[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 février 1T90.] 835 sistance et leur refus : « gens d’églises ne nobles ne doivent moutes ne corvées et iront leur métayer et gens roturier demeurants es-lieux et féa-ges nobles audit moulin et four : car le privilège de non y aller descend des personnes et non pas des lieux. » « Le texte de ces coutumes prouve que la banalité est une servitude personnelle , puisqu’elles obligent de considérer la qualité des personnes et non pâs des lieuxi Le mode d’exaction et de perception du droit de mouture prouve encore plus clairement que cette servitude est personnelle. Elle est par conséquent abolie, puisque l'Assemblée nationale a déclaré les hommes égaux en droits, qu’elle a décrété que les droits qui tiennent à la mainmorte réelle au personnel sont abolis sans indemnité. « La banalité a retardé dans la France le progrès de mouture économique; elle a nui à la perfection de la construction des moulins ; elle a nui aux arts et à l’industrie ; elle a occasionné une perte de grains incalculable ; elle est enlin abolie. « Pourquoi faut-il que, dans le dessein d’alarmer les provinces, on publie que le droit de banalité sera compris dans la classe des droits rache-tables,et qu’il sera conservéet maintenu jusqu’à ce qu’on soit convenu du mode et du prix du rachat? « Le droit de mouture n’était-il pas le salaire que l’on payait au propriétaire du moulin qui convertissait les grains en farine ? Quand on ne l’emploiera plus, faudra-t-il encore le payer? faudra-t-il le payer pour être dispensé de l’employer, et pour faire soi-même, ou faire ailleurs ce qu’il faisait autrefois pour nous* et malgré nous ? N’aurait-on aboli les privilèges* le régime féodal et les servitudes personnelles, que pour laisser subsister des privilèges exclusifs et de contrainte des meuniers privilégiés ? « De quel poids peut être la réclamation des propriétaires ? on leur laisse leurs moulins, s’ils savent les entretenir, perfectionner la mouture, borner leurs profits -, ils seront assez occupés, et leur gain, plus légitime, sera la récompense de leur industrie et de leur fidélité. « Ce serait en vain que l’Assemblée nationale aurait détruit le régime féodal et aboli tous les droits qui tiennent à la servitude personnelle, si l’on convertissait toutes les exactions féodales en prestations pécuniaires. Quel propriétaire voudrait ou pourrait même payer pour rachat du treizième de banalité, et dé beaucoup d’autres droits aussi injustement établis, une indemnité qui égalerait la valeur capitale de ses fonds, ou se charger d’une prestation pécuniaire qui absorberait son revenu ? 11 nous semble qu’on ne peut proposer une indemnité pour l’abolition d’un privilège exclusif et de contrainte, établi par une autorité usurpée, pour le rachat d’un salaire qu’on payait à des artisans qui s’étaient déclarés ou fait déclarer privilégiés; qui auraient encouru la privation de leur privilège, s’il avait été légalement établi, et sur le compte desquels on ne changera l’opinion publique qu’en les dépouillant de ce privilège. « Arrêté en l’assemblée à l’hôtel-de-ville de Bernay, le 20 janvier 1790; Lindet, le Comte, le Cordier, Deurival, le Prévôt, Boivin, du Bois, Cauchois, Fouquai et Formage, secrétaires. « N. B. Les dispositions ide l’Assemblée nationale par rapport à la suppression des dîmes, ne sont pas encore connues ; mais quelles que puissent être les conditions de cet affranchissement, il est aisé de prévoir qu’elles seront infiniment avantageuses aux grands propriétaires. La noblesse y trouvera un dédommagement de son assujettissement aux charges publiques et de la suppression des bénéfices que lui procurait la servitude de ses vassaux. Au moment oû tous les citoyens font des sacrifices, la noblesse seule trouverait-elle le moyen d’acCroître ses revenus ? » Les députés extraordinaires de la communauté du bourg de Ceriziers, près de Sens, offrent à la nation une somme de 1,758 livres pour subvenir aux besoins de l’Etat; il§ adhèrent à tdüS lés décrets de l’Assemblée, rendent hommage à ses travaux qui leur procurent dé si grands bienfaits, et jurent d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l’ Assemblée, et âbcëptée pàb le roi. Un dès membres dè V Assemblée a fait part d’un dôtt patriotique des habitants dë Roissy, consistant en uhé somme de 7,200 livres. M.