< 794 [Assemblée «àtionale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [îî octobre 1790. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 22 OCTOBRE 1790. Nota. Nous insérons ici plusieurs lettres qui se rattachent aux discussions dns 20 et 21 octobre, sur la question du renvoi des ministres. 11 nous a paru que ces documents devaient prendre place dans les Archives parlementaires. Copie de la lettre adressée au roi par les ministres de Sa Majesté , le 21 octobre 1790. « Sire, « Le vœu manifesté des représentants de la nation vous détermina, le 18 juillet de l’année dernière, à rappeler deux d’entre nous dans votre conseil. L’Assemblée avait déclaré solennellement qu’ils avaient emporté dans leur retraite l’estime et lés regrets de la nation. Vous voulûtes encore prendre dans le sein de l’Assemblée ceux que depuis vous avez associés aux premiers, et elle en a remercié Votre Majesté par l’organe de son président, qui lui dit, en son nom, qu’elles les aurait présentés elle-même. « Ces honorables suffrages nous étaient nécessaires pour espérer quelques succès; et, malgré la difficulté des circonstances, nous crûmes devoir n’écouter que notre zèle et notre dévouement. « Nous avions en nous-mêmes le sentiment de la droiture de nos intentions. Il nous fut peut-être permis de compter que la confiance publique nous accompagnerait près de vous, qu’elle ne pourrait nous être enlevée tant que nous y conserverions tous nos droits;. et la loi de la responsabilité, à laquelle nous étions soumis avant même qu’elle fût prononcée, semblait devoir nous mettre à l’abri des inculpations hasardées, mille fois plus dures que cette loi. « Ainsi, nous avons dû mépriser les traits de la calomnie, les dénonciations vagues et tout ce ui aurait pu nous distraire des soins importants e l’administration. ... « Ainsi nous avons dû nous exposer à la haine des ennemis de l’ordre et à la censure de ceux qui, ne jugeant les ministres que par les événements, n’apprécient ni les obstacles à vaincre, ni le nombre et le degré d’efforts qui ont été déployés contre eux. « Il est consolant, il est glorieux pour nous de pouvoir invoquer votre témoignage auprès de Votre Majesté elle-même. « Elle sait , elle a eu la bonté de nous le dire quelquefois, combien, dans une carrière hérissée de difficultés toujours renaissantes,!! nous a fallu de courage pour y persévérer et supporter le poids de nos places. « Elle sait qu’il a fallu nous oublier sans cesse nous-mêmes pour ne nous souvenir que de l’amour de Votre Majesté pour le bien des peuples, de l’importance de nos obligations et de notre dévouement à de si grands intérêts. « G’est dans les mêmes sentiments et dans les mêmes principes, qui nous ont fait un devoir sacré de tout sacrifice utile, que nous devons maintenant supplier Votre Majesté de prendre en considération s’il ne convient pas à ses intérêts ainsi qu’à la chose publique de choisir d’autres miuistres. « Nous avons lieu déjuger, par ce qui vient de se passer dans l’Assemblée nationale, que nous n’obtenons plus la confiance d’un grand nombre de ceux qui la composent; et quoiqu’elle ait, dans sa justice, rejeté le décret qui lui a été proposé, quoiqu’il n’ait été rien articulé de précis contre nous, quoique la généralité et l’amertume des imputations n'annoncent que l’impatience de fixer sur nous le tort des malheurs publics, et qu’il nous fût facile de rendre sensible la pureté de notre conduite, soit dans son ensemble, soit dans tous ses détails, cependant il peut résulter de l’éclat même de cette discussion, et du fantôme de méfiance que l’on cherche à susciter contre nous, une impression fâcheuse pour le bien de votre service < Daignez donc, Sire, peser dans votre sagesàé ce que la circonstance demande de vous. Daignez imposer silence à votre bonté naturelle et ne consulter que l’intérêt de votre personne et de votre administration. « Notre amour pour notre patrie et pour notre roi vivra toujours dans nos cœurs, et certes, quel que puisse être notre sort, nous mériterons toujours d'être comptés au nombre des bons citoyens de votre Empire. Nous sommes, etc. « L’archevêque de Bordeaux, La Luzerne, Guignard et La Tour-du-Pin. » Réponse du roi à la lettre qui lui a été adressée par ses ministres, le 21 octobre 1790. « Saint-Cloud, le 22 octobre. t. Je suis très touché des sentiments que vous me témoignez. Personne ne sait mieux que moi combien sont peu fondées les inquiétudes que l’on a conçues à votre sujet. Je vous ai toujours vus amis du peuple, de l’ordre, de la justice et des lois. Je prendrai en grande considération votre lettre; je ferai connaître à chacun de vous mes intentions, et j’attends de votre zèle pour le bien public et de votre attachement pour moi que jusque-là vous n’abandonnerez pas vos fonctions. Signé : Louis. ■ Lettre de M , de La Luzerne au roi. « Paris, le 23 octobre. «Sire, tous vos ministres ont mis sous vos yeux leur position et l’état des affaires publiques; mais j’ai plus particulièrement fait sentir à Votre Majesté qu’il m’est devenu impossible de lui rendre des services utiles dans le département qu’elle m’a confié. « Des désordres s’étaient d’abord répandus dans différentes provinces de la France, et s’y sont bientôt accrus. On a ébranlé ensuite la fidélité ou au moins la discipline de divers corps de troupes : aujourd’hui c'est dans les possessions les plus éloignées qu’on suscite des troubles; c’est parmi les équipages des escadres et ouvriers des ports et arsenaux qu’on a semé le germe de la licence et de l’insubordination. « Ges ports, ces arsenaux, ces escadres, on doit les regarder comme la véritable égide des colonies françaises; je prierai Votre Majesté d’agréer que je lui expose bientôt, dans un mémoire plus étendu, en quel état je les laisse, et que je lui rende un compte détaillé de mon administration ; mais je veux rapidement tracer une esquisse qui en présentera les résultats ; elle suffira pour