360 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [Boisset, représentant du peuple pour les départements de l’Ain et de la Saône-et-Loire à la Convention nationale, Trévoux le 1er jour des sans-culottides an IT\ (61) Citoÿens Collègues Que ceux qui veulent encore que la terreur soit à l’ordre du jour commissent bien mal la France et son génie. Si la situation nouvelle du département de l’Ain, peut faire juger dé ce que seroit la République entière, si on ces-soit d’en comprimer le peuple, qu’on vienne ÿ voir succéder la joie à la tristesse, la confiance à la crainte, la félicité au malheur, la liberté à l’esclavage ; qu’on vienne ÿ voir comment la révolution marche ; comme on ÿ aime la Convention et avec quel respect ÿ sont reçües les loix qui en émanent. Je laisse aux détracteurs de l’humanité, de leur patrie, de leurs frères, le barbare plaisir de me déchirer à la tribune des Jacobins, mais que leur ont fait les citoÿens qui composent le département de l’Ain? ils osent dire qu’ils ont été fédéralistes ; il ÿ en a eû parmi eux sans doute, mais leur erreur a été l’ouvrage de quelques uns même de ceux contre lesquels j’ay sévi, et cette erreur n’a été que momentanée et n’a rien produit de funeste, qu’ils viennent donc je le répète, les détracteurs du peuple du département de l’Ain, qu’ils viennent, et ils jugeront si cette faute est réparée, ils jugeront quelle marche fière et sublime prendroit la révolution, si partout on étoit libre de penser et d’agir comme on le fait ici aujourd’huÿ, citoÿens collègues, on a dit à votre comité de Sûreté générale que je faisois incarcérer les patriotes et mettre en liberté les aristocrates, les préttres et les nobles ; on luÿ en â audacieusement imposé. Sur le premier fait, vous serés bientôt instruit que ces prétendus patriotes ne sont rien moins que des individus dont l’immoralité la plus proffonde est le moindre des vices, sur le second, vous pouvès vous convaincre que les nobles, les préttres sont toujours dans les maisons de détention où je les ai trouvés, que je n’ai prononcé sur le sort de très peu d’en-tr’eux que parce que la justice la plus sévère et l’humanité réclamoient en leur faveur ; l’aristocratie dit-on, triomphe dans le département de l’Ain ; que la Convention envoie des commissaires, ils jugeront si le peuple que l’on calomnie si gratuitement veut le souffrir; ils jugeront que si l’aristocratie ÿ a été fortement comprimée, c’est aujourd’huÿ même ; citoÿens collègues, le peuple du département de l’Ain idolâtre la liberté, aime la Convention, respecte ses décrets et ÿ obéit ; le peuple du département de l’Ain est (61) C 321, pl. 1338, p. 1. Bull., 2 vend, (suppl.) ; Débats, n° 732, 3-4 et 733, 29-30 ; Moniteur, XXH, 51 ; J. Fr., n° 727 ; M.U., XLIV, 11 et 34-35 ; Rép., n° 2 ; Mess. Soir, n° 765 ; Gazette Fr., n° 996 ; Ann. R.F., n° 2 ; F. de la Républ., n° 2 ; J. Perlet, n° 730 ; J. Mont., n° 146 ; J. Paris, n° 2. La majorité des gazettes rattachent cette adresse à celle de la société populaire de Gex, Archiv. Parlement., 1er vend., n° 31. heureux; voilà ma réponse à ses détracteurs et cela me suffit quant aux miens. Salut, union, courage et fermeté. Boisset. 30 Les défenseurs de la patrie qui doivent aux glorieuses blessures dont ils sont couverts, le bonheur de porter aux armées triomphantes de la République les drapeaux, signes éclatans de la reconnois-sance nationale, sont introduits dans le sein de la Convention, accompagnés des plus vifs applaudissemens ; un d’eux prend la parole, et exprime avec énergie les sentimens dont leurs braves camarades seront pénétrés en les recevant. Oui, représentans, dit l’orateur, les armées sauront garder fidèlement ce dépôt sacré; et quand il leur sera enlevé, vous apprendrez en même temps qu’elles sont anéanties. Nous en jurons par les victoires multipliées qu’elles remportent chaque jour, et par la vivacité avec laquelle elles marchent sur les traces fugitives des esclaves des tyrans coalisés. Continuez, représentans, à défendre la liberté contre les ennemis de l’intérieur; nos armées vous répondent de ceux du dehors. Le président répond à ces respectables citoyens, avec les expressions les plus conformes aux sentimens de joie qu’inspire leur présence, et à ceux de la juste reconnoissance de la nation. Les honneurs de la séance leur sont offerts au milieu des plus vifs applaudissemens, et la Convention décrète l’insertion de l’adresse au bulletin, ainsi que de la réponse du président (62). Les douze citoyens chargés de porter aux armées les drapeaux qu’ils ont reçu du président de la Convention nationale le 5e jour sans-culottide, en présence et aux acclamations du peuple entrent dans le sein de la Convention nationale (63). [. L’orateur des défenseurs de la patrie à la Convention nationale ] (64) (62) P.