184 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 juin 1790.] la débauche des ouvriers pendant leur vie. Le principe véritable d’assistaDce pubilque serait mieux suivi, en préparant des retraites commodes abondamment pourvues à celui qui, par quelque économie faite pendant sa vie de travail, pourrait fournir un prix très inférieur aux avantages qu’il en tirerait, qu’en donnant même avec moins de dépense à l’homme qui n’a rien ménagé, une assistance au delà du nécessaire. Il faut, sans cesse, répéter que cette économie dans les secours, qui est bien plutôt une précaution morale qu’une épargne financière, ne peut jamais porter à ne pas assister le vrai besoin : c’est un devoir impérieux, c’est un devoir commandé par le droit naturel à la société, et auquel elle De peut jamais manquer; mais ce principe d’économie doit porter à n’assister que le vrai besoin, et à faire tourner le secours au profit des mœurs et de l’utilité générale. S’il s’agissait de doubler la dépense pour secourir la misere absolue, sans doute il ne faudrait pas hésiter, mais il faudrait l’augmenter encore pour détourner et prévenir les vices et les crimes, qui n’ont aucune cause aussi certaine que la fainéantise et la dé - bauche ; c’est en les combattant, qu’un État peut espérer de détruire la mendicité, ce fléau destructeur de la société, ce vice d’autant plus dangereux qu’il se perpétue de race en race, qu’il se multiplie par l’exemple, et que sa pratique est souvent plus utile au fainéant qui s’y livre, que le travail ne l’està l’homme honnête qui s’y dévoue, comme c’est en assistant la véritable indigence, en s’occupant de la prévenir, que rendant la mendicité un délit social l’État a seulement alors le droit de la réprimer. Tels sont, Messieurs, les principes généraux que le comité de mendicité a cru les seuls à suivre en remplissant le grand devoir de secourir la classe indigente, et qu’il a pris en conséquence pour base du travail dont vous avez daigné le charger; il a cru devoir faire précéder de leur exposition les différents rapports que successivement il mettra sous vos yeux. Il résultera, sans doute, de leur exacte exécution, que quelques hommes seront moins abondamment secourus qu’ils ne Tétaient par le système partiel et arbitraire, auquel cette grande législation va succéder; mais tous les malheureux recevront des secours au, plus grand avantage de la société et ces secours seront tous distribués dans des vues de justice et de morale. Sans doute encore il sera fait à ce système général le reproche de ne destiner aucune assistance aux pauvres connus généralement sous le nom de pauvres honteux ; mais si on veut réfléchir que l’inégalité nécessaire de fortune, de travail et de force, opère nécessaire-mentle besoin dans quelques individus, on sentira que l’homme honnête ne peut jamais rougir du malheur qu’il ne peut se reprocher, mais craindre toujours les effets dangereux de la misère; on reconnaîtra que la législation ne peut sans inconvénient autoriser, dans l’indigence, ces sentiments de faiblesse, que les secours qu’elle lui attribuerait auraient des conséquences funestes à plus d’unégard au bon ordre de la société; enfin on sera convaincu que les deniers publics pour être distribués sans reproche doivent l’être avec publicité. L’exécution de ce principe pourra paraître sévère, elle affligera plus d’une fois le cœur de ceux qui en seront chargés; mais la législation d’un Empire ne peut être fondée sur des sentiments ni même sur des vertus privées, elle doit l’être sur des principes généraux, immuables, et ceux-ci sont d’une justice exacte et nécessaire et d’une saine morale. D’ailleurs, le champ de la bienfaisance restera toujours ouvert, soit aux particuliers, soit aux associations qui voudront par des secours de supplément, augmenter le bien-être des malheureux de telle ou telle classe, de tel ou de tel pays ; la législation doit autoriser, encourager même cette généreuse libéralité ; elle est l’un des caractères essentiels de la nation française, elle ne peut qu’accroître par la Constitution nouvelle, puisque, dans tou9 les temps et parmi tous les peuples, l’humanité a été la plus inséparable compagne de la liberté. Tous les points qui toucheront à la Constitution du rovaume auront été concertés avec votre comité de Constitution avant d’être soumis à votre délibération ; ceux qui tiennent aux fonds nécessaires au soulagement des malheureux seront traités avec les comités d’impositions et des finances; il en sera de