238 [Assemblée nationale.] et ce sera bien la manufacture la plus active du royaume, pour se précipiter vers les domaines nationaux; il se chargera en route des dettes; il les payera; il arrivera au dernier créancier, en fera un propriétaire, et il reviendra, lui assignat, pour être brûlé après s’être chargé de toutes les iniquités; un autre voit le papier brûlé, les terres dégradées ; il voit qu’il en coûte 50,000 écus pour se divertir avec ses amis. Dans ce partage d’opinions, pressés entre des avis contraires, il faut décrire une diagonale et prendre une moyenne proportionnelle; il faut convenir que la conséquence de l’émission de deux milliards d’assignats est inaccessible à tous les calculs. On dit qu’elle sera graduée, on se rassure sur sa lenteur; mais le possesseur d’assignats sentira toujours derrière lui les deux milliards qui vont naître. Je crois que les adversaires de cette opération se trompent, en disant que le doublement du numéraire doublera le prix des denrées. Un écrivain anglais dit que, s’il n’y avait que 500 livres sterling dans les trois royaumes, -on.au-raitun bœuf pour un sou ; mais on raisonnaitdans l’hypothèse d’un numéraire inextinguible et celui-ci doit s’éteindre dans un temps donné; il faut même resserrer ce temps. Une seconde léflexion effraie les imaginations, c’est que les assignats ne seront jamais remboursés en écus: il faut donc chercher un calcul approximatif. J’approuve l’avis qui consiste à doser ce numéraire qui, comme commodité, sera toujours utile ; comme remède, il faut le donner avec une extrême prudence. Je pense donc que la mesure de M. Anson est bonne dans un sens, et mauvaise dans un autre; elle offre la liberté de choisir des obligations nationales ou des assignats ; mais tout le monde prendrait des assignats. Je crois qu’on ne doit pas adopter une prime décroissante, mais qu’on peut la réduire à deux ans. Vous devez payer les intérêts dans leur intégrité; une prime de cette nature ressemblerait aux ariêts du conseil où les fermiers généraux abusaient du droit du plus fort et de celui du plus fin. Je pense donc qu’il faut donner aux propriétaires des créances exigibles, moitié en assignats, et moitié en délégations nationales, portant intérêt à 5 0/0, et décider qu’après deux ans l'intérêt sera réduit à 4 0/0. ( On murmure.) Je ne pèse pas sur cette observation, puisqu’elle déplaît à l’Assemblée, je ferai seulement deux observations: la première que tout y mène; la seconde qu’on ne vendra bien qu’en faisant baisser l’intérêt. Mais il faut à présent donner 5 0/0, l’Assemblée le doit, rien ne peut, l’empêcher de remplir ce devoir. Un citoyen annonçait une ressource importante pour l’Etat : Aristide fut chargé de l’examiner; Aristide dit: La proposition de Thémistocle serait utile, mais elle n’est pas juste. L’Assemblée a répondu : Nous n’en voulons pas; telle sera votre réponse. L’assignat doit être forcé, celui qui n’est pas le maître de ne pas le recevoir doit être le maître de le transmettre: il ne doit porter nul intérêt, puisque vous vous libérez: vous les destinez à votre libération et à des acquisitions, donc, il n’est as nécessaire d’en faire moindres de 1,000 livres. es petits assignats affligeraient le peuple et rendraient la falsification plus facile. Je necrois pas pouvoirexclure,de la plusgrande transaction qui ait jamais eu lieu entre l’Etat et les peuples, le signe représentatif le plus connu, le plus accrédité. Je crois donc que l’argent doit être reçu en concurrence dans les ventes. Je crois qu’il faut donner aux porteurs d’assigDats une perspective qui assure une prochaine libération, dire que celui [2S septembre 1790.] qui achètera, moitié en obligations, moitié en espèces, payera en trois termes éloignés, chacun d’une année; que celui qui achètera, avec moitié d’assignats et moitié émargent, fournira en six ans six payements égaux. C’est avec les calculs tranquilles du bon sens, c’est avec ces mesures réunies, que vous répondrez aux principales objections. Lai une dernière proposition à vous faire pour hâter la consommation des assignats, c’est une loterie patriotique, expiatoire du mal qu’a fuit longtemps ce jeu immoral : elle consiste en une