jAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (7 janvier 1791.] 6t) représentation soit complète. Pour exercer cette surveillance, il est certain que nous sommes armés d’une juridiction collective. Ainsi de toute part les principes foudroient ces objections. Mais il est une motion d’ordre pour laquelle j’avais demandé, la parole, et que je crois pressant de vous présenter. Des bruits appuyés par la dénonciation que vous a faite un des préopinants, des bruits que je ne rapp lierai pas, dans la crainte de faire plus de bruit que de bien, m’ont suggéré une mesure instante que je vais vous proposer. Dans cette conjoncture grave et pressante, où l’esprit inconstitutionnel de la majorité de nos prélats et d’un bon nombre de pasteurs inférieurs vient de nécessiter la vacance de tant de sièges et d’offices ecclésiastiques, je crois devoir rappeler un, instant l’attention de l’Assemblée sur quelques considérations et quelques mesures qui m’ont paru mériter d’être pesées dans sa justice et dans sa sagesse. Premièrement, il n’est aucun citoyen sage qui ne regardât une longue interruption du ministère religieux comme l’assoupissement d’un ressort très nécessaire au zèle patriotique des peuples. Ce silence de la religion, il ne serait que trop facile aux ennemis de la Constitution et de la liberté, de l’indiquer comme le signal du moment à saisir, pour tourner la force publique contre la Révolution. Vous verriez bientôt le fanatisme s’agiter en tous sens pour présenter ce repos de notre institution évangélique, comme la mort du christianisme, comme la préparation du renversement des sanctuaires, comme l’odieux monument d’une Constitution impie, qui achèverait bientôt de détruire l’Eglise et. son' sacerdoce. Secondement, sans examiner plus en détail cette situation des choses sous son aspect politique, vous serez touchés de la nécessité urgente et indispensable d’assurer à un peuple, dont vous êtes les libérateurs et les pères, la jouissance de sa foi, de son culte et de ses espérances. Il a un droit sacré et journalier à toutes les consolations et à tous les secours de la religion. Il serait trop douloureux pour vous d’apprendre qu’au milieu de nos cités, la portion chrétienne de ceux qui les habitent cherche en vain autour d’elle son pontife, son guide, son pasteur; et que, dans les campagnes, l’agriculteur agonisant est forcé de descendre au tombeau, privé de la douceur si chère à sa piété naïve, d’avoir vu la religion bénir son dernier soupir. (, Applaudissements répétés.) Troisièmement, nous ne pouvons nous dissimuler la grande difficulté qui s’oppose au prompt remplacement des évêques et des curés destitués de leurs offices par leur refus de prêter le serment relatif à la constitution civile du clergé. Cette difficulté consiste en ce que vous avez rélé, articles 7 et 9 du titre XI du décret du 4 août 1790, que pour être éligible à un évêché, il sera nécessaire d’avoir rempli au moins pendant quinze ans les fonctions du ministère ecclésiastique dans le diocèse, etc. ; et que, pour être éligible à une cure, il faudra pareillement, avoir pendant un temps déterminé, exercé les fonctions du ministère dans l’arrondissement du district. Il est très clair que l’observation littérale de cette partie, d’ailleurs purement réglementaire, de votre décret est impraticable au mament.où nous sommes, et invinciblement incompatible avec le besoin instant d’empêcher que le cours du ministère ecclésiastique ne subisse une suspension d’où résulteraient des conséquences funestes à l’ordre public, et principalement celle d’acharneT l’obstination et les résistances par l’espoir que la difficnlté des remplacements engagera l’Assemblée dans quelques mesures rétrogades. Peut-être des départements entiers seraient-ils arrêtés, durant des années, par l’impossibilité de faire tomber leur choix sur un ami bien fidèle de la Révolution, et de rencontrer un ecclésiastique doué d’un civisme incontestable. Il me semble que tout prêtre français doit en ce moment au moins être éligible pour toute la France. Cette universalité d’aptitude est même selon le sens et l’esprit d’une Constitution qui a fondé l’unité indivisible de tous les citoyens sur les ruines de toutes les corporations et de toutes les exclusions politiques et sociales. J’ai donc l’honneur de vous proposer de décréter ce qui suit : 1° Que relativement aux vacances des évêchés et cures qui pourront avoir lieu dans l’année 1791, tout Français prêtre, qui aura exercé le ministère pendant cinq années, sera éligible soit aux évêchés, soit aux cures, dans quelque département que ce soit. ( Applaudissements .) 