BAILLIAGE DE CAEN. CAHIER Du clergé du grand bailliage de Caen et bailliages secondaires , lu et approuvé dans son assemblée générale, le jeudi 26 mars , l’an de grâce 1789, en l'abbaye Saint-Etienne de Caen { 1). Le premier sentiment du clergé assemblé est celui de la reconnaissance envers le meilleur des rois, qui appelle ses sujets aux grandes opérations du gouvernement. Il ne veut pas se montrer à nos regards, environné de l’appareil armé de sa puissance , il nous dit, comme un père à ses enfants, qu’il laisse à nos délibérations cette liberté qui est le caractère le plus cher à son cœur. Cette bonté exige du clergé le ton de candeur et de vérité qui convient à des sujets libres et fidèles, et dont le Roi a reconnu en personne les acclamations et le dévouement. DE LA RELIGION ET DES MOEURS. Ministres d’une religion sainte que nous devons soutenir dans tous nos rapports avec la société, le moment est venu où il est nécessaire de demander au Roi qu’il la protège efficacement dans ses Etats contre tous les ennemis qui l’attaquent. Bienfaisante envers les empires par sa morale sublime, admirée des païens, redoutable aux opinions du siècle, la religion réunit ce double avantage d’élever d’esprit et de nourrir le cœur. Elle est le principe de la tranquillité publique, le bonheur des cités et des campagnes. Le fléau le plus terrible dont nous puissions être frappés, serait la transplantation dans nos contrées de l’erreur et du libertinage, que la témérité des écrivains modernes s’efforce d’v répandre. Le clergé assemblé demande donc que la religion catholique et romaine, soit la seule religion reçue et dominante dans le royaume , qu’elle seule ait des temples, des ministres, un office public, que tout autre culte soit absolument défendu et prohibé , et que les non catholiques ne s’écartent jamais du respect qui lui est dû. Vainement la nation croirait-elle se réformer, si elle ne travaille à épurer ses mœurs ; et comment les rétablir dans leur antique simplicité, si la génération actuelle ne prend pas des mesures pour s’opposer aux progrès de la contagion ? 11 est donc essentiel de commencer l’ouvrage d’une régénération universelle par l’éducation des plus tendres enfants qui sont encore l’espoir de la patrie. Le clergé invite toutes les classes des citoyens à demander, de concert avec lui, un plan d'éducation nationale tracé d’après les principes avoués par la religion et par l’Etat, pour la rédaction duquel Sa Majesté sera suppliée de prendre les conseils de ses universités et des principaux corps chargés de l’enseignement dans ses Etats. Il demande des ouvrages élémentaires sur la morale et sur le droit public de la France; il supplie d’arrêter la science des écrivains par l’exécution (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. des règlements faits sur la librairie; il demande que le jeu soit réprimé dans ses excès , que les lois sur l’usure soient rigoureusement observées, que la mendicité, source ordinaire de corruption et de libertinage, demeure à jamais proscrite par une police humaine et plus efficace. La facilité des mœurs régnantes a toléré les maisons de prostitution ; nous les voyons s’y multiplier jusque dans nos provinces; cette facilité se défend en supposant de plus grands maux attachés à leur suppression ; mais la pudeur et cette aimable simplicité de nos campagnes, alarmées des progrès de la débauche, méritent sans doute que le règlement approfondisse les fondements d’une pareille tolérance. Dans un siècle poli qui se pique d’humanité, le duel vient encore braver la religion, anéantir les droits de la nature et répandre le deuil et la désolation dans les familles, enlever à l’Etat des têtes souvent chères et précieuses; que les lois qui le défendent soient donc enfin exécutées. CONSTITUTION FRANÇAISE. • Le but de la société est le bonheur des peuples, et le bonheur ne peut exister que dans la jouissance paisible et durable delà propriété; une constitution déterminée, tranquille, uniforme, est donc la seule base du bonheur de la France. Elle est le principe delà stabilité du trône, et si la nation est aujourd’hui dans la souffrance, c’est surtout parce que l’inconstance des opinions a trop longtemps agité l’intérieur du gouvernement. Le clergé , de concert avec tous les ordres du royaume, demande une charte française qui assurera pour jamais les droits du Roi et de la nation; il demande qu’il soit déclaré avec solennité que le citoven est libre et franc dans ses propriétés, qu’aucun Français ne peut être exilé, arrêté, emprisonné que parle texte etlepouvoirde la loi; que la loi seule peut attenter à la liberté des citoyens, et que si jamais des raisons d’Etat, ou même des motifs de clémence et de bonté, déterminent le Roi à faire arrêter quelqu’un de ses sujets, on ne puisse refuser sur trois jours ni après, en aucun temps, le renvoi devant les tribunaux ordinaires à celui qui jugera à propos de les réclamer. Le clergé demande que la charte nationnale établisse encore qu’un peuple libre tel que le Français ne doit que des impôts délibérés, librement consentis, limités dans deux durées, répartis par les contribuables, et sans conséquence pour l’avenir; il demande que les cinq qualités des impôts des peuples non asservis soient exprimées avant toute chose dans la grande charte de la France. Mais si la nature de l’impôt exige des limites dans la durée, elle exige encore le retour périodique des Etats d’une manière parallèle aux retours des besoins ; le clergé du bailliage de Caen demande ce retour fixe des Etats, parce que seuls ils peuvent, de concert avec le Roi, renouveler les impôts, créer des emprunts, consentir la loi qui doit être exécutée par l’ordre et la puissance du monarque. [États gén. 1789. Cahiers. | ARCHIVES fit comme une convocation parallèle des Etats généraux a été dans ces derniers siècles la formalité essentielle et antérieure d’une organisation, le clergé demande aussi qu’à l’arbitraire de la convocation, le Roi, de concert avec les Etats, substitue des retours périodiques et connus, conformément à l’antique droit des Français, observant le clergé du bailliage, que l’arbitraire dans la convocation assujettirait de nouveau la destinée de la France à la volonté ministérielle, et contredirait les intentions paternelles du monarque qui a déclaré avec solennité qu’il voulait que la France pût jouir de ses anciennes prérogatives ; et pour ce qui est de l’intervalle d’une assemblée à l’autre, le clergé doit en laisser la détermination au jugement des Etats. CONSTITUTION PARTICULIÈRE DE LA NORMANDIE. La constitution nationale une fois déterminée entre le Roi et ses Etats, le clergé assemblé à Caen demande en particulier l’antique constitution de sa province dont la charte normande est le fondement. Donnée par le roi Louis Xe du nom en 1335, confirmée par Philippe de Valois en 1339, confirmée encore par Charles VI en 1 380, renouvelée par Charles Vil en 1 458, ratifiée par Louis XI én 1461, confirmée enfin par Henri III en 1579, notre charte n’a été citée depuis ce temps-ià que pour y déroger. Le clergé demande donc que la prérogative de la province de s’assembler à des époques connues en forme d’Etats soit rétablie, et leur organisation perfectionnée. Que dans la formation desdits Etats, les classes du clergé et notamment les curés aient une représentation proportionnée à l’importance de leurs fonctions. CONSTITUTION DU CLERGÉ. La révolution des siècles n’a pu renverser encore la respectable constitution de l’Eglise gallicane, antérieure à la monarchie française; les ravages des temps n’ont pu attenter à sa'solidité ; elle est telle qu’on doit la regarder comme une des trois colonnes essentielles, une portion constitutive de l’empire, un corps séparé dans l’Etat, mais toujours sujet, un ordre toujours soumis à César, mais toujours libre, et toujours le soutien de la gloire de la maison régnante. Une telle fidélité, une permanence de cette nature, mérite au clergé la conservation de sa prérogative d’être toujours le premier ordre de l’Etat, séparé par la différence de ses fonctions des deux autres ordres qui complètent les formes monarchiques. Le clergé regarderait donc le mélange des ordres comme destructif de la plus ancienne de nos prérogatives ; ce mélange le priverait du droit précieux d’opiner à part, etd’agir dans toute la plénitude de ses libertés sur des objets qui presque tous sont exclusivement de sa compétence. Mais pour concourir au maintien des formes constitutionnelles du premier ordre de l’Etat, le clergé a fait des recherches particulières sur les demandes formées aux Etats généraux des deux siècles derniers pour la restauration. L’assemblée a reconnu que les mouvements des guerres de religion ayant traversé cette réforme et suspendu l'exécution particulière des ordonnance de Char-, les IX, rendues sur les plaintes des Etats d’Orléans, elle devait aujourd’hui former des vœux pour en obtenir l’exécution ; ordonnances si souvent renouvelées dans les autres assemblées des Etats, PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] 487 ordonnances que rappellent les dispositions si sages d’une loi, l'ouvrage d’un des plus grands et des plus saints de nos rois. Le retour des synodes, des conciles provinciaux, d’un concile national, est encore le vœu du clergé; il désire qu’on mette un frein aux courses ambitieuses en cour de Rome, qu’on révoque les lois attentativesà ses droits; que celles qui assurent les avantages dus à l’ancienneté du service dans le saint ministère soient rétablies. Que les curés, qui sont une portion essentielle et constitutionnelle du clergé, puissent s’assembler sous la présidence de leurs doyens, ou ar-chiprêtres (qui désormais seront élus par eux), lorsque lesdits doyens jugeront à propos de les convoquer. Que le droit de dépôt qui afflige particulièrement la Normandie soit aboli, sauf à la sagesse du Roi de pourvoir au dédommagement convenable s’il y a lieu. Le clergé demande que dans l’augmentation future dès portions congrues, les curés et vicaires soient pourvus en essence sur les dîmes de leurs paroisses, et connaissant le désir de la nation de leur assurer une dotation décente et convenable, il s’en rapporte à la sagesse et à l’équité des Etats du royaume pour en déterminer le taux ; il regarde aussi comme juste que dans les paroisses où les grosses dîmes sont partagées entre le curé et d’autres décimateurs, les vicaires soient à la charge de l’un et des autres, en raison du produit respectif qu’ils retirent desdites dîmes ; il demande de plus que la déclaration du Roi du moi? de mai 1786 sur icelle soit registrée et exécutée selon sa forme et teneur. Comme plusieurs, paroisses des villes et de la campagne n’offrent pas des biens suffisants pour doter leurs pasteurs , le clergé demande rétablissement d’une caisse ecclésiastique dans chaque province, dont la régie et l'administration seront réglées par les Etats provinciaux, et Sa Majesté sera suppliée d’affecter provisoirement à cet établissement les fonds des économats , ceux des bénéfices simples consistoriaux qui viendront à vaquer et autres revenus dont la disposition deviendrait libre. Celte caisse fournira également des pensions pour la subsistance des vicaires qui auront exercé pendant vingt-cinq ans les fonctions du saint ministère, des prêtres des paroisses dont les fabriques n’ont pas de fonds suffisants pour leur donner une rétribution honnête, ainsi que des�autres ecclésiastiques âgés, infirmes et sans ressources. Le clergé demande la réunion des cures dont le nombre des paroissiens n’exigeront pas habituellement la présence d’un pasteur ; celle des paroisses où il y a deux ou plusieurs curés attachés à la même église, et la fondation de nouvelles églises et cures dans les paroisses trop nombreuses et trop étendues. FINANCES. Le clergé du bailliage de Caen, animé de ce principe, que les pasteurs sont établis pour contribuer à la félicité des peuples, et voulant partager comme les autres citoyens les charges publiques, consent que l’impôt, sous quelque dénomination qu’il puisse être établi et quel qu’en soit l’objet, pèse désormais également sur toutes les propriétés ; il demande aussi que, rentrant alors ; dans la classe commune des citoyens et renon-i çant à toute espèce de distinction pécuniaire, il soit déchargé des dettes qu’il a été forcé de con- 488 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] tracter pour les besoins de l’Etat, et que la nation s’en rende garante. Le clergé demande que les Etats généraux sanctionnent l’aliénation des domaines, s’occupent de la réduction des différents impôts, surtout la suppression des gabelles, aides, loteries, et autres semblables qui, en ruinant et tourmentant le peuple, violent à la fois tous les droits des hommes, et qu’à une époque si glorieuse pour le Roi, et qui fera bénir à jamais son règne, les malheureux détenus aux galères pour fait de contrebande soient élargis. Le clergé demande que le contrôle, qu’il est nécessaire de conserver pour la sûreté des actes, ne soit désormais qu’une formalité de sagesse, et non un impôt désastreux qui s’attache à toutes les actions humaines. Le Roi ayant bien voulu rendre à la nation des comptes périodiques, le clergé demande que cet exemple mémorable dans nos annales soit tous les ans renouvelé ; que les comptes des provinces soient aussi annuellement publiés, que l’administration des hôpitaux, des séminaires y soit assujettie, et que la moindre assemblée soit tenue de rendre publics ses rôles d’imposition. LÉGISLATION. Le clergé demande que, dans les officialités, le juge soit tenu de s’associer quatre des plus anciens curés ou prêtres du doyenné de l’ecclésiastique accusé. Que les restes de servitudes quelconques indignes du nom français, dans quelque partie de l’empire qu’elles se trouvent , soient détruits, comme l’a fait notre bon Roi dans ses domaines royaux à son avènement au trône. Que la jurisprudence française, civile et criminelle, soit soumise à toutes les réformes dont elle est susceptible, que l’impôt et sa perception soient établis de manière à faire évanouir la compétence des tribunaux d’exception, et que les charges des officiers de ces tribunaux soient exactement remboursées. Que les formes ruineuses de la procédure, qui entretiennent les discussions dans les familles, soient simplifiées ; que des procédures économies, faites verbalement dans les paroisses etprési-ées par les curés, soient établies avant tout arrêt dans les tribunaux. Que les pauvres soient autorisés à délibérer et à arrêter en présence de leur curé leurs actes de tutelle et autres affaires y relatives ; que cgtte classe intéressante et malheureuse trouve dans les lois de la société une protection réelle ; qu’il soit dérogé en leur faveur aux édits et déclarations qui gênent la charité des fidèles, et qu’en conséquence il soit permis à la piété chrétienne de donner des fonds ou des rentes sur les particuliers pour les soulager, ainsi que de fonder des écoles gratuites pour les enfants des deux sexes ; que les curés réguliers puissent tester en faveur des pauvres de leurs paroisses ; que les titres de fondation du college de M. Gervais, réunis à celui de Louis-le-Grand, soient remis aux Etats particuliers de laprovince de Normandie, pour laquelle, et spécialement pour le diocèse de Bayeux, ladite fondation a été faite ; fondation qui se trouva dénaturée par des lettres patentes en forme de déclaration surprises à Sa Majesté, le 13 septembre 1 778, et que l’exécution de ladite fondation soit ordonnée dans tous ses points. PROCURATION ET POUVOIRS DE L’ASSEMBLÉE à ses trois députés aux Etats généraux . Enfin le clergé des bailliages de Caen, confiant ses intérêts à la sagesse des députés qu’il va élire, leur donne le pouvoir général de proposer, remontrer, aviser et consentir sur tout ce qu’enleur âme et conscience ils jugeront juste, équitable, honnête et conforme à la religion, au bonheur et à la gloire de la France. Il leur ordonne de se concerter avec les autres députés de la Normandie et leur défend d’opiner jamais séparément ; il leur enjoint de ne point consentir l’impôt qu’après que la constitution du royaume aura été invariablement fixée et que la nature et la masse de la dette de l’Etat aura été connue, pour ensuite la consolider ; et que dans tous les cas ils s’opposent constamment à l’établissement d’une commission intermédiaire des Etats généraux. Qu’ils connaissent l’éminente dignité d’envoyés du clergé d’une grande province et l’auguste fonction des représentants de la première des nations quand ils seront assemblés sous l'autorité du Roi. Le présent cahier arrêté et présenté par nous, soussignés, commissaires nommés pour la rédaction d’icelui, le jeudi 26 mars 1789- Signé L’Evêque, curé de Tracy ; Bonhomme, cur é de Saint-Nicolas. Vu l’approbation de l’assemblée du clergé, le présent cahier, contenant cinq feuilles, cotées et paraphées par notre greffier, secrétaire, a’été contre-marqué, ne varietur, par nous, soussigné, abbé de Barbery, président de l’ordre du clergé en l’assemblée des Etats du bailliage principal de Caen et bailliages secondaires de Bayeux, Falaise , Thorigny et Vire. Le jeudi 26 mars 1789. Signé F.-B. de Cairou, abbé de Barbery-le-François, commissaire; Demutrey, greffier, secrétaire* Collationné à l’original et certifié véritable par moi, greffier au bailliage de Caen, soussigné. Signé Hart. CAHIER Des pouvoirs et instructions de V ordre de la noblesse du bailliage de Caen , réuni le 16 mars 1789, en ladite ville , conformément aux heures de convocation données à Versailles le 24 janvier dernier. pour être remis aux députés qui seront nommés et être présenté par eux aux Etats généraux (1). POUVOIRS. Pénétré de reconnaissance et de respect poulie Roi qui appelle la nation pour proposer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, ‘l’établissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité générale du royaume et les biens de tous et de chacun des citoyens, nous recommandons à nos députés de remplir ce devoir avec toute l’énergie que notre amour pour Sa Majesté, ses intérêts, les nôtres qui seront toujours les siens et ceux de la patrie, exigent. En conséquence, nous donnons à nos députés les pouvoirs les plus étendus sur ces différents objets, afin de former un contrat national, où les lois de (1) Nous reproduisons ce cahier d'après un manuscrit des Archives de l’Empire. 