404 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Elle n’en put arracher que ces mots affreux : « Il n’en a pas besoin, il a assez bu... » C’est par cette conduite atroce que Carrier a prolongé la guerre de la Vendée ; c’est en faisant fusiller impitoyablement des communes entières qui se rendaient volontairement qu’il a tout réduit au désespoir, en mettant ainsi les brigands entre la mort et le crime ; et lorsqu’il rappelle avec tant de complaisance, dans son mémoire, les horreurs qu’ils ont commises, c’est sans doute pour faire oublier ses forfaits. C’est alors que Carrier, coupable de tous ces attentats, se plaignant de ne pas recevoir de nouvelles de la Vendée, à l’instant même où les brigands augmentaient de force et d’audace, s’était retiré dans une petite maison auprès de Nantes, où il croyait apparemment pouvoir se soustraire aux regards des hommes vertueux... où il prolongeait bien avant dans la nuit ses orgies bruyantes, où ses satellites et lui buvaient à la coupe du crime, et se réjouissaient à la pensée du massacre, et ces bals scandaleux dont les Messalines faisaient tout l’ornement, cherchant sans doute, au milieu de ces bacchanales modernes, à étouffer, non ses remords, mais les gémissements des malheureux que les échos et les vents plus sensibles auraient pu reporter jusqu’au sein de ses plaisirs. Et Carrier ose dire, dans ce qu’il appelle un rapport, ce mémoire indigeste, aussi calomnieux que perfide, qu’iZ n’avait fait que passer à Nantes; Il n’a fait que passer!... Eh! ces infortunés qui lui redemandent le pain et les vêtements qu’il leur arrache, le champ qu’ils fertilisaient et qu’il fit dévaster, les fruits de leurs pénibles travaux qu’il livra au pillage, et l’humble toit qui leur servait d’asile devenu la proie des flammes... ne disent-ils pas assez que Carrier parcourut ces contrées?... Il n’a fait que passer!... Eh! ces déserts qu’il créa... ces routes de sang qu’il ouvrit près de nos remparts, ne sont-ils pas des monuments qui attestent à jamais sa présence?... Il n’a fait que passer!... Eh! ces pères tendres, ces mères éplorées qui cherchent en vain leurs enfants... ces fils désespérés qui ne retrouvent plus leurs parents,... ces amis sensibles qui ne peuvent exister sans leurs amis, qu’il fit périr de même;... eh! ces faibles et touchantes créatures qui appellent encore à grands cris leurs mères, et qui, privées d’un lait nourricier, expirent loin du sein maternel;... tout ne prouve-t-il pas que Carrier ne vécut que trop longtemps au milieu de nous?... Il n’a fait que passer!... Eh! ne compte-t-il donc pour rien les quatre mois consécutifs où sa présence a pesé sur nos têtes?... Il n’a fait que passer!... C’est la lave enflammée du volcan qui détruit, dessèche, brûle tout ce qui se trouve sur son passage,... qui porte partout l’épouvante et la désolation... Carrier ! on ne peut songer à ce monstre, sans frémir encore d’indignation et d’horreur!... On ne sait comment exprimer sa scélératesse... Les noms manquent aux crimes... Mais, citoyens représentants, vous ne pouvez vous le dissimuler, Carrier n’est que le lieutenant d’une faction pour qui le bonheur du peuple semble être un malheur; cette faction qui voulait ensevelir la liberté sous des monceaux de cadavres, assassiner les vertus, insulter au génie en détruisant les monuments des arts, outrager la nature en avilissant ses plus belles productions, en voulant dégrader l’espèce humaine... ; cette faction implacable qui déteste tout ce qui est beau et grand, et pour qui l’humanité même est un crime. Représentants du peuple français, ah! craignez que cette faction n’emploie tout pour suspendre le supplice de Carrier, afin de détruire les témoins qui pourraient le confondre, ou pour soustraire à un jugement ce criminel dont elle appréhende les révélations! Citoyens représentants, vous frémissez! ... Que serait-ce donc si vous aviez été témoins des forfaits de Carrier ! Mais vous nous avez entendus... nos maux sont déjà adoucis... le crime sera puni! Les citoyens de la commune de Nantes et la société populaire soussignés. Suit un grand nombre de signatures. (113) [LE COINTRE (de Versailles) : On a annoncé dernièrement qu’il n’y avait point de témoin contre Carrier : en voila 4000 qui se présentent. Je demande donc l’impression, la distribution de cette adresse et le renvoi à la Commission des Vingt-et-Un. Cette proposition est décrétée.] (114) La Convention en ordonne l’impression et le renvoi à la commission des Vingt-et-Un. 48 La Convention nationale, après avoir entendu [RAFFRON, au nom de] son comité d’Agriculture et des arts, nomme le citoyen Lhéritier le jeune, à la place de second commissaire de la commission d’Agriculture et des arts, devenue vacante par l’incarcération et la