SÉANCE DU 17 VENDÉMIAIRE AN III (8 OCTOBRE 1794) - N08 47-48 405 Les troupes composant la garnison et la garde nationale de Rennes, accompagnées de toutes les autorités constituées, civiles et militaires, et rassemblées sur la place de l’Egalité, la force armée s’est formée en bataillon quaré, et les administrations, dans le centre ont occupé leur poste autour de l’arbre de la liberté. Il fut formé un détachement de grenadiers des différens bataillons, lequel se transporta au quartier général, où le drapeau était déposé. Bientôt après les sons d’une musique guerrière annoncèrent l’arrivée de ce gage sacré de la reconnaissance nationale, qui était porté par les deux braves invalides choisis par la Convention pour le remettre à l’armée. Le représentant du peuple et les républicains composant l’état-major général ouvraient la marche de ce cortège militaire. Arrivé sur le front des bataillons rassemblés, la vue d’un don si cher, défilant au bruit des instruments et des cris d’allégresse devant les rangs, produisit dans tous les coeurs une douce émotion, naturelle à la sensibilité des défenseurs de la liberté. Le plus profond silence succéda à ce beau mouvement. Alors le représentant du peuple Boursault consacra la réception de ce gage honorable, offert à la valeur et aux vertus républicaines de l’armée, par un discours plein de sagesse et d’énergie, qui pénétra toutes les âmes ; la troupe ensuite se retira dans ses quartiers respectifs, aux cris mille fois répétés de vive la Convention! Mais cette auguste cérémonie, préparée par la reconnaissance et devenue le prix du courage et des vertus du soldat-citoyen, ne pouvait manquer de recevoir la sanction de ses frères, du citoyen-soldat ; pères, mères, enfants et vieillards : tous s’étaient portés en foule au temple de la Raison, où l’allégresse commune des habitants de Rennes s’exprima vivement, tant par des hymnes patriotiques que par des discours propres à raffermir le règne de la liberté et de l’égafité, des bonnes moeurs et de la vertu. Fait au quartier général, à Rennes, le jour de cette fête militaire, 10e jour du mois vendémiaire, l’an 3e de la République une et indivisible. Le général de brigade, chef de Vétat-major général, Parein. La Convention nationale décrète l’insertion de cette lettre et du procès-verbal au bulletin. 47 Sur la proposition d’un membre, la Convention nationale décrète qu’il sera distribué cinq autres exemplaires du rapport fait précédemment par Grégoire sur la conservation des arts et métiers (75). (75) P.V., XLVII, 38. C 321, pl. 1332, p. 23, minute de la main de Barailon, rapporteur. Ann. R. F., n° 17 ; Ann. Patr., n° 646; C. Eg., n” 781. La Convention nationale décrète que le rapport fait par Grégoire sur les récompenses à accorder aux savans, gens de lettres et artistes sera imprimé et distribué à ses membres au nombre de six exemplaires (76). 48 La société populaire et régénérée de la commune de Caen [Calvados] se plaint des calomnies qu’on répand sur les citoyens : elle déclare qu’elle ne reconnoîtra pour chef de l’Etat que la représentation nationale, et pour souverain que le peuple ; que toute autorité rivale sera regardée comme usurpatrice; elle envoie le procès-verbal de sa séance du 5 vendémaire. Mention honorable, insertion au bulletin (77). [La société populaire républicaine et régénérée de la commune de Caen à la Convention nationale, du 6 vendémiaire an HT] (78) Liberté Egalité Mort aux traitres et aux tyrans Représentans du Peuple, Encore des calomnies contre nous! Quand donc les enfans du crime seront-ils satisfaits? Ils voudraient faire planer sur nos têtes l’ombre de Robespierre, mais c’est en vain : la terreur s’enfuit devant la justice et la probité. Cessez donc, scélérats, puisque vos crimes déchirent jusqu’aux voiles de la nuit, et que chaque citoyen lit sur vos fronts, vos forfaits et votre infamie. Représentans du Peuple, sur toute la surface de la République, les méchants s’agitent. Semblables à des vipères qui lèvent leurs têtes du milieu de la fange qui les couvre, ils vomissent leur poison, ils veulent s’élancer sur les vrais républicains, arrêtez-les... Ils voudraient dévorer la patrie. Qu’ils rentrent dans le néant, leur existence accuse la nature et la justice. Vous êtes nos législateurs, nous ne reconnaissons que vous pour chefs de l’Etat, que la représentation nationale, pour point de rali-ment, comme nous ne reconnaissons que le peuple pour souverain. Nous vous réitérons donc le serment que nous avions prêté tant de fois, entendez-le : nous jurons de nous serrer toujours, autour de la Convention. Nous regarderons comme ennemys du peuple, tout homme qui voudrait élever auprès d’elle une autorité rivalle, insolente et usurpatrice. Nous vous envoyons le procès-verbal de notre séance du cinq (76) C 321, pl. 1332, p. 24. Débats, n 747, 277. (77) P.V., XLVII, 38. Bull., 18 vend.; Bull., 24 vend. (suppl.); Gazette Fr., n“ 1011; J. Perlet, n" 745. (78) C 322, pl. 1352, p. 26. 