488 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] tracter pour les besoins de l’Etat, et que la nation s’en rende garante. Le clergé demande que les Etats généraux sanctionnent l’aliénation des domaines, s’occupent de la réduction des différents impôts, surtout la suppression des gabelles, aides, loteries, et autres semblables qui, en ruinant et tourmentant le peuple, violent à la fois tous les droits des hommes, et qu’à une époque si glorieuse pour le Roi, et qui fera bénir à jamais son règne, les malheureux détenus aux galères pour fait de contrebande soient élargis. Le clergé demande que le contrôle, qu’il est nécessaire de conserver pour la sûreté des actes, ne soit désormais qu’une formalité de sagesse, et non un impôt désastreux qui s’attache à toutes les actions humaines. Le Roi ayant bien voulu rendre à la nation des comptes périodiques, le clergé demande que cet exemple mémorable dans nos annales soit tous les ans renouvelé ; que les comptes des provinces soient aussi annuellement publiés, que l’administration des hôpitaux, des séminaires y soit assujettie, et que la moindre assemblée soit tenue de rendre publics ses rôles d’imposition. LÉGISLATION. Le clergé demande que, dans les officialités, le juge soit tenu de s’associer quatre des plus anciens curés ou prêtres du doyenné de l’ecclésiastique accusé. Que les restes de servitudes quelconques indignes du nom français, dans quelque partie de l’empire qu’elles se trouvent , soient détruits, comme l’a fait notre bon Roi dans ses domaines royaux à son avènement au trône. Que la jurisprudence française, civile et criminelle, soit soumise à toutes les réformes dont elle est susceptible, que l’impôt et sa perception soient établis de manière à faire évanouir la compétence des tribunaux d’exception, et que les charges des officiers de ces tribunaux soient exactement remboursées. Que les formes ruineuses de la procédure, qui entretiennent les discussions dans les familles, soient simplifiées ; que des procédures économies, faites verbalement dans les paroisses etprési-ées par les curés, soient établies avant tout arrêt dans les tribunaux. Que les pauvres soient autorisés à délibérer et à arrêter en présence de leur curé leurs actes de tutelle et autres affaires y relatives ; que cgtte classe intéressante et malheureuse trouve dans les lois de la société une protection réelle ; qu’il soit dérogé en leur faveur aux édits et déclarations qui gênent la charité des fidèles, et qu’en conséquence il soit permis à la piété chrétienne de donner des fonds ou des rentes sur les particuliers pour les soulager, ainsi que de fonder des écoles gratuites pour les enfants des deux sexes ; que les curés réguliers puissent tester en faveur des pauvres de leurs paroisses ; que les titres de fondation du college de M. Gervais, réunis à celui de Louis-le-Grand, soient remis aux Etats particuliers de laprovince de Normandie, pour laquelle, et spécialement pour le diocèse de Bayeux, ladite fondation a été faite ; fondation qui se trouva dénaturée par des lettres patentes en forme de déclaration surprises à Sa Majesté, le 13 septembre 1 778, et que l’exécution de ladite fondation soit ordonnée dans tous ses points. PROCURATION ET POUVOIRS DE L’ASSEMBLÉE à ses trois députés aux Etats généraux . Enfin le clergé des bailliages de Caen, confiant ses intérêts à la sagesse des députés qu’il va élire, leur donne le pouvoir général de proposer, remontrer, aviser et consentir sur tout ce qu’enleur âme et conscience ils jugeront juste, équitable, honnête et conforme à la religion, au bonheur et à la gloire de la France. Il leur ordonne de se concerter avec les autres députés de la Normandie et leur défend d’opiner jamais séparément ; il leur enjoint de ne point consentir l’impôt qu’après que la constitution du royaume aura été invariablement fixée et que la nature et la masse de la dette de l’Etat aura été connue, pour ensuite la consolider ; et que dans tous les cas ils s’opposent constamment à l’établissement d’une commission intermédiaire des Etats généraux. Qu’ils connaissent l’éminente dignité d’envoyés du clergé d’une grande province et l’auguste fonction des représentants de la première des nations quand ils seront assemblés sous l'autorité du Roi. Le présent cahier arrêté et présenté par nous, soussignés, commissaires nommés pour la rédaction d’icelui, le jeudi 26 mars 1789- Signé L’Evêque, curé de Tracy ; Bonhomme, cur é de Saint-Nicolas. Vu l’approbation de l’assemblée du clergé, le présent cahier, contenant cinq feuilles, cotées et paraphées par notre greffier, secrétaire, a’été contre-marqué, ne varietur, par nous, soussigné, abbé de Barbery, président de l’ordre du clergé en l’assemblée des Etats du bailliage principal de Caen et bailliages secondaires de Bayeux, Falaise , Thorigny et Vire. Le jeudi 26 mars 1789. Signé F.-B. de Cairou, abbé de Barbery-le-François, commissaire; Demutrey, greffier, secrétaire* Collationné à l’original et certifié véritable par moi, greffier au bailliage de Caen, soussigné. Signé Hart. CAHIER Des pouvoirs et instructions de V ordre de la noblesse du bailliage de Caen , réuni le 16 mars 1789, en ladite ville , conformément aux heures de convocation données à Versailles le 24 janvier dernier. pour être remis aux députés qui seront nommés et être présenté par eux aux Etats généraux (1). POUVOIRS. Pénétré de reconnaissance et de respect poulie Roi qui appelle la nation pour proposer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, ‘l’établissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité générale du royaume et les biens de tous et de chacun des citoyens, nous recommandons à nos députés de remplir ce devoir avec toute l’énergie que notre amour pour Sa Majesté, ses intérêts, les nôtres qui seront toujours les siens et ceux de la patrie, exigent. En conséquence, nous donnons à nos députés les pouvoirs les plus étendus sur ces différents objets, afin de former un contrat national, où les lois de (1) Nous reproduisons ce cahier d'après un manuscrit des Archives de l’Empire. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] 489 l’Etat et tous les droits et les pouvoirs seront exprimés d’une manière claire et précise, lequel contrat ne sera cependant que provisoire et n’aura force de loi permanente que lorsqu’elle sera connue de tous les bailliages, et qu’ils auront donné à leurs députés aux Etats généraux qui suivront ceux-ci les pouvoirs et instructions nécessaires pour les sanctionner ; bien entendu que dans le cas où le gouvernement refuserait le retour périodique des Etats généraux à des époques fixes et rapprochées, la nécessité de leur consentement pour les impôts, l’établissement permanent des Etats provinciaux, la garantie de toute propriété et la liberté individuelle, lesdils députés ne consentiront l’établissement ni la prorogation d’aucun impôt. Tel est le vœu qui réunit l’ordre de la noblesse, sous le titre glorieux des citoyens, vœu qu’il croit devoir à l’honneur français, à l’extrême confiance qu’il a dans la bonté et la justice du Roi, à la gloire et à la nécessité de le prémunir contre les abus du pouvoir arbitraire. Le vœu unanime de la noblesse de ce bailliage est d’opiner par ordre, et s’il était possible qu’à l’ouverture des Etats généraux la forme constitutive d’opiner par ordre fût mise en question, nos députés observeront que, lorsque, en 1302, les communes du royaume furent admises pour la première fois, comme un troisième ordre, aux Etats généraux, il fut arrêté qu’on y opinerait par ordre, et que cette forme serait constitutive. L’on y opina donc par ordre, que les Etats de 1328 décidèrent de la contestation élevée entre Edouard d’Angleterre et Philippe de Valois, qu’ils adjugèrent la couronne à ce dernier et qu’ils fixèrent définitivement le droit de succession au trône. Cette forme d’opiner par ordre se rappelle dans le procès-verbal des Etats de 1355, où il est dit : 1° que l’on opinera par ordre; 2° que le vœu des deux ordres ne peut lier le troisième; 3° que pour faire un décret national, il faut l’unanimité des trois et le consentement du Roi. Enfin nous faisons une loi précise à nos députés d’opiner par ordre et de ne céder qu’à la majorité des pouvoirs que l’ordre de la noblesse des différents bailliages du royaume aura donnés à ses députés, sans que, dans aucun cas, la voix de nos députés puisse concourir à former ladite majorité. Lorsque les députés auront obtenu, de la manière la plus sûre et la plus positive, le retour périodique des Etats généraux à des époques fixes et rapprochées, l’établissement permanent des Etats provinciaux, tous composés de citoyens librement élus, la liberté individue lle et l’assurance de toute propriété, et la nécessité du consentement de la nation pour répartir, percevoir et proroger les impôts, ils sanctionneront la dette du Roi, proposeront à la sagesse de Sa Majesté et des Etats généraux les projets et les instructions qui suivent. INSTRUCTIONS sur le contrat national. Il sera reconnu par ce contrat. Art. 1er Que la France est une monarchie. Art. 2., Que dans une monarchie, le prince et la nation forment l’Etat. Art. 3. Que dans un état monarchique, la nation consent ou refuse l’impôt, qu’elle concourt avec le prince à la formation des loisî que tous les citoyens sont libres sous leur empire, et que le monarque qui est obligé de les observer est seul chargé du pouvoir exécutif. Art. 4. Que la nation française est composée de trois ordres de citoyens libres, le clergé, la noblesse, et le tiers-état. Art. 5. Que les droits des trois ordres de l’Etat sont égaux dans les délibérations nationales. Art. 6. Que le Roi est le chef de la nation, qu’il a le commandement de toutes les forces de terre et de mer, qu’il a la police générale du royaume, qu’il nomme à tous les emplois, qu’il est le premier et te dernier anneau de la puissance exécutive et souveraine, que c’est en son nom que tçut agit et se meut dans la machine politique et civile de l’Etat, enfin qu’il a tout pouvoir pour bien faire conformément aux lois, auxquelles Sa Majesté� elle-même est soumise. Art. 7. Que la couronne est héréditaire et non élective, et que les filles sont exclues de la succession au trône. Art. 8. Que l’observance du. contrat national entrera dans le serment nécessaire au sacre des rois. Art. 9. Dans le cas de minorité ou de tout autre événement qui nécessiterait une régence, les Etats généraux la déféreront au prince du sang royal qu’ils croiront le plus capable de remplir cette auguste fonction. Art. 10. Sera renouvelé le décret des Etats de 1561, où il est statué que, dans les cas urgents, chaque bailliage et sénéchaussée procédera au choix de ses députés, à la formation des Etats généraux, qui s’assembleront dans le plus court élai dans la capitale du royaume. En conséquence du décret national de 1561 , nous demandons que la nation ait le droit de s’assembler extraordinairement aux Etats généraux, toutes les fois qu’elle le jugera nécessaire à la sûreté ; mais que ce soient les Etats provinciaux et à leur défaut les Parlements qui expédient les lettres de convocation aux bailliages et sénéchaussées de leurs ressorts. Art. 11. La nation sera représentée par les Etats généraux composés de députés de différents ordres , tous librement élus par les citoyens de tous les ordres, ensemble ou séparément. Art. 12. Les Etats généraux seront convoqués tous les cinq ans, au plus tard, et composés d’un nombre de représentants relatif à la puissance, à l’étendue et à la population de l’empire français. Art. 13. Dans la délibération nationale on opinera par ordre, conformément aux lois constitutionnelles du royaume, seul moyen de conserver à chacun des trois ordres ses droits essentiels. Art. 14. Les impôts, de quelque nature qu’ils soient, ne subsisteront que jusqu’au premier janvier qui suivra immédiatement lépoque de l’année indiquée par les Etats généraux pour leur prochain retour. Art. 15. L’usage des lettres de cachet sera uniquement conservé pour les besoins des familles, et pour en prévenir l’abus, les familles s’assembleront devant le juge royal du lieu, qui sera tenu de recevoir leur vœu et leur en donner acte sans sentence ni dépôt. Art. 16. La constitution une fois établie, l’on ne pourra proposer aux Etats généraux de modifier le contrat national, rien y changer ni ajouter, que tous les citoyens n’en aient été prévenus, au moins huit mois d’avance, et qu’ils n'aient en conséquence donné à leurs députés aux Etats généraux les instructions nécessaires, et les Etats généraux eux-mêmes seront dans cette salutaire impuissance, à moins que la majorité du royaume ne les ait chargés de pouvoir à cet effet. Art. 17. Toutes les personnes chargées en chef 490 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen. de l’exécution des lois ou de quelque partie de l'administration, répondront de leur conduite a la nation assemblée et seront poursuivies par elle devant les tribunaux souverains. Art. 18. Aucune loi relative à la constitution ne sera obligatoire, qu’autant qu’elle aura été votée par la nation, sanctionnée par le souverain, enregistrée au greffe des Etats de chaque province , et aux Parlements, pour être envoyée par eux aux juridictions inférieures. Art. 19. Les Etats provinciaux ne pourront jamais octroyer aucun impôt ni autoriser aucun emprunt, sand manquer à la constitution et au contrat national. Art. 20. La religion catholique sera toujours la religion dominante dans l’Etat ; les autres seront tolérées, et il ne sera fait aucune violence à personne, quelle que puisse être sa croyance, afin de conserver dans la société l’amitié, la confraternité et l’harmouie qui la rend forte et heureuse. Art. 21. La liberté individuelle et la propriété seront assurées, et tout citoyen qui sera arrêté et détenu sera remis dans les vingt-quatre heures entre les mains du juge du lieu, pour être interrogé et j ugé suivantla loi. Art. 22. La liberté de la presse sera autorisée, à l’effet de quoi tout citoyen qui voudra faire imprimer sera tenu de déclarer son domicile et signer son manuscrit, dont il sera personnellement responsable, pour le maintien de l’ordre public et de l’honneur des citoyens; et l’imprimeur sera dans le cas d’être poursuivi juridiquement, et sera également responsable s’il ne présente le nom et domicile de l’auteur, toutes les fois qu’il en sera requis légalement. Art. 23. Les droits et prérogatives des différents ordres seront exprimés par le contrat national d’une manière fixe. et irrévocable. INSTRUCTIONS relatives à l'impôt, Art. 1er. Lorsque le contrat national aura été arrêté, les Etats généraux demanderont que les Etats provinciaux se forment et s’assemblent aussitôt après la séparation des Etats généraux et qu’en 1792 les Etats généraux soient convoqués de nouveau : 1° pour aviser au besoin des provinces dont les Etats provinciaux auront, eu le temps de prendre connaissance, 2° pour achever les parties qu’ils n’auront pu qu’ébaucher dans cette première assemblée, 3° pour fixer l’époque de leur retour périodique, s’il ne l’avait déjà été, 4° pour accorder des subsides jusqu’à la plus prochaine époque, ceux octroyés cette année ne devant durer que jusqu’au premier janvier postérieur aux Etats généraux prochains. Art. 2. Les députés s'occuperont de fixer la dette royale, en se faisant représenter les états de dépense de chaque département, et en général tous les comptes et les preuves à l’appui. Art. 3. La dette constatée avant delà consolider, ils chercheront à la couvrir par la réforme des abus, par l’amélioration des revenus, par des retranchements dans les dépenses et par l’aliénation des domaines} exception faite des domaines.. Art. 4. Tous impôts désastreux, tels que la gabelle, les aides, les droits de contrôle seront anéantis et remplacés par d’autres, si cela est jugé nécessaire et possible, par les Etats généraux. Art. 5. Il sera établi dans la capitale une caisse nationale, et dans chaque province des caisses de recette d’imposition, dont la correspondance favorisera également le commerce et la circulation de l’argent, Art. 6. Les impôts seront partagés en deux classes par leur dénomination, savoir : 1° Les subsides ordinaires affectés à l’acquit des dépenses fixes annuelles et permanentes dans lesquelles sont comprises les rentes perpétuelles ; 2° Les subventions extraordinaires et à temps affectées à l’extinction des dettes, remboursables à époques fixes, et au payement des rentes viagères. Art, 7. Les ministres du Roi seront comptables envers la nation, et leurs comptes seront rendus à Chaque tenue d’Etats généraux, ainsi que ceux des administrateurs de chaque province; l’on rendra également public l’état de ceux qui auront obtenu des pensions dans l’année. Art. 8. Comme il appartient au Roi seul de faire battre monnaie, il sera supplié de ne point à l’avenir changer ou augmenter les monnaies, ni en altérer la valeur sans le concours des Etats généraux, pour écarter l’abus qu’en peut faire un ministre des finances. Art. 9. Que les arrêts du conseil en matière d’impôts seront nuis, s’ils ne sont acceptés par les Etats généraux, ou ceux des provinces pour leurs droits particuliers; et dans tous les cas enregistrés au Parlement pour la promulgation. Que tout pourvoi au conseil ne soit admis que dans le cas où les cours souveraines auraient jugé contre le texte de la loi, et qu’alors les parties soient renvoyées devant un autre Parlement. De môme le sceau du Châtelet de Paris ne oürra lui attribuer aucune juridiction sur les ièhs de Normandie, conformément à la charte. Nos députés soutiendront de tout leur pouvoir Ja conservation de nos Parlements. INSTRUCTIONS relatives à la magistrature. Art. 1er. Il sera nommé par les Etats généraux une commission de magistrats de cours souve-rainéSi, pour la révision et la formation des lois civiles et criminelles du royaume, pour aviser aux moyens de simplifier les formes, de réformer les «btis, et de statuer les cas où tout officier de judieature et agent ministériel de la justice pourront être poursuivis. Art. 2. Il sera également nommé par les Etats de la province, une commission de magistrats de son Parlement, pour travailler d’accord à la réforme de la coutume. Art. 3. Il est expressément recommandé aux députés de se servir de l’époque importante de l'assemblée générale de la nation, pour réclamer fentière exécution de la grande charte, dite charte aux Normands, qui fut rédigée sous Louis X en 1315 et confirmée par Philippe de Valois Charles VI, Charles VII, Louis XI, Charles VIII, Henri III. Sur cet objet, ainsi que sur tous ceux qui intéressent privativement la Normandie, nos députés auront soin de se concerter avec ceux des autres bailliages de la province, pour donner plus de force à leurs réclamations en les formant collectivement, s’il est