[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [“24 juin 1791.] 477 nous. Monsieur est actuellement parti; il faut que l’on fasse des décrets relatifs à tous ces ob-iets-là, parce que la chose est pressante. Tous les bons citoyens doivent commencer à montrer de la fermeté. ( Applaudissements .) M. de Saint-Martin. La motion du préopinant est juste, mais je crois qu’elle n’est pas assez ample. Il faut que le comité de Constitution soit chargé de nous présenter au plus tôt une loi sur les émigrants; vous savez que cette loi a été ajournée. Les circonstances critiques où nous nous trouvons, exigent impérieusement une loi à cet égard. Je demande donc que le comité qui est chargé de cette rédaction, vous propose demain un projet de décret à cet égard. M. Camus. Il n’est pas nécessaire, je crois, de renvoyer à des comités pour faire une loi qui empêche les émigrants de toucher soit des pensions, soit des traitements. Il me semble qu’il n’y a rien de si facile à faire, et en le faisant promptement, vous préviendrez toutes les difficultés que l’on trouve à vous donner un état de ceux qui ayant, soit des traitements, soit des pensions, ne sont pas réellement dans le royaume. Je crois qu’il ne s’agit que de décréter qu’il ne sera fait aucun payement, soit au Trésor public soit à l’Extraordinaire, qu’à ceux qui se présenteront en personne ou à ceux qui rapporteront une déclaration précise de la municipalité du lieu qu’ils habitent ordinairement, portant qu’ils y font leur résidence effective et habituelle : je dis effective et habituelile, parce qu’on y vient un moment pour se faire délivrer un certificat de vie, et aussitôt on passe à l’étranger. Je crois, Messieurs, que ce décret parera à tous les inconvénients, et qu’il n’en entraîne aucun ; car il est de toute justice que les créanciers qui résident dans le royaume soient payés de préférence à ceux qui n’y résident pas. Ces certificats de municipalités doivent même être visés par les administrateurs de district et de département. Si l’Assemblée adopte cette mesure, je vais lui proposer un projet de décret. M. fi" mmer y. Je prie M. Camus de nous dire s’il entend y comprendre les créanciers de l’Etat qui seront étrangers. M. Canins. Non, non I M. d’André. Je demande que M. Camus rédige sa motion. M. Gombert. Je demande qu’il soit donné des ordres à tous les régiments de fournir un état de tous les officiers qui sont à leur poste, et que tous ceux qui n’y sont pas soient sommés de s’y rendre incessamment, parce que ce n’est pas dans un moment comme celui-ci qu’on doit s’abstenir d’être à son poste : tout le monde doit être là, et tous ceux qui ne joindront pas sont des gens mai intentionnés. (Applaudissements.) M. Emmery. Vous pouvez prendre des mesures à cet égard ; mais il me semble que, quand un décret aura dit qu’on ne fera aucun payement à ceux qui ne sont pas à leur poste dans le royaume, vous avez suffisamment pourvu à tout; et pour le détail de ces mesures, vous ne risquez rien de vous en rapporter au comité militaire qui travaille dans ce moment. M. l’abbé Bourdon. Je viens de parler à M. Camus : j’observe que son projet de décret est peut-être prématuré. M. Emmery, Messieurs, je vous observe que, par les nouvelles que nous recevons aux comités, nous voyons que l’on examine, que l’on arrête même les courriers qui ont des dépêches intéressantes, ou pour l’Assemblée nationale, ou pour les comités, ou bien de la part des ministres, pour porter les ordres dans le royaume, pour le rassemblement des troupes nationales et de ligne, et pour autres objets qui intéressent la sûreté du royaume. On ferait donc, ce me semble, un grand bien, en disant à la fois que, dans l’intérieur du royaume, la libre circulation des hommes et des choses doit être parfaitement permise; que les municipalités doivent protéger les voyageurs sur les grandes routes; mais je pense, qu’en même temps que l’on portera la plus grande attention pour établir cette mesure jusqu’à nouvel ordre, vous devez arrêter les émigrants, et je proposerais qu’on arrêtât que, dans les 5 dernières lieues de nos frontières, les transports d’effets et de tout ce que nous sommes intéressés à ne pas laisser sortir. Un membre: Si ce n’est pour des considérations graves. M. de Menou. