,3 lü IA ssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. jlO février 179I.J port; en nous accueillant, vous appelez-l’indus-i trie; elle cherche maintenant les contrées où l’honnête homme laborieux ne craint pas de voir la persécution enlever en un quart d’heure les fruits de 100 ans de travaux. « Maintenant que la France va devenir l’asile de la liberté, de l’égalité des droits et de l’heureuse fraternité; qu’elle joint à ces sources de prospérité la liberté pour chaque individu de suivre sa conscience dans ses rapports avec l’Etre suprême, enlin un pays favorisé par la nature... que d’avantages n’apptlleront pas en France ceux de nos frères qui existent dans des climats moins favorisés, dès qu’ils sauront que vous leur accordez la même liberté civile et religieuse, dont ils jouissent en Angleterre et dans les Etats-Unis dè l’Amérique ! « Telle est la pétition respectueuse que nos cœurs ont été excités à vous faire pour la pa x de nos frères de France et pour la prospérité d’une patrie qui nous est chère. Nous espérons qu’au milieu de vos grands travaux pour régénérer cet Empire, et multiplier les sources de son bonheur, vous étendrez sur nous et sur nos enfants votre justice et votre bienfaisance; elles vous mériteront les récompenses du Créateur et l’affection des hommes vertueux. « Signé : J. Marsillae, W. Rotch, Benj. Rotch. » (. Applaudissements réitérés.) M. ï« Président répond à la députation en ; ces termes : j « Les quakers, qui ont fui les persécuteurs et : les tyrans, ne pouvaient que s’adresser avec confiance aux législateurs qui, les premiers en France, ont réduit en lois les droits de l’homme; et la France régénérée, la France au sein de la paix dont elle se commandera toujours l’inviolable .respect, et qu’elle désire à toutes les autres mations, peut devenir aussi une heureuse Pen-sylvame. « Gomme système philanthropique, vos principes obtiennent notre admiration; ils nous rappellent que le premier berceau de chaque société fut une famille réunie par ses mœuis, par tes affections et par ses besoins; et sans doute, les plus sublimes institutions seraient cédés qui, créant une seconde fois l’espère humaine, la rapprocheraient de cette première et vertueuse .origine. « L’examen de vos principes, considérés comme des opinions, ne nous regarde plus. Nous avons prononcé. Il est une propriété qu’aucun homme ne voudrait mettre en commun : les mouvements de son âme et l’élan de sa pensée. Ce domaine sacié place l’homme dans une hiérarchie plus relevée que l’état social; citoyen, il adopte une forme de gouvernement; être pensant, il n’a de patrie que l’univers. ( Applaudissements .) « Gomme principes religieux, votre doctrine ne sera point l’objet de nos délibéi ations. Les rapports de chaque homme avec l’Etre d’en haut soin indépendants de toute institution politique. Entre Dieu et le cœur de chaque homme, quel gouvernement oserait être l’intermédiaire? {Applaudissements.) « Comme maximes sociales, vos réclamations doivent être soumises à la discussion du Gorps législatif, il examinera si la forme que vous observez pour constater les naissances et les mariages donne as.-ez d’authenticité à cette filiation de L’espèce humaine, que la distinction des propriétés rend indispensable, indépendamment des bonnes mœurs. « Il discutera si une déclaration dont la fausseté serait soumbe aux peines établies contre les faux témoins et.les parjures, ne serait pas un véritable faux serment. « Estimables citoyens, vous l’avez déjà prêté, ce serment civique, que tout homme digne d’être libre a regardé plutôt comme une jouissance que comme un devoir; vous n’avez pas pris Dieu à témoin {Applaudissements), mais vous avez attesté votre conscience; et une conscience pure n’est-eile pas aussi un ciel sans nuages? Cette partie de l’homme n’est-elle pas un rayon de la divinité? ( Applaudissements réitérés.) « Vous dites encore qu’un article de votre religion vous défend de prendre les armes et de tuer, sous quelque prétexte que ce soit. C’est sans douie un beau principe philosophique que celui qff donne en quelque sorte un culte à l’humanité; mais prenez garde que la défense de soi-même et de ses semblables ne soit aussi un devoir religieux. Vous auriez donc succombé sous les