[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. »> brumaire an II 723 J MO novembre 1793 Un corps considérable de musiciens fait reten¬ tir la salle des airs chéris de la Révolution; il précède des jeunes filles vêtues de blanc|jet couronnées de roses : on les accueille par de nombreux applaudissements; ils redoublent au moment où une femme superbe paraît dans la salle; plusieurs citoyens la portent; elle est assise sur un fauteuil entouré de guirlandes de chêne. Sur sa tête est placé le bonnet de la liberté; elle s’appuie sur une pique; elle s’arrête au-de¬ vant de la barre; le silence succède aux accla¬ mations de joie qui n’avaient cessé de retentir jusqu’à ce moment. Cliaumette prend la parole : Vous l’avez vu, dit-il, citoyens législateurs, le fanatisme a lâché prise; il a abandonné la place qu’il occupait à la raison, à la patrie et à la vérité, ses yeux louclies n’ont pu soutenir l’éclat de la lumière. Il s’est enfui. Nous nous sommes emparés des temples qu’il nous abandonnait. Nous les avons régénérés. Aujourd’hui tout le peuple de Paris s’est transporté sous les voûtes gothiques, frappées si longtemps de la voix de l’erreur, et qui, pour la première fois, ont retenti du cri de la vérité. Là, nous avons sacrifié à la liberté, à l’égahté, à la nature, là, nous avons crié : Vive la Mon¬ tagne! et la Montagne nous a entendus, car elle venait nous joindre dans le temple de la Raison. Nous n’avons point offert nos sacrifices à de vaines images, à des idoles inanimées. Non, c’est un chef-d’œuvre de la nature que nous avons cherché pour la représenter, et cette image sacrée a enflammé tous les cœurs. Un seul vœu, un seul cri s’est fait entendre de toutes parts. Le peuple a dit : Plus de prêtres, plus d’autres dieux que ceux que la nature nous offre. Nous, ses magistrats, nous avons recueilli ce vœu : nous vous l’apportons, du temple de la Raison nous venons dans celui de la Loi, pour fêter encore la liberté. Nous vous demandons que la ci-devant métropole de Paris soit con¬ sacrée à la raison et à la liberté. Le fanatisme l’a abandonnée; les êtres raisonnables s’en sont emparés ; consacrez leur propriété ( On applaudit vivement). Le président félicite le peuple de Paris sur la victoire qu’il vient de remporter contre la superstition: il lui dit que l’importance des discussions de l’Assemblée l’ont seule empêchée d’assister à la cérémonie et qu’elle se propose d’aller dans le temple de la Raison chanter l’hymne de la liberté. On avait demandé que celle qui représentait la liberté s’assît auprès du président : la Con¬ vention le décrète. Elle se rend au bureau : des acclamations joyeuses l’y accompagnent; le président, les secrétaires lui donnent le baiser iraternel. Merlin convertit en motion la pétition de Chaumette : elle est décrétée aux cris répétés de Vive la République. Basire demande que la Convention se mette en marche avec le cortège. Il ne doute pas . que le peuple .de Paris ne retourné avec les représentants du peuple dans le temple de la Raison, pour lui rendre un nouvel hommage. Tliuriot qui en avait souvent fait la motion, appuie cette proposition. Elle est décrétée et l’on part. La séance est levée. II. Compte rendu de l’ Auditeur national (1). Les autorités constituées de Paris, admises à la barre, ont parlé de la sagesse du peuple qui, renversant les autels de la superstition après avoir brisé le sceptre et le trône des rois, ne veut plus reconnaître que la liberté, la raison et la vérité. La fête de la Raison étant aujourd’hui célébrée dans la ci-devant cathédrale, les auto-rités de Paris ont invité la Convention à s’y rendre en masse, afin que la France fût instruite que cette heureuse régénération n’est pas seu¬ lement le vœu . de Paris mais celui des repré¬ sentants du peuple. La Convention répond à cette invitation par de vifs applaudissements, et en décrétant qu’elle assistera tout entière à la fête de la Raison. Une députation du peuple de Par s est venue annoncer que la fête de la Raison venait d’être célébrée et que les citoyens demandaient à défiler dans le sein de la Convention. Thuri }t, après avoir observé que ce jour était trop remarquable et solennel pour que la Con¬ vention ne s’empresse pas d’y prendre part, a fait la motion qu’elle se portât en masse au sanctuaire de la Raison, où sans doute le peuple se ferait un plaisir de l’accompagner. Cette motion a été sur-le-champ décrétée et, après avoir reçu des députations des sections de Beaurepaire et des sans-culottes, qui sont venues exprimer des sentiments républicains, le peuple de Paris a paru. Il venait du temple de la Raison dans celui de la Loi annoncer sa victoire sur la supersti¬ tion. U a défilé au sein delà Convention, précédé d’une musique militaire. On voyait à la suite d’un groupe nombreux de citoyennes en habit de vestales, la plus belle représentant la déesse de la Liberté. Chaumetta a prononcé un discours éner¬ gique analogue à la circonstance. Le peuple a demandé, par son organe, que l’église, appelée Notre-Dame, fût désormais un temple consacré à la Raison. Cette pétition, couverte d’applaudissements, a été décrétée. Ensuite, après avoir rendu hommage à la Liberté, assise auprès du président, qui a reçu d’elle le bonnet, toute la Convention est allée avec le peuple de Paris dans le temple de la Raison chanter des hymnes patriotiques. Elle a, auparavant de partir, décrété que le peuple de Paris a bien mérité de la patrie. (1) Auditeur national jjn°. 415 du 21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793), p. 4 et 5 J.