possible. Art. 4. La vénalité de toutes tes charges sera abolie et particulièrement celle du point d’honneur; à la mort de chaque titulaire, les remplacements seront faits par élection dans la forme que les Etats généraux régleront, et ils aviseront aux moyens de rembourser les anciens propriétaires. Art. 5. On demandera l’exécution de l’ordonnance de 1693, qui défend de porter les titres de marquis, comte, baron, vicomte et autres sans en 'a'veir le droit. [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] 491 instructions relatives au bien public. Art. 1er. Les notaires seront obligés de déposer tous les ans au greffe des bailliages un registre sur papier non timbré, contenant les actes qu’ils auront passés dans l’année et dont ils continueront de conserver les minutes. Art. 2. Nul ne pourra être notaire, à moins qu’il n’ait une attestation de vie et mœurs de sa municipalité et une attestation de capacité des juges de son bailliage. Art. 3. Les Etats généraux emploieront les moyens les plus propres pour diminuer l’intérêt de l’argent. Art. 4. Les Etats généraux détermineront, par un décret national, les professions et arts libéraux auxquels la noblesse pourra se livrer sans dérogeance. , Art. 5. Les députés solliciteront des bontés du Roi la suppression de toutes les charges qui donnent la noblesse, afin qu’elle ne soit, à l’avenir, que le prix du mérite et des vertus. Gette faveur semblerait à l’abri de tout abus, si le Roi daignait ne l’accorder que sur une attestation des Etats de chaque province. Art. 6. Les Etats généraux aviseront aux moyens de détruire la mendicité, sans nuire à la liberté. Art. 7. Il sera formé dans toutes les provinces des dépôts, pour enfermer les mendiants ou vagabonds, après que leur détention aura été approuvée par les magistrats. Art. 8. Les dépôts seront une école de religion, de bonnes mœurs et de travail, et ceux qui y seront renfermés seront rendus à la société aussitôt qu’il sera jugé par leur conduite qu’on pourra le faire sans danger. Art. 9. Les haras seront supprimés, et les dépenses considérables que cet établissement occasionne seront employées à accorder des primes à ceux qui seront jugés avoir les plus beaux étalons en chevaux, taureaux et béliers, ainsi que les plus beaux et les plus nombreux élèves, dans ces différentes espèces, sous la direction des Etats provinciaux. Art. 10. La propriété des communes» sera définitivement réglée, en laissant aux commun iers la faculté d’opérer entre eux tel partage qu’ils aviseront bien. Art. 11. La suppression des loteries sera demandée comme nuisible aux mœurs et à l’ordre public. Art. 12. Le secret de la poste aux lettres sera inviolablement gardé. Art. 13. Nos députés se refuseront de tout leur pouvoir à l’établissement d’une commission intermédiaire des Etats généraux. Art. 14. La jeune noblesse prolongera son éducation jusqu’à dix-huit ans et n’aura accès dans le militaire qu’à cet âge; mais alors la croix de Saint-Louis serait, sous le bon plaisir de Sa Majesté, le prix de vingt années de service. Art. 15. Les Etats généraux nommeront des commissaires choisis dans l’armée de terre et de mer, et dans la magistrature en nombre égal, pour revoir et refaire les lois militaires, afin de lier la constitution de l’armée et la constitution imperturbable de la monarchie. Ce nouveau code sera soumis à l’enregistrement. Art, 16. Sa Majesté sera suppliée d’ordonner que la discipline des coups de plat de sabre soit supprimée, comme contraire à nos mœurs et avilissante pour tout Français. Art. 17. Le Roi sera supplié de ne plus accorder de survivance, abus qui met dans les mains ' de la jeunesse, et quelquefois dans des mains vicieuses, les emplois qui seraient la récompense des plus grands services et des vertus les plus recommandables. Le Roi se trouve par là, en ce moment, dans l’impuissance de récompenser, en fixant près de sa personne un sujet digne de cette faveur. Ârt.18.11 est encore expressément recommandé à nos députés de solliciter des bontés de Sa Majesté une marque distinctive pour la noblesse, conformément et en résultance d’un mémoire lu à l’assemblée du 24 mars, lequel a été approuvé et sera joint au cahier général pour servir d’instruction, après avoir été signé des commissaires. Art. 19. Le Roi sera également supplié de ne point accumuler dans les mêmes mains et dans ta même maison, plusieurs bénéfices, emplois militaires et grâces pécuniaires, principes destructeurs de toute émulation. Art. 20. Nos députés proposeront à la sagesse du Roi et des Etats généraux et concerteront particulièrement avec l’ordre du clergé la suppression des économats et des maisons religieuses dont l’inutilité sera reconnue. Art. 21 . Avec ces biens, il sera formé des écoles gratuites pour les pauvres citoyens de l’un et de l’autre sexe, des hôpitaux pour les incurables, et une augmentation de revenu pour les hôpitaux des malades. Art. 22. Il sera également formé des chapitres nobles, des écoles militaires et autres pour les enfants de la noblesse la moins fortunée, sous l’inspection des gentilshommes députés aux Etats provinciaux, lesquels proposeront les sujets qui devront v être admis ; ils signeront encore les certificats de la noblesse et y apposeront les armes de la province. Les Etats provinciaux nommeront des commissaires pour vérifier des titres de noblesse, et recevoir, en leur nom, les lettres des nouveaux anoblis, pour être ensuite enregistrées; toute contestation relative à l’état de la noblesse sera portée devant eux. Art. 23. Nos députés demanderont la suppression des bénéfices alors la réparation et la reconstruction des presbytères, ainsi que des maisons indépendantes, deviendraient à la charge seule des décimateurs ecclésiastiques. Art. 24. Il sera statué définitivement sur la dîme ecclésiastique, tant sur la quotité que sur la qualité des choses décimables. Art. 25. Nos députés réclameront de tout leur pouvoir qu’il soit accordé une franchise quelconque à la noblesse, s’en rapportant, conformément à l’arrêté du 17 mars dernier, à la sagesse des Etats généraux pour la régler définitivement. Nos députés, chargés de porter nos pouvoirs et nos vœux à l’assemblée de la nation, s’élèveront au niveau de leurs fonctions augustes ; nobles et Français, ils aimeront leur Roi et leur patrie; pénétrés des sentiments généreux qui caractérisent le digne chef qui nous préside, et dont nous sommes tous également animés, ils justifieront notre suffrage aux yeux du monde entier, attentif à leurs délibérations, et assureront à jamais le repos et le bonheur de la France. Pleins de cet espoir, nous voyons les trois ordres s’unir d’esprit et de sentiment, et par toutes les ressources du génie et de la vertu, changer cette nation agitée en une douce société de frères, tous conduits par les mêmes maximes; tous se réunissant sous l’empire des mœurs et des lois, sauvegarde de la liberté, tous sacrifiant au bonheur commun ave© une égale générosité, nous les voyons enfin donner à l’Europe attentive 492 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen. ] un spectacle de surprise et d’admiration; spectacle qui présente un Etat, sortant d’une crise qui présageait la ruine et s’élevant au faîte de la gloire et de la prospérité, par la conquête qu’il a faite sur lui-même en soumettant toutes les passions au salut de la patrie. Signé Le comte Louis de Vassy, le comte de Houclot, le duc de Coigny, et Grandinde la Gail-lonnière, secrétaire de l’ordre de la noblesse. Collationné à l’original et certifié véritable par nous, greffier au bailliage de Caen soussigné. Signé Hart. CAHIER Des doléances réunies du tiers-élat du bailliage de Caen et de ses quatre bailliages secondaires , Bayeux , Falaise , Thorigny et Vire (1). Le premier vœu de l’assemblée est de présenter au Roi son amour et sa fidélité et de lui témoigner la respectueuse reconnaissance dont elle est pénétrée pour le bonheur qu’il prépare à la nation en l’appelant auprès de sa personne sacrée. CONSTITUTION. Art. 1er. Les députés voleront pour qu’il soit reconnu, la nation assemblée, que la France est un Etat gouverné par un roi sous l’autorité de la loi consentie par les Etats généraux, et que chaque député à ces Etats et à toutes assemblées qui en sont élémentaires ou qui en émanent, est le représentant libre d’un peuple libre, dont le consentement ne peut être forcé par aucune puissance. Art. 2. Qu’il y soit arrêté que toute loi sera librement consentie par les Etats généraux, publiée eux séant, et ensuite envoyée dans les cours de arlement qui en seront les dépositaires et tenus e les faire exécuter. Art. 3. Que le retour périodique de ces Etats aura lieu de cinq ans en cinq ans, même plus tôt pour la seconde tenue, et par la suite, dans le cas d’urgente nécessité, sur la demande des provinces. Art. 4. Que toute convocation des Etats généraux soit toujours précédée d’élections libres. Art. 5. Que l’organisation actuelle des Etats généraux sera consentie par la nation et sanc-• tionnée par le Roi, comme loi constitutionnelle, relativement à la présentation du tiers-état pour moitié, et que chaque ordre y sera représenté par ses membres. Art. 6. Que le vœu le plus général est que les délibérations y soient prises par tête ; que cependant, si l’ordre du tiers-état y trouvait des inconvénients qu’on ne peut prévoir, les députés sont autorisés d’arrêter avec l’ordre entier tous les cas où les délibérations par tête doivent avoir lieu pour son avantage, et ceux où il est plus de son intérêt de délibérer par ordre. • Art. 7. Que les Etats provinciaux seront rétablis dans les provinces qui en avaient ; que ces mêmes Etats seront établis dans celles qui n’en ontpoint, et que leur tenue sera fixée dans les villes qui sont au centre de chaque province. Art. 8. Que le Roi étant le protecteur de toutes es propriétés et de tous ses sujets individuellement, il ne puisse être dorénavant porté atteinte aux droits de propriété ni à la liberté perso n-(1) Nous empruntons ce cahier, à l’ouvrage intitulé : le Gouvernement de Normandie au XVIIIe siècle. nulle, et que la loi seule exerce son empire sur les biens comme sur les personnes. Art. 9. Que, conséquemment à ces principes, les dénonciations dans les cours par un de Messieurs, ainsi que les veniat, soient proscrits, et qu’il ne soit d’ailleurs jamais permis aux gouverneurs ou aux commandants des provinces et places de faire arrêter un domicilié, sinon pour le service militaire. Art. 10. Gomme il est intéressant pour le bonheur de la société de contenir le citoyen qui en troublerait l’harmonie, qu’il soit demandé aux Etats que ceux qui se trouveraient dans ce cas en soient séparés pour un temps déterminé, sur l’ordre provisoire de la commission intermédiaire des Etats provinciaux, obtenu sur la demande unanime et motivée de la famille, au nombre de douze parents réunis à la municipalité ; que le lieu de la détention soit connu et n’offre rien de l’horreur des prisons destinées aux grands criminels, et que le moment de la liberté du détenu soit déterminé dès que la connaissance d’un repentir sincère l’aura rendu digne d’être restitué à son Etat, en observant toujours que les grands crimes ne puissent être soustraits à la peine prononcée par la loi. Art. 11. Que, dans la punition des crimes, la peine soit toujours proportionnée au délit ; que, par le jugement même, tout condamné soit dégradé du titre de citoyen; que les confiscations soient abrogées; que les parents du condamné soient admis à remplir tous emplois publics. Art. 12. Que le tirage des milices, intéressant la liberté nationale, soit aboli; qu’il soit remplacé par des enrôlements volontaires faits dans chaque province, proportionnellement au nombre d’hommes qu’elle doit fournir, et que les frais de ces enrôlements soient réunis aux subsides géné 'aux ; qu’enfin la correction militaire n’avilisse le soldat en aucun cas, et qu’il soit pourvu à sa retraite après un long service. Art. 13. Que les hommes enrôlés dans la milice garde-côte ne soient appelés à passer dans une autre province que de leur libre consentement; que le tirage ordonné depuis peu d’années dans les paroisses sujettes à la garde-côte, pour fournir des canonniers auxiliaires à la marine, soit déclaré abusif et ne puisse être renouvelé. Art. 14. Que Sa Majesté soit suppliée de retirer cette décision, si décourageante pour la plus grande partie de ses sujets, qu’elle exclut de son service de terre et de mer, et défaire réformer les décisions abusives et contradictoires des cours supérieures qui veulent exiger des preuves de noblesse pour être admis à remplir des charges qui la donnent; qu’en conséquence , tout citoyen français soit restitué et maintenu dans le droit d’occuper tous emplois et dignités ecclésiastiques, civiles et militaires. Art. 15. Que nul citoyen ne puisse être distrait de sa juridiction naturelle sous quelque prétexte que ce soit; pourquoi demander l’abolition de toutes commissions, droits de committimus et autres privilèges. Art. 16. Que la liberté de la presse soit établie avec les modifications que le Roi et les Etats généraux jugeront nécessaires pour en prévenir les abus. Art. 17. Que le secret des postes et leur sûreté soient sous la foi publique, et que ce dépôt ne soit jamais violé comme droit imprescriptible de la nature et des gens. Art. 18. Que les ordonnances des Etats d’Orléans, pour le fait des vœux monastiques, soit 492 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen. ] un spectacle de surprise et d’admiration; spectacle qui présente un Etat, sortant d’une crise qui présageait la ruine et s’élevant au faîte de la gloire et de la prospérité, par la conquête qu’il a faite sur lui-même en soumettant toutes les passions au salut de la patrie. Signé Le comte Louis de Vassy, le comte de Houclot, le duc de Coigny, et Grandinde la Gail-lonnière, secrétaire de l’ordre de la noblesse. Collationné à l’original et certifié véritable par nous, greffier au bailliage de Caen soussigné. Signé Hart. CAHIER Des doléances réunies du tiers-élat du bailliage de Caen et de ses quatre bailliages secondaires , Bayeux , Falaise , Thorigny et Vire (1). Le premier vœu de l’assemblée est de présenter au Roi son amour et sa fidélité et de lui témoigner la respectueuse reconnaissance dont elle est pénétrée pour le bonheur qu’il prépare à la nation en l’appelant auprès de sa personne sacrée. CONSTITUTION. Art. 1er. Les députés voleront pour qu’il soit reconnu, la nation assemblée, que la France est un Etat gouverné par un roi sous l’autorité de la loi consentie par les Etats généraux, et que chaque député à ces Etats et à toutes assemblées qui en sont élémentaires ou qui en émanent, est le représentant libre d’un peuple libre, dont le consentement ne peut être forcé par aucune puissance. Art. 2. Qu’il y soit arrêté que toute loi sera librement consentie par les Etats généraux, publiée eux séant, et ensuite envoyée dans les cours de arlement qui en seront les dépositaires et tenus e les faire exécuter. Art. 3. Que le retour périodique de ces Etats aura lieu de cinq ans en cinq ans, même plus tôt pour la seconde tenue, et par la suite, dans le cas d’urgente nécessité, sur la demande des provinces. Art. 4. Que toute convocation des Etats généraux soit toujours précédée d’élections libres. Art. 5. Que l’organisation actuelle des Etats généraux sera consentie par la nation et sanc-• tionnée par le Roi, comme loi constitutionnelle, relativement à la présentation du tiers-état pour moitié, et que chaque ordre y sera représenté par ses membres. Art. 6. Que le vœu le plus général est que les délibérations y soient prises par tête ; que cependant, si l’ordre du tiers-état y trouvait des inconvénients qu’on ne peut prévoir, les députés sont autorisés d’arrêter avec l’ordre entier tous les cas où les délibérations par tête doivent avoir lieu pour son avantage, et ceux où il est plus de son intérêt de délibérer par ordre. • Art. 7. Que les Etats provinciaux seront rétablis dans les provinces qui en avaient ; que ces mêmes Etats seront établis dans celles qui n’en ontpoint, et que leur tenue sera fixée dans les villes qui sont au centre de chaque province. Art. 8. Que le Roi étant le protecteur de toutes es propriétés et de tous ses sujets individuellement, il ne puisse être dorénavant porté atteinte aux droits de propriété ni à la liberté perso n-(1) Nous empruntons ce cahier, à l’ouvrage intitulé : le Gouvernement de Normandie au XVIIIe siècle. nulle, et que la loi seule exerce son empire sur les biens comme sur les personnes. Art. 9. Que, conséquemment à ces principes, les dénonciations dans les cours par un de Messieurs, ainsi que les veniat, soient proscrits, et qu’il ne soit d’ailleurs jamais permis aux gouverneurs ou aux commandants des provinces et places de faire arrêter un domicilié, sinon pour le service militaire. Art. 10. Gomme il est intéressant pour le bonheur de la société de contenir le citoyen qui en troublerait l’harmonie, qu’il soit demandé aux Etats que ceux qui se trouveraient dans ce cas en soient séparés pour un temps déterminé, sur l’ordre provisoire de la commission intermédiaire des Etats provinciaux, obtenu sur la demande unanime et motivée de la famille, au nombre de douze parents réunis à la municipalité ; que le lieu de la détention soit connu et n’offre rien de l’horreur des prisons destinées aux grands criminels, et que le moment de la liberté du détenu soit déterminé dès que la connaissance d’un repentir sincère l’aura rendu digne d’être restitué à son Etat, en observant toujours que les grands crimes ne puissent être soustraits à la peine prononcée par la loi. Art. 11. Que, dans la punition des crimes, la peine soit toujours proportionnée au délit ; que, par le jugement même, tout condamné soit dégradé du titre de citoyen; que les confiscations soient abrogées; que les parents du condamné soient admis à remplir tous emplois publics. Art. 12. Que le tirage des milices, intéressant la liberté nationale, soit aboli; qu’il soit remplacé par des enrôlements volontaires faits dans chaque province, proportionnellement au nombre d’hommes qu’elle doit fournir, et que les frais de ces enrôlements soient réunis aux subsides géné 'aux ; qu’enfin la correction militaire n’avilisse le soldat en aucun cas, et qu’il soit pourvu à sa retraite après un long service. Art. 13. Que les hommes enrôlés dans la milice garde-côte ne soient appelés à passer dans une autre province que de leur libre consentement; que le tirage ordonné depuis peu d’années dans les paroisses sujettes à la garde-côte, pour fournir des canonniers auxiliaires à la marine, soit