 karats. Restent donc la boîte et l’étui qui n’ont pas payé le droit de revente ; mais ils ont payé celui de contrôle, et ils sont au titre, puisqu’ils ont été essayés. Toutes ces considérations doivent vous inviter à adopter le projet de décret suivant : [adopté] (l). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [THIBAULT, au nom de] ses comités de commerce et des monnoies sur la pétition du citoyen Bournet, horloger, maison Égalité, décrète que les objets d’horlogerie, orfèvrerie, bijouterie, saisis chez ce citoyen, lui seront rendus, sans délai ; annulle la procédure commencée contre lui au tribunal du second arrondissement de Paris, charge ses comités des monnoies et de commerce de lui faire incessamment un rapport, et de lui présenter un réglement général sur l’orfèvrerie et bijouterie. « Le présent décret ne sera publié que par la voie du bulletin de correspondance; il en sera adressé un exemplaire manuscrit au tribunal du second arrondissement de Paris » (2). 45 MENUAU : Citoyens, le citoyen Barthélémy Perrot, canonnier attaché au 4e bataillon des fédérés nationaux, âgé de 24 ans, a eu le malheur d’avoir le bras droit emporté par un boulet en sauvant le canon auquel il était attaché. Mais, citoyens, vous allez juger combien les braves sans-culottes sont dignes de servir la cause de la liberté. « Je n’ai qu’un regret, me disait ce matin le brave Perrot : c’est que ces scélérats Autrichiens m’aient enlevé le bras droit; encore si c’eût été le gauche ! je pourrais au moins me servir du bras qui me reste pour poser la mèche à mon canon, et exterminer encore quelques-uns de ces esclaves ! ». Console-toi, brave canonnier, tu as glorieusement rempli ta tâche, et la patrie reconnaissante, pour qui tu as fait un si grand sacrifice, va te donner des preuves de sa justice. [applaudissements] Le rapporteur termine par un décret qui est adopté en ces termes : (3) « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MENUAU, au nom de] son comité des secours publics sur la pétition du citoyen Barthélémy Perrot, canonnier, attaché au 4e bataillon des fédérés nationaux, natif de la Guillotière, département du Rhône, qui a eu le malheur d’avoir le bras droit emporté par un boulet de canon, en servant la pièce où il étoit attaché, décrète ce qui suit : « Art. I. - Sur le vu du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Barthélémy Perrot, canonnier, qui a perdu le bras (1) Mon., XXI, 206-209. (2) P.V., XLI, 213. Minute de la main de Thibault. Décret n° 9910. Reproduit dans Bm, 28 mess. (ler suppl1); Débats, n° 660 ; Ann. R.F., n° 224 ; J. Sablier, n° 1434 ; J. Fr., n° 656 ; J. Mont., n° 77 ; Mess, soir, n° 692. (3) Mon., XXI, 205.