465 (Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 juin 1791.J légitime, et que tout ce que la politique et les lois peuvent fournir de moyens pour la juger telle, se réunissant en faveur de Monsieur d’Orléans, il a le droit incontestable d’en solliciter le recouvrement, et de l’attendre avec sécurité de votre justice. Voici, en conséquence, le projet de décret que nous vous proposons : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de liquidation, qui lui a rendu compte du rapport du directeur général de la liquidation, sur la réclamation de Loms-Philippe-Josrph d’Orléans, décrète qu'en conformité de ses précédents décrets sur la liquidation de la dette publique, et sur les fonds destinés à l’acquit de ladite dette, Louis-Philippe-Joseph d’Orléans sera payé de la somme de 4,158,850 livres, avec les intérêts dus et échus, pour remboursement de la dot de Louise-Elisabeth d’Orléans, reine d’Gspagne, à elle promise par son contrat de mariage du 5 octobre 1721, et par elle cédée à Louis d’Orléans, son frère, par acte de transport du 2b avril 1742; à la charge, par Louis-Phidppe-Josepb d’Orléans, de rapporter la pr uve qu’il est le seul propriétaire de ladite créance et de se conformer aux lois de l’Etat pour obtenir sa reconnaissance définitive de liquidation, et obtenir son payement à la caisse de l’extraordinaire. M. de 15a tz. Messieurs, avant de dire mon opinion, je dois avertir l’Assemblée qu’ayant examiné cette affaire sous tous ses rapports'”, j’ai des considérations très importantes à présenter et des développements très longs à donner à mes observations qff doivent toucher au système général de la liquidation. Gomme il est déjà deux heures et demie, il me serait difficile de terminer aujourd’hui mon opinion; je prie donc l’Assemblée de prononcer l’ajournement à la prochaine séance. Voix diverses: A jeudi soir! A la prochaine législature ! A demain ! A gauche : L’ajournement à la prochaine législature ! A droite : Non ! non ! M. l’abbé Maury. Il ne pourrait y avoir que deux raisons qui puissent vous déterminer à renvoyer cette affaire à la seconde législature. Plusieurs membres : Dites donc à la première! M. l’abbé Maury. Il faudrait ou que la discussion dût être longue, ou que le délai fût nécessaire pour recueillir de nouveaux renseignements. Or, vous avez d’une part tous les titres ; vous pouvez dès à présent vous faire représenter toutes les pièces ; nous raisonnerons tous d’après ces mêmes documents dont M. le rapporteur a fait l’extrait. Eu second lieu, je vous assure que cette discussion ne pourra pas être longue et qu’une seule séance suffira pour vous déterminer. H est important d’ailleurs, Messieurs, de statuer définitivement sur cette demande; car la question est déjà préjugée par plusieurs de vos décrets par lesquels vous avez révoqué ou déclaré que vous révoqueriez tous les dons illégitimes faits par l’ancien gouvernement et qui seraient contraires à l’intérêt de la nation , à moins qu’il n’y ait une exception particulière à réclamer en faveur de Monsieur le duc d’Orléans. {Murmures.) Je demande eu conséquence, Mesffcurs, que la discussion soit renvoyée à demain et je vous assure que ce que j’ai à dire à cette tribune ne sera pas long du quart de ce que j’ai imprimé à ce sujet. M. le Président. On demande l’ajournement à demain, à jeudi soir. Plusieurs membres : La priorité pour le renvoi à la prochaine législature ! M. le Président. Je mets aux voix l’ajournement à jeudi soir. Un membre : Pourquoi ne mettez-vous pas aux voix la priorité qui vous est demandée pour l’ajournement à la prochaine législature? ( Marques d’ approbation.) M. Defermon. La question étant complexe, il faut commencer par décider si on s’occupera de