tyrans! Puisque nous avons conquis la liberté pour vous et pour nous, pourquoi refuseriez-vous de la conserver? « Vos frères de la Pensylvanie, s’ils ava'ent été moins éloignés des sauvages, auraient-ils laissé égorger leurs femmes, leurs enfants et leurs vieillards, plutôt q e de repousser la violence? Et les stupides tyrans, les conquérants féroces ne sont-ils pas aussi des sauvages? {Applaudissements.) « L’Assemblée discutera toutes vos demandes dans sa sagesse; et si jamais un de nous rencontre un quaker, il lui dira : « Mon frère, si tu as le droit d’être libre, tu as le droit d’empècher qu’on ne te fasse esclave. « Puisque tu aimes tou semblable, ne le laisse pas égorger par la tyrannie : ce serait le tuer toi-même. « Tu veux la paix? Eh bien! c’est la faiblesse qui appelle la guerre : une résistance générale sera.t la paix universelle. « L’Assemblée vous invite à assister à sa séance. » {Vifs applaudissements.) :(L’ Assemblée ordonne l’impression de l’adresse des quakers et de la réponse de M. le Président, et renvoie l’examen de la pétition au comité de Constitution.) Une députation de la municipalité d’Issy-l'Evêque est introduite à la barre. L'orateur de députation s’exprime ainsi : Nous sommes envoyés vers vous par la commune ët la municipalité du bourg d’Issy-l’Evêque, en .Bourgogne, dont nous sommes habitants, et par cinq autres municipalités du canton. Nous venons, Messieurs, demander à la puissance nationale que vous représentez, qu’elle fasse rendre à nos vœux notre curé et maire, Jeau-François Curillot, opprimé et illégalement emprisonné par le Châtelet depuis six mois. Le système de cette persécution commencée par deux mauvais riches, nommés Frappet et Moller.ot, secondés par le bailliage d’Autun et le Châtelet, est d’avoir présenté tout Le bien que, notre commune a fait pendant la Révolution,, comme des crimes, puis de les avoir appelés crimes de lèse-nation, et ensuite de les avoir imputés à notre pasteur, pour nous vexer tous ensemble dans sa personne. La commune d’Issy-l’Evêque avait établi pour les subsistances et pour la police un comité permanent et une garde nationale. Notre curé fut élu président du comilé et maire. Il ne fitqu’exé- [Assemblée nation-ale.] «enter les délibérations prises par rassemblée générale de la commune; ses entremis l’accusèrent d’avoir agi de son propre chef, d’avoir usurpé le pouvoir administratif; il fut traduit devant le ci-devant bailliage d’Autun; le Châtelet même se mêla de cette affaire, quoiqu’elle lût purement ■administrative, et le décréta de prise de c< rps. Nous prenons fait et cause dans cette affaire. €e qui a été fait par le curé n’est que l’exécution des délibérations de la commune et de la municipalité : c’est nous qui, le 6 octobre 1789, avons librement établi le comité et cette garde nationale que l’ex— bailliage d’Autun et le Châtelet, ■ainsi que Frappet et Mollerot, appellent la troupe de brigands du curé, quoique nous soyons nous-mêmes cette troupe, qui ue souffre aucun brigandage; que c’est nous qui avons établi notre grenier d’abondance; que c’est nous qui avons fait arrêter du blé que les accapareurs connus pour tels enlevaient pour nous réduite à la famine, ce que nous avons fait à la prière et sur les arrêtés des comités de 20 lieues à la ronde, •qui nous les avaient indiqués.; et comme notre curé-maire est depuis six mois dans b s fers pour tous ces lads, nous venons à pied, de 80 lieues, quittant nos travaux et tout, pour demander qu’il soit «entin libre ou qu’on nous mette s’il le faut à sa place. ( Applaudissements .) Nous devons faire c.nnaître à cette auguste Assemblée, au sein de laquelle il a été faussement inculpé, les faits qui lui sont réellement personnels. Il a débité à 50 francs des blés qu’il avait achetés très cher ; il a sacrifié une partie de son jardin pour l’utilité de la communauté ; il a donné des secours aux ouvriers qui étaient sans travail; il nous a fait des avances pour former notre garde nationale ; il a donné à la commune le prix des baux qu’elle ne pouvait pas payer ; il nous a toujours inspiré l'arm. ur de la patrie, le respect dû à l’Assemblée nationale ; il nous engageait à n’exercer aucune vengeance, pas même contre MM. Frappet et Mollerot; enfin, on me vous a pas