256 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 avril 1790.] nous avons entendu en attribuer le bienfait à l’Assemblée nationale. « Partout nous avons entendu bénir sa sagesse, louer son ouvrage ; et quand nous vous apportons l’hommage de notre gratitude et de notre respect, ce n’est pas celui de la Corse seule, c’est celui de toute la France, devenue notre patrie commune. » M. Paoli prend ensuite la parole, et l’Assemblée, après lui avoir donné les plus vifs applaudissements, veut que son discours soit imprimé et transcrit sur le procès-verbal: « Messieurs, ce jour est le plus heureux et le plus beau de ma vie. Je l’ai passée à rechercher la liberté et j’en vois ici le plus noble spectacle. J’ai quitté ma patrie asservie, je laretrouve libre : je n’ai plus rien à désirer. « Je ne sais, depuis une absence de vingt ans, quels changements l’oppression aura faits sur mes compatriotes: ellen’a pu être que funeste, car l’oppression ne sait qu’avilir ; mais vous venez d’ôter aux Corses leurs fers, vous leur avez rendu leur vertu première. « En retournant dans ma patrie, mes sentiments ne peuvent pas vous être douteux. Vous avez été généreux pour moi, et jamais je n’ai été esclave. Ma conduite passée, que vous avez honorée de votre suffrage, vous répond de ma conduite future ; j'ose dire que ma vie entière a été un serment à la liberté ; c’est déjà l’avoir fait à la constitution que vous établissez. Mais il me reste à le faire à la nation qui m’adopte, et au souverain que je reconnais, c’est la faveur que je demande à l'auguste Assemblée. Signé : Paschalde paoli.» L'Assemblée ordonne aussi l’impression et l'insertion au procès-verbal, de l’extrait des minutes des délibérations de l'assemblée convoquée à Bastia, le 22 février 1790, extrait dont la lecture a été faite par l’un des députés corses extraordinaires, et qui suit : Extrait des minutes des délibérations de l'Assemblée convoquée à Bastia , le 22 février 1790. Séance du 24 février 1790, au soir. M. Petriconi, président, a dit: « Plusieurs raisons se réunissent à provoquer notre respect et notre reconnaissance envers l’auguste Assemblée nationale ; en peu de mois elle a consommé, avec une sagesse et une constance supérieures à toute expression, une constitution qui assure à jamais la liberté de la France ; elle a rétabli la société dans ses droits précieux dont on avait presque perdu la connaissance. Toutes les distinctions nuisibles au bien public sont supprimées; une administration simple et un gouvernement tutélaire doivent être le réeime du vaste royaume dont nous faisons partie. Vous n’ignorez point notre association à l’empire français, vous voyez rendus à la patrie nos bons patriotes que les douloureuses vicissitudes des temps passés en avaient éloignés. « Il est nécessaire que nous fassions connaître les sentiments qui nous animent, ceux de notre respect et de notre reconnaissance. « Après quoi l'assemblée, délibérant, a arrêté: qu’elle félicite l’Assemblée nationale du grand œuvre de la nouvelle constitution; qu’elle déclare solennellement son entière adhésion à tous ses décrets et délibérations, revêtus de la sanction royale; qu’elle les accepte avec promesse et serment de les faire exécuter : elle déclare regarder comme ennemis de la patrie et criminels de lèse-nation tous ceux qui voudront s’opposer à l’exécution desdits décrets. « Qu’elle fait éclater le transpost de la joie la plus vive pour la solennelle déclaration du 30 novembre dernier, par laquelle la Corse est déclarée partie intégrante de l’empire français, et qu’elle manifeste son plaisir sur le retour de ses concitoyens que les ruines de l’ancienne liberté de la Corse en avaient éloignés. « Que pour justifier d’une manière solennelle les sentiments dont cette nation est justement pénétrée pour l’auguste Assemblée nationale, il sera élu et nommé une députation, composée de quatre députés, pour présenter à l’auguste sénat le tribut de respect et de la gratitude de la Corse. « Que les mêmes sentiments d’hommage,' de vénération et de reconnaissance seront présentés à Sa Majesté, qui a daigné