{Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (12 mars 1790.] \M Nous devons prévenir, Messieurs, ces deux dangers, assurer la liberté naissante des élections dans toute sa pureté, et en rappelant aux membres de l’Assemblée, le serment de ne pas en désemparer avant que la Constitution soit achevée, priver du droit d’éligibilité ceux qui auraient quitté ou quitteraient leur poste pour aller solliciter les suffrages dans les prochaines élections. , , C’est, Messieurs, l’objet du décret que j ai 1 honneur de vous proposer : « L’Assemblée nationale décrète qu’aucun de ses membres ne doit être présent dans les lieux des prochaines élections des assemblées primaires de départements et de districts; et que ceux de ses membres absents, qui seraient dans les lieux de ces prochaines élections, ne pourront être ni électeurs, ni éligibles. » Le projet de décret de M. Gochelet est fort applaudi. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Sans contredit, un citoyen ne peut exercer en même temps des fonctions dans les assemblées administratives et dans le Corps législatif; mais je demande que tout autre membre de l’Assemblée soit exclu de l’éligibilité, par cela seul qu’il se trouve dans la province où se font les élections. Voici ma motion : « Ceux des membres de l’Assemblée nationale qui sont actuellement dans les provinces, ne pourront être électeurs ni éligibles, ni même se présenter dans les assemblées de districts et de départements. » (Cet amendement est très applaudi.) M. üaurissart. Les deux préopinants sont trop modérés. La correspondance supplée aisément à la présence. Je demande qu'aucun membre de l’Assemblée nationale ne puisse être électeur ou éligible. M. de Sinéty. Je réclame la priorité pour la motion que j’ai déjà faite, et qui tendait à ce que tout membre du Corps législatif fût déclaré incapable de toute espèce d’éligibilité. M. Guillaume propose un autre projet de décret. Le voici: « L’Assemblée nationale décrète que toutes fonctions dans les assemblées administratives sont incompatibles avec celles du Corps législatif. « En conséquence, aucun de ses membres actuels, ni aucun de ceux qui auraient donné ou qui donneraient par la suite leur démission, ne pourront paraître aux assemblées primaires, ni être électeurs ou éligibles pour les assemblées de districts et de départements. » Cette incapacité aura lieu non seulement pendant la durée de la législature actuelle, mais encore pendant les deux années qui la suivront. » M. Bureaux de Pusy. J’adopte et j’appuie la motion de M. Cochelet et l’amendement de M. Regnaud : tout ce qui a été ajouté est inutile, s’il n’est pas dangereux. Exclure des affaires publiques tous les membres de l’Assemblée nationale, ne serait-ce pas faire le mal des administrés? La plupart de nos collègues sont des magistrats, ils ont passé leur vie dans l’étude des lois, ils deviendront précieux dans les nouveaux tribunaux; ne serait-il pas dangereux de les en exclure ? Je n’irai pas plus loin, et je demande la question préalable sur toute proposition. (L’Assemblée nationale décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur toute autre proposition que sur la motion de M. Cochelet et l’amendement de M. Regnaud.) M. Iwe Bois-Desguays. En s’attachant aux termes de la motion, on pourrait être à une demi-lieue de la paroisse où se tient l’assemblée, et influer directement sur les élections. 11 est indispensable d’adopter l’amendement de M. Regnaud. M. Martineau. La motion et l’amendement ont l’un et l’autre le même sens: on pourrait rédiger ainsi le décret: « Aucun membre de l’Assemblée nationale ne pourra être présent aux élections, et n’y pourra être ni électeùr, ni éligible. » M. de rVoailles. Il y a une incompatibilité manifeste entre les fondions du pouvoir administratif et celles du pouvoir législatif: il faut déclarer formellement cette incompatibilité : elle ne prononcera rien relativement aux élections dans les tribunaux, parce qu’elle ne peut pas porter sur les places qui sont à vie. M. Destutt de Tracy. Les propositions de MM. Martineau et de Noailles rentrent absolument dans celles que nous venons d’écarter par la question préalable. M. Boutteville-Dumetz. Il s’agit d’un article constitutionnel. Il est nécessaire d’établir des différences entre les fonctions administratives et les fonctions judiciaires à vie. Je demande le renvoi au comité de constitution. (L’Assemblée renvoie les différentes motions au comité de constitution, et charge ce comité d’en rendre compte lundi prochain.) M. le Président. M. le premier ministre des finances vient de m’adresser un mémoire relatif à l 'établissement d’un bureau de trésorerie. L’Assemblée veut-elle en entendre la lecture tout de suite ou après le rapport de son comité des finances sur le même objet ? (L’Assemblée décide que le rapport du comité des finances sera d’abord entendu.) M. le marquis de Montesquieu, au nom du comité des finances, monte à la tribune et fait un rapport sur le mémoire de M. le premier ministre des finances, lu dans la séance du 6 mars (1). Ce rapport est ainsi conçu: Messieurs, lorsque le premier ministre des finances vint dans cette Assemblée, le 14 novembre dernier, vous entretenir de la situation pressante du Trésor public, et des projets qu’il méditait pour l’avenir: « Ce sera, vous disait-il alors, l’objet d’un second mémoire, où l’arrangement final des finances sera traité. Mes idées sont arrêtées à cet égard ; mais j’attends, pour vous en rendre compte, que l’on sache positivement le résultat des économies que vous avez exigées du département de la guerre. » Quoique la dépense de ce département soit encore incertaine, pressé par les circonstances ; pressé par l’état de sa santé, et sans doute pour obéir à votre décret du 26 février, M. Necker vous a adressé, le 6 de ce mois, un mémoire dont vous (1) Le Moniteur ne donne qu'un sommaire du rapport de M. le marquis de Montesquieu.