prime d’un demi pour cent sur les premiers 500 millions en assignats et en argent comptait, portés dans les acquisitions; je donne aussi lieu à une vente de 1,500 millions, puisqu’on peut ire payer qu’un tiers en acquérant. Ainsi donc il faudrait décréter que, dans six mois, les porteurs de titres de la dette exigible les .remettront-au comité de liquidation; qu’ils en recevront le montant, moitié en assignats forcés, moitié'en obligations nationales, portant intérêt à 5 0/0, pendant deux années feulement, et ensuite à 4, etc. M. le Président. L’Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour procéder à la nomination : 1° de son président; 2° de trois secrétaires , en remplacement de MM. Anthoine, Gillet de La Jac-queminière et Daueby ; 3° de sept membres li adjoindre au comité de Constitution. (La séance est levée à trois heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du samedi 25 septembre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. le Président annonce que le résultat du scrutin, pour la nomination du Président , a donné, sur 505 votants, 284 voix à M. Emmery, et 211 à M. Merlin. M. Emmery a, en conséquence, réuni la majorité absolue des suffrages. Les nouveaux secrétaires sont MM. Vernier, Bégouen et Bouche qui remplacent MM. Anthoine, Gillet de La Jacqueminière et Dauchy. Un de MM. les secrétaires annonce une lettre de M. Daiteg à M. le Président: elle contient l’hommage fait à l’Assemblée d’un dessin représentant l’autel de la patrie, aperçu sous tous les points de vue désirables. L’Assemblée ordonne que ce tableau sera déposé dans ses archives. Un autre de MM. les secrétaires fait lecture de plusieurs adresses dont la teneur suit : Adresse de félicitation, remerciement et adhésion du bourg d’Eyrieu, district de Vienne, département de l’Isère. Les habitants supplient l’Assemblée d’ordonner et fixer la division entre eux d’un communal d’environ 600 bicherées de terrain inculte; Des électeurs du district de Verdun, qui, des ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 septembre 1790 ] 0,3Cfr concert avec les électeurs des districts de Clermont et de Stenav, demandent que la ville de Verdun concoure pour le siège de l’administration du département de la Meuse ; De la garde nationale de Lunéville, qui, vivement affectée de n’avoir pu donner, lors des troubles qui ont agité cette ville, des preuves de son ardeur et de son zèle pour la défense de la patrie et le maintien de la Constitution, s’empresse de montrer qu’elle a été entraînée par le torrent des circonstances, et que la neutralité qu'elle a gardée a été le résultat nécessaire des faits qu’elle met sous les yeux de l’Assemblée ; D’une société de gens de lettres, amis de la Constitution, qui présentent à l’Assemblée l’hommage d’un nouveau journal contenant des extraits raisonnés de plans, de projets, de découvertes et inventions nationales et étrangères. Elle offre la distribution de deux prix annuels : l’un de 1,200 livres, l’autre de 600 livres, pour les deux meilleurs ouvrages, dont l’Assemblée voudra bien désigner le sujet à chaque session,. Délibération de la commune de Saint-Trivier en Bresse, par laquelle elle dénonce les manœuvres de la ville de Pont-de-Vaux pour obtenir de l’Assemblée la révocation de son décret du 17 août dernier, qui fixe à Saint-Trivier remplacement du tribunal du district de Pont-de-Vaux. Procès-verbal d’option de rassemblée administrative de district, faite par la ville d’Evron. Adresse des gardes nationales de la Rochelle, qui font hommage à l’Assemblée d’un plan de souscription proposé à toutes les gardes nationales du royaume, pour venir au secours des familles de leurs frères d’armes qui ont péri dans la malheureuse affaire de Nancy ; De l'assemblée générale de l’académie royale de chirurgie, qui annonce que la permission qui lui a été donnée, par l’Assemblée nationale, de dresser un projet de statuts conforme à la Constitution actuelle du royaume, a divisé celte compagnie, et produit deux partis et deux assemblées délibérantes. Les membres de l’une se qualifiant de libres, présentent leur plan de réforme ; De l’académie des inscriptions et belles-lettres, qui présente le projet de