[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 Janvier 1790.]. 205 ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ DE MONTESQUIOU. Séance du samedi 16 janvier 1790 au matin (1). M. Barrère de Vlcuzac, l'un de MM . les secrétaires, fait lecture du procès-verbal de la dernière séance. Il ne s’élève pas de réclamation. M.TrelIhard, un autre de MM. les secrétaires , donne lecture de plusieurs adresses. Adresse des religieux bénédictins de l’abbaye de Bec-Hellouin, contenant adhésion aux décrets de l’Assemblée concernant lesbiens ecclésiastiques; mais ils réclament la liberté et un traitement proportionné à la valeur de leurs biens, et analogue à leur existence civile. Adresse de félicitation et dévoûment de la communauté de Mucidan en Périgord; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et demande permission à l’Assemblée de se servir du même sceau qu’elle, en y plaçant municipalité de Mucidan au lieu d’As-semblée nationale. Adresse de félicitation, remercîment et adhésion de la ville de Le Luc en Provence; elle demande d’être chef-lieu de district, ou du moins de dépendre de celui deBrignoles. Adresse du même genre de la communauté d’Ermont ; elle demande que le bourg d’Argen-teuil soit le chef-lieu d’un district. Adresse du même genre du bourg de Chaumes en Brie ; il demande la conservation de son collège et de sa maison de charité. Adresse de la communauté de Tour-la-Ville, près de Cherbourg, qui exprime avec énergie les sentiments de l’admiration la plus vraie, de la reconnaissance la mieux sentie et du dévouement le plus absolu dont elle est pénétrée pour l’Assemblée nationale. Adresse de la ville de la Guerche en Bretagne, ville qu’on a dit à l’Assemblée n’avoir pas donné d’adhésion, laquelle porte renouvellement de fidélité à la nation et au R.oi, et dénonce à l’Assemblée les membres de la chambre des vacations du parlement de Rennes comme coupables de prévarication et de forfaiture. Cette adresse est ainsi conçue : Nosseigneurs, si vous avez jusqu’ici recueilli les hommages de l’enthousiasme et de l’admiration, votre courage et vos vertus vous en promettent de plus flatteurs et de plus dignes de vous, ceux de la franchise et de la vénération; ce sont les seuls qui conviennent à des soldats-citoyens, et que s’empressent de vous offrir les deux régiments nationaux de notre ville. Libres aujourd’hui par vos efforts, nous sommes sous les armes pour le maintien de notre liberté et la conservation de nos libérateurs. Notre serment est fait, et il est inviolable. Deux mille Saintongeois militaires ont juré, sur les faisceaux de leurs armes, que jamais la main impie et perverse de l’aristocrate ne se portera impunément sur vos personnes, ni sur vos décrets. Nous avons promis, sur la foi de l’honneur, que ce superbe édifice, élevé par votre patriotisme et votre fermeté, sera aussi durable que la monarchie; que nous en soutiendrons les colonnes par lout ce que la reconnaissance peut inspirer de sensibilité, et l’amour de la patrie enfanter de bravoure. Nous vouerons à la honte et à l’infamie ces hommes scélérats et pervers qui ont fomenté ces complots ténébreux et effrayants, qui ont menacé vos têtes et nous ont reproduit un moment les chaînes accablantes de notre servitude, que le frottement de plus de neuf siècles n’avait encore pu limer. Mais, lorsque, en garde contre les sourdes conjurations qui nous inquiètent encore, nous consolidons la base de notre régénération, pour tout ce que l’amour de notre fidélité peut nous rappeler de vigilance et d’activité, laisserez-vous échapper au glaive des lois ces têtes perfides et coupables, faites pour bondir sur les ruines de l’autel du despotisme, lorsque des milliers de citoyens vertueux ont expiré victimes innocentes d’une révolution nécessaire, mais orageuse, émanée des vices et de la trahison des ministres corrompus ? N’immolera-t-on pas à leurs mânes impatientes ces Galonné, ces Breteuil, ces Brien ne, etc., dont le sang impur n’expiera jamais les larmes qu’ils nous ont fait verser...? Ges agents subalternes, exécuteurs altiers de leurs ordres barbares, échapperont-ils à votre justice vengeresse ? et les tribunaux ne seront-ils pas bientôt chargés de recevoir les comptes de ces concussionnaires qui ont dévoré nos fortunes, en outrageant notre misère?... Jamais, Nosseigneurs, notre