déclaré abusif et ne puisse être renouvelé. Art. 14. Que Sa Majesté soit suppliée de retirer cette décision, si décourageante pour la plus grande partie de ses sujets, qu’elle exclut de son service de terre et de mer, et défaire réformer les décisions abusives et contradictoires des cours supérieures qui veulent exiger des preuves de noblesse pour être admis à remplir des charges qui la donnent; qu’en conséquence , tout citoyen français soit restitué et maintenu dans le droit d’occuper tous emplois et dignités ecclésiastiques, civiles et militaires. Art. 15. Que nul citoyen ne puisse être distrait de sa juridiction naturelle sous quelque prétexte que ce soit; pourquoi demander l’abolition de toutes commissions, droits de committimus et autres privilèges. Art. 16. Que la liberté de la presse soit établie avec les modifications que le Roi et les Etats généraux jugeront nécessaires pour en prévenir les abus. Art. 17. Que le secret des postes et leur sûreté soient sous la foi publique, et que ce dépôt ne soit jamais violé comme droit imprescriptible de la nature et des gens. Art. 18. Que les ordonnances des Etats d’Orléans, pour le fait des vœux monastiques, soit [États gén. 1789. Cahiers.] -ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] 493 remise en vigueur sans qu’il puisse y être innové, Art. 19. Qu’en dérogeant à 1 a disposition de la cqutume de Normandie, que fixe la majorité à vingt ans, le Roi soit supplié de donner une loi générale qui la fixe à vingt-cinq ans pour vendre, aliéner, hypothéquer les immeubles, à peine de nullité des contrats, et qui conserve aux mineurs âgés de vingt ans la libre disposition de leurs meubles et la jouissance de leur revenu. Art. 20. Qu’en conservant à la religion catholique le culte public qui lui appartient dans le royaume, Sa Majesté soit également suppliée de perfectionner la loi promulguée au mois de novembre 1787 en faveur de ses sujets non catholiques. Art. 21. Qu’il ne soit rien innové au titre ni à la valeur des monnaies, ni publié aucune loi à cet égard sans le consentement des Etats généraux. Art. 22. Que les Etats généraux réunissent tous les moyens pour établir l’uniformité des mesures et poids dans tout le royaume. Art. 23. Que tous les privilèges pécuniaires soient abolis et que tous les impôts et autres contributions soient supportés indistinctement par les trois ordres et employés dans un seul et môme rôle. Art. 24. Qu’aucuns impôts, droits additionnels, emprunts et créations d’office ne puissent être consentis que pur la nation assemblée ; que les impôts ne puissent être accordés par les Etats généraux que pour un temps limité et jusqu’à leur prochaine tenue, en sorte que cette prochaine tenue venant à ne pas avoir lieu, toute imposition cesserait, sans qu’il pût être obtempéré dans aucun temps à tous arrêts ou décisions du conseil. Art. 25. Que le compte géuéral des finances soit rendu public tous les ans, et que les ministres soient responsables aux Etats généraux de leur gestion et des fonds assignés à leur département. Art. 26. Qu’il ne soit pris aucune délibération sur les affaires de l’Etat et qu’après que la liberté individuelle aura été assurée et que les lois constitutives du royaume auront été établies ; qu’en-suite il soit procédé à la fixation des dettes publiques ; qu’on en retranche les intérêts usuraires ; que la nation consolide celles qui seront liquidées, et que les Etats généraux, en ménageant à chaque province les moyens les moins onéreux de les acquitter, supplient le Roi de régler, de concert avec eux, les dépenses de chaque département. Art. 27. Que l'état des pensions soit scrupuleusement examiné pour en connaître la nature et la quotité ; que celles qui se trouveront trop fortes ou surprises à la religion du Roi, soient réduites ou rejetées, et qu’à l’avenir les fonds applicables aux pensions de chaque département soient irrévocablement fixés. SUBSIDES ET PERCEPTION. Art. 28. Demander avec instance la suppression de tous les impôts actuellement existants, et singulièrement des gabelles, fermes du tabac, aides et tailles, vingtièmes sur les fonds, rentes et industrie, centième denier sur les offices, les droits de marque sur les cuirs, fers, papiers et cartons ; qu'à la sollicitation unanime de toutes les municipalités, ces impôts soient remplacés de la manière la plus rapprochée d’un impôt simple sur les personnes et sur les fonds et immeubles fictifs, et dont la-répartition sur les trois ordres soit la plus également proportionnelle et la perception la plus économique. Art. 29. Que Sa Majesté soit suppliée de rendre dès à présent la liberté aux malheureux citoyens retenus aux galères pour n’avoir pas satisfait aux amendes prononcées contre eux pour fraude et contrebande, et que désormais cette peine ne puisse être prononcée en pareil cas. Art. 30. Que les Etats provinciaux et leurs commissions intermédiaires soient exclusivement revêtus de toute l'autorité nécessaire pour l’exécution des ordres relatifs à l’administration des objets de police et finances. Art. 31. Que ces mêmes Etats aient la faculté de nommer des receveurs ' particuliers qui verseront les impôts par eux perçus dans la caisse du trésorier de la province, lequel en remettra directement les fonds au trésor royal. Art. 32. Que chaque département puisse faire acquitter par les trésoriers de chacune des provinces les sommes que le gouvernement y devra faire passer pour la solde des troupes et toutes autres dépenses, et que les mandats acquittés vaillent du comptant au trésor royal. Art. 33. Que les Etats provinciaux, en choisissant leurs receveurs particuliers, remboursent les places des finances et en fassent l’intérêt au denier vingt jusqu’au racquit DOMAINES. Art. 34. Qu’il soit nommé, tant par le Roi que par les Etats provinciaux, une commission qui règle irrévocablement et sans frais, sur des mémoires respectifs, les domaines de Sa Majesté dans les provinces, tant en fonds que censives et tenures. Art. 35. Que les domaines actuellement constants, à l’exception des forêts, puissent être aliénés à perpétuité, sous la garantie de la nation, pour aider à remplir le déficit. Art. 36. Que l’administration des bois et forêts appartenant au Roi soit confiée pendant cent ans aux Etats provinciaux, pour les faire repeupler et y réunir les portions distraites, à charge de payer au gouvernement le même revenu net qu’il en retire présentement, et de rembourser, dans le plus bref délai qui serait fixé, l’évaluation des charges des officiers au centième denier, ou suivant leurs contrats d’acquêts, avec les frais en résultant, ou d’en faire la rente au denier vingt jusqu’au remboursement, au choix des propriétaires. Art. 37. Demander la suppression de la perception arbitraire des droits de contrôle, insinuation, centième denier, droits de greffe, épices, etc., et la rédaction d’un nouveau tarif précis, clair et réduit aux droits les plus simples, et spécialement pour les traités de mariage, dots, transactions et autres actes de famille, et que cette perception soit confiée aux Etats provinciaux par abonnement en régie. Art. 38. Que les droits de francs-fiefs soient abolis. Art. 39. Que les droits de havage, pondage et travers soient supprimés et qu’il soit pourvu à l’extinction des droits abusifs sur les poids-le-roi, jauges et réformation. DROITS FÉODAUX ET POLICES DE CHASSE. Art. 40. Que les Etats généraux prononcent sur le vœu général formé pour que toute corvée personnelle soit anéantie, et, par suite, que les droits de banalité, de parcours et autres servitudes de ce genre soient abolis, à charge de l’indemnité ui pourra être due, laquelle sera réglée par les tats provinciaux. Art. 41. Que, pareillement, ils prononcent sur 494 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen. le même vœu que les colombiers, comme nuisibles à l’agriculture, soient détruits, et qu’ils règlent les indemnités qui seraient dues et par qui elles le seraient, au profit des propriétaires fondés en titres et possession. Art. 42. Qu’on ne puisse troubler les seigneurs et communautés dans la propriété des landes, bruyères et marais dont ils sont en possession par et depuis quarante ans, et qu’il soit avisé au moyen d’y réintégrer les propriétaires qui en auraient été dépouillés depuis le même laps de temps par des concessionnaires ou usurpateurs, en déterminant par les Etats généraux une voie légale pour y parvenir. Art. 43. Que les Etats provinciaux soient autorisés à prendre des mesures pour améliorer les marais, communes et landages, soit par assèchement, plantation, défrichement, partage ou exploitation en commun, suivant le plus grand avantage reconnu par les propriétaires. Art. 44. Que les Etats provinciaux fassent détruire, dans les bois dont l’administration leur sera confiée, les bêtes fauves et autres malfaisantes, et qu’il en soit usé de même par les seigneurs particuliers ; et qu’à défaut de clôture suffisante pour contenir celles qu’ils voudraient conserver, les habitants des campagnes soient autorisés à faire des battues. Art. 45. Qu’il soit permis à ces habitants d’avoir dans leur maison un fusil pour leur propre sûreté, parce que la municipalité du lieu déterminera les personnes auxquelles on peut accorder cette permission. COMMERCE. Art. 46. Que Sa Majesté soit suppliée de ne point arrêter définitivement des traités de commerce avec les nations étrangères sans avoir procuré aux chambres de commerce le moyen de lui en représenter lés avantages et les inconvénients; qu’elle soit également suppliée de prendre en considération les résultats fâcheux pour la France du traité fait avec l’Angleterre, et que les soieries de nos fabriques soient introduités en Angleterre sur le même taux que ses gazes de soie le sont en France. Art. 47. Qu’il soit pourvu, par tous les moyens que la nation et les places de commerce pourront indiquer, soit par des primes ou autres avantages, à l’encouragement du cabotage français, et que l’arrêt du 30 août 1784, concernant le commerce dans les colonies, soit révoqué. Art. 48. Que les provinces laissent passer librement et sans droits les denrées et marchandises qui iront ou viendront d’une province dans l’autre , et qu’aucune ne soit réputée étrangère ; que les seules marchandises arrivant de l’étranger soient assujetties aux droits d’entrée dans le royaume; que ces droits soient établis d’une même perception dans chaque province frontière et que ces marchandises, une fois entrées, aient une circulation libre dans tout le royaume. Art. 49. Que Leurs Majesté et la famille royale soient invitées à ne faire usage que d’objets provenant des manufactures françaises, afin que leur exemple influe sur l’esprit national. Art. 50. Que Sa Majesté veuille bien ne point accorder de lettres de surséance aux débiteurs que sur l’avis des chambres de commerce ou des juges consuls, et, à leur défaut, des officiers municipaux, et que ces lettres ne puissent être renouvelées sous aucun prétexte que sur le consentement du tiers en somme des créanciers, dûment certifié par les mêmes officiers. Art. 51. Qu’il n’y ait aucunes maisons privilégiées pour les banqueroutiers ou faillis. Art. 52. Que, pour le plus grand avantage du commerce et de la circulation en général, les constitutions à terme sans aliénation du capital soient autorisées par une loi de l’Etat. Art. 53. Que les Etats généraux prennent en considération le défaut de poids proportionnel entre les grosses et menues pièces d’argent ; qu’à l’égard de celles de billon, et particulièrement des pièces de 18 et 24 deniers, il soit remédié aux difficultés qui résultent du défaut de leur empreinte. Art. 54. Que les droits de roulages exclusifs et des messageries soient supprimés comme destructifs d e Ta liberté du commerce. Art 55. Que tous les abus de la régie de la caisse de Poissy et de Sceaux soient détruits et qu’elle soit tenue de payer généralement pour tous les bouchers, sans quoi elle ne pourra percevoir aucun droit sur les ventes faites à ceux qui n’y sont pas reçus. Art. 56. Que les veuves des maîtres ne soient plus assujetties à aucun droit pour continuer la profession de leurs maris, et que leurs enfants soient reçus gratuitement comme par le passé. AFFAIRES BÉNÉFICIALES. Art. 57. Qu’il soit pris des mesures pour empêcher tous transports d’argent à la cour de Rome sous prétexte d’annates, dispenses, résignations ou autres actes. Art. 58. Que les archevêques reçoivent dans leur province les résignations et accordent les provisions par dévolus ou autres cas semblables. Art.. 59. Que toutes les dispenses soient dévolues aux évêques diocésains, tenus de les accorder gratuitement. Art. 60. Que les dépôts soient supprimés comme nuisibles aux pauvres et autres paroisses. Art. 61 . Que le vœu général est que les Etats généraux prennent en considération les dîmes perçues en Normandie, et qu’ils obtiennent la suppression de celles qui mettent des obstacles aux progrès de l’agriculture, et notamment des dîmes insolites, et procurent un règlement provisoire qui rende la perception de celles qui subsisteraient plus facile et moins onéreuse. Art. 62. Qu’il soit pris sur les biens du haut clergé un supplément jusqu’à concurrence de 1,500 livres pour les curés dont le revenu ne monterait pas à cette somme, regardée comme nécessaire pour leur subsistance , dans la supposition même où les pensions congrues continueraient de subsister. Art. 63. Qu’au moyen de ce que leurs revenus seront ainsi augmentés, les curés ne puissent rien exiger pour l’exercice de leurs fonctions. Art. 64. Que les dîmes soient assujetties à toutes impositions locales, charges publiques, et aux reconstructions et réparations des nefs et presbytères. Art. 65. Que les biens ecclésiastiques soient affermés publiquement, avec les clauses d’usage, sans vin ni avances, et que les baux soient entretenus par les successeurs. Art. 66. Que les coupes de leurs bois soient réglées comme celle des propriétaires et soumises à l’inspection des Etats provinciaux. Art. 67. Que le clergé soit tenu d’acquitter ses dettes, et qu’il soit autorisé à vendre de ses biens jusqu’à concurrence et de la manière qui sera déterminée par les Etats généraux. Art. 68. Qu’il soit avisé aux moyens de détruire [États gén, 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] la mendicité et de faire appliquer à des actes de bienfaisance et d’humanité et à des fondations d’éducation publique les revenus qui dépendent des maisons conventuelles dont la suppression est prononcée par l’édit de 1768. Art. 69. Que le Roi, d’accord avec la nation. simplifie les formes et diminue les frais actuellement nécessaires pour ces sortes d’établissements. Art. 70. Que les titres de fondation des collèges réunis à celui de Louis-le-Grand soient remis aux Etats particuliers des provinces pour lesquelles ils ont été établis; que les règlements nouveaux qui rendent ces réunions contraires aux intentions des fondateurs soient supprimés et qu’on rende à la province de Normandie, et spécialement au siège de Bayeux, le collège des écoliers de Notre-Dame de Bayeux, vulgairement appelé le collège de maître G'ervais , du nom de son fondateur, dont la destination a été dénaturée par des lettres patentes surprises à Sa Majesté le 13 septembre 1778. JUSTICE. Art. 71. Le vœu général pour l’administration de la justice est qu’elle soit gratuite et que la vénalité des charges soit supprimée. Art. 72. Gomme l’assemblée ne présume pas que la réforme dans l’administration des différentes parties de l’ordre judiciaire puisse s’effectuer dans la prochaine tenue des Etats généraux, elle demande qu’il soit nommé, tant par le Roi que par eux, des commissaires qui s’occupent de rédiger un code de lois civiles, criminelles, maritimes, de commerce et d’éducation. Art. 73. Que leur travail soit rendu public six mois avant la seconde tenue des Etats, examine par eux-et promulgué pour son entière exécution après avoir éprouvé les changements jugés nécessaires. Art. 74. Qu’un des premiers articles à insérer dans le nouveau code soit que la justice se rende au nom du Roi par tout le royaume ; pourquoi les hautes justices créées par les édits de 1702 et de 1704 seront supprimées avec remboursement, s’il y échet. Art. 75. Quant aux hautes justices patrimoniales, les Etats généraux voudront bien s’occuper du vœu unanime formé pour leur suppression, à charge d’indemnité, s’il y échet, en conservant aux seigneurs le titre et l’utilité. Art. 76. Que les prévôts des maréchaux ne puissent juger aucun procès criminel, et qu’après avoir informé, décrété et emprisonné, ils soient tenus renvoyer aux juges ordinaires. ' Art. 77. Qu’au moyen des dispositions précédentes, les degrés de juridiction soient portés et bornés à deux dans tout le royaume, sauf les cas d’appel comme d’abus. Art. 78. Qu’il soit fait un arrondissement de chaque siège ou tribunal, pour que les justiciables en soient plus rapprochés. Art. 79. Demander l’entière suppression des prises et ventes. Art. 80. Que les municipalités de chaque ville reçoivent sans frais et conservent de même les fonds de consignations ordonnées; à l’effet de quoi la caisse en sera déposée à l’hôtel de ville sous la triple garde du lieutenant général du bailliage, du procureur du Roi et de l’échevinat. Art. 81. Que l’édit de 1771, concernant les hypothèques, soit révisé. Art. 82. Que les municipalités soient érigées en tribunaux de paix, pour toutes les matières dont 495 l’objet et la valeur ne méritent pas d’être portés dans les tribunaux ordinaires. Art. 83. Que les actes de tutelle des pauvres des campagnes soient reçus par les curés et deux des membres de la municipalité, et que copie de chaque acte soit déposée sans frais au greffe de la juridiction royale du ressort. Art. 84. Que, pour l’intérêt de l’ordre public dans chaque classe d’administration, l’ecclésiastique n’ait qu’un seul bénéfice, comme le militaire un seul gouvernement et le magistrat une seule charge, et que les uns et les autres soient expressément tenus de résider. OUVRAGES PUBLICS. Art. 85. Que l’on évite l’abus des grandes routes trop multipliées qui, passant par des villages protégés, éloignent le voyageur des villes et ruinent le commerce. Art. 86. Qu’il ne soit désormais construit aucunes routes ni entrepris aucuns ouvrages publics sur le fonds d’un citoyen sans l’indemniser au moment même de la dépossession; qu’il soit aussi pourvu aux moyens les plus efficaces de dédommagement de l’ouverture des carrières. Art. 87. Que la dépense de tous ouvrages qui n’ont pour objet que des intérêts particuliers cesse d’être assignée sur les deniers publics. Art. 