736 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1791.] unique question. Ce ne peut pas être parce qu’il est évident qu’un comité, qu’un membre de l'Assemblée pourrait proposer une Joi qui serait destructive de l’agriculture et du commerce, et par conséquent ruiner là nation. Je dis qu’un comité qui va bientôt se dissoudre pourrait proposer la plus mauvaise loi sans crainte d’être inquiété, puisqu’il ne reste aucun pouvoir supérieur au Corps législatif qui puisse le contrôler, qu’on me passe ce terme, ou du moins avertir la nation que l’impôt qu’on lui propose n'est pas bon. Je dis, ensuite, qu’il est évident que les lois de l’impôt ne sont pas seulement le consentement des sommes demandées ; si l’on pouvait réduire à cela la fonction du pouvoir législatif, je ne verrais point de difficulté à ce que sans sanction il établit l’impôt qui est nécessaire pour la dépense publique ; mais, dans la manière dont cet impôt est établi, dans ses formes, il peut renfermer une infinité de choses législatives, et bien plus importantes que toutes les lois. Par exemple, vous avez proscrit les visites domiciliaires dans les impositions : eh bien, un Corps législatif qui établirait une imposition dont le résubat serait qu’il y eût des visites domiciliaires pourrait, sans aucun contrôle, sans sanction de la part du pouvoir exécutif, établir cette imposition ; or, je demande si une pareille loi ne renverserait pas votre Constitution? On doit joindre souvent aux impôts indirects des peines, des prohibitions; or, il n’y a rien certainement de plus législatif que l’établissement des peines contre les citoyens et la manière dont elles seront appliquées : cela me paraît vous conduire à détruire entièrement votre Constitution ; car enfin le Corps législatif n’est pas le seul représentant du peuple; il n’a pas le droit défaire les lois qu’il voudrait; mais la Constitution lui a donné un contrôle nécessaire, le pouvoir exécutif, afin que la nation puisse toujours conserver la véritable souveraineté, qui serait aliénée indéfiniment si elle était confiée à un seul corps. Ces observations ont paru fort importantes à plusieurs membres des comités. Il y en a d’autres moins importantes qui ont été la cause de leur opposition au décret; c?est la rédaction qui dit que l’établissement des contributions, les décrets qui les concernent porteront le nom et le titre de loi, et seront promulgués sans être sujets à la sanction. Il a paru à un grand nombre de membres des comités qu’on ne pouvait pas, dans uq pays dont le gouvernement consi-te dans la division des pouvoirs, dans le contrôle et la sanction nécessaire du pouvoir exécutif établir une loi portant l’intitulé « loi », qui soit exécutée directement sur les citoyens, sans qu’elle soit sujette à la sanction. Nous avons pensé qu’il y avait un cas prévu par la Constitution; c’est lorsque deux législatures ont persisté dans les mêmes termes du décret; mais alors nous avons cru que la sanction s’était jointe en vertu de la Constitution même. Quant au remède, c’est-à-dire au moyen de parer à ces inconvénients, M. Beaumetz a présenté le véritable moyen; c’est que le roi propose le mode de l’im ôt. » Ce moyen, d’ailleurs, n’est pas contraire à vos décrets : certainement, il était nécessaire qu’il existât une armee, et assurémentle dangerqu’il n’existe pas d’armée est aussi grand que celui qu’il n’existe point d’impôts; cependant, Messieurs, vous n’avez pas hésité à décréter que ce que le pouvoir législatif aurait à décider sur la formation de l’armée ne le serait que sur la proposition du roi : eh bien, relativement à l’impôt, il devrait en être de même. Mais il est encore facile de trouver un moyen d’échapper au danger de cette proportion en étab issant que l’impôt, dans sa marche et dans son mode de perception, sera proposé par le pouvoir exécutif, pour y être statué par le Corps législatif : on pourrait ajouter que le Corps législatif, à defaut de la proposition du roi, pourrait alors établir l’impôt et ses différents modes, et que dans ce cas-là les impôts ne seraient pas soumis à la sanction. Par ce moyen, les deux puissances législatrice et exécutrice concourront également à l’établissement de l’impôt; et je maintiens que pour qu’il y ait un mode de perception qui puisse lier les citoyens, il ne faut pas que ce soit un des deux pouvoirs qui seul l’établisse. Je demande donc que ces diverses dispositions, dont plusieurs semblent être accordées par le comité des contributions, soient prises dans la plus grande considération, et que si l’Assemblée détermine que le vote du Corps législatif sera fait sans proposition elle décrète au moins que toutes les dispositions relatives à la perception ne puissent jamais être établies sans sanction. M. Dupont (< de Nemours). Je demande le renvoi de la suiie de la discussion à demain attendu qu’il s’agit de la liberté et de la propriété nationales, dans leurs points les plus importants. M. de La Rochefoucauld. J’y consens. (L’Assemblée, consultée, renvoie la suite de la discussion à la séance de demain.) M. le Président lève la séance àtroisheures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VICTOR DE BROGLIE. Séance du samedi 27 août 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. le Président. Voici, Messieurs, une lettre de M. Baudon, artiste, présent à la barre : « Monsieur le Président, « Plein de respect et d’admiration pour les travaux de l’Assemblée nationale, désirant me rendre utile dans l’art que je professe, j’ai entrepris de graver en grand les portraits de J. -J. Rousseau, Voltaire et Mirabeau. Je saisis avec empressement l’époque glorieuse de l’achèvement de la Constitution, à laquelle ces hommes célèbres ont coopéré par leurs ouvrages, pour offrir à l’Assemblée les premiers résultats démon entreprise, et contracter l’engagement de déposer, quand les gravures seront terminées, 83 exemplaires de chaque portrait, pour être distribués entre les départements. « Si je suis assez heureux pour mériter, par mes faibles talents, les suffrages des représentants de la nation et qu’ils daignent agréer l’hommage (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ai août 1791.] 