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée nationale, qu’il y a peut être vingt courriers à faire partir aujourd’hui pour nos frontières. Il est extrêmement important que les courriers, chargés d’ordres du ministre de la guerre et autres, puissent arriver, dans les délais les plus courts, jusqu’aux commandants des troupes frontières. M. Emmery. Si l’Assemblée y consent, je vais rédiger une motion. (Oui! oui!) M. Gérard. Je prie l’Assemblée nationale d’agréer la remise de congé qu’elle a bien voulu m’accorder le 17 de ce mois et dont les circonstances ne m’ont pas permis de faire usage (Très bien! très bien!) ; la nouvelle du départ du roi, m’a fait renoncer à mon voyage et me fait rentrer au sein de l’Assemblée. (Applaudissements.) M. le Président témoigae à M. Gérard la satisfaction de l’Assemblée. M. Alexandre de Beauharnais, président, reprend le fauteuil. M. Camus. Messieurs, voici la rédaction que je propose, comme conséquence de la motion de M. Gombert. « L’Assemblée nationale décrète qu’à compter de ce jour, il ne sera fait, soit au Trésor public, soit à la caisse de l’extraordinaire, soit dans les différentes caisses nationales, à aucun Français ayant traitement, pension ou créance à exiger, aucun payement, à moins qu’il ne se présente en personne, même à la charge de faire certifier par la municipalité des lieux, ses noms et qualité, s’ils ne sont pas conus. Dans le cas où lesdits Français ne pourraient pas se transporter en personne aux caisses où les payements doivent s’exécuter, ils ne pourront toucher leur payement que par un fondé de leur procuration spéciale, à laquelle sera joint un certificat, que la personne qui a donné la procuration est actuellement et habituellement domiciliée dans le 478 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791.] royaume ; le certificat sera expédié par la municipalité du lieu du domicile, visé par le directoire du district. « Et dans le cas où il serait question d’un fonctionnaire public, le certificat, qui sera joint à sa procuration, justifiera qu’il est actuellement à son poste. Dans tous les cas, et avant de faire aucun payement, le trésorier chargé de l’acquitter se fera représenter la quittance du payement fait par la partie prenante, tant de ses impositions pour l’année 1790 et les années antérieures, que des deux premiers tiers de sa contribution patriotique, ou déclaration qu’il n’a pas été dans le cas d’en faire : si la partie prenante n’avait pas encore acquitté ses impositions ou sa contribution patriotique, il lui sera libre d’en offrir la compensation avec ce qui lui est dû ; auquel effet ladite partie ou son fondé de procuration rapporteront le bordereau certifié par le directoire du district, de ce dont ils seront débiteurs, soit pour impositions, soit pour contribution patriotique. « L’Assemblée déclare ne pas comprendre dans les dispositions du présent décret, la solde des troupes suivant les revues des commissaires, les sommes dues aux ambassadeurs étrangers, créanciers ou pensionnaires de l’Etat. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. de Rochambeau, accompagné de ses aides de camp, est introduit à la barre. M. le Président. M. de Rochambeau, officier général employé, et qui se dispose à partir sur-le-champ pour prendre le commandement des troupes qui sont sur les frontières du nord, a demandé à être admis dans l’Assemblée dont il vient prendre les ordres. M. de Rochambeau. Au moment de partir pour le commandement dont je suis chargé, je viens prendre les ordres de l’Assemblée nationale ; j’attends les dernières instructions que le comité militaire prépare, d’après lesquelles le ministre m’expédiera celles qui seront nécessaires, d’après l’étendue