[Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 août 1791.1 573 qu’il est impossible de qualifier de jugement une loi qui a pour objet de régler le sort de deux classes de citoyens très nombreuses les unes contre les autres; si ce n’est pas là la matière d’une loi, je ne sais pas ce que c’est qu’une loi. On vient d’agiter ici la question de savoir en thèse générale si ces officiers seigneuriaux devaient être remboursés par les seigneurs ou par la nation. Vous venez d’entendre la diversité des opinions sur cette question. A quoi devez-vous vous attendre si vous renvoyez aux tribunaux? C’est que les tribunaux rendront une foule de jugements contradictoires et différents sur cette question. ( Applaudissements .) Le renvoi aux tribunaux est une excellente chose pour donner de l’occupation àMM. les avocats et à MM. les avoués. Mais si vous voulez supprimer 1< s procès, il faut décider la question. ( Applaudissements .) M. Robert. Si l’on renvoie aux tribunaux, il y aura bientôt, sur cet objet difficile et délicat, 547 jurisprudences différentes. M. Delavigne. Nous devons donner l’exemple aux législateurs de ne pas rendre des jugements, de ne pas exercer le pouvoir judiciaire, et de ne nous occuper que d’objets législatifs. L’établissement des justices seigneuriales a des nuances diverses dans toutes les parties du royaume : dans les unes, ces offices ont été aliénés par les ci-devant seigneurs; dans les autres, il y a eu des traités de tout genre à raison de ces offices seigneuriaux. Il est impossible que la loi puisse atteindre avec une justice exacte toutes les hypothèses, toutes les transactions. Je pense comme M. Goupil qu’il faut tout renvoyer par-devant les tribunaux. M. Garat aîné. Je ne connais pas ce que c’est qu’une loi, si ce n’est un acte qui doit s’appliquer à un grand nombre de cas, et qui intéresse plusieurs citoyens. Il y a dans le royaume une quantité énorme de justices seigneuriales, et il y a des aliénations à diverses époques de la paît des ci-devant seigneurs. Ces questions, qui naîtront de ces transactions, de ces aliénations d’offices seigneuriaux, sont agitées par les auteurs en sens contraire. On trouve des autorités pour et contre. Vous allez livrer des familles pauvres et nombreuses au fléau des procès et à des discussions interminables et ruineuses. Je conclus à la question préalable sur la motion d’ordre et sur la demande de renvoi faite par M. Goupil. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la demande de M. Goupil-Préfeln tendant au renvoi devant les tribunaux.) M. Goupil-Préfeln. JA demande la priorité pour le projet de décret de M. Merlin, tendant à ce qu’il n’y ait pas lieu à délibérer sur le projet du comité en reversant le remboursement de? officiels seigneuriaux à ceux qui justifieraient avoir versé la première finance au Trésor public. M. I�anrendeau. Si vous adoptiez le projet de M. Merlin, vous ré luiriez, je vous l’assure, une grande quantité de familles à l’indigence; vous feriez une injustice dont vous n’êtes point capables. Je demande que l’Assemblée adopte le projet du comité. M. Lanjulnais. Je demande la priorité pour la motion de M. Merlin comme la seule conciliable avec la justice, avec la loi, avec l’honneur même de l’Assemblée. M. Audier-Massillon. J’appuie la motion de M. Merlin et je demande que la question soit posée ainsi : « Le? officiers seigneuriaux seront-ils, ou non, remboursés du prix de leurs offices? » M. Ménard de La Groye. Messieurs, souvenez-vous qu’il e-t dit dans la déclaration des droits que nul ne peut être dépouillé de sa propriété, sans une indemnité préalable. Or, la finance des offices seigneuriaux est une véritable propriété. Il s’agit de savoir si les officiers seigneuriaux doivent être remboursés, ou si les ci-devant seigneurs doivent profiter de leurs finances. Je demande la question préalable sur le projet de M. Merlin. * M. Merlin. Dans la seule province de Bretagne, il y aura 8,000 officiers seigneuriaux à rembourser. Jugez d’après cela, Messieurs, combien il en coûtera à la nation pour rembourser les offices de la généralité du royaume. Les objections des préopinants ne sont que des paralogismes. Certainement, et je le répète, les seigneurs qui n’ont pas eux-mêmes supprimé les offices, et la nation qui n’en a pas touché la finance, ne peuvent les rembourser. Je persiste dans mon opinion. M. Régnier. Je déclare que je suis d’accord en principe avec les adversaires du comité, et cependant il m’est impossible de ne pas adopter l’avis du comité. Ce ne sont pas les officiers seigneuriaux que l’Assemblée a supprimés. (Exclamations.) Je sens très bien que, ie droit qu’avaieut les s ig leurs de faire administrer la justice éiant supprimé, les offices de ceux qui administraient en leur nom la justice, se trouvent supprimés par une conséquence nécessaire, mais il u’en est pas moins vrai que les décrets de l’Assemblée nationale ont porté sur le droit seigneurial dont les seigneurs étaient propriétaires, et non pas sur les offices qui en émanaient. Je sais que le seigneur peut dire : « Vos offices ont été supprimés par une force majeure, et je n’en suis pas responsable: je ne puis pas vous faire jouir plus longtemps du droit que je vous avais conféré » ; mais le seigneur peut-il ajouter avec la même justice : « je ne suis pas tenu de vous rembourser la finance que vous avez versée en mes mains. » Non, Messieurs, l’officier peut dire au seigneur : «Je vous ai donné ma finance pour jouir de l’avantage de l’office; vous ne pouvez plus me garantir ces avantages : rendez-moi ma finan e. » Il est donc juste que ceux qui ont touché la finance des offices qu’ils avaient vendus, soient tenus de les rembourser. (Applaudissements.) Plusieurs membres : A demain 1 à demain! (L’Assemblée, consultée, renvoie la suite de la discussion à demain.) M. lé Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain. M. de Phélines, commissaire de l’Assemblée dans les départements du Haut et du Bas-Rhin , reodcomptedurésultat de sa mission et s’exprime ainsi : Messieurs, en exécution de votre décret du