[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1789.] 203 tût la décision qui serait prononcée, même sur cette question, par la pluralité des suffrages. D’après ces réflexions, je persiste dans le projet d’arrêté que je vous ai soumis par la voie de l’impression ; et je supplie qu’on observe qu’il n’est dans tous ses points que l’expression exacte du principe fondamental, qu’un bailliage ou portion de bailliage, n’étant qu’une partie d’un tout, ejst soumis essentiellement, soit qu’il y concoure ou non, à la volonté générale, dès qu’il a été dûment appelé. Voici, mon projet d’arrêté : «L’Assemblée nationale, considérant qu’unbail-li âge ou une partie d’un bailliage n’a que le droit de former la volonté générale, et non de s’y soustraire, et ne peut suspendre par des mandats ijnpératifs, qui ne contiennent que sa volonté particulière, l’activité des Etats généraux, déclare qjue tous les mandats impératifs sont radicalement nuis-, que l’espèce d’engagement qui en résulterait doit être promptement levé par les bailliages, une telle clause n’ayant pu être imposée, et toutes protestations contraires étant inadmissibles, et que, par une suite nécessaire, tout décret de lj Assemblée sera rendu obligatoire envers tous les bailliages, quand il aura été rendu par tous sans exception. » ! J’ajouterai ces mots, nul radicalement , far rapport à l'Assemblée, car cette nullité n’est vraiment que relative : elle existe pour les mandataires, elle n’existe pas pour l’Assemblée. 'j’ajouterai encore que l’arrêté est juste dans tous ses points ; qu’un bailliage faisant partie dtun tout est soumis à Ja volonté générale, soit qu’il y concoure, soit qu’il n’y concoure pas. De là tous les articles de ma motion. M. le cardinal de la Rochefoucauld se lève et dit : J’ai reçu un mandat impératif de la part de mes cbmmettants ; puis-je outrepasser mon mandat sjms porter atteinte aux sentiments de probité qui m’animent ? M. Biauzat porte ensuite la parole ; il adopte lès principes de Mgr d’Autun, mais il en tire clés Smsôquences plus étendues.. Il ne veut pas que )n respecte les pouvoirs impératifs, même dans main de ceux qui en sont les porteurs ; il veut l’on les déclare nuis, et pour l’Assemblée et pour s mandataires. En conséquence, il propose d’ajouter l’amendement suivant : « Sans qu’il soit besoin que les députés aient recours à leurs commettants, l’Assemblée nationale autorise tous ses membres et leur enjoint d’opiner en leur âme et conscience, sauf à se conformer aux cas particuliers qui intéressent lpur province. » ' 11 appuie cet amendement par la lecture du serment que prononçaient autrefois les députés aux Etats généraux. Serment fait publiquement par les députés aux Etats généraux antérieurs. , Je promets et je jure devant Dieu, sur les saints Evangiles , de dire tout ce que je penserai en ma conscience être de l’honneur de Dieu, le bien de son Église , le service du Roi et le repos de l'Etat. On allait continuer cette intéressante dissertation, lorsque l’on annonce une députation de la ville de Nantes. M. Ilellinet, orateur de la députation. Nous sommes envoyés par la ville de Nantes pour vous supplier de recevoir dans ce sénat auguste de la nation, les sentiments d’admiration, de respect et de reconnaissance que Ja sagesse et la fermeté que vous avez manifestées nous inspirent. La ville de Nantes s’est assemblée, et il a été arrêté unanimement d’envoyer vers cette auguste Assemblée, pour la féliciter de l’énergie qu’elle a déployée dans les périls dont elle a été environnée. La cité de Nantes croit qu’il est de son devoir de manifester son intention, et elle s’empresse d’adhérer à l’arrêté du 17 juin, et à ceux qui ont suivi. Nous juroDS sur l’autel de la patrie, en présence du juge des rois et de leurs sujets, d’employer nos biens, nos fortunes et notre vie même, à soutenir les principes que vous avez adoptés ; à défendre l’autorité royale contre l’autorité des aristocrates, à maintenir à jamais la couronne dans la maison des Bourbons, qui ne peut avoir d’ennemis que les ennemis de la patrie. Les citoyens de Nantes chargent leurs députés de proclamer leur reconnaissance pour un Roi qui a rendu à la nation un droit qu’elle avait perdu depuis longtemps, leur vénération pour