même pour le système de répression de la mendicité qui, avant de vous être présenté, sera discuté avec le comité de jurisprudence, afin que la réunion de plus de lumières donne à votre comité de mendicité plus de confiance dans les projets qu’il se propose de vous soumettre dans Tordre suivant: 1° Etat actuel de la législation du royaume relativement aux pauvres et aux mendiants; 2° Rapport sur les hases de répartition des secours dans les différents départements, districts et municipalités, de leur administration et du système général qui lie cette branche de législation et d’administration à la Constitution générale du royaume; 3° Rapport sur l’estimation des fonds à attribuer au département des secours; 4° Rapport sur les secours à donner aux malheureux dans les différents âges et dans les différentes circonstances de la vie; Ce mémoire qui renfermera le système général des secours, contiendra autant de sections que le système entier contiendra lui-même de branches; 5° Rapport sur les moyens de répression pour les mendiants qui refuseront le travail. Ce mémoire réunira la question de droit et les vues d’exécution, qui, soustrayantde l’arbitraire le délinquant, le soumet cependant avec nécessité à l’empire de la loi. Nous ajouterons ici, Messieurs, que le plan de notre travail embrassant les hôpitaux, hospices, prisons, le comité de mendicité a espéré trouver dans les grands établissements de ces genres différents que renferme la capitale, la connaissance de pratiques utiles à suivre, ou d’abus importants à éviter. Les rapports qui ont été faits de ces visites présentent la situation de ces maisons, et l’ensemble des secours offerts dans Paris aux malheureux. Le comité, qui en a jugé la publication utile, n’a pas voulu cependant l’ordonner sans recevoir l’approbation de l’Assemblée. (L’impression de ces documents est ordonnée.) M. Target propose, au nom du comité de Constitution, dmrdonner que tous les corps militaires qui existent dans la ville de Caen soient tenus de s’incorporer dans la milice nationale s’ils veulent continuer le service, et qu’il leur soit enjoint de porter l’uniforme et la cocarde nationale, aux termes de la proclamation du roi. On demande que ce décret soit rendu général pour tous les endroit oùil y a des gardes nationales . En conséquence, deux décrets sont adoptés en ces termes: c L’Assemblée nationale décrète : 185 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 juin 1790.) « 1° Que dans le courant du mois qui suivra la publication du présent décret, tous les citoyens actifs des villes, bourgs etautres lieux du royaume qui voudront conserver l’exercice des droits attachés à cette qualité, seront tenus d’inscrire leurs noms, chacun dans la section de la ville où ils seront domiciliés, ou à l’hôtel commun, sur un registre qui y sera ouvert à cet effet pour le service des gardes nationales; « 2° Les enfants des citoyens actifs, âgés de 18 ans, s’inscriront pareillement sur le même registre; faute de quoi ils ne pourront ni porter les armes ni être employés, même en remplacement de service; « i° Les citoyens actifs qui, à raison de la nature de leur état, ou à cause de leur âge et infirmités, ou autres empêchements, ne pouvant servir en personne, devront se faire remplacer, ne pourront être remplacés que par ceux des citoyens actifs et de leurs enfants qui seront inscrits sur ces registres en qualité de gardes nationales; « 4° Aucun citoyen ne pourra porter les armes, s’il n’est inscrit de la manière qui vient d’être réglée!: en conséquence, tous corps particuliers de milice bourgeoise, d’arquebusiers ou autres, sous quelque dénomination que ce soit, seront tenus de s’incorporer dans la garde nationale, sous l’uniforme de la nation, sous les mêmes drapeaux, le même régime, les mêmes officiers, le même état-major. Tout uniforme différent, toute cocarde autre que la cocarde nationale, demeurent réformés, aux termes de la proclamation du roi; les drapeaux des anciens corps et compagnies seront déposés à la voûte de l’église priucipale, pour y demeurer consacrés à l’union, à la concorde, à la paix. > « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de Constitution, relatif à l’ordonnance du conseil général de la commune de Caen, en date du 19 mai dernier, et au projet de règlement provisoire proposé par ledit conseil général et par l’état-major de la même ville, conformément au décret du 30 avril dernier: « Décrète que ladite ordonnance et ledit règlement seront provisoirement