SÉANCE DU 25 VENDÉMIAIRE AN III (16 OCTOBRE 1794) - N08 27-28 197 d [Le citoyen Louis Royer et son épouse au comité des Secours de la Convention nationale, du 25 vendémiaire an III] (62) Braves républicains, Le citoyen Jean-Louis Royer, et Marguerite Julie Thiebault son épouse, marchands limonadiers à Bordeaux, département du Bec-d’Ambès, tous les deux mis en liberté le 23 du présent mois de vendémiaire par les représentants du peuple; qui ont reconnu leur innocence ; et aux quels ils ont des obligations très étendues de ce bienfait ; et dont ils seront à tout jamais très reconnoissants, exposent à leurs concitoyens qu’ils ont gémi plus de dix mois dans la captivité, et que cet événement en leur ravissant toutes leurs ressources les a réduits dans la plus profonde misère, à ces considérations, ils réclament, et de l’humanité, et de la justice nationalle, une indemnité proportionnée à leurs malheurs, pour les aider à retourner dans leurs foyers, afin de se rendre encore utiles à leur patrie, ce qu’ils ont tout lieu d’attendre de la tendre humanité de leurs concitoyens, en authorisant leurs espérances, leur sort sera adouci; et ils vous devront une seconde existance. Royer et son épouse. 27 Des déportés de Saint-Domingue par Polverel et Sonthonax, se présentent et demandent que les secours qu’ils avoient obtenus leur soient distribués. La Convention, sur la motion d’un de ses membres, renvoie cette pétition à la commission des secours publics, pour y statuer sans délai, et d’après les dispositions du décret du 28 mai 1793 (vieux style) (63). 28 BODIN : Citoyens, votre comité des Transports, postes et messageries, en se livrant à l’examen des diverses réclamations qui lui sont adressées, a fixé particulièrement son attention sur les plaintes de plusieurs entrepreneurs de voitures libres, qui se trouvent inquiétés dans l’exercice de leurs professions par suite de la loi du 29 août 1790 (vieux style), relative aux postes et messageries, et d’un arrêté du comité de Salut public du 6 messidor, lequel prescrit l’exécution de cette loi. (62) C 322, pi. 1354, p. 28. (63) P.-V., XLVII, 195-196. Décret de renvoi attribué à Boissy d’Anglas par CTl 21, p. 11. Gazette Fr., n” 1019; J. Fr., n 753; M.U., XLIV, 410. Pour fixer vos idées sur l’objet dont nous venons vous entretenir, il est nécessaire, avant tout, de rappeler ici les articles de la loi du 29 août qui ont trait à la question qui vous est soumise, et l’arrêté du comité de Salut public du 6 messidor, ainsi conçus : Articles II, III et IV de la loi du 29 août 1790 : « Tout particulier etc. » jusqu’à « qui ne pourra être moindre de 100 L, ni excéder 300 L. » Appuyée sur ces dispositions prohibitives, la ferme des messageries a poursuivi, devant les autorités chargées d’en connaître, plusieurs entrepreneurs de voitures libres, dont quelques-uns, pour avoir placé au-dessus de leurs portes un tableau, et distribué des cartes indicatives de leur profession, ont été condamnés à une amende de 100 L. Ils sont venus auprès de votre comité représenter que la loi du 29 août ne détruit point, dans le fait, le privilège ancien dont elle prononce l’anéantissement, puisqu’elle crée au même instant une ferme investie d’attributions exclusives, non moins attentatoires à la liberté et à la prospérité nationale ; que nombre de citoyens, se fondant sur la loi du 29 août, ont formé de ces sortes d’établissements, d’où il résulte un service actif, et d’autant plus avantageux pour la nation qu’il l’a déchargée en partie des pertes qu’elle éprouve par le régime des messageries ; que le grand mouvement imprimé par les circonstances aux relations intérieures rend ce service particulier plus utile encore; mais que, n’étant soutenu par aucune loi positive, il peut éprouver d’un moment à l’autre une cessation qui conduirait les entrepreneurs à une ruine totale et inévitable; qu’ils transportent les voyageurs et les effets à meilleur compte que les voitures nationales, et avec une égale sûreté et célérité ; enfin, que plus les messageries resteront chargées de voiturer, plus elles perdront, et que plus le service sera divisé, mieux il se fera, et plus la nation y gagnera. En conséquence, ils ont demandé le rapport de cette partie de la loi du 29 août 1790 qui impose des restrictions aux entrepreneurs de voitures libres. Le comité de Salut public n’a vu, au contraire, dans la tendance qu’ont les entrepreneurs à s’assimiler en tout aux messageries nationales, qu’un principe de détérioration de cette branche d’administration, une perte ou diminution des quatre cinquièmes du revenu qu’elle produit, et que les circonstances actuelles ne permettent ni d’abandonner, ni de changer; d’ailleurs, ces établissements particuliers se font sur les routes fréquentées et faciles, tandis que le service des routes de traverse est abandonné aux seules messageries nationales, ce qui occasionne un surcroît de dépenses et de difficultés ; qu’on emploie en outre un grand nombre de chevaux dont la République se trouve privée, ainsi qu’une quantité de fourrages également perdus pour elle ; enfin ces établissements ne font pas, ou ne font que très imparfaitement le service du roulage. Telles sont les raisons qui ont décidé le comité de Salut public à prescrire l’exécution 198 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE stricte de la loi du 29 août, et même à en agrandir les