406 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de ce mois, il contient le portrait de notre calomniateur. Jugez-le : jugez-nous. Salut et fraternité. Lapoterie, vice-président, Hebert, secrétaire, et treize signatures des membres du comité de correspondance. [La société populaire républicaine et régénérée de la commune de Caen aux représentants du département du Calvados à la Convention nationale, s. d] (79) Citoyens représentans, Lorsque les habitans de la commune de Caen fortement attachés à la Convention, dont elle admire l’attitude imposante, ont juré de combattre les satellites de Robespierre, comment se fait-il que des scélérats qui étoient les vils partisans de ce monstre, et qui, aux acclamations d’un peuple immense, ont été destitués par les représentans du peuple Ruelle, Bollet et Bour-sault, osent lancer contre leurs concitoyens, les calomnies les plus atroces? Comment se fait-il que ces factieux connus par leurs principes désorganisateurs osent encore élever une voix impie et en imposer aux représentans du peuple ? Le citoyen Du Roy député à la Convention, trompé par les mensonges de ces amis du triumvirat, a dit à la tribune que le cy-devant maire de cette commune, qui par son influence pouvait empêcher ses concitoyens de tomber dans l’erreur, et autres cy-devant officiers municipaux, étoient réintégrés dans leurs fonctions : que le plus chaud ami du peuple qu’il avoit élevé à la place de procureur général syndic du département étoit destitué. La religion du représentant du peuple a été trompée, il est faux que les cy-devant maire et officiers municipaux soient en mission dans nos murs, et nous espérons que ces vils calomniateurs recevront pour récompense celle due à leurs forfaits. Il est bien vrai qu’un petit Courville, cy-devant procureur général syndic du département a été destitué, mais cet ex-président de l’Election, agent connu de la cy-devant Ferme générale, cet intriguant, ce monstre couvert du masque du patriotisme, n’a jamais mérité la confiance de ses concitoyens, il n’a jamais été qu’un fripon, qu’un Tartuffe en Révolution, un accapareur de suffrages pour se procurer des places lucratives, un ambitieux qui, dans tous les tems, a cherché par tous les moyens possibles, à se faire des partisans, dans l’un comme dans l’autre régime. Son masque est tombé, le peuple l’a reconnu, le peuple lui a retiré sa confiance, et son voeu a été acueilli par les représentans du peuple. Voilà, citoyens représentans, ce patriote populaire, ce zélé protecteur de ses concitoyens qui ne craint pas de les persécuter. Défiez-vous de ces intriguants, de ces fripons qui, indignés de voir les habitans de cette commune forte-(79) C 322, pl. 1352, p. 27. ment attachés à la Convention nationale, ne cessent de distiller leur poison contre eux. Vos concitoyens aiment à croire que vous étiez absens lorsque ces calomnies ont été dirigées contre eux, ils espèrent que vous voudrez bien les repousser avec vigueur, et terrasser les monstres qui ont juré de déchirer le sein de cette cité qui les a malheureusement vu naître. Les habitans de cette commune ont juré de combattre jusqu’au dernier soupir, les ennemis de la Convention, les partisans du triumvirat : ils sont en surveillance permanente, jusqu’à ce que ces monstres soient pulvérisés. Tels sont leurs sentiments bien prononcés, ils ne varieront jamais. Salut, union et fraternité. Suivent dix signatures des membres des comités réunis de la société populaire. 49 Le représentant du peuple près l’armée des Côtes-de-Cherbourg écrit du quartier général le 9 vendémiaire : il rend compte de ses opérations. Insertion au bulletin, renvoi au comité de Sûreté générale (80). [Le représentant du peuple Bollet au président de la Convention nationale, de Vire, quartier-général de l’armée des Côtes-de-Cher-bourg, le 9 vendémiaire an HT] (81) Occupé depuis le 26 fructidor à parcourir, avec mes collègues Ruelle et Boursault, quelques-uns des départemens de l’armée des Côtes de Brest pour découvrir les auteurs et les chefs d’une nouvelle conspiration qui se formoit dans ces départemens pour livrer aux Anglois les ci-devant provinces de Normandie, de Bretagne et du Poitou, je me suis assuré, de concert avec ces mêmes collègues, d’une vingtaine de chefs que nous avons fait conduire dans les prisons de Rennes. De suite je me suis rendu à Vire, quartier-général de l’armée des Côtes de Cherbourg, pour y suivre, dans les départemens de l’Orne et de la Sarthe, le fil de cette conspiration, et en faire arrêter les auteurs et les com-pbces. A mon arrivée dans cette commune, j’ai été très étonné en lisant le Moniteur n° 6, d’y trouver à l’article de la Convention nationale, séance du 2 vendémiaire, que mon collègue Du Roy y avoit assuré qu’on avoit remis en place, dans le département du Calvados, des fonctionnaires publics destitués comme suspects et convaincus de fédéralisme ; qu’ainsi on avoit réintégré en place un homme qui, étant maire de Caen, pouvoit comprimer la rébellion, et ne (80) P.-V., XLVII, 38. Gazette Fr., n° 1011 ; J. Perlet, n 745 ; Mess. Soir, n° 781. (81) Bull., 21 vend, (suppl.).