sanctionner le décret de réunion de cette île à la nation française; que cette réunion, en se voyant pour toujours unie à cet empire, a calmé les communes inquiétudes. « Que le général de Paoli, se trouvant à Paris, est prié de se joindre à cette députation et d’en être le chef. « Et la présente déclaration a été signée: « Signé: le comte de Petriconi, président; Giubega, secrétaire; Benedetti, secrétaire. « Collationné avec la minute dans le secrétariat du comité supérieur de Corse. Bastia le 26 mars 1790. Signé : Gentite, président; Poggi, secrétaire. » M. le Président leur répond en ces termes : Messieurs, un peuple né pour l’indépendance, un peuple dont la France admira le courage tant qu’elle eut à le combattre, et dont elle n’a vraiment achevé la conquête que le jour où elle l’a rend u à laliberté, devait sans doute goûter mieux qu’aucune autre partie de l’empire, le prix d’une constitution qui rend à l’homme tous ses droits, et qui promet au citoyen bonheur, gloire et prospérité. L’hommage que vous venez offrir à l’Assemblée nationale est digne de vous et d’elle; elle fixe ses regards avec complaisance sur les députés d’une nation tière et généreuse qui, désormais, ne fera plus qu’une avec la France, et elle se plait à reconnaître au milieu de vous, celui qu’un choix libre mit jadis à votre tête, et qu’un des décrets dontl’Assemblée glorifie le plus vient de rendre à nos vœux : Elle aime à distinguer en lui le héros et le martyr de la Liberté. Enfants adoptifs de la France, recevez d’elle le bonheur qu’elle vous a préparé, et payez-la par votre amour et par cette fidélité que vous venez de lui jurer si solennellement. Vouez le même amour et cette même fidélité à ce monarque à qui nous i’avonsjurée,àceroi citoyen qui fait la gloire d’un peuple, à ce roi restaurateur de notre peuple et de notre liberté. Les Romains allaient chercher des filsdans desfamillesétrangères;la France en trouve dans une nation voisine • et ces enfants de son adoption, qu’elle a appelés à partager et ses droits et son nom, ne lui sont ni moins chers ni moins précieux que les autres. L’Assemblée nationale a reçu vos serments ; elle vous permet d’assister à sa séance. » L’Assemblée nationale ordonne que la réponse de M. le président sera imprimée. Un des députés corses prend la parole et dit : [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 avril 1790.] 257 « Monsieur le Président, « Il nous reste à supplier l’Assemblée de permettre au commandant militaire que le roi nous a donné, de se rendre incessamment en Corse, où sa présence devient chaque jour plus nécessaire.» M. le Président répond que l’Assemblée nationale prendra en considération la demande que les députés corses font en ce moment. Les maîtres amidonniers delà ville de Paris ad-dressent leurs remercîments à l’Assemblée, au sujet de la suppression des droits imposés sur l’amidon, et déposent sur le bureau une offrande patriotique montant à la somme de 864 livres. Offrande de la communauté des maîtres amidonniers de la ville de Paris , et remercîments aux représentants de la nation , au sujet de la suppression des droits imposés sur l'amidon. « Les bienfaits que la communauté vient de recevoir de la suppression du droit sur l’amidon exigent les remercîments les plus sincères aux représentants de la nation. L’édit ou les lettres patentes qui avaient créés ce droit étaient désastreux, et des arrêts du conseil en avaient rendus les dispositions si aggravantes, qu’elles ont servi à ruiner la plupart des maîtres. «Une régie composée de financiers adroits a seule profité des malheurs de nos concitoyens, parce que les amendes et les confiscations qu’elle a exercées contre eux, et quelle a eu le secret de faire mettre à son profit, ont quintuplé le droit en lui-même : quarante et tant de procès pendants, tant à l’ancienne police qu’au conseildu roi pouvaient, par le crédit de la régie, achever la ruine entière de la communauté. « Vous venez, dignes représentants, de lui rendre son existence, en supprimant le droit et tous les procès, en rendant à chacun des membres la liberté