392 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] est donc nécessaire que l’Assemblée nationale ordonne à son comité militaire de s’occuper dès aujourd’hui de cette mesure pour que demain, à l’ouverture de la séance, ce serment puisse être prêté. Plusieurs membres : Nous ne quitterons pas la séance. M. de Custine. Eh bien ! séance tenante. Il n’est pas permis de supposer qu’un seul membre de l’Assemblée, ofticier de l’armée, se refuse dans cette occasion importante au devoir de citoyen. ( Applaudissements .) M. d’Abbadie. Gomme membre de cette Assemblée et employé dans l’armée, je fais le serment que vient de demander M. de Custine. Quelle uesoit la formule de ce serment, les sentiments ont il contiendra la déclaration sont dans mon cœur : Je le prête et je préviens le décret qui sera rendu à ce sujet. ( Applaudissements .) M. le Président. Je vais mettre aux voix les différentes propositions qui viennent d’être faites. Elles se résument toutes en ceci : c’est que le comité militaire soit chargé, attendu les circonstances, de présenter un nouveau serment libellé d’une manière différente, et auquel tous les officiers, qui sont actuellement membres de celte Assemblée, seront tenus de le prêter dans le jour même, séance tenante, sous peine d’être destitués de leur emploi. M. de Custine. Monsieur le Président, il ne faut pas de peine, il n’en est pas besoin : c’est par l’honneur qu’on conduit les Français. Il suffit de donner l’exemple à l’armée et je suis sûr qu’elle s’empressera de le suivre. (. Applaudissements.) i L’édiction d’une peine est une précaution superflue pour des hommes dont l’honneur et la vertu sont les puissants modèles. (Les différentes propositions relatives au serment sont mises aux voix avec l’amendement de M. de Gustine; elles sont adoptées à l’unanimité du côté gauche, le côté droit ne prenant pas part à la délibération.) M. Defermon. J’ai été interrompu dans une proposition que je voulais faire à l’Assemblée, et je ne regrette point cette interruption, puisqu’elle a servi à vous manifester plus particulièrement les sentiments de MM. les officiers, sentiments qui doivent vous être si chers. La proposition que j’avais à vous faire était que l’on invitât M. de Rochambeau à se réunir au comité militaire, pour y délibérer, de concert avec les membres de ce comité et le ministre de la guerre, sur la formule du serment et sur les mesures les plus propres pour la défense et la sûreté de l’Etat. ( Applaudissements . — Oui! oui!) Cette proposition doit d’autant moins souffrir de difficulté que le patriotisme et les talents militaires de M. de Rochambeau sont généralement connus de la France et de l’Europe entière. ( Vifs applaudissements.) Plusieurs membres : G’est fait! c’est faitl Plusieurs membres : Non! non! M. de Wimpfen. La motion de M. Defermon a déjà été proposée et accueillie. M. de Rochambeau. et le ministre de la guerre sont dans ce moment-ci au comité militaire. Plusieurs membres : Tant mieux ! M. Defermon. Rien ne peut faire plus de plaisir à l’Assemblée nationale que le témoignage spontané du zèle des bons citoyens et le tribut volontaire de leurs lumières; mais rien n’honore davantage un citoyen, qui doit être cher à la patrie par son patriotisme, que d’être admis par un décret à la discussion préparatoire des mesures qui doivent être décrétées par les représentants de la nation pour le salut de la patrie et d'être identifié à l’Assemblée qui l’appelle à prendre part à ses délibérations. (La motion de M. Defermon est décréiée à l’unanimité.) M. le Président. Messieurs, je viens de recevoir de quatre députés du département de Seine-et-Oise la lettre que voici : Monsieur le Président, « Les députés du département de Seine-et-Oise, du district et de la commune de Versailles, nous ont chargés de mettre sous les yeux de f’Assem-blé nationale l’adresse donheopie et ci-jointe. « Ils vous prient, Monsieur le Président, de leur procurer l’honneur de la prononcer eux-mèmes.» ( Applaudissements .) (La députation est introduite à la barre.) L'orateur de la députation donne lecture de l’adresse qui est ainsi conçue : a l’assemblée nationale. « Le départ du roi est un événement affligeant pour tout bon Français; mais si le roi a abandonné son poste, l’Assemblée nationale aura le courage de conserver le sien. « Le département de Seine-et-Oise, le district, le conseil générai de la commune de Versailles, les députés des sections de la ville, et le tribunal du district, rassemblés à la maison commune, et réunis d’opinions et de sentiments, « Ont arrêté, à l’unanimité, que quatre députés porteront à l’instant à l’Assemblée nationale le témoignage de confiance qui lui est dû, et L’assurance que dans ce moment ils considèrent le corps constituant comme le centre auquel doivent se rallier tous les Français qui, fidèles à leurs serments, sacrifieront fout pour maintenir la Constitution du royaume. ( Applaudissements .) « Signé : Le Cointre, administrateur du département; Germain Goupin, président du district ; Saint-Richaud, administrateur du district; Cbéron, administrateur du département ;Legry, administrateur du district; Brouvcau, administrateur du département ; Ghalla, procureur général syndic du département ;Ln Salle, faisant fonctions de président du tribunal; Pacou, officier municipal; Meaux, juge suppléant; Goste, m.aire; Minery, procureur de la commune; Ëelin, administrateur du département. » M. le Président répond : Messieurs, « L’empressement que vous mettez à témoigner à l’Assemblée nationale vos sentiments civiques mérite les plus justes éloges; elle reconnaît, dans cette circonstance, le patriotisme dont vous avez donné des preuves si répétées, et trouve dans [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] 393 voire démarche et dans l’expression de