68® [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (22 novembre 1790. | gnon, district de Soissons, qui fait hommage à J’Assemblée d’un mémoire en répoose à la lettre circulaire de l’évêque de Soissons, adressée aux curés de son diocèse, en date du 3 octobre dernier. Adresse de la commune de Dunkerque, qui demande l’établissement d’un tribunal de commerce ; elle observe que cette ville avait un pareil établissement, et que ce serait anéantir son commerce que de lui en refuser la continuation. (L’Assemblée ordonne le renvoi de ces adresses, aux comités qui doivent les examiner pour en faire rapport.) M. E-amarque présente à l’Assemblée un don patriotique de la somme de 88 livres 14 sous, de la part du sieur Dubrocq, négociant et maire de la ville de Bayonne, pour le montant des arrérages d’intérêts d’une somme capitale de 5056 livres, dont le sieur du Brocq a précédemment fait don à la nation. Il remet sur le bureau une lettre de change de cette somme sur MM. Tourton et Ravel, banquiers à Paris, et demande qu’il soit fait mention de ce don et de cette remise, dans le procès-verbal. (L’Assemblée le décrète ainsi et ordonne que cette lettre de change sera remise aux trésoriers des dons patriotiques pour en faire le recouvrement.) Adresse de la société des amis de la Constitution de Toulouse qui supplie l’Assemblée de s’occuper de l’éducation nationale. Getie adresse, qui est ainsi conçue, est fort applaudie : Messieurs, qu’il est glorieux pour vous d’accumuler avec les suffrages que vous avez mérités de vos concitoyens, des sentiments d’une éternelle reconnaissance! qu’il est satisfaisant pour nous d’avoir placé au grand ouvrage de la Constitution des législateurs recommandables par leurs vertus, par leurs talents et par leur patriotisme. Les peuples les plus éloignés ont les yeux fixés sur vous. Ils admirent avec enthousiasme vos opérations, ils envient notre sort et s’excitent mutuellement à la possession d’un pareil bonheur. Les Français vous rendent en particulier un témoignage authentique ; ravis de vous posséder, ils ne cessent de vous bénir, ils aiment et honorent en vos personnes, leurs chefs, leurs protecteurs et leurs pères : les commencements heureux dont ils viennent d’être les témoins par vos sages dispositions leur font envisager l’avenir le plus flatteur, pour l’exécution de vos décrets. Encore quelques instants et vous mettrez un frein insurmontable aux fureurs du despotisme ; nous ne gémirons plus sous le joug de la servitude et la liberté conçue suivant ses principes affermira le pivot sur lequel vous avez posé les fondements de la régénération française. Après avoir fait connaître à l’homme sa force et ses droits, après lui avoir démontré les avantages de l’égalité, en respectant les lois de la subordination, il est nécessaire de mitiger en lui cette fougue que des passions lui rendent naturelle ; il faut s’accoutumer à penser fortement, qu’une éducation sévère serve de préparation pour lui former l'esprit et de fondement stable et solide pour le grand édifice que vous voulez élever. C’est ainsi que pensaient les hommes de ce siècle fortuné, .qu’on peut appeler, à juste titre, le siècle d’or de l’éloquence, et on ne doit pas s’étonner que nous ayons dégénéré si fort de la gloirede ces tempsheureux, puisque nous sommes si éloignés des principes d’éducation qu’on suivait alors : aujourd’hui nous livrons à l’erreur et à la frivolité les premières années de l’enfance; cet âge si souple, et qu’on devrait former avec d’autant plus de soin qu’il prend aisément toutes les impressions qu’on lui donne, a non seulement devant les yeux notre luxe et notre molesse, mais il s’en accommode autant qu’il peut. Comment se flatter qu’un enfant puisse jamais avoir de la grandeur et de la noblesse dans les sentiments, lorsqu’il est sans cesse environné d’exemples qui l’invitent au plaisir ! Ce n’est pas ainsi que nos ancêtres s’élevèrent à l’éloquence dont les attraits sont supérieurs à toutes les forces humaines. L’enfant croissait tous les yeux d’une mère vertueuse qui était occupée à seconder son heureux naturel ou à corriger ses défauts par une sage éducation; le père, partageant des soins si précieux, cultivait dans son fils les vertus relatives à son âge ; il faisait retentir à ses oreilles, non pas comme aujourd’hui de frivoles comédies, mais les éloges des hommes illustres. C’est ainsi que, dès le berceau, les anciens héros étaient formés à l’éloquence. Ainsi dans la tente de son père, le jeune Annibal prenait à neuf ans des sentiments dignes du vainqueur de Cannes et de Trasimène. Ainsi s’endurcit autrefois, au milieu des neiges et des montagnes, le jeune Henri, qui dut à sa dure éducation les vertus qui le rendirent un grand monarque digne de gouverner le plus puissant empire de l’univers. Puisque nous avons dégénéré de ces siècles heureux, daignez, sages législateurs, daigniez nous tracer une éducation dont les effets seront capables de mener les Français à une illustre carrière. Rejetez de nos foyers la mollesse et l’oisiveté. Enseignez à l’homme les moyens de s’élever à la connaissance de ses droits et interdisez-lui les dangereuses jouissances du luxe et de la mollesse. Le temps presse, sénateurs de l’aréopage français; plus vous retarderez le chef-d’œuvre de la société, plus le mal deviendra difficile à guérir. Veuillez vous occuper d’une partie aussi essentielle. Toulouse, qui a mérité à tant de titres un nom illustre par son goût pour les belles-lettres, vous implore particulièrement. L’éducation actuelle ne lui convient pas et elle attend de vous un plan qui, en excitantles hommes à l’étude, les éveille de ce sommeil et de cet engourdissement où ils sont plongés depuis des siècles. Le décret que vous avez rendu pour la rentrée des collèges, nous annonce une nouvelle organisation sur cet objet ; le retard nous mettrait dans une pénible incertitude et s’opposerait au progrès du cours que nous allons commencer. Mettez le comble à vos bienfaits en vous occupant au plus tôt du plan de l’éducation; nous attendons de votre zèle ce nouvel acte de patriotisme. Nous sommes avec respect, etc. Les membres de la société des amis-de la Constitution, séants dans la maison commune. Signé: Maignal, président ; Villaris aîné, secrétaire. Toulouse, le 16 novembre 1790, l’an deuxième de la liberté.