de ses foyers, qu’ils avaient perdue depuis 1771. En reconnaissance de cette nouvelle régénération, les membres qui composent la communauté, femmes et enfants, se sont hâtés dé remettre entre les mains des syndics, adjoints et députés, les modiques sommes qu’ils pouvaient fournir, pour être remises au Trésor de la nation et servir aux besoins de la patrie. «Permettez, respectables représentants, que les syndics, adjoints et députés de cette petite communauté déposent sur rautel de votre auguste Assemblée, la somme de 864 livres, pour un témoignage de leur respectable reconnaissance. Ce faible hommage est l’unique sacrifice qu’elle peut faire, elle ne cessera jamais de faire tous ceux que la défense et la sûreté de la patrie demanderont d’elle. « Présenté par MM. Levé et Bourbaut, syndics ; Deslandes, adjoint ; Le Blond et Le Duc, députés, et Boudeville, huissier et agent de la communauté. » M. le Président leur a dit : Messieurs, le vœu de l’Assemblée natioqale eût été de pouvoir délivrer à la fois de toute entrave toutes les branches du commerce, afin de le porter rapidement au degré de prospérité qu’il doit atteindre; elle n’a pu faire à cet égard tout le bien qu’elle aurait désiré, mais elle a voulu du moins soulager les maux les plus pressants. Le droi 1" Série. T. XV. imposé sur l’amidon était au rang des droits les plus onéreux; elle s’est hâtée de le supprimer. Elle reçoit avec satisfaction l’hommagede votre reconnaissance et de votre patriotisme, et elle vous permet d’assister à sa séance. M. ILe Roi, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, prie l’Assemblée de recevoir deux ouvrages de sa composition. Ces livres sont : 1° Lettres à M. Franklin sur la marine, et particulièrement sur la possibilité de rendre Paris port de mer ; 2° Recherches sur les moyens d’employer les hommes désœuvrés qui surchargent le royaume. M. le Président répond : Monsieur, si les sciences ne s’étaient jamais dirigées que vers des objets d’utilité publique, jamais on n’eût osé. mettre en question si elles avaient été plus nuisibles qu'utiles au bonheur du genre humain : ou si ce problème se fût présenté, des travaux tels que les vôtres l’auraien résolu. L’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction le fruit de. vos veilles, et elle vous permet d’assister à sa séance. M. Chombart, député de Lille, demande la permission de se rendre dans son département pour ses affaires. M. Simon, député du bailliage de Caux, écrit à M. le président, afin d’obtenir un congé de quelques jours. M. le marquis de La Salle de Roquefort, député de Mont-de-Marsan, demande l’agrément de l’Assemblée pour s’absenter pendant un court espace de temps. Ces trois congés sont accordés. M. le Président fait donner lecture dé la note suivante envoyée par M.le garde des sceaux : Expéditions en parchemin, pour être déposées dans les archives de l'Assemblée nationale : 1° D’une proclamation sur ledécretdu23 mars dernier, relatif à la Caisse d’escompte. 2° D’une proclamation sur le décret du 26 du même mois, concernant le payement des appointements des officiers en activité des états-majors des places de guerre. 3° De lettres patentes sur le décret du 30, qui révoque l’affectation faite aux salines de Dieuze, Moyenvic et Château-Salins, des bois situés dans leurs arrondissements. 4° D’une proclamation sur le décret du 7 de ce mois, portant que le bourg de Ghaussin et les paroisses y attenantes seront annexées au département du Jura. 5° Et d’une proclamation sur le décret du 10, concernant la garde nationale de Montauban. M. Coupilleau, membre du comité des rapports, rend compte d’un arrêt de la chambre des vacations du parlement de Grenoble, qui décharge plusieurs particuliers de décrets décernés contre eux par le juge de Mirebel, en Bresse. C’est une question de compétence. Il s’agit de savoir si l’île d’Olive, formée par le Rhône, dépend du Dauphiné ou de la Bresse. Voici le fait : Les habitants de Mirebel ont été couper du bois dans l’île, le 24 octobre dernier ; le seigneur de Jonage „ s’y est opposé, et son garde-bois, à la tête de huit il