88. Que les ingénieurs et tous autres administrateurs ne puissent faire agréer par le gouvernement et les Etats provinciaux le plan d’aucuns ouvrages publics pour les villes qu il n’ait été communiqué au corps municipal, déposé pendant un temps compétent dans le lieu le plus apparent de l’hôtel, afin que, d’après l’avertissement des officiers municipaux, les citoyens puissent y faire leurs observations. Art. 89. Que l’entretien des chemins vicinaux soit à l’aveniF une charge publique, et que tous chemins inutiles soient supprimés. Art. 90. Comme la brièveté du temps n’a pas permis aux commissaires de rassembler dans le cahier un grand nombre de pétitions et demandes particulières et générales, il est arrêté que les cinq cahiers des bailliages y seront joints pour être remis aux députés aux Etats généraux et par eux pris en considération dans tous les points qui ne sont point contraires au présent cahier. Fait et arrêté en l’assemblée du tiers-état, ce 21 mars 1789. Et avant de signer; les députés présents ont demandé qu’il fut exprimé dans le cahier qu’il ne pourra être établi de commission intermédiaire dans l’intervalle d’une tenue des Etats généraux à l’autre, et que les tribunaux d’exception seront supprimés, ce qui a été unanimement agréé. CAHIER De doléances du bailliage de Vire (1). Du 5 mars 1789. Cahier de doléances, plaintes et remontrances des députés des villes, bourgs, paroisses et communautés du bailliage de Vire, arrêté dans l’assemblée générale tenue devant nous, Pierre-Marie-Jean-Baptiste Faut, conseiller du Roi, lieutenant général au bailliage, le 5 mars 1789, dans la chapelle Saint-Thomas de Vire, en présence d’Etienne-Pierre-Jules-François Rélie, sieur de laHarie, con-(l)Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de Y Empire. [États gén, 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] la mendicité et de faire appliquer à des actes de bienfaisance et d’humanité et à des fondations d’éducation publique les revenus qui dépendent des maisons conventuelles dont la suppression est prononcée par l’édit de 1768. Art. 69. Que le Roi, d’accord avec la nation. simplifie les formes et diminue les frais actuellement nécessaires pour ces sortes d’établissements. Art. 70. Que les titres de fondation des collèges réunis à celui de Louis-le-Grand soient remis aux Etats particuliers des provinces pour lesquelles ils ont été établis; que les règlements nouveaux qui rendent ces réunions contraires aux intentions des fondateurs soient supprimés et qu’on rende à la province de Normandie, et spécialement au siège de Bayeux, le collège des écoliers de Notre-Dame de Bayeux, vulgairement appelé le collège de maître G'ervais , du nom de son fondateur, dont la destination a été dénaturée par des lettres patentes surprises à Sa Majesté le 13 septembre 1778. JUSTICE. Art. 71. Le vœu général pour l’administration de la justice est qu’elle soit gratuite et que la vénalité des charges soit supprimée. Art. 72. Gomme l’assemblée ne présume pas que la réforme dans l’administration des différentes parties de l’ordre judiciaire puisse s’effectuer dans la prochaine tenue des Etats généraux, elle demande qu’il soit nommé, tant par le Roi que par eux, des commissaires qui s’occupent de rédiger un code de lois civiles, criminelles, maritimes, de commerce et d’éducation. Art. 73. Que leur travail soit rendu public six mois avant la seconde tenue des Etats, examine par eux-et promulgué pour son entière exécution après avoir éprouvé les changements jugés nécessaires. Art. 74. Qu’un des premiers articles à insérer dans le nouveau code soit que la justice se rende au nom du Roi par tout le royaume ; pourquoi les hautes justices créées par les édits de 1702 et de 1704 seront supprimées avec remboursement, s’il y échet. Art. 75. Quant aux hautes justices patrimoniales, les Etats généraux voudront bien s’occuper du vœu unanime formé pour leur suppression, à charge d’indemnité, s’il y échet, en conservant aux seigneurs le titre et l’utilité. Art. 76. Que les prévôts des maréchaux ne puissent juger aucun procès criminel, et qu’après avoir informé, décrété et emprisonné, ils soient tenus renvoyer aux juges ordinaires. ' Art. 77. Qu’au moyen des dispositions précédentes, les degrés de juridiction soient portés et bornés à deux dans tout le royaume, sauf les cas d’appel comme d’abus. Art. 78. Qu’il soit fait un arrondissement de chaque siège ou tribunal, pour que les justiciables en soient plus rapprochés. Art. 79. Demander l’entière suppression des prises et ventes. Art. 80. Que les municipalités de chaque ville reçoivent sans frais et conservent de même les fonds de consignations ordonnées; à l’effet de quoi la caisse en sera déposée à l’hôtel de ville sous la triple garde du lieutenant général du bailliage, du procureur du Roi et de l’échevinat. Art. 81. Que l’édit de 1771, concernant les hypothèques, soit révisé. Art. 82. Que les municipalités soient érigées en tribunaux de paix, pour toutes les matières dont 495 l’objet et la valeur ne méritent pas d’être portés dans les tribunaux ordinaires. Art. 83. Que les actes de tutelle des pauvres des campagnes soient reçus par les curés et deux des membres de la municipalité, et que copie de chaque acte soit déposée sans frais au greffe de la juridiction royale du ressort. Art. 84. Que, pour l’intérêt de l’ordre public dans chaque classe d’administration, l’ecclésiastique n’ait qu’un seul bénéfice, comme le militaire un seul gouvernement et le magistrat une seule charge, et que les uns et les autres soient expressément tenus de résider. OUVRAGES PUBLICS. Art. 85. Que l’on évite l’abus des grandes routes trop multipliées qui, passant par des villages protégés, éloignent le voyageur des villes et ruinent le commerce. Art. 86. Qu’il ne soit désormais construit aucunes routes ni entrepris aucuns ouvrages publics sur le fonds d’un citoyen sans l’indemniser au moment même de la dépossession; qu’il soit aussi pourvu aux moyens les plus efficaces de dédommagement de l’ouverture des carrières. Art. 87. Que la dépense de tous ouvrages qui n’ont pour objet que des intérêts particuliers cesse d’être assignée sur les deniers publics. Art. 88. Que les ingénieurs et tous autres administrateurs ne puissent faire agréer par le gouvernement et les Etats provinciaux le plan d’aucuns ouvrages publics pour les villes qu il n’ait été communiqué au corps municipal, déposé pendant un temps compétent dans le lieu le plus apparent de l’hôtel, afin que, d’après l’avertissement des officiers municipaux, les citoyens puissent y faire leurs observations. Art. 89. Que l’entretien des chemins vicinaux soit à l’aveniF une charge publique, et que tous chemins inutiles soient supprimés. Art. 90. Comme la brièveté du temps n’a pas permis aux commissaires de rassembler dans le cahier un grand nombre de pétitions et demandes particulières et générales, il est arrêté que les cinq cahiers des bailliages y seront joints pour être remis aux députés aux Etats généraux et par eux pris en considération dans tous les points qui ne sont point contraires au présent cahier. Fait et arrêté en l’assemblée du tiers-état, ce 21 mars 1789. Et avant de signer; les députés présents ont demandé qu’il fut exprimé dans le cahier qu’il ne pourra être établi de commission intermédiaire dans l’intervalle d’une tenue des Etats généraux à l’autre, et que les tribunaux d’exception seront supprimés, ce qui a été unanimement agréé. CAHIER De doléances du bailliage de Vire (1). Du 5 mars 1789. Cahier de doléances, plaintes et remontrances des députés des villes, bourgs, paroisses et communautés du bailliage de Vire, arrêté dans l’assemblée générale tenue devant nous, Pierre-Marie-Jean-Baptiste Faut, conseiller du Roi, lieutenant général au bailliage, le 5 mars 1789, dans la chapelle Saint-Thomas de Vire, en présence d’Etienne-Pierre-Jules-François Rélie, sieur de laHarie, con-(l)Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de Y Empire. 496 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen .J veiller du Roi, son procureur en ce bailliage, et assisté de M. Jean-Joseph-Théodore Bause, greffier en chef dudit bailliage. Art. 1er. Les députés de la ville de Vire et ceux des différentes paroisses dépendant du bailliage dudit lieu , réunis au terme des lettres de convocation données à Versailles le 24 janvier dernier, et de notre ordonnance du 10 février dernier, pour procéder à la réunion en un seul cahier de tous les cahiers de doléances desdites villes , bourgs et paroisses, ont parle présent acte et conformément aux pouvoirs qui leur ont été donnés par lesdites paroisses, conféré à ceux qui seront choisis par la voix du scrutin en l’assemblée générale des députés qui se tiendra à Caen le 16 de ce mois, les pouvoirs suffisants pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la r éforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et chacun des sujets du Roi. Art. 2. L’assemblée n’ajouterait rien à ces pouvoirs qu’un abandon général aux vues de bienfaisance et d’équité du monarque qui nous gouverne, et de l’homme d’Etat auquel il a, pour le bonheur de la nation, rendu sa confiance, si l’expérience du passé et l’intérêt puissant de la patrie ne lui faisaient une loi dans ce moment rrécieux d’assurer à la postérité les fruits de la )onté du Souverain par une constitution solide et à l’abri de toutes vicissitudes , elle charge en conséquence ses députés spécialement de commencer leurs opérations pour cet objet important. Art. 3. Persuadée que la délibération par tête est la seule capable de maintenir entre les différents ordres cetfe union dont le défaut a rendu inutile à la nation les anciens Etats généraux, elle engage ses députés à obtenir, par les raisons de patriotisme et d’utilité publique, que cette forme soit seule admise et passée même en loi pour l’avenir. Cependant, préférant la paix et l’union aux prétentions les plus justes, elle se soumet à la délibération qui sera adoptée par la pluralité, pourvu que l’unanimité des trois ordres soit nécessaire pour toutes les lois nationales, qu’en cas de partage, on en revienne à la délibération par tête suivant l’usage établi dans les Etats provinciaux, et qu’il n’y ait aucune différence dans la manière dont les trois ordres porteront leur vœu à Sa Majesté. Art. 4. L’assemblée charge aussi ses députés de demander que les Etats généraux se rassemblent à des époques fixes tous les cinq ans, par exemple, et que les impôts ne puissent être accordés que pour un temps limité, qui ne pourra jamais excéder le temps fixé pour la convocation suivante. Que chaque convocation soit toujours précédée par une nouvelle élection libre , afin qu’aucune personne ne puisse s’arroger sans mission le droit de représenter ses concitoyens. Qu’aucune loi ne puisse être exécutée sans avoir été délibérée et arrêtée dans l’assemblée des Etats généraux. Qu’aucun impôt et droits additionnels, emprunt et création d’office, ne puissent être consentis que par la nation assemblée en Etats généraux, sans que les cours supérieures, même les Etats provinciaux, aient le droit de la représenter dans cette partie, et que toute levée d’impôts qui n’aurait pas reçu cette sanction personnelle soit regardée comme concussion et poursuivie comme telle, et que les lois fiscales interprétatives des édits consentis par les Etats généraux, qui ne présenteraient pas cependant une augmentation d’impôts, n’aient force de loi qu’après avoir été librement reçus et enregistrés par les Etats particuliers seulement. Art. 5. Que, suivant le vœu général des pairs de France, de la plus grande partie de la noblesse et du clergé et de tous les privilégiés du tiers, il ne soit plus admis de distinction ou exemption pécuniaire, qu’ainsi tous les ordres et toutes les classes de la société soient également soumises aux mêmes impôts, et que les droits de franc-fief qui ne tombent que sur le tiers-état soient supprimés. Que les provinces privilégiés soient invitées, au nom du titre commun de citoyen , de renoncer aux franchises sur les droits d’entrée e.t de sortie, sur le sel et le tabac, sur les droits de vaisselle, cuir, cartes, amidon et autres exemptions pareilles, parce qu’il ne peut y avoir de différence dans ces droits sans donner ouverture à la contrebande, sans mettre un mur de séparation entre les provinces du même Etat et entraîner une surveillance coûteuse. Quant aux charges qui peuvent être modifiées sans inconvénient , telles que les capitations, les aides, octrois et autres, elles soient entièrement laissées à la disposition des Etats provinciaux, tant pour la forme et le nom que pour la perception et la répartition ; que la taille, capitation taiîlable et le vingtième soient supprimés, en les remplaçant par un seul impôt supporté par toutes les terres et maisons du royaume, sans distinction de la personne ou du fief, des maîtres ou des fermiers, et fixe pour les terres proportionnellement à leur produit net, après une juste estimation, de manière que cette imposition une fois assise, soit comme il a été établi ( en Prusse) invariable, et ne puisse être augmentée à raison de la valeur que l’industrie pourra donner à la terre après la fixation . Art. 6. Que la dette nationale soit vérifiée, et quelque parti que prennent les Etats généraux sur cet objet, qu’ils ne puissent engager à perpétuité la nation aux créanciers de l’Etat , et qu’ils ne la chargent de ce fardeau accablant que pour l’intervalle d’une assemblée à l’autre, précaution même admise pour les impôts nécessaires à la sûreté de l’Etat. Art. 7. Que Sa Majesté règle de concert avec les Etats généraux les dépenses de chaque département d’une manière invariable, sauf la précaution que la prudence exige dans les circonstances extraordinaires ; qu’elle soit également suppliée de fixer par une loi irrévocable les pensions sous quelques dénominations qu’elles soient, et de les faire toutes payer à une même caisse. Que le compte des finances soit rendu public tous les ans, les originaux remis à l’assemblée de la nation, et que les ministres soient responsables aux Etats généraux de leur gestion et des fonds assignés à leur département. Art. 8. Que les domaines de la couronne puissent être aliénés à perpétuité sous la garantie de là nation ; et afin de multiplier les propriétés, ils seront divisés en plusieures petites portions ; que les deniers qui en reviendront seront employés au plus grand bien de la nation par les Etats généraux. Art. 9. Que le tarif obscur des contrôles soit réformé et simplifié, que les droits sur les actes qui concernent particulièrement les familles, comme les contrats de mariage, et les lots et par- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Raüliage de Caen.] 497 tages, soient considérablement diminués, changement favorable aux finances publiques par la multiplicité des actes qui seront présentés. Art. 10. Qu’il soit avisé au moyen de mettre les particuliers à l’abri des recherches et poursuites des vérificateurs, sous prétexte de fausse déclaration des successions collatérales. Art. 11. Que les offices de priseurs-vendeurs soient supprimés comme absolument inutiles et très-onéreux aux mineurs et aux débiteurs. Art. 12. L’assemblée charge aussi ses députés de supplier Sa Majesté d’empêcher tout transport d’argent hors du royaume sous prétetxe d’annates et de dispenses, et de rendre aux évêques leurs droits primitifs d’accorder des dispenses dans les cas permis par les ordonnances du royaume, à condition qu’elles soient gratuites; que les droits de dépôt qui ne sont fondés sur aucune loi connue soient supprimés, comme nuisibles aux paroisses; qu’en conséquence elles peuvent être déchargées des reconstructions des presbytères. Art. 13. De demander que la liberté individuelle soit assurée par une loi invariable; qu’en conséquence l’usage des lettres de cachet soit pour jamais proscrit, mais que pour mettre l’honneur des familles en sûreté, le juge des lieux soit autorisé d’ordonner la détention limitée d’un particulier sur la demande unanime de sa famille assemblée et de l’avis de la municipalité du lieu. Qu’il ne soit plus permis à aucun gouverneur ou commandant dans les provinces de faire arrêter un citoyen domicilié sans une ordonnance préalable du juge royal. Art. 14. Queles milices soient supprimées comme un fardeau pesant sur une classe, nuisible à l’agriculture et inutile dans un Etat où le Roi trouvera toujours autant de soldats que de citoyens. Art. 15. Qüé Sat Majesté soit suppliée de retirer cette décision si décourageante t pour la plus grande partie de ses sujets, qui exige quatre degrés de noblesse pour être admis comme officiers dans ses troupes de terre et de mer, et de faire réformer cés décisions abusives et contradictoires des cours supérieures qui veulent exiger des preuves de noblesse pour remplir des charges qui la donnent. Art. 16. Que la liberté de la presse soit établie, sans autre exception que pour les libelles contre les particuliers oh contre la conduite privée des gens en place. Art. 17. Quant à l'administration de la justice, le désir de l’assemblée serait qu’elle fût gratuite, et que la vénalité des charges fût supprimée ; mais elle s’en rapporte à la prudence des Etats généraux pour aviser le moyen de les rembourser ; elle se borne à solliciter une réforme dans la justice civile, et surtout dans le Code criminel; elle propose avec confiance pour modèle dans cette dernière partie, la législation anglaise, justement célèbre dans l’Ëüropé ; elle demande aussi que les degrés de juridiction soient supprimés, que nul citoyen ne puisse être traduit devant autre juge que son juge naturel sous prétexte de corn-mittinms , prévôté de l’hôtel, privilège du Châtelet et autres, n’acceptant que ceux des pairs de France dans les matières personnelles. Art. 18. Que nulle commission ou évocation ûe puisse déranger le cours de là justice ou la suspendre; et que les crimes soient toujours punis par la peine que la loi détermine, sans distinction des coupables. Art. 19. Qu’il soit fait une loi positive qui au-lre Série, T. IL torise le prêt d’argent sans aliéner de capital, seul moyen d’opérer la circulation de sommes considérables, qui feraient fleurir l’agriculture et le commerce. Art. 20. Que les lettres de répit et de surséance soient supprimées, et que les juges consuls se réunissent aux juges royaux dans les affaires de commerce qui sont de la compétence de ces derniers. Art. 21. L’assemblée supplie instamment Sa Majesté d’établir au plus tôt dans sa province de Normandie des Etats dans la forme de ceux de Dauphiné, d’en fixer le siège à Caen comme le centre