*** lit une adresse, signée de M; Beaulieu* acteur du théâtre du Palais-Royal. En voici la substance : « Je n’étais rien lorsqu’un de vos décrets a relevé mon âme, et m’a donné lë droit d’être quelque chose. Rendu à la société par l’abolition du préjugé sous lequel je gémissais, j’ai Saisi l’occasion qui s’est présentée de rendre hotnmàge ad décret par lequel vous avez attaqué Un autre préjugé... j’ai acquitté une detté, voilà tout le mérité de mon action... Devenu citoyen, je désirais porter aussi mon offrande sur l’autel de la patrie. Le faible produit de mon industrie, cohsàcrè à l’existence de ce que j’ai de plus cher, ne m’en offrait pas les moyens., Là générosité dé mes directeurs m’a tibé aë peine, èt je puis concilier aujourd’hui ce qüe je dois à ma famille et à mon pays. » M. Beaulieu dopne trois années d’une pension dé 400 livrés qui lui a été faite par les directeurs du théâtre du Palais-Royal, à l’époque de sdh action gënëfëuse envers M. AgaSsë lé jëüUe, en faveur dé qui il s’était démis de son gradé de lieutenant dU bataillon du district saint-Hdttorê. M. dë Follevillé fait une motion pour que le comité des rapports soit divisé en plusieurs sections et augmenté de 15 membres. Gette proposition rt’a pas de suite; Une députation de la commune deParis est introduite. M; Bailly, inairëj invite l’Àssemblêè hatîonële à un Te Dèunt et à la cérémonie dü serment civique. 11 prononce le discours suivant : * Messieurs, « La commune de Paris nous a député vers vous pour inviter l’Assemblée nationale à horid-rer de Sa présence le Te Deùin qui sera Chanté dimanche à Notre-Dame. La garde nationale y jurera de maintenir la Constitution, et d’être fidèle à la patrie et au. roi. Vous avez prêté les premiers ce serment, Messieurs, et je me félicite ue l’hoh-neur de l’avoir prêté avec vous. La commune, les districts, le peuple l’ont répété ; votre voiî sera partout entendue et partout répandue ; le cri de fidélité que l’Àssembléé nationale a proféré, và s’étendre d’un bout du royahme à l’aütre. Nous demandons que l’Assemblée soit à Notre-Dame le témoin de l’empressement avec lequel Ses exemples sont suivis dans la capitale, s M. le Président lui répond : 536 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 février 1790.] « L’Assemblée nationale, qui n’a point oublié que la commune de Paris a partagé avec elle les inquiétudes, les amertumes, les dangers de la Révolution, saisit avec empressement l’occasion de prendre part à la juste allégresse des bons citoyens de la capitale. Elle assistera en corps à la cérémonie qui doit avoir lieu dimanche prochain à l’église Notre-Dame. * .Les juges-consuls de Paris se présentent pour prêter le serment civique. M. le Président leur dit : « L’Assemblée nationale voit avec une véritable satisfaction, des citoyens recommandables par leur probité et par leurs lumières, utiles par des travaux précieux qui vivifient l’Etat, donner encore l’exemple de la fidélité et du respect pour les lois constitutionnelles de l’empire. Elle vous admet à la prestation du serment civique, dont je vais vous faire connaître la formule. » L’Assemblée reçoit des juges-consuls de Paris le serment civique. Une députation de Chauny est également admise à offrir un don patriotique consistant en bi-oux et boucles d’argent. M. l’abbé Grégoire, président du comité des rapports, rend compte des troubles qui subsistent dans leQuercy, le Rouergue, le Périgord, le Bas-Limousin et une partie de la Basse-Bretagne. Quelques paysans réunis en troupes armées portent la désolation dans toutes les propriétés nobles ou roturières ; ils augmentent en nombre à mesure qu’ils étendent leurs ravages. Le comité a cherché à découvrir les causes de ces désordres pour vous en indiquer le remède. M. le vicomte de Mirabeau, dans un écrit qu’il vient de publier, appelle ces événements la guerre de ceux qui n’ont rien contre ceux qui ont quelque chose. « On voit à la tête de ces brigands, dit-il, des gens dont le visage n’est pas flétri par le travail, qui parlent latin, etqui ont un plan de campagne: des phrases prononcées dans cette tribune, des lettres anonymes et incendiaires ont occasionné ces désordres, que les municipalités laissent subsister, si elles ne les fomentent pas ..... » Aucune pièce communiquée au comité, aucun fait parvenu à sa connaissance n’appuient cette assertion. M. Couppé. Le