ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 453 [États généraux.] « Les commissaires ayant accepté, il leur a été délivré le présent extrait. Signé, Del avigne, vice-président; Garnier, vice-secrétaire. » M. le Président a répondu : [Messieurs, l’Assemblée remercie MM. les électeurs du tiers-état de Paris des sentiments qu’ils lui ont témoignés par votre organe. Nous sommes charmés que vous soyez ici les témoins du zèle qui nous anime pour le bien public, et vous redirez aux dignes citoyens qui vous envoient vers nous que les ordres sont en partie réunis, et que nous espérons qu’ils le seront bientôt complètement. MM. delà députation ont été invités à s’asseoir, et à assister à la séance. M. Bouclîotte, commissaire du comité de vérification, a dit que le comité avait eu sous les yeux les pouvoirs remis par MM. Cousin, curé de Cucuron ; Guédant, curé de Saint-Trivier; Bottex, curé de Neu ville-sur-Ains ; Périer, curé d’Etampes ; Vallet, curé de Gien; Tridon, curé de Rougères ; Blandin, curé deSaint-Pierre-le-Puellier ; üelettre, curé deBerny-Rivière; le vicomte deToulongeon, le comte de Grillon, le vicomte Désandrouins, le duc d’Orléans, le marquis de Biencourt, le comte de Montmorency, le chevalier de Maulette, le comte de Lally-Toliendal, le marquis de Latour-Maubourg. Que ces différents pouvoirs étaient sans contradiction, et avaient paru en bonne forme. L’Assemblée a reconnu les députés ci-dessus nommés pour légitimes. M. Bouchotte a dit que M. le comte de Lally étant absent en ce moment, il croyait devoir lire un projet de discours joint à ses pouvoirs que l’Assemblée venait de vérifier. Ce discours a été lu ; il est de la teneur suivante : c Messieurs, je me présente à cette auguste Assemblée, adhérant de cœur et d’esprit à ses dispositions, mais n’étant point maître de ma volonté sur tous les objets. Je viens me soumettre à une vérification commune. Elle a toujours été dans mes principes, ainsi que dans-mon cœur, et elle ne m’était pas interdite par mon mandat. « Malheureusement ce mandat ne m’a pas laissé aussi libre sur l’opinion par tête. Il est possible qu’il paraisse moins limitatif à d’autres députés dont je respecte la délicatesse autant que je crois à la mienne, et dont les vertus et les lumières doivent rendre l’opinion imposante. Mais l’obligation qu’entraîne un serment dépend de l’idée qu’on y a attachée en le prêtant. Or, dans l’instant où j’ai prêté le mien, je me suis cru, et je me crois, encore invinciblement enchaîné à l’opinion par ordre. « On ne transige point avec sa conscience. C’est elle qui m’a impérieusement ordonné la démarche douloureuse, consolante et sacrée à laquelle je viens de me déterminer; mais c’est elle aussi qui m’ordonne, non moins impérieusement, de retourner à mes commettants, et de leur demander de nouveaux pouvoirs. « S’ils sont conformes aux vœux de mon cœur, et, je ne crains pas de le dire, aux besoins de la patrie, je reviens, Messieurs, m’éclairer par vos lumières, m’enflammer par vos vertus, et joindre ma faible contribution à ces immenses et glorieux travaux par lesquels vous allez assurer le bonheur de la France, celui de tous les ordres de ses citoyens, et celui du monarque si digne de leur amour. « Si ma liberté ne m’est pas rendue, alors, Mes-[26 juin 1789.] sieurs, je remets avee résignation à mes commettants une mission que je ne croirais plus pouvoir remplir fructueusement, et mes vœux, mes regrets, mes respects vous suivront de loin dans votre noble carrière. « Ma résolution est invariable. Je ne sais, Mes�- sieurs, si ma conduite vous paraît fondée, mais j’ose vous assurer que mon motif est pur; et si c’est une erreur, je demande votre indulgence pour une erreur de la probité. « Je vous prie de vouloir bien me donner acte du discours que je laisse signé sur le bureau, en y laissant mes pouvoirs. « Dans la salle de l’Assemblée nationale, ce vingt-cinq juin mil sept cent quatre-vingt-neuf. Signé, le comte de Lally-Tollendal, député des citoyens de la ville de Paris. M. Fréteàu observe que l’Assemblée ne devait pas donner acte de cette déclaration ni permettre que M. de Tollendal se retirât devers ses commettants avant que l’Assemblée eût statué sur cet objet. M. Target demande qu’on prononce sur-le-champ sur les pouvoirs impératifs. L’Assemblée renvoie à statuer sur ces propositions jusqu’après la vérification des pouvoirs. M. de Lally-Tollendal est entré, et a dit : Messieurs, j’ai regretté que ma santé m’obligeât de m’absenter pendant quelques instants de cette Assemblée, et qu’un autre que moi ait eu l’honneur de vous lice la déclaration que f’ai cru devoir déposer hier sur le bureau en même temps que mes pouvoirs. Messieurs, les considérations les plus pressantes, des considérations qui me sont personnelles, et qui pesaient également sur ma conscience et sur mon cœur, m’ont forcé de sortir de ligne pour vous faire cette déclaration. Personne ne devait être plus sévère que moi sur l’engagement par lequel je me crois encore lié. Personne ne l’avait vu aussi obligatoire que moi ; personne ne Pavait défini comme je l’ai défini devant l’ordre entier de la noblesse, dans ma motion dp vingt-neuf du mois dernier. Je dois le dire ici publiquement par respect pour mon devoir , pour l’Assemblée et pour mes collègues. J’espère, Messieurs, que cette déclaration a trouvé grâce à vos yeux. Peut-être mon zèle ne vous est-il pas entièrement inconnu. Peut-être quelques-uns de mes efforts sont-ils parvenus jusqu’à vous, du moins jusqu’à plusieurs membres de cette illustre Assemblée, dont j’ai recherché les vertus et les lumières. J’ose vous assurer, Messieurs, qu’il m’a fallu plus de Courage pour vous annoncer un instant d’incertitude dans -ma position, qu’il ne m’en faudra jamais pour défendre vos intérêts, si j’en étais digue, dans les circonstances les plus difficiles. M. Bouclîotte reprenant son rapport, a dit que le comité avait eu pareillement sous les yeux les actes remis par MM. Blandin, député du clergé du bailliage d’Orléans, et Delettre, député du clergé; du bailliage de Soissons, qui ne consistaient que dans les procès-verbaux de leur prestation dé serment, où leur élection est énoncée, et que cesi actes étaient sans contradiction et en bonne forme] L’Assemblée a arrêté que MM. Blandin et Delettre rapporteraient les procès-verbaux de leur élection sous quinzaine, et que cependant ils auraient) séance provisoire, [États généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juin 1789.] 159 M. Boucholte a dit que MM. les députés des communes de Douai et ürchies avaient mis sous les jeux du comité le procès-verbal de leur élection, qu’il leur avait été ci-devant ordonné de rapporter, et qu’il avait été trouvé en bonne forme. L’Assemblée leur a donné séance définitive. M. Thibault , curé de Souppes, autre commissaire du comité de vérification , a dit que le comité avait eu sous les yeux les pouvoirs de M. Decoul-Jmiers, abbé d’Abbecourt, député de la prévôté de Paris, hors les murs, et qu’ils avaient été trouvés sans contradiction et en bonne forme. L’Assemblée a reconnu M. üecoulmiers pour son député. i M. Bluget, curé des Riceijs, autre commissaire, à dit que Je comité avait eu sous les yeux les pouvoirs remis par MM. Dumouchel, recteur de l’Uni-Versité de Paris, député du clergé de cette ville, Jpionisdu Séjour, le comte de Rochechouart, et le comte de Clermont-Tonnerre, tous trois députés de la noblesse de la même ville; d’Aguesseau, qéputé de la noblesse du bailliage de Meaux, le vicomte de Beauharnais, député de la noblesse du bailliage de Blois, et le marquis de Sillery, député de la noblesse du bailliage de Reims; qu’ils étaient sans contradiction et en bonne forme. ] L’Assemblée a reconnu les députés ci-dessus nommés, pour légitimes. i M. le comte de Clermont-Tonnerre a dit : Messieurs, notre mandat contient, comme mandat iimpératif, l’ordre formel d’obtenir une constitution; et l’énonciation des bases sur lesquelles elle doit être assise exige que nous opinions par ordre, (jt que nous soyons soumis à la majorité de notre Srdre sur cette question. Mais il est ajouté, dans le îême article du mandat, que les Etats généraux viseront dans leur sagesse à empêcher que le eto d’un des ordres ne s’oppose à la confection es lois qui intéressent le bonheur public. L’or-re où nous avons siégé d’abord ayant adopté le Veto de chaque ordre comme un principe consti-tptif de la monarchie, il nous devenait impossible de concourir aux délibérations d’une Chambre dont les principes