de la province, et que les Etats aient la libre perception et répartition de tous les impôts dont la quotité aurait été déterminée dans rassemblée des Etats généraux. Art. 22. D’ordonner que l’édit de 1766 pour les municipalités des villes, soit exécuté, et de rendre à leurs habitants le droit qu’elle vient d’accorder aux habitants des campagnes, de nommer leurs officiers municipaux. Art. 23. Elle demanderait aussi que Sa Majpstê voulût bien n’accorder aucune conservation exclusive dans les forêtsde cette province, trop éloignées de ses châteaux pour faire partie de ses plaisirs, et de permettre à toutes personnes d’y poursuivre les bêtes malfaisantes qui dévastent les récoltes. Art. 24. L’assemblée observe enfin qu’il serait à désirer que les poids et mesures fussent les mêmes par tout le royaume ; que l’on eût la liberté de prendre tous les engrais dé mer indistinctement ; que, pour l’intérêt particulier des laboureurs de ce bailliage, les curés décimateurs fussent tenus de rendre aux paroissiens les pailles à un prix modique et fixé par le juge. • Que la connaissance des contestations relatives à la voirie fût attribuée au juge du lieu, et que les ateliers de charité ne puissent être employés que Sur les routes de bourg à ville. Le présent cahier clos et arrêté dans ladite assemblée lesdits jour et an que dessus, et signé après lecture. La présente copie, conforme à la minute, demeurée au greffe du bailliage de Vire, laquelle est signée des députés en le plus grand nombre, a été faite et délivrée par nous, greffier en chef du bailliage de Vire, et secrétaire du tiers-état. A Vire, le 8 mars 1789. . Signe JBàUSE. CAHIER De la corporation des marchands drapiers , merciers et quincailliers de la ville de Caen (1). La corporation des marchands drapiers, merciers et quincailliers delà ville de Caen, réunis, aux ternies des lettres de convocation données à Versailles le 24 janvier dernier, pour conférer tant des remontrances, plaintes et doléances que des moyens et avis qu’elle a à donner à l’assemblée générale de là nation et pour élire, choisir et nommer ses représentants, donne par le présent acte, aux personnes qui seront choisies par la voie du scrutin, ses pouvoirs généraux pour la représenter aux Etats généraux, y proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, Rétablissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité gé-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Raüliage de Caen.] 497 tages, soient considérablement diminués, changement favorable aux finances publiques par la multiplicité des actes qui seront présentés. Art. 10. Qu’il soit avisé au moyen de mettre les particuliers à l’abri des recherches et poursuites des vérificateurs, sous prétexte de fausse déclaration des successions collatérales. Art. 11. Que les offices de priseurs-vendeurs soient supprimés comme absolument inutiles et très-onéreux aux mineurs et aux débiteurs. Art. 12. L’assemblée charge aussi ses députés de supplier Sa Majesté d’empêcher tout transport d’argent hors du royaume sous prétetxe d’annates et de dispenses, et de rendre aux évêques leurs droits primitifs d’accorder des dispenses dans les cas permis par les ordonnances du royaume, à condition qu’elles soient gratuites; que les droits de dépôt qui ne sont fondés sur aucune loi connue soient supprimés, comme nuisibles aux paroisses; qu’en conséquence elles peuvent être déchargées des reconstructions des presbytères. Art. 13. De demander que la liberté individuelle soit assurée par une loi invariable; qu’en conséquence l’usage des lettres de cachet soit pour jamais proscrit, mais que pour mettre l’honneur des familles en sûreté, le juge des lieux soit autorisé d’ordonner la détention limitée d’un particulier sur la demande unanime de sa famille assemblée et de l’avis de la municipalité du lieu. Qu’il ne soit plus permis à aucun gouverneur ou commandant dans les provinces de faire arrêter un citoyen domicilié sans une ordonnance préalable du juge royal. Art. 14. Queles milices soient supprimées comme un fardeau pesant sur une classe, nuisible à l’agriculture et inutile dans un Etat où le Roi trouvera toujours autant de soldats que de citoyens. Art. 15. Qüé Sat Majesté soit suppliée de retirer cette décision si décourageante t pour la plus grande partie de ses sujets, qui exige quatre degrés de noblesse pour être admis comme officiers dans ses troupes de terre et de mer, et de faire réformer cés décisions abusives et contradictoires des cours supérieures qui veulent exiger des preuves de noblesse pour remplir des charges qui la donnent. Art. 16. Que la liberté de la presse soit établie, sans autre exception que pour les libelles contre les particuliers oh contre la conduite privée des gens en place. Art. 17. Quant à l'administration de la justice, le désir de l’assemblée serait qu’elle fût gratuite, et que la vénalité des charges fût supprimée ; mais elle s’en rapporte à la prudence des Etats généraux pour aviser le moyen de les rembourser ; elle se borne à solliciter une réforme dans la justice civile, et surtout dans le Code criminel; elle propose avec confiance pour modèle dans cette dernière partie, la législation anglaise, justement célèbre dans l’Ëüropé ; elle demande aussi que les degrés de juridiction soient supprimés, que nul citoyen ne puisse être traduit devant autre juge que son juge naturel sous prétexte de corn-mittinms , prévôté de l’hôtel, privilège du Châtelet et autres, n’acceptant que ceux des pairs de France dans les matières personnelles. Art. 18. Que nulle commission ou évocation ûe puisse déranger le cours de là justice ou la suspendre; et que les crimes soient toujours punis par la peine que la loi détermine, sans distinction des coupables. Art. 19. Qu’il soit fait une loi positive qui au-lre Série, T. IL torise le prêt d’argent sans aliéner de capital, seul moyen d’opérer la circulation de sommes considérables, qui feraient fleurir l’agriculture et le commerce. Art. 20. Que les lettres de répit et de surséance soient supprimées, et que les juges consuls se réunissent aux juges royaux dans les affaires de commerce qui sont de la compétence de ces derniers. Art. 21. L’assemblée supplie instamment Sa Majesté d’établir au plus tôt dans sa province de Normandie des Etats dans la forme de ceux de Dauphiné, d’en fixer le siège à Caen comme le centre de la province, et que les Etats aient la libre perception et répartition de tous les impôts dont la quotité aurait été déterminée dans rassemblée des Etats généraux. Art. 22. D’ordonner que l’édit de 1766 pour les municipalités des villes, soit exécuté, et de rendre à leurs habitants le droit qu’elle vient d’accorder aux habitants des campagnes, de nommer leurs officiers municipaux. Art. 23. Elle demanderait aussi que Sa Majpstê voulût bien n’accorder aucune conservation exclusive dans les forêtsde cette province, trop éloignées de ses châteaux pour faire partie de ses plaisirs, et de permettre à toutes personnes d’y poursuivre les bêtes malfaisantes qui dévastent les récoltes. Art. 24. L’assemblée observe enfin qu’il serait à désirer que les poids et mesures fussent les mêmes par tout le royaume ; que l’on eût la liberté de prendre tous les engrais dé mer indistinctement ; que, pour l’intérêt particulier des laboureurs de ce bailliage, les curés décimateurs fussent tenus de rendre aux paroissiens les pailles à un prix modique et fixé par le juge. • Que la connaissance des contestations relatives à la voirie fût attribuée au juge du lieu, et que les ateliers de charité ne puissent être employés que Sur les routes de bourg à ville. Le présent cahier clos et arrêté dans ladite assemblée lesdits jour et an que dessus, et signé après lecture. La présente copie, conforme à la minute, demeurée au greffe du bailliage de Vire, laquelle est signée des députés en le plus grand nombre, a été faite et délivrée par nous, greffier en chef du bailliage de Vire, et secrétaire du tiers-état. A Vire, le 8 mars 1789. . Signe JBàUSE. CAHIER De la corporation des marchands drapiers , merciers et quincailliers de la ville de Caen (1). La corporation des marchands drapiers, merciers et quincailliers delà ville de Caen, réunis, aux ternies des lettres de convocation données à Versailles le 24 janvier dernier, pour conférer tant des remontrances, plaintes et doléances que des moyens et avis qu’elle a à donner à l’assemblée générale de là nation et pour élire, choisir et nommer ses représentants, donne par le présent acte, aux personnes qui seront choisies par la voie du scrutin, ses pouvoirs généraux pour la représenter aux Etats généraux, y proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, Rétablissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité gé-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 498 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Railliage de Caen. nérale du royaume et le bonheur tant commun que particulier de tous les citoyens. Le désir de ladite corporation est que les délibérations soient prises aux Etats pour les trois ordres réunis et les voix comptées par têtes ; elle charge ses députés de solliciter cette forme et de faire voir tous les avantages qui doivent en résulter, justice, raison et patriotisme, tous motifs puissants qui doivent animer le zèle de tous bons Français. Si cette demande faisait quelque difficulté, les députés pourraient adhérer aux tempéraments qui seraient proposés par les autres ordres, s’ils les jugeaient raisonnables; mais avant tout ils feraient proposer aux députés des trois ordres de déclarer s’ils ratifient et accordent l’abolition des privilèges pécuniaires et des impôts distinctifs d’ordres et de peines. Les malheurs passés éclairant ladite corporation sur ceux qui pourraient arrivera l’avenir, et voulant les prévenir, s’il est possible, se porte à recommander à ses députés : 1° De ne s’occuper de l’octroi des subsides qu’après‘que le règlement de la constitution aura préalablement été délibéré, accordé et sanctionné ; il ne faut point se départir de l’entretien, sur lequel il faut fortement appuyer. 2° Demander que tous les impôts quelconques soient répartis sur tous les sujets du royaume, nobles, ecclésiastiques et roturiers, suivant leurs possessions et revenus, l’impôt devant être payé par ceux qui sont détenteurs des fonds, et déclarer que nous ne réclamons rien sur les droits honorifiques des seigneurs séculiers et ecclésiastiques. 3° Que le sel, le tabac, les aides et les droits réunis spient anéantis ; ces impôts sont très à charge au peuple, attentatoires à sa liberté et à sa propriété et de plus et tous les jours exposé aux tracasseries et aux infidélités des employés. 4° La restitution au tiers-état de ses anciennes maîtrises. C’est une propriété qui leur a été indûment enlevée par le fisc, avide de tout absorber; comme ce serait une injustice de vouloir priver les acquéreurs des nouvelles maîtrises d’un Etat qu’ils ont acquis de bonne foi et avec confiance sous l’autorité du souverain, demander qu’ils soient conservés .dans leurs Etats comme ceux de l’ancienne corporation. 5° Qu’il soit permis aux nobles de faire le commerce en gros et en détail, comme ils le jugeront à propos, sans qu’il puisse en rien les préjudicier dans leurs titres et droits honorifiques et qu’on ne puisse leur faire aucun reproche d’avoir dérogé à leur noblesse. 6° Solliciter fortement l’anéantissement du traité de commerce avec l’Angleterre, qui porte un préjudice notable au commerce et aux manufactures du royaume et enlève tout son numéraire. 7° . Gomme les mécaniques préjudicient considérablement le pauvre peuple, qu’elles réduisent la filature à rien , en demander la suppression ; cette suppression est d’autant plus juste que la filature de ces instruments est très-vicieuse et que les étoffes qui en sont fabriquées sont toutes creuses et de très-mauvaise qualité. 8° Solliciter fortement et avec instance le rétablissement de nos Etats provinciaux à l’instar du Dauphiné et la perpétuité des Etats généraux, les membres amovibles et tribunaux. 9° Demander le reculement des barrières aux frontières du royaume pour l’acquit des droits, le commerce devant être libre et dégagé d’entraves. 10° Solliciter la suppression des inspecteurs des manufactures connus sous la dénomination d’ambulants. Ces hommes sont très à charge à l’Etat et au commerce : ils ne font rien. Demander qu’on leur substitue les gardes des corporations des drapiers, merciers, et quincailliers et ceux des fabricants toiliers , étant les seuls qui les inspectent journellement sans aucun émolument; ces inspecteurs sont tout à fait inutiles, ne se trouvant jamais aux inspections. 11° Enfin, solliciter l’abolition de la commission établie dans le royaume par la ferme générale ; ce tribunal inique est une inquisition cruelle dans un Etat monarchique tel que la France, où doit régner la plus grande liberté ; on l’a vu, ce tribunal sanguinaire faire pendre à Caen un misérable étranger sur un véhément soupçon ; on le voit tous les jours détenir dans ses prisons des misérables auxquels on refuse toute communication au dehors, pour les empêcher de se justifier et avoir le cruel plaisir de flétrir ces malheureux et de déshonorer leur famille. O tempora ! O mores ! Ont signé Duperré, Philippe et François Jen-taigne, député. CAHIER d’observations et doléances du tiers-état de LA VILLE DE CAEN (1). Articles préliminaires à arrêter aux Etats généraux. Art. 1er. Le rétablissement des Etats généraux dans les provinces qui en avaient; l’établissement de ces mêmes Etats dans celles qui n’en ont point encore, et la tenue de ces Etats dans les villes qui sont au centre de chaque province. Art. 2. Le retour périodique des Etats généraux de cinq ans en cinq ans, même plus tôt pour la seconde tenue, et par la suite, dans le cas de guerre ou de nécessité urgente, sur la demande des Etats provinciaux. Art. 3. Qu’il soit établi, par chaque tenue des Etats généraux, une commission intermédiaire, choisie parmi les membres des différentes provinces, qui ait l’autorité, dans le cas de déclaration de guerre, ou de toute autre calamité imprévue, de voter pour le gouvernement les secours indispensables de la manière qu’elle regardera comme plus avantageuse ; parce que ces secours ne seront considérés que comme provisoires, et qu’il dépendra des Etats généraux, qui seront de suite convoqués, de faire les changements qu’ils jugeront nécessaires et d’accorder de moindres ou de plus considérables subventions, relativement aux besoins et à l’honneur de la nation et du prince. Art. 4. Les Français, se considérant comme une même famille, dont le Roi est le chef et le père, s’il survenait une calamité générale dans l’une des provinces, la commission intermédiaire, de concert avec le gouvernement, réglerait les secours provisoires que les autres provinces accorderaient respectivement, pour que la perception de l’impôt ne puisse souffrir aucun retardement, et que l’alliance et la bonne union, qui doit se former entre des citoyens et des frères, soit équitablement maintenue, et que le père commun jouisse à toujours de l’heureuse harmonie de ses (1) Nous devons la communication de ce cahier à l’entremise obligeante de M. Bertrand, maire de la ville de Caen et député au Corps législatif. 498 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Railliage de Caen. nérale du royaume et le bonheur tant commun que particulier de tous les citoyens. Le désir de ladite corporation est que les délibérations soient prises aux Etats pour les trois ordres réunis et les voix comptées par têtes ; elle charge ses députés de solliciter cette forme et de faire voir tous les avantages qui doivent en résulter, justice, raison et patriotisme, tous motifs puissants qui doivent animer le zèle de tous bons Français. Si cette demande faisait quelque difficulté, les députés pourraient adhérer aux tempéraments qui seraient proposés par les autres ordres, s’ils les jugeaient raisonnables; mais avant tout ils feraient proposer aux députés des trois ordres de déclarer s’ils ratifient et accordent l’abolition des privilèges pécuniaires et des impôts distinctifs d’ordres et de peines. Les malheurs passés éclairant ladite corporation sur ceux qui pourraient arrivera l’avenir, et voulant les prévenir, s’il est possible, se porte à recommander à ses députés : 1° De ne s’occuper de l’octroi des subsides qu’après‘que le règlement de la constitution aura préalablement été délibéré, accordé et sanctionné ; il ne faut point se départir de l’entretien, sur lequel il faut fortement appuyer. 2° Demander que tous les impôts quelconques soient répartis sur tous les sujets du royaume, nobles, ecclésiastiques et roturiers, suivant leurs possessions et revenus, l’impôt devant être payé par ceux qui sont détenteurs des fonds, et déclarer que nous ne réclamons rien sur les droits honorifiques des seigneurs séculiers et ecclésiastiques. 3° Que le sel, le tabac, les aides et les droits réunis spient anéantis ; ces impôts sont très à charge au peuple, attentatoires à sa liberté et à sa propriété et de plus et tous les jours exposé aux tracasseries et aux infidélités des employés. 4° La restitution au tiers-état de ses anciennes maîtrises. C’est une propriété qui leur a été indûment enlevée par le fisc, avide de tout absorber; comme ce serait une injustice de vouloir priver les acquéreurs des nouvelles maîtrises d’un Etat qu’ils ont acquis de bonne foi et avec confiance sous l’autorité du souverain, demander qu’ils soient conservés .dans leurs Etats comme ceux de l’ancienne corporation. 5° Qu’il soit permis aux nobles de faire le commerce en gros et en détail, comme ils le jugeront à propos, sans qu’il puisse en rien les préjudicier dans leurs titres et droits honorifiques et qu’on ne puisse leur faire aucun reproche d’avoir dérogé à leur noblesse. 6° Solliciter fortement l’anéantissement du traité de commerce avec l’Angleterre, qui porte un préjudice notable au commerce et aux manufactures du royaume et enlève tout son numéraire. 7° . Gomme les mécaniques préjudicient considérablement le pauvre peuple, qu’elles réduisent la filature à rien , en demander la suppression ; cette suppression est d’autant plus juste que la filature de ces instruments est très-vicieuse et que les étoffes qui en sont fabriquées sont toutes creuses et de très-mauvaise qualité. 8° Solliciter fortement et avec instance le rétablissement de nos Etats provinciaux à l’instar du Dauphiné et la perpétuité des Etats généraux, les membres amovibles et tribunaux. 9° Demander le reculement des barrières aux frontières du royaume pour l’acquit des droits, le commerce devant être libre et dégagé d’entraves. 