cette affaire dans la session actuelle. M. Cochard, rapporteur. Je m’oppose au renvoi à la prochaine législature ; rien ne peut le légitimer et l’affaire est trop importante. Il me semble d’ailleurs que l’Assemblée doit être en état de prononcer ; non seulement le rapport est imprimé depuis 15 jours, mais, depuis longtemps, elle a sous les yeux toutes les opinions pour ou contre qu’on a publiées sur celte affaire. M. liadier de Montjau. L’ajournement léserait évidemment et la nation, qui serait obligée de paver les intérêts de cette créance, et les créanciers" de Monsieur d’Orléans, et les cessionnaires auxquels il a fait ou veut faire le transport de cette créance. (Mouvement prolongé.) M. Garat aîné. La pureté de nos sentiments deviendrait suspecte (Non! non!) si nous renvoyions cette affaire à la prochaine législature. Ne dirait-on pas que nous craignons de traiter cette question par rapport à l’importance de la personne qu’elle concerne? (Murmures.) M. Gombert. Nous en avons bien jugé d’autres. M. Garat aîné. Vous vous feriez soupçonner d’une faiblesse honteuse. Envoyer à la prochaine législaiure, ce serait charger l’Etat des intérêts peut-être encore pour longtemps. M. Cochard, rapporteur. Je consens à l’ajournement à la première législature. (Exclamations ironiques à droite.) M. Cavic.Permettez-moidedire une vérité. Ceci deviendra et paraît déjà être une affaire de parti (On applaudit dans la partie gauche ), et l’extrême acharnement que monirent Messieurs du côté droit contre la demande du renvoi à la législature m’eu convainc de plus en plus: on parlerait contre la personne plutôt que contre le titre de la créance. Je demande que, pour que cette affaire soit traitée avec impartialité, elle soit renvoyée à la première législature. (Applaudissements.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juin 1791.] 166 M. le Président. M. le rapporteur consent à l’ajournement; je le mets aux. voix. (Bruit à droite.) M. l’abbé Maury. Je demande qu’on n’aille aux voix sur l'ajournement qu’après la discussion. A gauche; Oui, pour que vous puissiez déclamer. M. Madier de llontjau. C’est 200,000 livres qu’on prend chaque année dans le Trésor public pour payer les intérêts. M. de Follcviile. Je propose un amendement, Si on renvoie à la prochaine législature, il faut suspendre le payement des intérêts (Murmures.)...; mon amendement est appuyé, monsieur le Président. A droite : il est appuyé ! M. Se Président. Je mets aux voix l’ajournement à la législature. (L’Assemblée, après une épreuve douteuse, décrète, au milieu du bruit, le renvoi de l’affaire à la prochaine législature.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 13 JUIN 1791. Opinion de M. l’abbé Maury, député de Picardie, sur le remboursement que demande Monsieur d'Orléans de 4,158,850 livres pour la dot de Louise-Elisabeth, d'Orléans , fille de Monsieur le régent, et reine douairière d'Espagne (1). Messieurs, en 1721, Monsieur le régent maria Louise-Elisabeth d’Orléans, sa tille, avec le prince des Asturies. Ce prince, connu sous le nom de Louis 1er, monta sur le trône d’Espagne en 1724, au moment ale l’abdication de Philippe V, son père, et il mourut le 31 du mois d’août de la même année. Louise-Elisabeth d’Orléans, connue d’abord sous le nom de MUe de Montpensier, fut mariée avec toutes les solennités et tous ies honneurs que l’on réserve aux filles de France. La demande du mariage se fit par l’ambassadeur d’Espagne dans une audience publique. Le contrat lut rédigé, selon l’usage, en présence de tous les princes du sang, par 2 secrétaires d’Etat, M. le cardinal Dubois et M. le comt ■ deMaurepas; et oo y employa toutes les formes qui constituent, dit-on, dans cette partie, un titre