737 que je prends la liberté de faire, cette faveur, la plus honorable que puisse désirer un artiste, sera pour moi un nouvel encouragement pour remplir avec succès la tâche que je me suis imposée. {Applaudissements.) « J'ai l’honneur d’être, etc... « Sigwte: Baudon. » {S’adressant à M. Baudon) . Monsieur, vous ne pouviez faire un plus bel emploi de votre talent que de le consacrer à nous rappeler les traits des hommes illustres qui ont prévenu ou contribué à la Révolution. L’Assemblée nationale, satisfaite de votre patriotisme, vous invite à sa séance. {Applaudissemen ts .) (L’Ass emblée ordonne qu’il sera fait mention honorable dans le procès-verbal de l’hommage du sieur Baudon.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 25 août, qui est adopté. Un de MM. les secrétaires présente à l'Assemblée, au nom de M. Lefaive, sculpteur, de Besançon, le modèle d’une machine de son invention, pour remonter les bateaux contre le courant de l’eau : cet artiste, dit-il, ne demande rien que l’honneur d’être utile à son pays. (L’Assemblée décrète que l’invention du sieur Lelaive sera renvoyée au comité d’agricultpre et de commerce, et qu’il sera fait mention honorable de son patriotisme et de sa générosité, dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture par un de MM. les secrétaires d’une lettre du ministre de la guerre , ainsi conçue : « Monsieur le Président, « L’Assemblée nationale, par son décret du 21 avril dernier, a prononcé que toutes les fournitures de la guerre seraient faites par entreprise, donnée en adjudication publique; à la réserve des vivres, des fourrages et des exceptions particulières qui pourraient être décrétées par l’Assemblée nationale, sur la demande du ministre. « Je crois, en conséquence, devoir observer à l’Assemblée nationale, que, dans les circonstances actuelles, il est plusieurs objets qu’il serait dangereux de mettre en adjudication publique et particulièrement ceux à tirer de l’étranger. L’Assemblée nationale sentira sûrement que la publicité même donnée à ces fournitures, en ébruitant les mesures qu’il est le {dus intéressant de tenir secrètes, est un moyen de les faire manquer, et que, d’ailleurs, elle doit mettre une hausse subite dans les prix des objets dont les besoins seront énoncés. « Je prie l’Assemblée de peser ces observations dans sa sagesse; elle se convaincra sans doute de la nécessité de suspendre momentanément l’exécution de ce décret. « Je veillerai, au surplus, avec le plus grand soin, à ce qu’il ne résulte aucun abus de celte disposition nécessitée par les circonstances. « J’ajouterai, Monsieur le Président, que l’habillement des troupes n’a jamais été et ne doit dans aucun temps être mis en entreprise générale, parce qu’on risquerait d’altérer la qualité des draps, que l’usage seul peut constater d’une manière certaine; ce genre de fourniture ne pouvant être donné qu’aux manufactures, n’est susceptible d’aucune adjudication ni concurrence, puisqu’elles y sont toutes employées. 1” Série. T. XXIX, « Je prie, en conséquence, l'Assemblée nationale de vouloir bien excepter de son décret du 21 avril, l’habillement des troupes, et prononcer qu’il continuera à être dirigé par une régie générale. « Je suis ayec respect, Monsieur le Président, votre, etc. « Signé : Duportail. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité militaire.) M. le Président fait donner lecture par le même secrétaire d’une lettre des administrateurs composant le directoire du département de Paris, ainsi conçue : « Paris, le 25 août 1791. « Monsieur le Président, « Nous avons l’honneur de vous adresser des observations relatives à la bibliothèque connue sous le nom de bibliothèque du roi ; nous vous prions de les soumettre à l’Assemblée nationale. » Nous sommes, avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles, etc. « Signé : DE La ROCHEFOUCAULD, président, Anson, etc. » M. le Secrétaire. Je crois que l’on peut renvoyer les observations et la lettre au comité des finances. Un membre : Lisez ces observations, elles sont extrêmement importantes, M. le Secrétaire. Il s’agit d’un secours de 72,000 livres que demandent les administrateurs du département, pour faire l’acquisition d’une collection de presque tous les livres imprimés dans le quinzième siècle à la naissance de l’imprimerie, et dont la vente est annoncée pour les premiers jours de l’année prochaine. Voici comment se terminent ces observations : « Il n’y a pas de doute que cette vente annoncée dans toute l’Europe, attirera un concours nombreux d’étrangers empressés de se procurer ce genre de richesse, que tous les efforts de l’industrie humaine ne peuvent reproduire, et dont tous les pays se disputent la possession ; plusieurs de ces livres manquent à la bibliothèque, et s’ils y étaient réunis, non seulement ils la rendraient plus précieuse, mais ils ajouteraient encore infiniment à la valeur de ceux qui y existent déjà en complétant cette partie, et en la rendant aussi parfaite qu’il soit possible de le désirer. » Un membre: Le renvoi au comité des finances. M. d’André. Je suis loin de m’opposer au renvoi demandé ; mais je crois devoir faire à l’Assemblée une observation importante. Puisque la bibliothèque du roi est en ce moment un bien national, et que la nation en solde les agents, il me semble qu’au lieu de l’ouvrir, comme on le fait, 2 ou 3 jours de la semaine seulement, et pendant 1 heure ou 2, on doit l’ouvrir tous les jours, soir et matin. {Vifs applaudissements.) M. Rabaud-Saint -Etienne. J’appuie la motion de M. d’André. M. Camus. J’applaudis de tout mon cœur aux extensions des préopinants, mais qu’ils me per-47