-V., XLVI, 18-19. Un décret, non numéroté, porte que les enseignes sur lesquelles sont inscrites les victoires de la République seront déposées au salon de la liberté. Rapporteur : Bourdon. (63) Bull., 3 vend, (suppl.). Moniteur, XXII, 52 ; Débats, n° 731, 7. (64) C 321, pl. 1349, p. 8. En marge il est précisé que les 12 citoyens chargés de porter les drapeaux sont admis aux honneurs de la séance, et que les drapeaux sont déposés dans le salon de la liberté. Bull., 3 vend, (suppl.) ; Moniteur, XXII, 52; Débats, n° 731, 7-8; J. Fr., n° 727; M.U., XLIV, 12 ; Rép., n° 2 ; Mess. Soir, n° 765 ; Ann. R.F., n° 2 ; F. de la Républ., n° 2 ; J. Perlet, n° 730 ; J. Mont., n° 146 ; J. Univ., n° 1 763. SÉANCE DU 1er VENDÉMIAIRE AN III (LUNDI 22 SEPTEMBRE 1794) - N° 31 361 Représentais Vingt huit déffenseurs de la patrie qui doivent aux glorieuses blessures dont ils sont couverts le bonheur de porter aux armées triomphantes de la République ces signes éclatants de la reconnoissance nationale, viennent exprimer à la Convention les sentimens dont leurs braves camarades seront pénétrés en les recevant. Oui, Représentans les armées sauront garder fidèlement ce dépôt sacré, et quand il leur sera enlevé, vous apprendrés en même temps quelles sont anéanties, nous en jurons par les victoires multipliées quelles remportent chaque jour, et par la vivacité avec laquelle elles marchent sur les traces fugitives des esclaves des tirans coalisés. Continuez, Représentans à déffendre la liberté contre les ennemis de l’intérieur, nos armées vous répondent de ceux du dehors. Vive la Convention, vive la République. Benoist, Duverge, Lejeune, Bourelly, Lerouec, Hamez, Ruinaeu, Binois, Toisson, Haurick, Ottmany, Suillaume. Réponse du président (65). Braves républicains, Vous avez déjà payé votre dette envers la patrie ; votre sang a coulé pour elle. C’est à vous qu’il appartient d’aller porter à vos dignes frères d’armes, à ces héros à qui vous avez frayé le chemin de la gloire, ces drapeaux, emblèmes sacrés du patriotisme, ces signes de ralliement des soldats de la liberté. Dites-leur que, tandis qu’ils repoussent au pas de charge les satellites des tyrans, la Convention nationale poursuit et abat dans l’intérieur les complices de ces monstres ; dites-leur que tandis qu’ils combattent pour la liberté et l’égalité, la Convention nationale s’occupe de tous les moyens propres à en faire jouir le peuple français ; dites-leur enfin qu’après avoir fait triompher la République au dehors, ils trouveront dans leurs foyers, et goûteront paisiblement, sous les lauriers qu’ils auront cueillis, le bonheur dû à leurs efforts et à leur bravoure. La séance est levée à trois heures et demie (66). Signé, Bernard (de Saintes), président ; Reynaud, Louchet, Cordier, Borie, Bentabole, Guffroy, secrétaires. (65) Bull., 2 vend, (suppl.). (66) P.-V, XLVI, 19. Le Moniteur, XXII, 52, indique quatre heures. J. Fr., n° 727 et M.U., XLIV, 13, signalent trois heures et C. Eg., n° 765 trois heures moins un quart. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 31 La société populaire de Gex, département de l’Ain, à la Convention nationale (67) Placés par la nature au-delà du Jura, et voisins de la Suisse, de ce coin de l’Europe, où la liberté, les mœurs et le bonheur s’étoient réfugiés, nous fûmes républicains avant la République. Amis de la révolution par tempérament et par principes, nous la soutînmes de toutes nos facultés. Il y a peu de districts en France qui, proportionnellement à l’étendue et à la population de leur territoire, aient vu voler à la frontière autant de défenseurs volontaires, et aient versé sur l’autel de la patrie des offrandes aussi abondantes. Trois ou quatre brigands, dignes complices des Robespierre et des Hébert, surprirent la religion des représentans envoyés en mission dans le département de l’Ain ; ils usurpèrent un pouvoir absolu, forcèrent le peuple au silence par la terreur, s’engraissèrent de rapines et de concussions, ensevebrent dans les cachots tous les patriotes capables de résister à leur tyrannie. Fidèles au système de leurs chefs, ils dres-soient publiquement leurs listes de proscription, et préparoient des alimens à l’échafaud. L’excès de leur audace avoit frappé les citoyens d’une morne stupeur ; le désespoir étoit dans toutes les âmes, la terreur sur tous les visages. Le génie tutélaire de la liberté arracha le masque à l’infâme Robespierre; vous frou-droyâtes le tyran, et le coup qui le frappa retentit aux extrémités de la France. Boisset parut dans le département de l’Ain ; le peuple put enfin parler par lui-même : les conspirateurs, confondus, frappés d’épouvante, se trahirent ; la terreur s’évanouit, la justice prit sa place. L’allégreSse publique, les témoignages de la joie universelle accompagnent et encouragent les travaux de Boisset; le bonheur du peuple est sa récompense. Dignes représentans, c’est de vous qu’il nous vient ce bonheur; c’est à vous qu’il doit retourner : il naît de la vertu, de la justice, objets de tous vos vœux, et le prix de votre infatigable ardeur à poursuivre toutes les factions, à les anéantir. (67) Bull., 2 vend, (suppl.). J. Fr., n° 727 ; M.U., XLIV, 11 ; J. Perlet, n° 730 ; Mess. Soir, n° 765 ; Gazette Fr., n° 996 ; Ann. R. F., n° 2. Rép., n° 2 lie immédiatement la discussion qui suit, à l’adresse de Boisset. Cette adresse, ainsi que le débat qui lui fait suite, se placent selon le Moniteur, XXII, 51-52 et Débats, n° 733, 30-31, immédiatement après celle de Boisset, ci-dessus Arch. Parlement., 1er vend., n° 29.