règlement que l’académie des inscriptions et belles-lettres a rédigé en exécution des décrets de l’Assemblée nationale. M. Goupilleau, secrétaire , présente un mémoire de M. Chazot, lieutenant général commandant à Lubec : c’est une esquisse de sa vie, servant de suite à l’histoire de Frédéric II. L’Assemblée renvoie aux archives ce mémoire, dont elle ordonne une mention honorable dans son procès-verbal. M. Goupilleau propose de renvoyer au comité des monnaies un essai présenté par le sieur Boucault, maître charpentier à Paris, pour tirer une monnaie de la matière des cloches. Cet avis est adopté. M. Le Carlïer présente, en conséquence d’un arrêté du directoire du département de l’Aisne, une adresse du district de Laon, qui réclame la sollicitude de l’Assemblée nationale en faveur des ouvriers qui manquent d’ouvrage, et demande l’établissement d’ateliers publics, et des secours proportionnés aux besoins qui se manifestent de toutes parts. L’Assemblée renvoie celte adresse aux comités des finances et de mendicité,. M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion des articles proposés par le comité ecclésiastique sur le traitement des religieuses. Le premier article à mettre en délibération est le 6e du litre II. M. Treilhard, rapporteur , donne lecture des articles 6 à 19, qui sont décrétés sans opposition ainsi qu’il suit : « Art. 6. Dans le cas où les religieuses renonceraient au bénéfice de la disposition du décret qui leur permet de rester dans leurs maisons, les emplacements en seront aliénés, et les intérêts du prix employés à l’augmentation des traitements, jusqu’à concurrence des sommes portées en l’article premier. » « Art. 7. Les religieuses qui , ayant quitté la vie monastique en vertu d’un bref du pape, ne seraient pas rentrées dans leurs maisons avant la publication du décret du 29 octobre dernier; celles qui avaient, avant la même époque, abandonné volontairement leurs maisons sans la permission et le consentement de leurs supérieures, ne seront comprises dans l’état de celles qui ont droit aux pensions. » « Art. 8. Celles qui n’étaient sorties d’une maison religieuse que pour entrer dans une autre seront portées dans l’état de la maison où elles ont fait profession, pour jouir d’un traitement proportionné aux revenus de ladite maison. « Art. 9. Les religieuses nées en pays étranger, et qui se trouvent dans une maison de France sans y avoir fait profession, ne seront pas comprises cfàns l’état de ladite maison; et néanmoins ellescontinuerontprovisoirement d’y rester, l’Assemblée nationale se réservant de statuer incessamment sur leur sort. « Art. 10. La masse des revenus de chaque maison sera formée d’après les principes et de la manière prescrite par les articles 22, 23 et 24 du décret du 25 juillet, concernant le traitement du ck-rgé actuel. « Art. 11. Seront portés dans ladite masse les secours annuels que les maisons étaient dans l’usage de recevoir, soit sur la caisse des économats, soit sur celle du clergé, soit sur toute autre caisse publique. « Art. 12. A compter du 1er janvier 1791, le traitement des religieuses sera acquitté, par quartier et d’avance, par les receveurs de leur district, sur une quittance de l’économe donnée au pied d’un état contenant le nom de toutes les religieuses qui auront déclaré rester, et qui seront en effet dans la maison : ledit état sera signé des religieuses, et visé par la municipalité. « Art. 13. Il sera dressé, en conséquence, par les municipalités de chaque lieu, un état de toutes les religieuses de leur arrondissement, lequel sera adressé au directoire de district dans le courant du mois d’octobre prochain. « Art. 14. Eu formant cet état, les municipalités recevront la déclaration des religieuses, si elles entendent sortir de leurs maisons, ou si elles préfèrent decontinuer la vie commune; et, pour y parvenir, elles se transporteront dans les maisons, à l’effet de prendre lesdites déclarations de chaque religieuse en particulier. Feront lesdites municipalités mention de ladite déclaration dans l’état qu’elles enverront au directoire du district. « Art. 15. Les directoires de district formeront au plus tôt un état des religieuses de leur arnon-