10° Solliciter la suppression des inspecteurs des manufactures connus sous la dénomination d’ambulants. Ces hommes sont très à charge à l’Etat et au commerce : ils ne font rien. Demander qu’on leur substitue les gardes des corporations des drapiers, merciers, et quincailliers et ceux des fabricants toiliers , étant les seuls qui les inspectent journellement sans aucun émolument; ces inspecteurs sont tout à fait inutiles, ne se trouvant jamais aux inspections. 11° Enfin, solliciter l’abolition de la commission établie dans le royaume par la ferme générale ; ce tribunal inique est une inquisition cruelle dans un Etat monarchique tel que la France, où doit régner la plus grande liberté ; on l’a vu, ce tribunal sanguinaire faire pendre à Caen un misérable étranger sur un véhément soupçon ; on le voit tous les jours détenir dans ses prisons des misérables auxquels on refuse toute communication au dehors, pour les empêcher de se justifier et avoir le cruel plaisir de flétrir ces malheureux et de déshonorer leur famille. O tempora ! O mores ! Ont signé Duperré, Philippe et François Jen-taigne, député. CAHIER d’observations et doléances du tiers-état de LA VILLE DE CAEN (1). Articles préliminaires à arrêter aux Etats généraux. Art. 1er. Le rétablissement des Etats généraux dans les provinces qui en avaient; l’établissement de ces mêmes Etats dans celles qui n’en ont point encore, et la tenue de ces Etats dans les villes qui sont au centre de chaque province. Art. 2. Le retour périodique des Etats généraux de cinq ans en cinq ans, même plus tôt pour la seconde tenue, et par la suite, dans le cas de guerre ou de nécessité urgente, sur la demande des Etats provinciaux. Art. 3. Qu’il soit établi, par chaque tenue des Etats généraux, une commission intermédiaire, choisie parmi les membres des différentes provinces, qui ait l’autorité, dans le cas de déclaration de guerre, ou de toute autre calamité imprévue, de voter pour le gouvernement les secours indispensables de la manière qu’elle regardera comme plus avantageuse ; parce que ces secours ne seront considérés que comme provisoires, et qu’il dépendra des Etats généraux, qui seront de suite convoqués, de faire les changements qu’ils jugeront nécessaires et d’accorder de moindres ou de plus considérables subventions, relativement aux besoins et à l’honneur de la nation et du prince. Art. 4. Les Français, se considérant comme une même famille, dont le Roi est le chef et le père, s’il survenait une calamité générale dans l’une des provinces, la commission intermédiaire, de concert avec le gouvernement, réglerait les secours provisoires que les autres provinces accorderaient respectivement, pour que la perception de l’impôt ne puisse souffrir aucun retardement, et que l’alliance et la bonne union, qui doit se former entre des citoyens et des frères, soit équitablement maintenue, et que le père commun jouisse à toujours de l’heureuse harmonie de ses (1) Nous devons la communication de ce cahier à l’entremise obligeante de M. Bertrand, maire de la ville de Caen et député au Corps législatif. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] 499 (enfants, pour tout ce qui peut concourir au bonheur et à la gloire de la grande famille. Art. 5. Que la commission intermédiaire soit chargée, avec les différents membres soit du conseil de Sa Majesté, ou qu’elle choisira dans les autres Etats, de rédiger un nouveau code de lois, tant civiles que criminelles, maritimes et de commerce, et, pour en créer de nouvelles, d’indiquer le moyen d’abréger les procédures et de les simplifier, parce que le travail de ces commissaires sera rendu public six mois avant la seconde tenue des Etats généraux, examiné pendant la tenue, sanctionné par eux, d’après les changements jugés convenables et ensuite promulgué, de l’autorité du Roi, pour l’exécution des lois nouvelles et des réformes. Art 6. Si, par quelque événement imprévu, la convocation des Etats généraux n’avait pas lieu dans le temps et les circonstances ci-dessus déterminés, dès l’instant les pouvoirs de la commission intermédiaire cesseraient absolument. Art. 7. Que le Roi étant par la constitution le protecteur de toutes les propriétés et de tous ses sujets individuellement, il ne puisse être, dans aucun cas, atteint aux droits de propriété ni à la liberté personnelle de chaque individu, et que la loi seule exerce son empire sur les biens comme sur les personnes. Art. 8. Qu’on ne puisse s’emparer d’un terrain quelconque pour ouvrage public et nécessaire, sans au préalable avoir indemnisé le propriétaire. Art. 9. Que les dépenses de chaque département soient irrévocablement fixées et déterminées ainsi que celles nécessaires pour maintenir la majesté et la splendeur du trône et de la famille royale. Art. 10. Que, d’après ces arrêtés premiers et indispensables, la nation se charge de l’acquit entier des dettes de l’Etat, et que répartition exacte soit faite sur chacune des provinces des rentes tant perpétuelles que viagères, et viagères dites tontines, relativement à leurs richesses et populations respectives. Art. 11. Que chaque province soit autorisée à faire les emprunts qu’elle croira plus avantageux, parce que ces emprunts seront versés dans la caisse des amortissements, pour se libérer de partie des dettes perpétuelles de l’Etat dont elle aura été chargée, et sans que ces emprunts puissent jamais être destinés à autre emploi que celui de la libération. Art. 12. Que l’organisation actuelle des Etats généraux sera sanctionnée par la nation, comme loi constitutionnelle, relativement à la représentation du tiers-état pour moitié. Propositions générales à faire aux Etats généraux. Art. 1er. Que l’on délibère par tête aux Etats généraux ; que si quelqu’un des trois ordres ne consentait pas à ce vote commun, les ordres arrêtent séparément leurs cahiers ; que, d’après la rédaction respective, il soit dans chaque ordre nommé des commissaires, parce que le tiers-état en aura un nombre égal à celui des deux autres -, que les cahiers soient conférés en commun pour n’en former qu’un seul, et que, si les commissaires des ordres se trouvent partagés sur quelques articles desdits cahiers, il en soit référé à l’assemblé générale des Etats, pour y délibérer par tête et arrêter définitivement le cahier entier, afin qu’il ne puisse exister de veto de la part d’aucun des ordres, et que l’assemblée ait pour base l’utilité générale désirée par la nation et par le prince. Art. 2. La suppression de la gabelle, des cinq grosses fermes, de l’inspection aux boucheries, des messageries, des privilèges des maîtres de poste aux chevaux, des régies de la marque des cuirs, des fers, des droits sur les papiers et cartons et des autres manufactures. Art. 3. La suppression des droits des prises et vente des biens meubles. Art. 4. La suppression de l’impôt onéreux connu sous le nom de vingtième et taille d’industrie, comme nuisible, au commerce, à l’agriculture, aux arts et métiers et à l’industrie même, que la nation, comme le souverain, doivent protéger. Art. 5. La suppression de la loterie royale de France. Art. 6. La suppression de tous privilèges exclusifs quelconques, sauf aux Etats provinciaux à encourager les établissements nouveaux par des avances de fonds. Art. 7. La révocation de l’édit des hypothèques de 1771, ou au moins la rectification des articles qui autorisent les créanciers de rentes, quoique délégués, à en exiger les capitaux, et qui fixent à trois ans la durée des oppositions au sceau ; à l’effet de quoi supplier Sa Majesté d’ordonner que les créanciers en rentes déléguées ne pourront en exiger les capitaux et que le sceau des lettres de ratification ne pourra leur faire préjudice ; ce qui pourtant n’aura lieu dans les décrets forcés, à l’égard desquels il en sera usé comme par le passé, et d’ordonner au surplus que la durée de l’opposition au sceau demeurera fixée à six ans. Art. 8. Un abonnement pour les droits de contrôle, centième denier, insinuation, papier et parchemin timbrés, droits de greffe, épices et autres semblables, que les Etats provinciaux feront régir par les personnes qu’ils choisiront, d’après une règle sûre et invariable, pour la perception de ces droits. Art. 9. Que les octrois des villes, bourgs et municipalités seront par eux régis, parce que les Etats provinciaux détermineront la quotité que chaque ville, bourg ou municipalité doit supporter, relativement à sa richesse et à sa population, ainsi que la partie qui doit rester à la municipalité pour les dépenses indispensables des ouvrages et bâtiments publics, de son illumination, du maintien de la police, de l’acquit de ses dettes et charges, et l’autre partie être versée dans la caisse générale des Etats. Art. 10. Que les villes, bourgs et municipalités soient autorisés à former de nouveaux tarifs pour leurs octrois, après avoir néanmoins obtenu le consentement des Etats provinciaux sur ces nouveaux tarifs. Art. 1 1 . Que les provinces laissent passer librement et sans droits les denrées et marchandises qui viennent d’une province à l’autre; que les seules marchandises arrivant de l’étranger soient assujetties aux droits dans le royaume ; que ces droits soient établis d’une même perception dans chaque province frontière, et que ces marchandises étrangères, une fois entrées, aient leur circulation libre dans l’étendue du royaume. Art. 12. Que les Etats provinciaux établissent les messageries utiles et nécessaires, pour l’avantage et la sûreté du commerce et des voyageurs aux conditions qu’ils regarderont comme plus avantageuses, et qu’ils fixent le prix des chevaux pour chaque poste. Art. 13. Qu’ils aient le droit de nommer un ou plusieurs trésoriers, aux conditions, appointements et honoraires qu’ils croiront convenables. 500 [Etats gén. 1789. Cahiers.] Art. 14. Qu’il soit, pour remplacement des impôts supprimés et pour fournir aux dépenses de l’Etat, formé deux seules impositions, l’une sous le nom de subvention territoriale et foncière, et l’autre sous le nom de subvention personnelle. Art. 15. Que la répartition de l’imposition foncière et territoriale soit faite également sur tous les biens du royaume et sans distinction ; qu’il en soit de même pour la subvention personnelle sur tous les habitants, de quelque ordre qu’ils soient, sans distinction de privilèges, dans la proportion de leur richesse et de leur état ; parce que dans cette subvention personnelle on aura plus d’égard aux familles nombreuses qu’à celles qui le sont moins, et à ces dernières qu’aux célibataires, et que la répartition sera proportionnellement plus faible pour les moindres fortunes que pour les plus considérables. Art. 16. Que les habitants des villes supportent une plus grande part, dans la subvention personnelle, que ceux des campagnes, d’autant que, dans l’hypothèse de la suppression des impôts ci-dessus, les villes en profitent davantage que les campagnes, qui sont sans commerce intéressant et sans manufactures. Art. 17. Que les impositions soient versées par les receveurs particuliers que les Etats nommeront, dans la caisse des trésoriers, qui les feront remettre directement au trésor royal. Art. 18. Que chaque département puisse faire acquitter par les trésoriers de chacune des provinces les sommes que le gouvernement a à y remettre lui-même pour la solde et le payement des troupes et autres dépenses, et que les mandats acquittés vaillent comme du comptant au trésor royal. Art. 19. Que les Etats provinciaux, en choisissant leur receveur particulier, remboursent les places de finances ou en fassent l’intérêt au denier vingt, jusqu’au jour du remboursement. Art. 20. Que l’administration des bois et forêts, appartenant au Roi, soit confiée aux Etats provinciaux, pour les faire repeupler, y réunir les portions distraites et faire planter les places vagues qui s’y trouvent et les entourent, à charge de payer au gouvernement le même revenu net qu’il en relire, et de rembourser, dans un temps qui serait fixé, l’évaluation des charges des officiers et d’en faire l’intérêt au denier vingt jusqu’au jour du remboursement. Art. 21. Que les Etats provinciaux fassent détruire, dans les bois dont l’administration leur serait confiée, les bêtes fauves, pour qu’elles ne puissent ravager les campagnes voisines. Qu’il en soit usé de même par. les seigneurs particuliers, qui demeureront responsables des dommages et intérêts des habitants des campagnes , s’ils ne forment pas suffisante clôture autour des bois où ils entendraient conserver des bêtes fauves. Art. 22. Qu’il soit nommé tant par le Roi que par les Etats provinciaux une commission qui règle sans frais et irrévocablement, sur les mémoires respectivement fournis, les domaines de Sa Majesté dans les provinces, tant en fonds que cen-sives et tenures. Art. 23. Que cette même commission ait le pouvoir de régler également les questions relatives aux droits des seigneurs et des habitants sur les palus, marais, communaux et autres biens de cette nature. Art. 24. Que lesbiens domaniaux, une fois bien constatés, soient affermés pour neuf ans, au profit du Roi et suivant l’usage des provinces, par la commission intermédiaire des Etals, sauf à laisser subsister les concessions faites par le Roi, pendant [Bailliage de Caen]. vingt-quatre ans ou pour la durée de son règne* aux charges par les engagistes de rembourser sans récompense le prix des anciennes finances. Art. 25. Que si le Roi demandait à aliéner à perpétuité tout ou partie de ses domaines, pour l’acquit des anciennes finances et de partie des dettes contractées par l’Etat, que les Etats généraux y donnent leur consentement, les députésde la province demeurent autorisés à le donner eux-mêmes. Art. 26. Que les biens communaux soient défrichés et partagés; que, pour ceux qui seraient à dessécher, on en prélève une part pour les personnes qui en feraient les frais, dans le cas où la communauté n’aurait pas, dans le temps qui lui serait déterminé, fait le dessèchement. Art. 27.- Que, dans le partage à faire, on ait plus d’égard aux pauvres familles qu’aux grands propriétaires, et que, si ce partage ne s’effectue pas par feux, du moins on donne pour chaque feu une avant-part avant d’en venir au partage au pied-perche des propriétés. Art. 28. Qu’il soit toujours fait dans chaque communauté une distraction de biens communaux, qui seront affermés au profit des pauvres, pour subvenir à leurs besoins dans les temps de calamité, leur acheter des bestiaux, leur procurer des linges et vêtements et leur fournir ce qui leur sera nécessaire en nature, sans jamais leur rien donner en argent, parce que si les biens communs n’étaient pas jugés par la commission intermédiaire susceptibles de division, relativement à l’étendue de terrain et à la quantité d’habitants, ces biens resteraient au profit des pauvres, sauf la distraction d’une partie pour les frais de dessèchement ou mise en valeur. Art. 29. Que le droit de parcours que peuvent avoir quelques seigneurs sur les biens communs soit anéanti, en les remboursant par la communauté, sur le prix de l’évaluation, qui sera faite par la commission intermédiaire des Etats provinciaux. Art. 30.' Gomme le Roi est, au droit de Sa couronne, le protecteur de tous les bénéfices, qu’il soit reconnu par la nation qu’à ce titre la nomination de tous les grands bénéfices lui appartient de droit, sans que les pourvus soient obligés de recourir à Rome pour en obtenir des bulles, et qu’en conséquence les droits d’annates et autres semblables soient anéantis, ainsi qu’il a été déjà demandé dans différents Etats généraux. Art. 31. Que les primats des provinces reçoivent les résignations, accordent les provisions par mort ou autres semblables. Art. 32. Que chaque évêque, dans son diocèse, donne à l’avenir les dispenses pour les mariages et. autres de ce genre, sans recourir à la cour de Rome, et que les dispenses soient accordées sans autres frais que ceux de l’information, sauf aux personnes qui les obtiendront à donner, d’après exhortation, des aumônes qu’elles aviseront bien. Art. 33. Que le droit de déport, comme nuisible à l'agriculture et aux intérêts de chaque paroisse, soit aboli, sauf à pourvoir, s’il est jugé nécessaire, à l’indemnité des évêques et des archidiacres, par l’union de quelques prieurés ou abbayes eu com-mende. Art. 34. Qu’à l’avenir l’ecclésiastique n’ait qu’un seul bénéfice, comme le militaire un seul gouvernement et le magistrat une seule charge, afin que plus de personnes jouissent de la récompense due à leur état, qu’elles en remplissent mieux les fonctions, pourquoi la résidence leur sera expressément ordonnée. Art. 35. Que les biens des ecclésiastiques soient ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES affermés publiquement et après annonces et publications; que leurs baux comprennent les clauses qui sont d’usage pour les biens des propriétaires; que les avances et pots-de-vin soient défendus, et que les baux soient entretenus par le nouveau titulaire, sauf aux bénéficiers à jouir par eux-mêmes. Art. 36. Que les coupes des bois des ecclésiastiques soient réglées comme celles des propriétaires, soumises à l’inspection des Etats provinciaux, qui régleront la quantité qui devra rester en futaie, dont les ecclésiastiques ne pourront disposer, ainsi que des balivaux, que d’après le consentement du Roi, qui sera donné sur l’avis delà commission intermédiaire des Etats. Art. 37. Que le clergé soit tenu d’acquitter les dettes qu’il a contractées, et qu’à cet effet il soit autorisé à vendre de ses biens jusqu’à la concurrence de l’acquit de ses dettes et de la manière qui sera déterminée par les Etats généraux. Art. 38. Qu’il soit formé pour les pauvres, les vieillards et les orphelins des campagnes des hospices de bienveillance et de charité, dans les maisons conventuelles à supprimer, aux termes de l’édit de 1768, et que les revenus qui en dépendent soient réunis à ces hospices. Art. 39. Que la commission intermédiaire ait l’inspection sur tous les hôpitaux, maisons de force et autres établissements de leurs environs, et que l’administration en soit confiée aux membres de la municipalité plus voisine. Art 40. Que les charges de judicature cessent d’être vénales ; qu’on conserve néanmoins les officiers existants, parce que, lors de la démission ou de la vacance, les provinces les rembourseront, ou leurs héritiers, du prix de leurs charges, sur l’évaluation qu’ils en auront faite, ou suivant le contrat d’acquit, ayant égard aux frais de contrat et de provisions/ Art. 41. S’il y a nécessité de remplacement, le corps dont