2° Que les évêques pourront, durant la même année, choisir leurs vicaires parmi tous les prêtres français qui auront exercé le ministère pendant cinq ans. 3° Que les curés pourront, durant la même année, choisir pour vicaires tous prêtres français. 4° Que le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. ( Une grande partie de l' Assemblée applaudit et demande à aller aux voix.) M. Alquier. C’est moins pour appuyer le projet de décret de M. de Mirabeau, que pour présenter une addition indispensable, que j’ai demandé la parole. Nous savons qu’on cherche à alarmer le peuple sur le sort de la religion ; qu’après avoir essayé de le soulever pour des opinions politiques, on veut t’armer pour les opinions religieuses. C’est à nous à 1 éclairer ; c’est à nous à lui apprendre à démêler des complots longtemps réfléchis, à lui faire connaître la Constitution qu’il a juré de maintenir et qu’il maintiendra. Je demande, à cet effet, que l’Assemblée charge quatre membres de son comité ecclésiastique, de lui présenter une instruction sur la constitution civile du clergé, pour être envoyée dans les départements, avec ordre de la publier dans leur territoire. ( On applaudit dans la partie gauche.) M. Rcivbell. L’Assemblée ne veut pas rendre uu décret illusoire. Le projet de M. de Mirabeau porte que tout Français prêtre, qui aura exercé le ministère pendant cinq années, pourra être élu aux évêchés, dans quelque département que ce soit. On cherchera à. trouver dans ces mots des équivoques. Je demande donc que l’on mette que tout Français prêtre depuis cinq ans sera éligible aux évêchés. M. de Mirabeau. J’y consens d’autant plus volontiers, que d’abord je l’avais mis ainsi. M. Rewbell. Puisque M. de Mirabeau adopte ma proposition sur le premier article, je n’ai plus rien à dire ; mais il ne s’agit pas seulement ici des évêques ou des curés, ils ne sont pas en si grand nombre qu’ils ne puissent être facile* 67 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [7 janvier 1791,] ment remplacés. Ce qui est essentiel, c’est qu’il faut pouvoir appeler aux fonctions de vicaires tous les prêtres de bonnes mœurs ; et quand je dis tous les prêtres, j’entends aussi les ci-devant religieux. Vous avez déjà décrété qu’ils pourront être élus vicaires ; mais ce décret est rendu illusoire, par la disposition qui, dans ce cas, les prive de la pension qui leur est accordée. Je demande donc que tout ci-devant religieux qui sera nommé vicaire ou curé ..... Plusieurs voix dans la partie gauche : Ou évêque. M. Duval d Epréinesnil. Ou cardinal. M. RewbcII. Je demande, dis-je, qu’il conserve sa pension avec son traitement. ( On applaudit.) M. de Mirabeau. Cette disposition se trouvait dans mon premier projet de décret; mais on m’a fait observer que celte prime accordée au patriotisme n’était pas plus de la dignité nationale que du zèle religieux. M. l’abbé Maury. J’aurais bien des choses à dire sur la motion, les amendements et les sous-amendements. On présente en ce moment des principes qui n’ont point été du tout discutés dans cette Assemblée. Mais je renonce à la parole et je déclare que je ne prends aucune part à la délibération. ( Une grande partie du côté droit applaudit et se lève en signe d' adhésion.) M. Charles de Eameth. M. Alquier a proposé de nommer quatre membres pour rédiger une adresse, je demande que pour rassurer sur le généreux abandon que vient de faire M. l’abbé Maury, on leur adjoigne MM. Fréteau et Camus. (Des applaudissements mêlés de murmures se font entendre dans diverses parties de la salle.) M. de Monllosier. Je demande qu’on leur adjoigne aussi MM. Rabaud et Barnave. M. Charles de Eameth. Je ne m’y oppose pas. Quant aux deux premiers, ils ont été de la plus grande utilité dans celte matière. La nation et l’Assemblée leur doivent l’hommage d’avoir toujours eu une piété solide et éclairée. (On applaudit.) M. l’abbé Gouttes. Cette disposition me paraît d'autant plus convenable, que jusqu’à présent le clergé de France a toujours prolité des lumières des avocats du clergé. (On entend quelques éclats de rire.) Je ne crois pas qu’on veudle ridiculiser une aussi auguste matière. (Il se fait un profond silence.) Ou répand des mandements, des lettres-circulaires