contraire est exactement vrai. M. Eianjulnals. Je dénonce ce qui concerne les municipalités comme une calomnie. M. l’abbé Grégoire continue : Les municipalités des pays où ces troubles ont lieu pensent qu’ils naissent : 1° de l’ignorance de la langue. Les paysans entendent par décrets de l’Assemblée nationale, des décrets de prise de corps 2° de la crainte que les décrets du 4 août ne soient point exécutés; 3° delà fausse interprétation de ces décrets ; 4» des erreurs dans lesquelles cherchent à faire tomber les habitants des campagnes, ceux qui préfèrent l’esclavage et l’anarchie à l’ordre et a 1 a liberté ; 5 -de faux décrets et de fausses lettres-patentes perfidement montrés aux paysans. 11 faut que les bons citoyens se réunissent : ils ont fait à Sarlat un parti fédératif, à la tête duquel est l'évêque, et qui a pour but l’instruction du peuple; ils ont publié à Brives une lettre circu-aire, modèle de patriotisme et de simplicité. Il aut déclarer au plus tôt quels sont les droits éodaux rachetables, quels sont ceux abolis sans indemnité. Le régime féodal est encore en vigueur dans quelques provinces. Une lettre de Lorraine contient cette phrase: « Nous sommes à la veille d’une guerre sanglante, intestine et féodale. » On a voulu, dans cette province, obliger les curés à dire au prône que les paysans doivent continuer à payer tous les droits seigneuriaux... Le comité propose de rendre le décret suivant : « 1° Que le [roi soit supplié de donner incessamment les ordres nécessaires pour l’exécution du décret du 10 août dernier, en ce qui concerne la tranquillité publique; 2° que le Président écrive aux municipalités des pays où les troubles ont lieu, pour témoigner combien l’Assemblée nationale est affectée des désordres dont la continuation nécessiterait le pouvoir exécutif à déployer toutes les forces qui sont à sa disposition. M. llalès. Le mot affectée n’est point assez fort ; il faut dire que l’Assemblée blâme et condamne la conduite des auteurs des insurrections. M. l’abbé Grégoire. Il me semblerait utile d’engager les curés, membres de cette Assemblée, à écrire à leurs confrères, afin que ceux-ci donnent la véritable interprétation des décrets, et en favorisent l’exécution par tous les moyens que leur offre la confiance due au ministère sacrédont ils sont revêtus. M. Sallé de Choux. Le décret du 10 août porte que les municipalités veilleront à la tranquillité publique, et que, sur leur réquisition, les gardes nationales, les maréchaussées et les troupes soldées arrêteront les auteurs et complices des troubles; que les personnes arrêtées seront remises aux tribunaux de justice, et interrogées incontinent, pour leur procès être fait; mais qu’il sera sursis à l’exécution des jugements rendus contre lesauteurset instigateurs des insurrections, et copies des interrogatoires et de la procédure envoyées à l’Assemblée nationale, afin qu’elle puisse remonter à la source de ces projets contre le bien public. Je demande que le sursis à l’exécution des jugements soit étendu à toutes les personnes arrêtées pour fait d’insurrection. Les brigands arrêtent sur les chemins, dans les champs, enlèvent des chaumières isolées des paysans tranquilles, et les forcent à marcher avec eux ; ils les placent à leur tête, ils les exposent les premiers aux coups qui sont tirés. Ces malheureux peuvent être pris et jugés comme s’ils étaient coupables. M. le vicomte de Noailles. J’ai des nouvelles certaines des malheurs dont ou vous a fait le tableau. Il y a dans le Rouergue, dans le Limousin et dans le Périgord, des gens qui se sont érigés en réparateurs des torts ; ils jugent de nouveau des procès jugés depuis trente ans, et rendent des sentences qu’ils exécutent. Il faut inviter le pouvoir exécutif à user de tous les moyens qui lui sont donnés par vos décrets pour arrêter cette frénésie. C’est vraiment une frénésie; car ceux qui vont à ces exécutions croient faire la cliose la plus juste du monde. Un moyen plus sûr encore, c’est de délibérer jeudi ou vendredi, sans plus attendre, sur le projet de décret qui vous a été présenté par le comité féodal. M. l’abbé Maury. Les insurrections populaires qui vous sont dénoncées méritent d’autant plus votre attention, qu’étrangères à la classe des citoyens qu’on aurait cru opposés à laRévolution, elles ne présentent que l’effrayant commencement