l’officier démis ou décédé faisait partie nommera six personnes, et l’ordre des avocats du même siège, six, afin, par l’assemblée de département de l’arrondissement et par les officiers municipaux de la ville où se fera le remplacement, tant en exercice qu’anciens, de présenter au Roi trois de ces personnes, pour en être choisi une, à laquelle Sa Majesté accordera des provisions. Art. 42. Que les Etats provinciaux fixent et fassent payer les honoraires de ces nouveaux juges, qui ne pourront prendre aucunes épices ni émoluments, sous quelque prétexte que ce puisse être. Art. 43. Que les hautes justices, créées en 1702, soient supprimées et les seigneurs des anciennes justices patrimoniales priés d’y renoncer, pour le plus grand avantage du bien public. Art. 44. Que les facultés de droit ne puissent accorder de licences qu’après trois années d’études suivies et non interrompues, sous peine par les professeurs qui donneraient des certificats d’études contraires au vrai, d’être destitués de leurs places. Art. 45. Que dans les provinces qui sont régies par le droit coutumier, chaque faculté de droit soit composée d’un professeur des lnstitutes de Justinien, d’un professeur de droit public, d’un professeur de droit coutumier, d’un professeur des ordonnances du royaume et d’un professeur du droit ecclésiastique français ; et que les aspirants à la licence soient tenus de prendre, dans le cours de leurs trois années d’études, des leçons de ces différents professeurs et d’en rapporter des certificats, pour être promus aux degrés, d’après exercice sur chaque partie, PARLEMENTAIRES [Bailliage de Caen.] 501 Art. 46. Que les arrondissements des sièges royaux soient mieux formés et déterminés, pour que les justiciables soient plus rapprochés du siège qui devra les juger. Art. 47. Que les compétences des présidiaux et des juges consuls soient augmentées. Art. 48. Que la déclaration du 1er avril 1759, qui attribue aux bailliages secondaires et hautes justices la connaissance des affaires consulaires, soit rapportée. Art. 49. Qu’aux termes de l’ordonnance de 1673 les faillis ne puissent déposer leur bilan ailleurs que dans le lieu de leur domicile, au greffe des juridictions consulaires, s’il y en a, et, à défaut, au greffe de la juridiction consulaire plus voisine. Art. 50. Que Sa Majesté soit suppliée de ne point accorder de lettres de surséance aux débiteurs que sur l’avis des chambres de commerce ou des juges de juridiction consulaire, dans les endroits où il y en a, et au défaut des officiers municipaux, et qu’elles ne puissent être renouvelées sous quelque prétexte que ce puisse être -'que sur le consentement du tiers en somme des créanciers du débiteur dûment certifié des juges consuls ou des officiers municipaux. Art. 51. Qu’il n’y ait aucunes maisons privilégiées pour les banqueroutiers et faillis. Art. 52. Que Sa Majesté soit suppliée de ne point arrêter définitivement de traité de commerce avec les nations étrangères, sans avoir permis provisoirement aux chambres de commerce de lui en représenter les avantages ou les inconvénients. Qu’elle soit également suppliée de prendre en considération les résultats désavantageux à tout le commerce français du traité de commerce fait avec 1 Angleterre, et que les dentelles de soie soient introduites en Angleterre sur le même taux que les gazes de soie anglaises le sont en France. Art. 53. Que l’arrêt du 30 août 1781, concernant les colonies, soit révoqué comme nuisible à la navigation et au commerce. Art. 54. Qu’il soit pourvu par tous les moyens que la nation et les places de commerce pourront indiquer, soit par primes ou autres moyens, à l’encouragement du cabotage français. Art. 55. Que Leurs Majestés et la famille royale soient suppliées de ne faire usage que des objets provenant des manufactures françaises. L’exemple que le souverain et les grands voudront bien donner influera nécessairement sur l’esprit national; et nous devons suivre en cette partie les 1 usages de nos voisins, puisqu’ils sont relatifs à notre intérêt particulier et au plus grand avantage de nos manufactures. Art. 56. Qu’il soit accordé des primes aux laboureurs et propriétaires qui auront les plus beaux troupeaux, les plus belles râces de chevaux, et qui conserveront pendant assez de temps leurs étalons, pour qu’ils soient plus utiles à leurs environs, afin d’étendre de plus en plus ces branches de commerce si utiles à la nation. Art. 57. Qu’il soit accordé des primes aux propriétaires qui feraient des plantations en futaies considérables de chêne, de larix ou mélèse et de châtaignier. Art. 58. Qu’il soit encore accordé par les Etats provinciaux des primes ou avances de fonds à ceux qui s’occuperaient à la découverte des mines et particulièrement à celles de charbon de terre. Art 59. Que les Etats provinciaux soient autorisés à déterminer les indemnités dùes aux propriétaires des terrains voisins des ardoisières qui peuvent exister dans la province, afin que le propriétaire du terrain où existe l’ardoisière puisse fa- 502 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen. cilement l’exploiter, ainsi qu’il a été statué par un arrêt du conseil rendu pour la province d’Anjou. Art. 60. Qu’il y ait des juges de paix dans chaque municipalité, sous la présidence du curé et du seigneur, pour régler et terminer les contestations relatives aux usurpations, dommages, injures et autres questions minutieuses de cette espèce, lesquels juges de paix seront choisis par les curés et seigneurs dans les trois municipalités voisines. Art. 61. Que la municipalité de chaque ville de bailliage reçoive sans droits et conserve de môme les fonds de consignation ordonnés, à l’effet de quoi la caisse sera déposée à l’hôtel de ville, fermée de trois clefs différentes, dont une aux mains du lieutenant général du bailliage , l’autre en celles du procureur du Roi et la troisième restera à l’échevinat. Représentations particulières et doléances de la ville de Caen. Art. 1er. Que la ville de Caen soit maintenue dans la propriété de tous les murs, fossés et remparts et de toutes les places qu’elle renferme et qui l’environnent, ses citoyens ayant fait autrefois toutes les dépenses des fortifications et ayant entretenu celles qui existent jusqu’à ce jour. Art. 2. Que les maisons par elle inféodées, sur le champ de foire, restent assujetties au casernement des troupes, ainsi qu’il a toujours été d’usage et qu’il est porté par le contrat d’inféodation, et que les commissaires des guerres ne puissent, en cas d’insuffisance des casernes actuellement construites, choisir ni louer des appartements étrangers pour ce casernement qu’autant que les loges seraient encore elles-mêmes insuffisantes, et après avoir pris le consentement et l’avis de la municipalité, sur l’emplacement et le prix de la location. Art. 3. Qu’il ne soit point entrepris de prolongement nouveau pour les casernes, comme inutile et trop dispendieux, jusqu’à ce que, d’après l’avis de la municipalité, les Etats provinciaux aient statué sur ce qu’il serait plus convenable de faire. Art. 4. Que les ingénieurs en chef et tous autres ne puissent faire agréer par le gouvernement et les Etats provinciaux le plan d’aucuns ouvrages publics pour la ville, que ces plans n’aient été communiqués au corps municipal� déposés pendant un temps compétent dans le lieu le plus apparent de l’hôtel, pour que, d’après l’avertissement des officiers municipaux , les citoyens • puissent en prendre connaissance et y faire leurs observations. Si ces précautions importantes eussent été prises, le corps des juridictions n’aurait sans doute pas été construit à l’extrémité de la ville ; un. pont de bois, formé dans une ville entourée de toutes parts de carrières de pierre et dans l’éloignement des bois, et le nouveau pont tournant, sur le canal, placé vis-à-vis le clocher des Carmes, au lieu de l’avoir mis en face de la rue de ce nom la plus régulière de la ville ; ce qui est en même temps contraire à son embellis-ement particulier, à la commodité du commerce et à la santé des habitants. Art. 5. Que la navigation de la rivière d’Orne offrant aux contrées qu’elle arrose et fertilise des avantages utiles non-seulement à la ville de Caen, mais encore à une grande partie de la Normandie, de l’Anjou, de la Touraine et à toutes les provinces voisines de la Loire, les négociants et armateurs de Caen et les citoyens en général demandent que cette rivière soit rendue navigable jusqu’à sa source, pour être jointe par un canal à la rivière de Sarthe, près Alençon ; alors sa communication avec la Loire et la Manche serait facile à établir. Cette navigation intérieure deviendra de la plus grande utilité pour l’agriculture et le commerce en vivifiant un pays d’une grande étendue, qui, par la bonté de son sol, n’a besoin que de débouchés pour parvenir à la plus grande culture : cette navigation sera également très-utile au gouvernement, surtout en cas de guerre, par l’avantage d’une communication intérieure, du nord au midi de la France, sans entrer dans l’Océan. Art. 6. Qu’il ne soit fait à l’avenir qu’un seul et même rôle de capitation ou subvention personnelle pour tous les habitants, sans distinction d’ordres ni de privilèges, et que la répartition pour la ville s’en fasse en présence d’un ou plusieurs membres de la commission intermédiaire de département, du corps municipal et de députés de chaque paroisse. Art. 7. Que, dans le cas où le régime actuel des corporations d’arts et métiers subsisterait, les veuves des maîtres décédés ne seront plus assujetties à aucuns droits pour continuer la profession de leurs maris, et que les enfants des maîtres seront reçus gratuitement, donnant des preuves de talent et de capacité ; que les enfants des renfermés seront reçus gratuitement, en faisant chef-d’œuvre, aux termes de l’article ....... des lettres patentes du ..... , et qu’au surplus les rentes et charges des anciens maîtres soient acquittées par l’Etat. Art. 8. Que le régiment d’Artois soit tenu de rétablir l’entreprise par lui faite sur la commune de Vaucelles, en résultance du mémoire présenté par le corps municipal, d’après le vœu formé dans son assemblée générale du ....... Art. 9. Qu’il soit une ou plusieurs manses de maisons conventuelles à supprimer, aux termes de l’édit de 1768, pour subvenir aux plus grandes dépenses indispensables de la maison des renfermés, de l’Hôtel Dieu et de l’Hôpital général, afin que les pauvres et les infirmes de tout genre puissent être secourus et la mendicité, abolie et détruite dans la ville. Art. 10. Qu’il soit accordé aux curés de la ville de Caen en général une pension sur les premières abbayes vacantes de l’arrondissement du bailliage, pour que les curés des principales paroisses aient pour eux et leurs vicaires 3,000 francs de revenu, et ceux des paroisses moins nombreuses, 2,400 francs, parce qu’ils ne prendront aucuns droits pour les baptêmes, mariages et sépultures, et que l’Etat de la pension en général sera fixé après que les pensions congrues et autres revenus des curés seront établis. Art. 11. Que les anciens officiers municipaux soient appelés à l’avenir aux assemblées générales de la ville. Art. 12. Que les non catholiques, très-nombreux dans la ville de Caen, qui forment les maisons principales de commerce et qui sont pour ainsi dire isolés, par le défaut de chambre de commerce, puissent, de ce moment et en attendant que le gouvernement, d’après sa promesse, ait plus particulièrement étendu les lois qui les concernent, être élus juges consuls et officiers municipaux. Art. 13. Qu’il soit établi dans la ville de Caen une école gratuite de dessin, extrêmement intéressante pour tous les ouvriers de la ville et pour ceux qui en partent pour aller travailler dans la capitale. Art. 14. Qu’il soit rendue la municipalité la compétence qu’elle a eue dans les siècles précé- [Etats gen. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Caen.] 503 dents et qui lui appartient de droit sur les arts, métiers et corporations, ainsi que l’inspection sur les manufactures, avec les conseils de prud’¬ hommes ci-devant établis, afin que les préposés des douanes générales ne puissent troubler les citoyens et les étrangers qui viennent à la foire franche, pour raison des marchandises qu’ils fabriquent et vendent. Art. 15. Que la ville, chargée de payer les frais des illuminations et faire les adjudications relatives à la netteté et propreté des rues, ait le droit exclusif de police sur ces parties, ainsi que pour l’incendie, les spectacles, l’approvisionnement des halles, la taxation du prix du pain, les alignements sur un plan irrévocablement arrêté et Je pavage des rues. Art. 16. Que, dans le cas où le bail des fermiers généraux ou autres raisons s’opposeraient à la suppression actuelle de la gabelle et obligeraient de maintenir cet impôt destructeur, jusqu’au moment d’expiration dudit bail, il soit établi un endroit commode au commerce pour y déposer les sels que les navires pourraient rapporter après la pêche de la morue, du maquereau et du hareng, alin que ces sels puissent être remis aux négociants, lorsqu’ils réarmeront pour la pêche suivante et que les salaisons du maquereau et du hareng puissent se faire à Caen, afin d’en appro-visionnner la basse province, le Perche, le Maine et les autres provinces voisines. Art. 17. Que, pour accélérer et faciliter ces salaisons intéressantes pour le. commerce delà ville et de ses environs, et pour encourager les pêches en général, le premier chemin à ouvrir soit celui qui de Caen se dirigerait vers Courseuilles, Ber-nière et Langrune, qui sont les paroisses des environs les plus nombreuses en matelots ; et, pour donner plus d’encouragement aux pêcheurs, que tous les droits, soit d’entrée ou passage dans tous les lieux, seronl supprimés. Art. 18. Que, dans le cas où on ne porterait pas pour le présent à la suppression de tous les impôts, comme ci-dessus, les droits sur les cuirs soient particulièrement supprimés, et le droit établi sous le nom de trop-bu, aboli. L’impôt sur les cuirs, une des manufactures les plus essentielles et les plus intéressantes du royaume, a anéanti un grand nombre de tanneries “dans cette ville. Il est diminué de plus des deux tiers. La rigueur de la perception du droit, l’exercice continuel et vexatoire des employés est encore une des causes destructives de ce commerce -, et qu’on ajoute à la suppression du droit la permission aux cor-royeurs d’user librement et sans droits du sel déposé dans les magasins, suivant l’article 16. Art. 19. Que les droits sur les papiers et cartons soient supprimés ; ces droits sont destructeurs des papeteries ; la perception de ce droit et l’exercice des employés sont également inquiétants et fatigants pour le manufacturier et pour le marchand, produisant peu ou point du tout à l’Etat, parce que le Roi et l’Etat supportent ces droits sur la consommation qu’exigent toutes les parties de l’administration, �et le produit tourne tout à l’avantage et pour les frais de la régie. De plus, les papiers de nos manufactures pouvant être transportés à l’étranger, sans payer aucuns droits, établissent en faveur de l’étranger une concurrence désavantageuse pour nos imprimeries nationales. Art. 20. Que les lois prohibitives de l’exportation à l’étranger des chiffons, issues de bestiaux, vieux câbles et autres matières nécessaires à la fabrication du papier, soient remises en vigueur, et qu’il en soit usé de même par rapport aux matières premières utiles à nos fabrications. Art. 21. Que les cuivres venant de Suède ne soient assujettis à aucuns droits d’entrée, pour donner à nos manufactures en ce genre une concurrence égale aux fabriques étrangères. Art. 22. Que les amidonneries ne puissent être établies dans le centre des villes ; qu’elles ne soient établies qu’à l’extrémité des villes, qu’à des endroits qui ne laisseraient aucune crainte pour la salubrité de l’air. Que les amidonniers ne puissent se servir que de farine de Fèves pour leur fabrication et n’user que du charbon de terre pour leurs fourneaux. Art. 23. Que les droits de contrôle, centième denier, insinuation, etc., étant excessifs, surtout pour les actes de famille, comme contrats de mariage, partages et avancements de succession, les droits sur ces sortes d’actes devraient être réduits à des sommes légères, fixées par un tarif qui ne pourrait être interprété qu’en faveur des parties, ce qui causerait une grande tranquillité dans les familles, assurerait leurs droits, en occasionnant de passer ces actes devant notaires et empêcherait que des créanciers légitimes ne fussent exposés à perdre leurs créances par la substitution surtout des contrats de mariage. Art. 24. Que la milice soit supprimée et la paye du soldat seulement augmentée. Art. 25. Que Sa Majesté sera suppliée de permettre la liberté de la presse, aux modifications qu’elle et les Etats généraux jugeront convenables et nécessaires pour en prévenir les abus. Art. 26. Qu’il soit pourvu aux moyens propres à rendre les aunages, poids et mesures égaux dans tout le royaume Art. 27. Que,' dans chaque municipalité de campagne, il soit formé un ou plusieurs chemins principaux pour l’exploitation des terres, pour la communication de paroisse à paroisse et de là à la grande route , et que ces chemins soient entretenus aux frais de chaque communauté, sans en charger les riverains et bordiers ; que les chemins inutiles soient supprimés, d’après la formation et conservation des nouveaux. Fait et arrêté double, lu et accepté en assemblée générale par députés, de ce jour 4 mars 1789, et signé : Fouache, Le Brun, Brot, Àgasse, de Lo-mont, Pitet le jeune, Saint-Vincent père, Grevel, Hubert, Picot, Ûourcelles, Bertot, Lemoine, Caha-gnet, Ailain, Louis Lamy, Ghâtry de la Fosse l’ainé, Ghâtry de la Fosse le jeune, Moisson l’aîné, Amiel, Chalopin, Manoury le jeune, de Gussy, Picard de Prébois, de Chappedelaine, Chibourg, Desfontaines, Deschamps, Du Quesney, Le Goupil, Ducios, Le Ganu, Costy, Bardel, Saffray, Ouistre Dupré, Desmarres, Bazire, Lehérisson, Brebam, Brout, Huard, Le Baron, Breche, Berrurier, Fril-ley, Vincent, Lepetit, de Couture le jeune, Four-nès, Gillet, Aubert, Debleds, Gh. Angot, François Tostain, Chesnon, Lafontaine Dros, Fauconnier, Goupil, Lejeune, Le Bugle le jeune, Chauvin l’ainé, Hervieu, Homo, Daubert, Lemarchant le jeune, Qouy le jeune, Gouy l’aîné, Duperré, Philippe, Cairon, Er. Saffray, Lair, La Rue, de Dampierre. Le présent cahier, contenant 23 pages, la présente y comprise, et le double en contenant 33, ont été cotés et signés par nous, maire de ladite ville de Gaen, ce 4 mars 1789. Mesnage de Cagny.