pour égarer le peuple, et l’Assemblée n’a rien fait encore pour l’ectairer. Quelques curés ont voulu donner des preuves de leur amour puur la religion et pour la paix de cet empire, mais c’est une goutte d’eau dans la mer. Il faut donc que l’Assemblée fasse une proclamation, dans laquelle elle expliquera les vrais principes de la foi. (Murmures à gauche ; applaudissements à droite). M. le Président. M. l’abbé Gouttes, je vous rappelle à l’ordre. M. l’abbé Gouttes. J’ai eu tort, je voulais dire de la discipline. Je demande la question préalable sur la dernière proposition de M. Rew-bel; elle est toute au désavantage des vicaires, et il y en a beaucoup qui se plaignent d’avoir été renvoyés, après vingt années de service, parce qu’on leur a subsiitué des ci-devant religieux. M. l’abbé Thibault, curé de Souppes. Je demande la permission de proposer un amendement. Les moyens de justice ont toujours été accueillis favorablement dans cette Assemblée. Vous avez décrété qu’il serait accordé dix mille livres de retraite à ceux des évêques qui se trouveraient privés de leurs évêchés. C’est peut-être cette certitude d’une aisance perpétuelle, quelle que soit leur conduite, qui fait que, par des libelles et des écrits incendiaires, ils ont entraîné dans leur parti d’antres ecclésiastiques. Je demande que l’Assemblée, persistant toujours dans ses dispositions bienfaisantes, accorde aussi une retraite aux curés qui se trouveront déchus de leurs fonctions. M. Chabroud. C’est une motion nouvelle; il faut finir la motion principale avant de passer à celle-ci. M. de Montlosier. Je ne connais pas beaucoup les principes théologiques; je ne crois pas cependant qu’on puis-e chasser les évêques de leur siège épiscopal : si cependant on les chasse, ils se retireront dans la cabane du pauvre qu’ils ont nourri ..... M. Envie. Qu’ils ont dépouillé. M. de Montlosier. Si on leur ôte une croix d’or, ils auront une croix de bois; et c’est une croix de bois qui a conquis le monde ! Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. (L’AssemDlêe adopte cette motion.) M. Martineau. J’avais demandé la parole et je la demande encore en ce moment; va l’importance de la motion qui vous a été présentée par M. de Mirabeau et les difficultés dont elle peut être environnée, je demande qu’elle soit ajournée. (Murmures.) Songez, Messieurs, que ce u’est pas le cas d’agir avec précipitation ; je réclame le temps de la réflexion. Il y a plusieurs considérations qui peuvent vous être proposées demain ou après et qui ne peuvent i’ètre en ce moment, parce que, encore une fois, la matière demande un examen sérieux. Eh 1 comment, Messieurs, peut-on vous proposer de rendre éligibles à l’épiscopat, aux cures, généralement tous les prêtres ? il y en a qui n’ont jamais exercé. M. le Président. La discussion est fermée, monsieur Martineau. M. de Mirabeau. Le scrutin épuratoire du peuple n’est-il donc rien? Les fonctionnaires publics ecclésiastiques ne sont-ils doac pas épurés par ce scrutin? M. Martineau. M. de Mirabeau avait donné parole, à ce que l’on dit, à un membre du comité ecclésiastique qu’il lui laisserait proposer sa motion. (Murmures.) M. de Mirabeau. J’ai prié un de mes collé- 68 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 janvier 1791.] gués, membre du comité ecclésiastique, de consulter l’Assemblée et je l’ai engagé, si le projet était de son goût, à le présenter au comité. M. Fa Poule. Vous avez décrété que les curr‘S des vines, dont les eues seraient supprimées par la nouvelle organisation de paroisses, serai ut ne droit vicaires ue l’évêqu»*. D'après le décrétée M. de Mirabeau, les évêques qui ne se sont pas conformés à la loi ne doivent plus occuper le sièg'- épiscopal. Suiv.nt votre décret précédent, il faudrait même nommer d’autres personnes. Je propose, par amendement, de laissercomme ils éiaient ceux des curés dont les cures se trouveront supprimées. (Murmures.) L’article proposé parM.de Mirabeau laisse à l’évêque la faculté de choisir les vicaires qu’il jugera à propos, pourvu qu’ils soient prêtres depuis cinq ans. Mettez donc par amendement : ■« Sans entendre excepter les curés ..... » M. Barnave. Je propose deux amendements au projet de décret actuel. Ils om très peu besoin de développement; aussi me bornerai-je à les énoncer. En admettant à l’éligibilité, pour les offices ecclésiastiques, lois les piètres depuis cinq ans, vous n’avez sans doute