dispositions pénales. Après avoir mûrement pesé ces motifs, et les avoir rapprochés, tant de ceux déduits en opposition par les entrepreneurs de voitures libres que des circonstances dans lesquelles se trouve la République, votre comité a considéré d’abord que les messageries nationales ne peuvent plus aujourd’hui suffire au service journalier ; que partout l’encombrement des comestibles, marchandises et effets destinés, tant aux besoins des départements, des armées de terre et de mer, et des administrations, qu’aux opérations commerciales, se fait sentir de la manière la plus fâcheuse; que quantité de ces objets précieux, comme denrées de toute nature, croupissent et se perdent dans les ports et les magasins de l’Etat et de commerce, faute de moyens pour être évacués et transportés à temps; que la navigation intérieure, affaiblie elle-même par le concours de plusieurs causes impérieuses, notamment par le service de la marine nationale, ne peut suppléer à l’insuffisance des transports par terre; qu’il s’ensuit une stagnation générale dont les effets progressifs se montrent plus alarmants de jour en jour; ce qui oblige de recourir à des réquisitions multipliées à l’infini, qui, tourmentant et fatigant l’industrie et la culture, menacent de les paralyser entièrement. Cet état de choses constaté par votre comité, il n’a pu apprendre sans une vive inquiétude que la disproportion évidente qui existe entre les relations intérieures et les ressources pour y satisfaire occasionne des retards souvent de plusieurs décades, pour le service des personnes et des choses, lorsqu’il serait du plus haut intérêt d’en accélérer la circulation dans un degré de vitesse proportionné à la nature et à l’étendue des besoins, ainsi qu’à la rapidité du mouvement révolutionnaire. Il a reconnu que, loin de pouvoir nuire, sous aucun rapport, aux messageries nationales, qui, malgré leur activité non interrompue, ne suffisent pas pour remplir, par leurs propres forces, le but de leur institution, les entrepreneurs de voitures se trouvent, dans les circonstances présentes, les auxiliaires naturels de cette administration, et que, si la faculté d’exercer ce genre d’industrie leur était interdite, les bureaux des messageries n’en éprouveraient que plus d’encombrement, le commerce plus d’entraves, et le gouvernement plus de lenteur et de dépenses. En conséquence, il s’est convaincu que le bien du service public et les intérêts généraux du commerce commandent, en ce moment plus particulièrement que dans tous autres, non seulement de garantir aux entrepreneurs de voitures fibres l’exercice de leur profession, mais encore de les encourager. C’est d’après ces considérations puissantes, et pour aider d’autant à rendre à la circulation intérieure le ressort et l’activité que comportent les circonstances, que votre comité vous propose le décret suivant (64) : (64) Moniteur, XXII, 254-255 ; Débats, n° 754, 376-378. Le comité des Transports, postes et messageries, présente un projet de décret que la Convention adopte en ces termes : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Transports, postes et messageries, sur les réclamations d’entrepreneurs de voitures particulières pour le service public, lesquels sont inquiétés dans l’exercice de leur industrie, par suite de quelques dispositions de la loi du 29 août 1790 (vieux style), relative aux postes et messageries : Voulant faciliter et accélérer, par tous les moyens possibles, le transport le plus prompt des personnes, comestibles, effets et marchandises dans toute l’étendue de la République, et généralement rendre à la circulation intérieure tout le ressort et l’activité que les circonstances commandent et peuvent permettre; Décrète ce qui suit : Article premier. - La partie de l’art. II de la troisième section de la loi du 29 août 1790 (vieux style), qui défend à tout particulier ou compagnie, autres que les fermiers-généraux des messageries, coches et voitures d’eau d’annoncer des départs à jours et heures fixes, ni d’établir des relais, non plus que de se charger de reprendre et conduire des voyageurs qui arriveroient en voitures suspendues, si ce n’est d’après un intervalle du jour au lendemain, entre l’époque de l’arrivée desdits voyageurs et celle de leur départ, est rapportée ainsi que l’art. III de la même section en son entier. Art. II. - En conséquence, tout particulier est autorisé à conduire ou faire conduire librement les voyageurs, ballots, paquets, marchandises, ainsi et de la manière que les voyageurs, expéditionnaires et voituriers conviendront entr’eux, sans qu’ils puissent être troublés ni inquiétés pour quelque motif et sous quelque prétexte que ce soit. Art. III. - Les entrepreneurs des voitures libres ne pourront se prévaloir des autres dispositions des différentes lois relatives aux messageries nationales. Art. IV. - Toute procédure commencée, tout jugement rendu et non exécuté contre des entrepreneurs de messageries particulières, pour contravention aux articles de la loi du 29 août 1790, ci-dessus rapportés, seront annullés (65). (65) P.-V., XLVII, 196-197. C 321, pl. 1336, p. 3, Bodin, rapporteur. Moniteur, XXII, 255; Débats, n° 754, 378-379; Ann. R.F., n° 25; Gazette Fr., n” 1019 ; F. de la Républ., n° 26; J. Fr., n° 751; J. Mont., n° 7; J. Paris, n* 26; J. Perlet, n° 753; J. Univ., n° 1787; Mess. Soir, n” 789; M.U., XLIV, 395; Rép., n° 26.