diplomatique. Monsieur le régent dota sa fille, en lui assignant, au nom du jeune roi, 500,000 écus d’or sol sur Je Trésor public, et il la fit renoncer par son contrai de mariage à toute succession paternelle et maternelle. (1) Ce discours n’a pu être prononcé par suite du ■envoi de la question à la prochaine législature. — foy. ci-dessus. . En 1725, après la mort de Louis Ier et de Monsieur le régent, Louis XV devenu majeur liquida par des lettres pat ides enregisti ées à la chambre des comptes, la ot de sa cousine au quatrième dearé, Louise-Elisabedi d'Orléans, reine douairière d’E'pacne. L’estimation des 500,000 écus d’ors 1 fut fixée à la somme de 4,158,850 livres. En attendant que le roi ait pourvu au payement de ladite somme, est-il dit dans les lettres patentes, Sa Majesté ordonne que la reine douairière d’Espagne en reçoive l’intérêt, annuel au Trésor royal, sur le pied du denier 20, c’est-à-dire 207,942 1. 10 s. chaque année. La reine d’Espagne vendit, le 26 avril 1742, la nue propriété de sa créance à M. Louis d’Orléans, son Itère, aïeul du prince qui réclame aujourd’hui cette acquisition. Le contrat de vente porle que la reine d’Espagne jouira pendant sa vie de l’usufruit de sa dot ; que Monsieur d’Orléans, son frère, en faveur de qui elle aliène le fonds, lui fera payer, dans l’espace de 6 années, la somme de 810,000 livres, pour acquitter ses dettes ;qu’à compter du 1er janvier 1749, il lui devra eu outre une rente annuelle et viagère de 69,314 livres, en augmentation de i’in'érêt de sa dot; enfin qu’t! se charge, après le décès de la reine d’Espagne, sa sœur, de payer 45,000 livres de pensions viagères, dont celte princesse pourra di-po�er en laveur de ses officiers et de ses domestiques. Monsieur d’Orléans, qui jouit à ce titre, a vendu ou a feint de vendre depuis quelques mois, sous sa garantie, la dot de la reine d’Espagne. L s cessionnaires du prince se sont présentés, comme porteurs d’un titre de dette exigible, pour en demander la liquidation et le remboursement. M. Camus n’a trouve aucune difficulté dans cette demande; et son caractère facile et coulant en affaires l’a porté à nous proposer de faire droit immédiatement par un décret, à la réclamation des concessionnaires ou prête-noms de Monsieur d’Orléans. Peu s’en fallut que cette décision imprévue no vous fût enlevée, sur sa parole, au commencement de la séance du 11 janvier dernier. Vous avez ajourné, Messieurs, l’examen de cette créance. Vous avez voulu entendre un rapport sur le fond de la cause. La discussion s’ouvre aujourd’hui; tt puisque je suis appelé à énoncer mon opinion, je vais l’exposer et la motiver avec toute l’impartialité d’un représentant de la nation, qui sYstimerait bien à plaindre s’il avait jamais un tort dans cette tribune contre Monsieur d’Orléans. Pour ne laisser sans réponse aucun des moyens qui nous ont été présentés par les conseils de Monsieur d’Orléans, il faut examiner d’abord s’il est vrai, comme ils le prétendent, que ce mariage fut réellement contracté pour l’intérêt de l'Etat, et si l’acquisition de la dot de la reine d’Espagne a été ensuite onéreuse à la maison d’Orléans. Lorsque nous aurons éclairci ces deux points de fait, nous entrerons dans la question de droit qui est soumise à votre décision. Tous les autres détails historiques, dont on s’est prévalu, appartiendront à la discussion du fonds de la cause, que je réduirai à ces deux problèmes juridiques : 1° En supposant légitime Ja créance que réclame Monsieur d’Orléans, cette somme est-elle exigible? 2° La dette dont on sollicite le remboursement est-elle eu effet, ou n’est-elle pas légitime? Vous voulez savoir d’abord, Messieurs, si ce fut réellement pour l’intérêt de l’Etat que le mariage