pas voulu décourager les curés, classe du clergé qui s’est généralement bien comportée jusqu’à présent, et qui vous fait espérer que la grande majorité adoph ra les principes de la Constitution. Je crois donc qu’il n’est nullement nécessaire, pour faire un choix très éclairé de candidats pour remplir les sièges des évêchés, d’y appeler d’autres que les curés. On doit même se borner, suivant moi, à déclarer éligibles pour ces places les curés français; mats je pense qu’il faut laisser subsister les autres dispositions de votre décret relatives aux cuies et au vicariat, sauf à admettre l’amendement qui a été propose par M. Rebwell, et on pensera comme moi, si on réfléchit que c’est illusoirement qu’on appellera (ks religieux à des fonctions, liés honorables sans doute, mais aussi très pénibles et très coûteuses, si on ne pense à augmenter le traitement dont ils jouissent déjà. L’aim ndement de M. Rewbel est, selon moi, excessif et présenterait moins une proposition honnête qu’une espèce de tentation quai n’est pas dans votre intention de leur offrtr-Je crois uoneque l’on doit se borner à décréter que les religieux qui sont choisis par les curés pour être vicaires, ou élus par le peuple pour être Curés, conserveront, indépendamment du traitement de leur place, la moitié de leur pension ; et, d’autre part, qu’on ne doit admettre aux évêchés que les curés français. M. Rewbell. J’adopte le second amendement de M. Barnave. M. de Mirabeau. J’aurai l’honneur de vous observer, à propos de l’amendement curés ou grands vicaires , que, s’il passait, il serait de toute justice d’y faire un sons-amendement : Que tout Français , curé ou grand vicaire... M. lia Poule. Et mon amendement? M. de Mirabeau. Le vôtre, je ne le connais, ni ne l’entends. Sous cette dénomination générale de fonctionnaires publics, j’adopte l’amendement de M. Barnave ; quant à l’amendement de M. Rewbell, sous-amendé par M. Barnave, je l’adopte aussi. M. de Foucault. Messieurs, quelle que soit la motion que je ne connais pas encore, qui a excité le lumnlie dans l’Assemblée, voici l’amendement que j’y fais : L’Assemblée nationale, pour mettre tous les membres qui la composent à l’abri de la médisance des ennemi-du bien public qui pourraient accuser plusieurs de ses mmebres de n’avoir consulté que leurs intérêts personnels, déclare que, pour cette fois seulement, les membres de l’Assemb'ée nationale ne pourront être élus aux évêchés. (. Applaudissements à droite.) M. de Mirabeau. Je demande la question préalable. M. de Foucault. Nous avons déclaré ne pouvoir accepter aucune place ministérielle; si on était dans le véritable esprit de la Constitution, on n’aurait rien à objecter à mon argument. M. le Président. La motion principale de M. du Mirabeau a été suivie de plusieurs amendements dont quelques-uns sont acceptés par lui et compris dans sa motion ; mais il y en a un, celui de M. Alquier, qui a été sous-amendé par M. Charles de Lameth et sur lequel M. de Mont-losier demande la question préalable. D’autre part, M. Martineau demande l’ajournement de la motion elle-même ; sur celte question d’ajournement la question préalable est proposée. Enfin vient l’amendement de M. de Foucault. Je vais consulter l’Assemblée sur la question d’ajournement. (L’ajournement n’est pas adopté.) M. de Mirabeau. Je demande la question préalable sur tous les amendements non adoptés. M. de Foucault. Et moi, la division. Plusieurs membres à gauche : Gela ne se peut pas. M. le Président. Je vais consuller l’Assemblée. (La division est rejetée et la question préalable adoptée sur les amendements). . de Mirabeau. Voici, Messieurs, quel serait le projet de décret définitif : « L’Assemblé ■ nationale décrète ce qui suit: « 1° Relativement aux vacances des évêchés pendant l’année 1791, que tout Français prêtre actuellement curé, ou ayant été fonctionnaire public pendant cinq ans, sera éligible dans tous les départements. » (Adopté.) « 2° Relativement aux vacances de cures dans le courant de la même année, que tout Français, prêtre depuis ciDq ans, sera éligible dans tous les départements. » (Adopté.) « d° Que les év êques qui, durant la même armée] seront dans le cas de choisir des vicaires, pourront les prendre parmi tous les Français, prêtres depuis cinq ans. » (Adopté.) « 4° Que tout religieux ou ecclésiastique pensionné, déjà pourvu des vicariats ou de cures, ou qui y sera porté par choix ou par élection dans