exécutés jusqu’à l'organisation définitive des gardes nationales, aux conditions suivantes : « 1° Dans le courant du mois qui suivra la publication du présent décret, tous les citoyens actifs qui voudront conserver l’exercice des droits attachés à cette qualité, seront tenus d’inscrire leurs noms chacun dans la section de la ville où ils seront domiciliés, sur un registre qui y seraou-vertàceteffetpour le service des gardes nationales; « 2° Les enfants des citoyens actifs âgés de 18 ans s’inscriront pareillement sur le même registre : faute de quoi ils ne pourront ni porter les armes ni être employés, même en remplacement de service; « 3° Les citoyens actifs qui, à raison de leur état, ou à cause de leur âge et infirmités, ou autres empêchements, ne pouvant servir en personne, devront se faire remplacer, ne pourront être remplacés que par ceux des citoyens actifs, ou de leurs enfants, qui seront inscrits sur ces registres en qualité de gardes nationales. « 4° L’état de tous les citoyens sujets au service dont il est parlé en l’article 4 du règlement, sera, à la fin du mois, à compter du jour de la publication du présent décret, recomposé d’après les tableaux faits dans chaque section, des inscriptions qui viennent d’être ordonnées; « 5° Aucun citoyenne pourra porter les armes s’il n’est inscrit de la manière qui vient d’être réglée ; en conséquence, tous corps particuliers de milice bourgeoise, d’arquebusiers ou autres, sous quelque dénomination que ce soit, seront tenus de s’incorporer dans la garde nationale, sous l’uniforme de la nation, sous les mêmes drapeaux, le même régime, les mêmes officiers, le même état-major. Tout uniforme différent, toute cocarde autre que la cocarde nationale, demeurent réformés, aux termes de la proclamation du roi ; les drapeaux des anciens corps et compagnies seront déposés à la voûte de l’église principale de la ville, pour y demeurer consacrés à l’union, à la concorde et à la paix. » M. l’abbé Longpré, rapporteur du comité des finances, présente à l’Assemblée deux projets de décrets , l'un relatif à la ville de Vezelay, Vautre à la commune de Valay , bailliage de Gray, département de la Haute-Saône. L’Assemblée les adopte en ces termes : « L’assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, a décrété que la ville deVe-zelay est autorisée à employer en atelier de charité la somme de 2,000 livres qui a été perçue sur les habitants de cette ville pour la construction d’une route, et qui est en dépôt dans la caisse du receveur des finances de ladite ville, à la charge, par la municipalité, d’en rendre compte par devant le directoire de district et de département. « A l’égard de la somme de 3.300 livres, perçue sur les habitants de la même ville pour le même objet, elle se pourvoira, d’après l’avis du district, pour obtenir que la destination en soit remplie. » « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, a autorisé la municipalité de la commune de Valay à employer en achat de grains la somme de 2,000 livres, qui sera prise sur le produit de la vente de son bois de réserve ; ordonne, en conséquence, que le caissier de l’administration générale des domaines et bois comptera cette somme au bureau de ladite communauté, à charge par la municipalité de justifier de l’emploi au directoire de district et de département ». M. Malouet, au nom du comité de la marine et du comité des finances réunis , fait un rapport sur les dépenses pour l’armement de V escadre, ordonné par le roi (1). Messieurs, le rapportquej'aifaithier n’était point écrit ; j’ai eu l’honneur de vous rendre compte verbalement des diversarticles dedépense énoncés dans l’état du ministre, qui ne présente que des résultats approximatifs; j’ai expliqué toutcequime paraissait susceptible d’explication. L’Assemblée, en décrétant provisoirement trois millious d’acompte sur la dépense de l’armement, et en ordonnant l’impression du rapport, désire sans doute plus de développement dans les détails : ainsi, en rappelant ce que j’ai dit, j’ajouterai quelques observations relatives à celles qui ont été faites ; mais je vous prie, Messieurs, de remarquer qu’il ne s’agit point ici de discuter le système général des dépenses de la marine ; c’est dans l’examen du régime économique, de ses principes et de ses formes, que vous reconnaîtrez si les dépenses peuvent être réduites à un moindre terme. J’ai commencé cette tâche dans un premier rapport, imprimé il y a six semaines; et (1) Ce rapport n’est que mentionné au Moniteur.