non occupation du citoyen Gatteaux; en conséquence, rapporte son décret du 26 de ce mois, qui nommoit Lhéritier le jeune à la place de commissaire adjoint dans cette commission, vacante par la mort du citoyen Thuillier (115). RAFFRON : au nom du comité d’Agriculture et des arts : Citoyens, vous avez nommé le 26 de ce mois, le citoyen Lhéritier jeune, à la place de second commissaire de la commission d’Agriculture et arts, sur la proposition qui vous en a été faite par votre comité d’Agriculture et arts. (113) Mess. Soir, n° 824, indique 4000 signatures; J. Per-let, n° 787, indique 8 pages de signatures ; F. de la Rép., n° 60, indique 6 pages de signatures. (114) M.U., n° 1347. Débats, 788, 857. C. Eg„ n° 823. J. Soir, n° 785. (115) P.-V., XLIX, 293. SÉANCE DU 29 BRUMAIRE AN III (19 NOVEMBRE 1794) - N»8 49-53 405 Le comité a reconnu depuis que le nom de celui que le citoyen Lhéritier jeune remplace n’a pas été énoncé tel qu’il est, par erreur. La place de second commissaire de cette commission était devenue vacante par l’incarcération et la non occupation du citoyen Gatteaux, créature de Saint-Just, qui n’avait même jamais exercé. Le comité me charge donc de vous proposer de rectifier ainsi cette erreur. La Convention nationale nomme le citoyen Lhéritier jeune à la place de second commissaire de la commission d’ Agriculture et des arts, devenue vacante par l’incarcération et la non-occupation du citoyen Gatteaux. La mort du citoyen Thuillier a fait encore vaquer une place de commissaire adjoint dans cette commission. Le comité vous proposera incessamment de nommer à cette place. Le décret proposé par Rafiron est adopté (116). 49 Plusieurs rapporteurs de différens comités se succèdent à la tribune et l’Assemblée rend les décrets qui suivent. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité Militaire sur la pétition de la citoyenne Bacquelin, dont le mari, chirurgien de la première classe dans la cent-soixante-deuxième demi-brigade, se trouve prisonnier de guerre depuis le 28 germinal dernier, décrète ce qui suit : La Trésorerie nationale, sur le vu du présent décret, paiera à la citoyenne Bacquelin le montant du tiers des appoin-temens qui sont ou seront dus à son mari depuis le jour de sa captivité jusqu’à l’échange des prisonniers, au nombre desquels se trouve le citoyen Bacquelin, chirurgien de la première classe dans la cent-soixante-deuxième demi-brigade, à la charge de retenue sur lesdits appointe-mens, ou sur la pension que la pétitionnaire auroit droit de prétendre (117). 50 Sur le rapport de son comité des Secours publics, la Convention nationale décrète : Article premier. - La Trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, à la veuve de Théodore Joseph Boissard, la somme de 1 200 L, à titre de secours provisoire, imputable sur les reprises qu’elle a droit d’exercer dans la succession de son mari, dont les biens sont sous la main de la nation. (116) Moniteur, XXII, 542. (117) P.-V., XLIX, 293. Art. II. - La pétition et toutes les pièces y jointes seront envoyées au comité de Législation, pour y être statué définitivement par un rapport général. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (118). 51 La Convention nationale, sur le rapport de son comité des Secours, décrète : Article premier. - Il sera payé par la Trésorerie nationale, sur la présentation du présent décret à la veuve Macheveli, la somme de 900 L à titre de secours provisoire, imputable sur les biens et revenus qui lui appartiennent, soit en propre, ou comme commune avec son mari. Art. II. - La pétition et toutes les pièces y jointes seront envoyées au comité de Législation, pour y être statué définitivement lors du rapport général qui s’en fera. Le présent décret ne sera point imprimé; il sera seulement inséré au bulletin de correpondance (119). 52 La Convention nationale, sur le rapport de son comité des Secours publics, décrète que, sur la présentation du présent décret, il sera payé, par la Trésorerie nationale, à la veuve Thomas Edmont, la somme de 600 L, une fois payée, à titre de récompense nationale. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (120). 53 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BION, au nom de] son comité des Transports, postes et messageries, décrète ce qui suit : Article premier. - Le comité des Transports est autorisé à établir, sur la réquisition des conseils généraux des communes et l’avis des districts, dans tous les lieux de la République où la plus grande utilité l’exigera, des bureaux pour le dépôt et distribution des dépêches, l’enregistrement des voyageurs, le chargement et la remise des sommes et valeurs des paquets, ballots et marchandises. (118) P.-V., XLIX, 293-294. (119) P.-V., XLIX, 294. (120) P.-V., XLIX, 294-295.