votre dévouement un augure favorable pour le maintien de la Constitution et la tranquillité du royaume. Elle vo is accorde les honneurs de la séance. » ( Applaudissements .) M. Delavigne. Je demande l’insertion au procès-verbal. M. Legrand. La demande des corps administratifs du département de Seine-et-Oise est un grand exemple qui, je l’espère, sera suivi par tout le royaume; il est intéressant que la déclaration qu’ils viennent de faire soit imprimée et insérée dans le procès-verbal. M. Le Déist de Botidonx. Outre l’impression, je demande l’envoi de cette adresse à tous les départements. M. Lucas. Nous n’avons pas besoin de stimuler les départements; ils s’expliqueront, n’en doutez pas. M. Defermon. J’observe à l’Assemblée qu’elle a chargé des commissaires de rédiger le procès-verbal de ce jour pour servir d’instruction à toute la nation. C'est dans ce procès-verbal que l’adresse qui vient d’être lue doit être imprimée; aussi j’appuie la demande d’insertion. ( Applaudissements .) (L’Assemblée, consultée, décrète à l’unanimité l’impression et l’insertion au procès-verbal de l’adresse des corps administratifs du département de Seine-et-Oise et de la réponse du Président.) M. Defermon. Je demande à l’Assemblée qu’elle ne se sépare pas sans avoir entendu la lecture du procès-verbal. M. Alexandre de Lameth, rapporteur du comité militaire, monte à la tribune. M. le Président. Avant de donner la parole au membre du comité militaire chargé de vous présenter les dispositions que vous avez cru convenable d’adopter en ce moment, je vous propose d’entendre M. de Chabrillant, officier général employé dans l’armée et commandant dans la division du centre du royaume, qui désire exprimer ses sentiments à l’Assemblée nationale. ( Applaudissements .) M. de Chabrillant, introduit dans l’enceinte, s’exprime ainsi : Je viens me rendre aux ordres de l’Assemblée. D’après ce que j’ai lu dans le Postillon, j’ai appris que le roi était parti. Je suis allé au château où l’on m’a appris que Monsieur était également parti. J’ai voulu sortir, on m’a dit que cela me plaisait à dire et j’ai été arrêté. Je viens de la mairie où on m’a rendu ma liberté. J’ai vu dans le Postillon qu’un décret ordonne à tous les commandants présentement à Paris de se rendre à l’Assemblée; je me présente, en conséquence, pour recevoir ses ordres. M. le Président. L’Assemblée a décrété que, séance tenante, son comité militaire serait chargé de lui présenter une formule de serment. Ce serment ne doit concerner que les officiers de l’armée, membres de l’Assemblée nationale : Ils doivent jurer qu’ils resteront fidèles à la Constitution établie par l’Assemblée constituante; c’est dans ce sentiment que plusieurs officiers généraux se sont rendus à l’Assemblée nationale et ont fait le serment de rester fidèles à la nation. Le décret ayant pour objet de faire rédiger une formule du serment qu’ils doivent prêter, je ne doute pas que tous les autres officiers de la nation, employés dans l’armée, ne s’empressent de donner les mêmes preuves de zèle et de patriotisme. M. de Chabrillant. La nation peut compter sur ma fidélité, j’en réponds. (. Applaudissements .) M. de Menou, ex-président , remplaceM. Alexandre de Beauharnais au fauteuil. M. Alexandre de Lameth, au nom du comité militaire. L’Assemblée nationale, après avoir pris les mesures qui dépendaient d’elle pour s’opposer à l’enlèvement du roi, après avoir arrêté les formes dont les lois doivent être revêtues, l’Assemblée nationale a pensé qu’elle devait s’occuper des moyens d’assurer leur exécution. Elle a ordonné à ses comités de Constitution et militaire de s’assembler pour cet objet. Ces mesures sont relatives aux gardes nationales et à l’armée; celles que je suis chargé d’avoir l’honneur de vous présenter en ce moment ont pour objet les gardes nationales. Vous venez tout à l’heure d'ordonner au comité militaire de rédiger une formule de serment; il aura l’honneur de vous proposer de même une proclamation pour l’armée, qui sera concertée avec le comité de Constitution, et dans les mêmes principes que celle qui sera faite pour la nation entière. Dans ce moment, je veux vous présenter les articles nécessaires pour que la nation puisse avoir à sa disposition, dans le plus court délai possible, une force publique de 3 à 400,000 gardes nationales pour maintenir la tranquillité du royaume, et pour s’opposer aux tentatives que nos ennemis pourraient faire. Voici cette mesure : « L’Assemblée nationale, voulant pourvoir, dans les circonstances, à la sûreté extérieure et intérieure de l’Etat et au maintien delà Constitution, décrète ce qui suit : « Art. 1er. La garde nationale du royaume sera mise en activité, suivant les dispositions énoncées dans les articles ci-après : « Art. 2. Les départements du Nord, du Pas-de-Calais, de l’Aisne, des Ardennes, de la Moselle, de la Meurthe, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Haute-Saône, du Doubs, du Jura, du Var, fourniront le nombre des gardes nationales que leur situation exige et que leur population pourra leur permettre. « Art. 3. Les autres départements fourniront de 2 à 3,000 hommes, et néanmoins les villes pourront ajouter à ce nombre ce que leur population leur permettra. « Art. 4. En conséquence, tout citoyen et fils de citoyeu en état de porter les armes, et qui voudra les prendre pour la défense de l’Etat et le maintien delà Constitution, se fera inscrire immédiatement après la publication du présent décret, dans sa municipalité, laquelle enverra aussitôt la liste des enregistrés aux commissaires que le directoire du département nommera, soit parmi les membres du conseil général, soit parmi les autres citoyens, pour procéder à sa formation. « Art. 5. Les gardes nationales enregistrées seront réparties en bataillons de 6 compagnies