une Assemblée dont le courage ne s’est pas laissé ébranler au milieu des pièges que-ne cessaient de lui tendre la cabale et l’intrigue, etc. lis lèvent les mains au ciel pour lui demander la prospérité de cet empire, le salut de la patrie et le bonheur de tous ceux à qui nous aurons dû le nôtre. Adresse des citoyens de Nantes à l'Assemblée nationale. « Les citoyens de la ville de Nantes, transportés d’admiration pour la sagesse et la fermeté que les députés à l’Assemblée nationale viennent de déployer, ont arrêté d’une voix unanime d’envoyer vers cette Assemblée pour la féliciter sur l’énergie qu’elle a développée dans une occasion aussi importante pour le salut de l’Etat. « La cité de Nantes ayant eu l’avantage d’être une des premières villes qui ont élevé la voix pour réclamer les droits inaliénables des citoyens, se croit obligée de manifester de la manière la plus éclatante, son attachement aux principes dont l’Assemblée nationale vient de faire une profession si noble et si courageuse. Elle s’empresse donc d’adhérer à votre arrêté du 17 juin, et à tous ceux qui l’ont suivi. « Convaincue que l’intérêt du peuple français est inséparable de celui de son souverain, et qu’il ne parviendra jamais à secouer le joug sous lequel il gémit depuis si longtemps, qu’en donnant la plus grande extension au pouvoir exécutif, tous les membres qu’un si pressant motif réunit dans ce moment, jurent sur l’autel de la pairie, en présence du juge redoudable des Rois et de leurs sujets, de maintenir l’autorité royale dans toute son intégrité, et de réprimer de toutes leurs forces les attentats de ceux qui auraient la hardiesse de vouloir la partager. « Remplie de reconnaissance pour cette longue suite de monarques qui ont fait des efforts pour rompre les fers forgés dans les siècles de barbarie, et rappeler l’homme à sa dignité naturelle ; pénétrée des vertus du prince bienfaisant qui a rendu à la nation ses anciennes Assemblées, et qui est persuadé que les droits du Trône et les propriétés des sujets reposent sur la même base ; ils char- 204 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1789.] gont leurs députés de proclamer l’hommage respectueux de leur fidélité ioviolable pour la maison régnante, de leur amour pour le Roi citoyen que Dieu leur a donné dans sa bonté ; ils lèvent leurs mains vers le ciel, et profèrent le serment de sacrifier leur fortune, de verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour maintenir le sceptre dans la maison de Bourbon, pour soutenir les décrets de cette auguste Assemblée, pour défendre enfin la liberté de la nation française, qui n’eut jamais pour ennemis que les ennemis mêmes des Rois : ils appellent la vengeance sur la tête coupable des méchants qui oseraient calomnier des sujets fidèles, lorsque ces mêmes sujets ont la noble confiance de mettre leurs droits sous la sauvegarde du Trône, et ne veulent être heureux que du bonheur de leur souverain . « Les citoyens de Nantes se font un devoir sacré de rendre témoignage au zèle, aux lumières et au dévouement patriotique de l’Assemblée nationale : si on semait des pièges autour d’elle, si on tentait de l’ébranler par la terreur des menaces, ou par la séduction de l’intrigue ; elle détournera ses regards, elle apercevra derrière elle vingt-cinq millions de français, qui, les yeux attachés sur cette réunion solennelle, attendent en silence quel sera leur sort et celui de leur postérité. Alors son courage s’élevant à la hauteur du sacerdoce auguste dont la patrie l’a revêtue, elle ne verra plus que la majesté du premier peuple de l’univers; elle ne pensera plus qu’aux bénédictions dont elle sera accueillie, lorsqu’elle reviendra au milieu de nous, proclamer notre liberté, et les bienfaits d’un monarque adoré, qui ne peut être égaré longtemps, et qui, jaloux de marcher sur les traces de Louis XII et de Henri IV, sent que fa véritable grandeur est de commander à une nation libre, sait que la loi, celte émanation de la sagesse divine, doit être respectée par les potentats eux-mêmes, s’ils connaissent leurs vrais intérêts. « Les citoyens de Nantes ne se pardonneraient pas d’oublier dans ces jours de sensibilité et d’épanchement, le tribut de reconnaissance qu’ils doivent à ce prince patriote, qui