régénération ne sera complète si vous ne purgez la France de ces vampires affamés, dont la présence odieuse ne nous retrace le tableau de nos malheurs, que pour nous en faire toujours appréhender de nouveaux. Seuls tranquilles au milieu de leurs fortunes, si, pourtant, le scélérat peut l’être, posséderaient-ils plus longtemps ces richesses enlevées à tant de familles qui les réclament pour les offrir à l’Etat, à qui l’hommage en est dû? Intendants, fermiers-généraux, subdélégués, etc., quoi ! ces monstres dorment encore en paix, et la nation est douloureusement agitée par leurs déprédations ! Voilà, Nosseigneurs, les hommes que nous vous dénonçons, et dont les fortunes usurpées peuvent remplir le gouffre immense que cent mains avares ont creusé. Que leurs noms et leurs supplices, présentés pour exemple à la patrie, soient la consolation des victimes qu’ils ont sacrifiées, et l’effroi de leurs semblables ! Les mêmes châtiments doivent poursuivre ces conspirateurs fugitifs qui ont emporté avec eux leurs crimes et nos trésors. L’homme qui fuit lorsque sa patrie est en danger est un monstre qui la trahit, ou un lâche qui l’abandonne, et la confiscation de ses biens doit être la moindre peine de sa trahison ou de sa désertion. Mais repoussons ces tableaux alarmants pour fixer nos idées sur des objets plus consolants et plus flatteurs. Immortels libérateurs de la patrie, daignez accueillir avec sensibilité les témoignages réitérés de nos respects, de notre amour, gravés dans le fond de nos cœurs ; nos registres en vont également être les dépositaires, pour les transmettre à nos descendants comme un monument offert à vos bienfaits et élevé par notre reconnaissance. Des trophées plus glorieux vous attendent ; mais l’honneur de vous les ériger n’est réservé qu’à des mains plus vertueuses, celles de nos enfants. Pour nous, fidèles à dos serments, nous veillerons à vous garantir des pièges qui vous environnent. Assez de dangers ont menacé vos (J) Cette séance est incomplète au Moniteur. 206 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 janvier 1790.) ours, il est temps qu’ils n’existent plus que jour nous: mais malheur aux ennemis de notre iberté ! Nul coin de la France ne peut les récéler en sûreté. De toutes parts inspectés par l’œil surveillant des vrais patriotes, ils ne déroberont jamais leur complot à l’activité de nos recherches, et leurs têtes sacrifiées à notre félicité forceront leurs complices, ou à devenir citoyens par besoin, ou à fuir une terre qui n’est pas faite pour être l’asile des scélérats : alors, sur les débris de nos tyrans, nous verrons le patriotisme élever un temple à la vertu, où tous les Français, redevenus ce qu’ils étaient dans des temps plus heureux, s’empresseront d’offrir le tribut de leurs talents et de leurs facultés à la patrie, et de lire sur l’autel les noms des députés immortels à qui ils seront redevables de leur génération et de leur bonheur. Nous sommes, etc. Délibération de la ville de Rodez, capitale du Rouergue, ainsi conçue : Les habitants de la ville de Rodez, extraordinairement assemblés, considérant l’immensité des travaux auxquels se livrent sans relâche les représentants de la nation française, leur courage et leur constance à surmonter les obstacles de, tout genre, qui s’opposent à leur marche, l’intrépidité qu’ils ont montrée au milieu des dangers inouis dont ils se sont vus menacés : l’héroïsme avec lequel ils sacrifient tous les jours au salut de l’ État les biens les plus chers à l’homme repos, fortune, santé et les plus douces affections de la nature Considérant que, par de si glorieux travaux et de si généreux efforts, l’Assemblée nationale a posé les bases et avancé l’édifice d’une Constitution qui nous rendra la liberté, l’égalité, ces droits imprescriptibles de l’homme ; d’une Constitution qui établira l’empire de la justice et de la raison sur les ruines du despotisme; d’une Constitution qui relèvera le caractère national, dégradé par les restes honteux de la féodalité ; d’une Constitution, enfin, qui, par la destruction de la servitude des personnes et des biens, régénérera tout à la fois nos mœurs et nos propriétés ; Considérant que les décrets de l’Assemblée nationale vont ramener la tranquillité dans les rovinces, par une sage organisation des assem-lées municipales et do département ; assurer la subsistance des pauvres par la disposition des biens que la piété et l’humanité ont destinés à remplir ce devoir sacré; faire fleurir la religion par le retour de ses ministres aux vrais principes de leur état; donner une nouvelle vie à l’agriculture et au commerce, par la suppression des entraves qui les font languir ; établir enfin l’abondance et le bonheur dans toutes les parties de ce royaume par l’abolition des impôts arbitraires et vexatoires, qui les ont jusqu’à présent, désolées et par la création d’impôts modérés, sagement et également répartis sur tous les individus; Considérant que tant de bienfaits sont autant au-dessus de nos espérances, que les vertus auxquelles nous les devrons, sont au-dessus de l'humanité; Déclarent que leur admiration, leur respect, leur amour et leur reconnaissance sont sans bornes; Que non seulement ils adhérent aux décrets de l’Assemblée nationale, mais qu’ils sont prêts à immoler leur vie pour assurer aux générations futures leur exécution et le succès delà régénération qu’ils vont opérer; Qu’ils acceptent surtout avec transport ce décret du 4 août, qui, par la suppression des privilèges des villes et des provinces, établit entre elles cette égalité de droits, cette unité d’intérêts sans lesquelles il n’y a pas de bonheur à espérér pour un grand empire ; Qu’ils s’empressent d’offrir, pour gage de leur soumission à cet important décret, rabandon de plusieurs privilèges, que les comtés de Rodez et les rois, leurs successeurs avaient accordés à cette ville en récompense de son zèle et de sa constante fidélité ; Que pour alléger, autant que leurs faibles moyens le leur permettent, le fardeau d’une dette consacrée par la loyauté française, ils arrêtent de remettre à la nation une créance sur l’État de 22,470 livres payée par la ville de Rodez, pour l’acquisition des offices municipaux, et d’en envoyer les titres constitutifs à M. le président de l’Assemblée nationale, avec la présente délibération ; Que, se faisant gloire et s’estimant heureux de pouvoir imiter en quelque chose la générosité des augustes représentants de la nation, ils font à la patrie le don de leurs boucles d’argent, en attendant l’exécution du décret relatif à la contribution patriotique, qu’ils promettent d’acquitter religieusement. Ainsi arrêté à l’unanimité des suffrages, et ont signé au registre, MM. les officiers municipaux avec les délibérants. Adresse du comité de Villeneuve d’Agenois à V auguste Assemblée nationale. Nosseigneurs, arrivés au terme de nos fonctions, nous croyons devoir rendre à l’auguste Assemblée un compte exact et fidèle de la manière dont nous nous en sommes acquittés, et de l’état où est la ville de Villeneuve, au moment d’en remettre l’administration à nos successeurs avec l’autorité municipale qui nous avait été confiée. En remplissant ce devoir, nous remplissons le vœu de nos concitoyens qui se livrent déjà avec effusion au bonheur de servir et d’aimer la patrie. La ville de Villeneuve se glorifie d’avoir une des premières fait entendre le cri de la liberté, réclamé les droits du peuple français et voté la convocation de l’Asssemblée nationale. Au moment de cette fermentation générale qui menaça le royaume d’une fatale anarchie; dans ce moment où la police, les lois, les tribunaux de justice furent en quelque sorte anéantis par l’opinion égarée du peuple ; dans cet instant où, seul vengeur de sa trop longue oppression, il enfantait des crimes ridicules qu’il punissait par des supplices atroces; dans le moment, enfin, où tant de villes furent le théâtre des plus sanglantes tragédies ; la nôtre, pure, et innocente non seulement de toute atrocité, mais de la moindre violation de la liberté et de la propriété, forma, sous les auspices de la justice et de la concorde, un comité nombreux qui, permanent et réuni à la municipalité, put empêcher le développement des germes de sédition et de licence qu’un souffle contagieux semait sur toute l’étendue du royaume. Un régiment national, créé dans le même temps, arma le comité d’une force redoutable qui a pu imposer par sa présence mais dont l’appui n’a jamais dû être invoqué. Aussi les fonctions du comité n’ont été pénibles que par la constance des soins et de la sollicitude, et notre ville n’a cessé un instant d’offrir, aux regards étonnés de nos voisins, le