dit que depuis 10 ans que nous le possédons, il nous a toujours défeudus contre les tyrans avec le même zèle qu’il a manifesté depuis la Révoluton... Il y a céjà six mois que nous ne le voyons pas ; car il y a six mois qu’il est en prison pour nous. Nos pauvres, nos enfants en ont plus besoin que de nous; nous aimons mieux qu’on nous mette en prison que lui. Le Châtelet qui l’a décrété de prise de corps, qui l’a fait conduire à Paris pour l’opprimer, de concert avec le bailliage d’Autun, le Châtelet était incompétent pour des affaires purement administratives. Cette lettre de cachet judiciaire doit être levée à l'instant. Tel est le vœu de la commune d’Issv et de toutes les communes environnantes. (. Applaudissements .) M. le Président répond à la députation : Vous dites que si votre curé était coupable, vous seriez ses complices : nous aimons à croire que le crime n’aurait pas votre langage : vous vous plaignez que les anciens tribunaux ont puni des actes de patriotisme. Vous avez de nouveaux magistrats, vous aurez bientôt de nouvelles lois. L’Assemblée, au moment où elle a délégué le pouvoir judiciaire, a «cessé de pouvoir et de vouloir l’exercer. Si vous avez à vous plaindre d’un déni de justice, vous ne pouvez pus douter que l’Assemblée ne l’examine avec la scrupuleuse ■attention qu’elle a mise à recouvrer et qu’elle llO féyrier 1791 .j \ q j mettra toujours à maintenir les droits des citoyens. Elle vous permet d’assister à sa séance. M. 4»anltiet*-ISîauzat. Je demande le renvoi au comité des rapports. M. Merle. Votre comité des rapports, chargé de cette affaire, a examiné trois choses. Premièrement une dénonciation eontre M. le curé... M. le Président. Monsieur Meile, le rapport de celte affaire n’est pas à l’ordre du jour ; veuillez donc dire votre avis sur le renvoi demandé. M. Merle. Ce décret de prise de corps a fait la matière de l’examen de notre comité des rapports ; il a vu un acte judiciaire, et il a respecté cet acte. (L’Assemblée décrète le renvoi de la pétition au comité des rapports.) M. d’Ambly. Je suis fâché de vous faire perdre vos moments ; mais je suis obligé de réclamer justice pour une malheureuse rel gleuse qu’on a mise en prison {Rires). J’ai fait, pour obtenir son élargissement, toutes les démarches qu’un honnête homme peut faire vis-à-vis d’un honnête homme. Je me suis adressé à M. Voidel ; je l’ai prié d’écrire pour faire mettre cette religieuse en liberté. Il me l’a promis en me regardant sinistrement. Je l’ai remercié; et il m’a répondu : Vous voyez bien que je ne suis pas si noir qu’on le dit (Rires). Quand un collègue député, quand un homme manque à sa parole, que puis-je demander ? M. Voidel n’a pas écrit ; Mmô de Mauclerc, chanoinesse de Meaux, est toujours en prison. Plusieurs voix : Concluez! M. d’Ambly. Je demande qu’on rende justice à cette ma heureuse religieuse. De quoi l’accuse-t-on? d’avoir distribué des libelles; et c’est pour cela qu’elle est enfermée depuis trois semâmes. J’ai montré une lettre à ce sujet à M. Voidel; il a voulu en voir la signature, mais je m’en -uis b en gardé : j'ci remis la lettre dans ma poche. Celte religieuse avait été à Besançon acheter sept à huit imprimés, dont i’un était un faux bref du | ape. Elie en a distribué Lois ou quatre (Murmures ;) à trois heures du malin elle fut arrêtée; les gardes nationales eu-r< nt l’attention de mettre des cadenas aux portière s de la voiture. Le tribunal fit mettre en liber t é une dame qui l’accompagnait; mais le commissaire du roi, qui est sans doute un jeune homme, courut après et dit à la garde nationale, à laquelle cependant il n’avait pas le droit de commander : Ramenez-lo. Le tribunal n’est pas le maître. On l’a en effet ramenée, et l’autre est toujours lestée en prison, giâce à M. Voidel qui m’a promis d’écrire. (Rires.) M. Voidel. Je commence par remercier M. d’Am-bly de ia prélérence qu'il a bien voulu m’accorder sur mes collègues.; car il m’a fait l’honneur de me regarder, moi tout seul, comme un comité. Voici ce qui s’e.-t passé : Je n’ai connu de cette affaire que ce que M. d’Ambly m’en a raconté et ce qu’il vient de dire dans le moment. M. d’Ambly. Et ce que je vous ai laissé écrit... M. Voidel. M. d’Ambly m’a communiqué une ARCHIVES PARLEMENTAIRES.