toujours, ainsi que ses aïeux, s’est déclaré l’ami du peuple; à ces ministres saints qui ont quitté l’asile paisible des autels, pour venir dans le palais des Rois nous prêcher par leur exemple, une religion de paix ;- et à cette brave noblesse si digne de nos respects, qui n’a jamais été plus grande à nos yeux, que lorsqu’elle s’est réunie aux représentants des communes, pour travailler a la régénération de l’empire français. Signé : Meli.inet, Delacoürt de la Vigne, COIGNAUD ET DROUIN DE PERÇAY, députés des communes de la ville de Nantes. M. le Président demande s’il faut faire mention du discours et de l’adresse dans le procès-verbal. Un grand nombre de voix : Oui, oui ! Plusieurs membres demandent que l’on fasse prendre séance à Messieurs de Nantes, Cette marque de déférence ne leur est pas accordée ; ils se retirent au milieu des applaudissements publics. La discussion interrompue sur les mandats impératifs est reprise. M. «le Smilly-Tollendal. Je me crois forèé de m’expliquer sur la motion qui vous est proposée. I Je vous ai dévoilé mes sentiments. S’ils se coni-battent, il faut que je me justifie ; s’ils se concilient, je n’ai plus qu’à me renfermer dans le plus profond silence; moi qui m’y suis douloureusement condamné, et qui a’i renoncé au droit honorable de décider dans cette auguste Assemblée. J Si la motion de M. l’évêque d’Autun établit dés principes hors de toute atteinte ; si elle ménage les scrupules, si elle sert à l’utilité et à l'instruction publique, il faut vous hâter de l’accueillir, et il est difficile de ne pas lui reconnaître ce triple caractère. Il s’agit de décider sur des protestations: quelle en est la cause? Ce sont les mandats impératifs. Que doit-on prononcer? Développons les principes. : Chaque partie de société est sujette ; la souveraineté ne réside que dans le tout réuni ; je dis le tout, pareeque le droit législatif n’appartient pas à la partie du tout; je dis réuni, parce que la nation ne peut exercer le pouvoir législatif lorsqu’elle est divisée, et elle ne peut alors délibérer en commun. Cette délibération commune ne peut exister que par représentants; là où je vois les représentants de vingt-cinq millions d’hommes, là je vois le tout en qui réside la plénitude de la souveraineté ; et s’il se rencontrait une partie de ce tout qui voulût s’élever contre la nation, je ne vois qu’un sujet qui prétend être plus fort que le tout. H n’est pas permis de protester, de réserver ; c’est un attentat à la puissance de la majorité. Les principes qui s’élèvent contre les protestations sont les mêmes contre les mandats impératifs. Quelle harmonie pourrait-il exister? Quelle serait l’Assemblée où chaque membre arriverait armé d’une protestation ou d’un mandat qui le forcerait de combattre l’opinion générale ? Soûs le premier point de vue, la motion de M. l’évèqtie d’Autun est dans tous les principes. En second lieu, elle calme la conscience; elle pardonne au scrupule ; elle ne nous dit pas : vous n’avez pu prononcer tel ou tel serment ; elle nous fait voir que nous avons eu tort de le prononcer, mais elle ne nous en délie pas. Enfin, Messieurs, j’ai dit que la motion renfermait un grand objet d’instruction publique. S’il existe des mandats impératifs, c’est que les citoyens croyaient avoir le droit d’en donner. Les Assemblées nationales ont été suspendues pendant si longtemps ; les dernières même étaient si dénaturées ; il fallait remonter si haut pour découvrir des vérités politiques, que tout le monde était dans l’erreur et que chacun croyait pouvoir s’arroger le droit de commander. Mais au surplus, Messieurs, j’oserai demander un léger amendement. L’Assemblée, par une condescendance volontaire et patriotique, pourrait accorder un délai très-court et qui n’emportât strictement que le temps d’avoir de nouveaux pouvoirs à ceux qui sont porteurs de mandats impératifs. Par là vous écarteriez les plaintes injustes, vous préviendriez des protestations partielles, et celte conciliation, cette déférence me paraît précieuse. C’est dans cet esprit que j’inviterai ceux qui ont déposé des protestations sur ce bureau d’y subsf ti tuer des déclarations. | Qu’il serait beau de voir tous les membres de cette grande Assemblée agir et délibérer de con -