s’opposaient évidemment à Inexécution des intentions expresses de nos commettants; mais il n’est pas de notre délicatesse de juger de nous-mêmes une question que l’obscurité de notre mandat rend problématique : et malgré ljes motifs puissants qui nous animent et le désir sirdent d’unir nos travaux aux vôtres, nous sommes obligés d’attendre que l’opinion de nos constituants nous soit plus clairement connue; et, jpsqu’à ce moment , nous prions l’Assemblée de permettre que , sans accepter de voix, nous opinions dans son sein. M. Hébrard, autre commissaire du comité de vérification, a dit que le comité avait eu sous les yeux les pouvoirs de MM. les députés du clergé et de la noblesse du Dauphiné, qui avaient ci-devant pris séance dans l’Assemblée, et qu’il était chargé de rendre compte de la réclamation formée contre ljeur députation, par quelques ecclésiastiques et gentilshommes de cette province, dont les détails étaient renfermés dans des mémoires imprimés, distribués à MM. de l’Assemblée. ÎA l’ouverture de ce rapport, MM. de la députa-on sont sortis du lieu de la séance, à l’exception e M. Pison du Galland, l’un des secrétaires, qui dit qu’il s’abstiendrait de délibérer. M. Hébrard, après avoir fait son rapport, a dit que le comité avait unanimement pensé que la réclamation était sans fondement. L’Assemblée a unanimement confirmé l’avis du comité, et déclaré la députation du Dauphiné légitime, sauf à prendre en considération la nouvelle constitution des Etats de province. MM. de Dauphiné sont entrés et ont dit, M. Fe Franc de Pompignan, archevêque de Vienne, portant la parole : Messieurs , nos expressions ne pourraient pas rendre la reconnaissance de la députation du Dauphiné ; mais permeltez-nousde vous dire que cette province a quelque droit à la confiance de l’Assemblée , par son zèle pour la chose publique. Il a été fait lecture du procès-verbal des séances des 15, 16, 17 et 19 de ce mois. M. lie Clerc de Juigné, archevêque de Paris , député du clergé de la ville de Paris, est entré, et a dit : Messieurs , l’amour de la paix me conduit aujourd’hui au milieu de cette auguste Assemblée. Agréez , Messieurs , l’expression sincère de mon entier dévouement à la patrie , au service du Roi et au bien du peuple : je m’estimerais trop heureux, si je pouvais y contribuer aux dépens de ma vie. Puissé-je concourir à la conciliation, si nécessaire, et que j’aurai toujours en vue ! Heureux encore, si la démarche que je fais en ce moment peut contribuer à cette conciliation, qui sera toujours l’objet de mes vœux! M. le Président a répondu : Monsieur, [l’Assemblée s’applaudit de votre présence. Il y a longtemps que nos vœux se portent particulièrement vers vous; et l’acte de paix et d’union que. vous faites aujourd’hui est la dernière couronne qui manquait à votre vertu. M. le Président annonce qu’on le prévient dans ce moment d’uue députation de ce qu’on appelle la majorité de la noblesse. Quelques personnes proposent de ne pas la recevoir. M. Fréteau. Je suis d’avis d’admettre ces députés comme un moyen d’amener la réunion si désirée. J’approuve les principes du 17 juin sur l’intégrité et l’indivisibilité de l’Assemblée nationale; et j’ai professé publiquement et hautement l’opinion que vous pouviez prendre le nom � — - d’Etats généraux. 11 faut les traiter comme des ' députés de la noblesse, quoique la connaissance que nous vous en attestons ne soit pas fondée sur un jugement , mais sur une vérification amiable et provisoire. M. le comte de Mirabeau. La fraternité est de devoir parmi tous les hommes, mais les principes seuls conservent tous les droits, eux seuls peuvent servir de base à la justice et même à la -f-... prudence. Les députés de la noblesse qui sont ici présents ont reconnu eux-mêmes que les pouvoirs ne pouvaient être jugés que dans l’Assemblée nationale, puisqu’ils sont venus lui soumettre les leurs ; ils ne peuvent donc pas répondre de la légalité des pouvoirs de la députation qu’on nous annonce; ils ne peuvent pas attester comme té� moins ce qu’ils ont jugé, sans en avoir le droit. Si donc l’Assemblée reçoit la députation, elle ne peut admettre les individus qui la composent que sous le titre de députés présumés de la partie non réunie de la noblesse. Get avis est adopté.