de confiance que l’Assemblée veut bien m’accorder. ( Applaudissements .) A gauche : Carte blanche. M. le Président. L’Assemblée se rappelle avec trop de plaisir l’intérêt qu’elle a éprouvé, lorsqu’elle a entendu prononcer par vous le serment d’être fidèle à la nation et à la loi, pour ne pas voir votre départ avec confiance, et pour n’en pas retirer le plus favorable augure ; elle vous invite à prendre les ordres du ministre. A gauche : Pleins pouvoirs 1 M. de Rochambeau se retire au milieu des applaudissements. M. Emmery. Voici la rédaction de mon projet de décret. « L’Assemblée nationale décrète que la libre circulation des personnes et des choses dans l’intérieur du royaume et la marche des courriers et voyageurs ne pourront être arrêtées ni suspendues, mais devront être protégées par tous les corps administratifs et municipaux, ainsi que par la gendarmerie et les gardes nationales ; que néanmoins, dans les 5 lieues de la frontière, les corps administratifs et municipaux surveilleront exactement, et feront vérifier la marche des courriers, voyageurs, et les transports d’effets, pour empêcher qu’il n’en passe à l’étranger, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné; sans que, sous aucun prétexte, il puisse être apporté aucun obstacle à l’exécution des transactions ordinaires du commerce. » Plusieurs membres demandent que les mois : « dans les 5 lieues de la frontière » soient remplacés par ceux-ci « dans les 10 lieues... » M. Emmery. Les précautions outrées empêchent et détruisent les précautions sages. Il est très important que les courriers arrivent partout à temps, et s’ils sont obligés de subir des vérifications continuelles, nous devons concevoir les plus grandes inquiétudes. (Oui! oui!) (Le décret proposé par M. Emmery est mis aux voix et adopté sans changement.) Plusieurs membres : Le renvoi de la proposition de M. de Saint-Martin 1 M. le Président. On demande le renvoi au comité de Constitution des différentes considérations présentés par M. de Saint-Martin relativement à une loi sur les émigrants. (Ce renvoi est mis aux voix et décrété.) M. le Président. Une députation du directoire de district de Clermont demande à être admise à la barre. (Oui! oui!) (La députation est introduite ; elle est accompagnée de M. Raumeuf, aide de camp commandant général de la garde nationale parisienne.) M. Raumeuf, aide de camp, s’exprime ainsi: « Monsieur le Président, « Chargé des ordres de l’Assemblée pour prendre des informations sur la route que le roi avait suivie, lorsqu’elle a été instruite de son départ, je m’empresse d’avoir l’honneur de lui rendre compte de ma conduite. J’ai pris, en sortant de Paris, la route de Meaux, où l’on disait le roi retenu; le roi n’y était pas. J’ai suivi la route de Châlons , où j’ai rencontré M. Bâillon, commandant de bataillon de Paris, et chargé des ordres de M. de La Fayette, pour s’opposer à l’enlèvement du roi; il avait été retenu pendant 2 heures, pour l’arrestation de M. de Briges, mais il avait, à son arrivée, fait partir le maître de poste de Châlons pour courir après une voiture qu’il soupçonnait être celle du roi : c’est ce maître de poste de Châlons qui a averti celui de Sainte-Me-nehould, qui, ayant pris des traverses très courtes, a le premier fait reconnaître le roi à son arrivée à Yarennes. Je suis reparti de Châlons avec M. Bâillon, et nous sommes arrivés à Yarennes quelques heures après l’arrestation du roi. Nous avons été rendre compte à la municipalité de l’objet de notre voyage, et nous nous sommes présentés avec elle chez le roi. Je lui ai communiqué le décret de l’Assemblée nationale, dont j’étais porteur; il m’a donné alors sa parole que son intention n’était pas de sortir du royaume (Murmures.); qu’il n’y avait jamais pensé , et qu’il allait à Montmédy ; mais que, d’après la connaissance qu’il avait du décret, il allait prendre la route de Paris ; il m’a assuré que pour ne compromettre personne, il n’avait mis personne dans le secret de son voyage.