SÉANCE DU 5e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (DIMANCHE 21 SEPTEMBRE 1794) - N° 3 331 Bien des complimens à la famille Genin. Je suis fort pressé; tu voudras bien me marquer la réception de ma lettre ; je te réponds te communiquer le résultat de tout. Pour copie conforme, signé Magnin, secrétaire. h La huitième est une lettre de l’agent national du district de Valence [département de la Drôme], sous la date du 15 fructidor, annonçant l’envoi de la lettre du nommé Reynier au représentant du peuple ; il instruit que ce particulier étoit appelé à Chabeuil pour être instituteur ; qu’il étoit, à ce que l’on prétend, ci-devant frère des écoles chrétiennes, et qu’il est actuellement secrétaire de la commission révolutionnaire de Marseille (29). [L’agent national du district de Valence au représentant du peuple envoyé dans le département des Bouches-du-Rhône, le 15 fructidor an II] (30) Valence 15 fructidor, 2e année républicaine. L’agent national de la commune de Chabeuil vient de me communiquer une lettre qui lui a été écrite de Marseille le 9 par le nommé Reynier et dont tu trouveras ci-joint copie. Il était de mon devoir de la retenir et de t’en donner connaissance, mais il n’est pas moins essentiel que tu sois instruit que ce Reynier était appellé à Chabeuil pour être instituteur ; qu’il était à ce qu’on prétend, ci-devant frère des écoles chrétiennes et qu’il est actuellement secrétaire de la commission révolutionnaire de Marseille, dumoins tels sont les renseigne-mens que je me suis procurés. Salut et fraternité. Signé Royane. Pour copie conforme, signé Magnin, secrétaire. i La neuvième, sont des arrêtés des re-présentans du peuple Auguis et Serres, du 26 fructidor, qui ordonnent que le nommé Reynier sera mis sur le champ en état d’arrestation; que les scellés seront apposés sur tous ses effets et papiers, et qu’il sera mis au secret (31). [Arrêtés des représentants du peuple Auguis et Serres, Marseille le 26 fructidor an II] (32) (29) P.-V, XLV, 363. (30) C 318, pi. 1290, p. 25. Débats, n° 730 bis, 590 ; Moniteur, XXII, 31 ; Ann. Patr., n° 630 ; J. Fr., n° 727 ; J. Mont., n° 146 ; C. Eg., n° 765 ; Gazette Fr., n° 995 ; Rép., n° 2 ; Mess. Soir, n° 764 ; Ann. R.F., n° 2 ; F. de la Républ., n° 2 ; J. Perlet, n° 729. (31) P.-V., XLV, 363. (32) C 318, pl. 1290, p. 27. Débats, n° 730 bis, 591 ; Moniteur, XXII, 31-32 ; J. France, n° 727 ; M. U., XLIV, 8 ; Rép., n° 2 ; Mess. Soir, n° 764 ; Ann. R. F., n° 2 ; F. de la Républ., n° 2. Marseille le 26 fructidor 2e année de la République française une et indivisible. Les représentans du Peuple dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et de l’Ardêche arrêtent que le nommé Reynier sera sur le champ mis en arrestation, chargent l’agent national de la commune de mettre le présent mandat d’arrêt à exécution et la force armée de prêter main forte si besoin est. [Les représentans du peuple] arrêtent que les scellés seront apposés sur tous les effets et papiers du nommé Reynier, chargent le juge de paix de l’arrondissement dans lequel son logement est situé, de mettre le présent arrêté à execution. Autre arrêté qui ordonne que le nommé Reynier sera mis au secret, chargent l’officier de garde qui l’a conduit en prison de faire exécuter le présent arrêté. Signé, Auguis et Serres. Certifié véritable, signé Magnin, secrétaire. j La dixième est une lettre datée de Marseille, du 28 fructidor, écrite par les représentans du peuple Serres et Auguis au comité de Salut public, par laquelle ils annoncent qu’ils ont de grandes et terribles vérités à dire ; qu’ils voient que, dans le département des Bouches-du-Rhône, des hommes qui se disent patriotes brû-lans, plus probes et plus purs que la vertu même, mentent à leurs propres cœurs ; que toutes leurs pensées et leurs actions portent l’empreinte du crime, de la scélératesse et de la contre-révolution ouverte ; qu’ils envoient le nommé Reynier, avec une lettre qui contient l’esprit, le plan et les projets des scélérats du Midi ; que cependant ce n’est pas la masse du peuple qui est gangrenée sans ressource, que ce sont les prétendus patriotes par excellence ; que Reynier étoit conduit dans la nuit au comité de sûreté sous escorte, mais que cent cinquante hommes déguisés, armés de sabres et pistolets, ont violé cette escorte, ont méprisé la Convention nationale, et se sont mis en contre-révolution ouverte, ns apprennent que la veille mille hommes sont arrivés du Port-de-la-Montagne [ci-devant Toulon 1 ; que, dans la route, on leur a dit qu’ils alloient à Marseille pour favoriser les aristocrates, opprimer les patriotes et obéir à des gueux qui vouloient la contre-révolution. Hs ajoutent que, le 27, ils s’étoient rendus à la société populaire, où il fut fait lecture d’une adresse de la société de Cu-jès [Cuges], qui fut accueillie par des ap-plaudissemens qui avoient tous les symptômes d’une conspiration au moment de son explosion; jamais l’on n’entendit de vociférations pareilles ; que néanmoins cette société en masse seroit excellente sans une quinzaine de meneurs conspirateurs; qu’ils ont prononcé un discours, mais qu’ils ont été contraints 332 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de repousser la calomnie que vomit contre le dernier alinea un orateur éner-gumène qui succédoit à deux autres, dont les principes leur parurent contraires à ceux de la Convention nationale. Ils déclarent qu’indignés de ce qu’ils ont entendu, ils ne se montreront plus dans cette société jusqu’à ce qu’elle soit revenue aux vrais principes ; qu’étant rendus chez eux, une députation de la société est venue leur demander une explication sur leur détermination au sujet du commandant temporaire de Marseille, en les invitant à revenir sur leurs arrêtés ; mais que leur résolution parut mécontenter cette députation. Ils ajoutent encore que la Convention a reçu plusieurs adresses de ce département, calquées à-peu-près sur celle de Cujès [Cuges] ; ils pensent qu’elles sont toutes parties de ce centre d’influence ; ils demandent que la Convention nationale se prononce avec énergie contre ces adresses coupables, sans cela la République court les plus grands dangers dans tout le Midi. Les représentans sollicitent, pour mesure additionnelle, de leur envoyer un bon républicain étranger dans le pays, qui, en qualité de commandant temporaire de Marseille, ait la volonté et les talens nécessaires pour concourir efficacement avec eux à sauver le Midi d’une contre-révolution qu’on trame ouvertement sous le masque du patriotisme le plus brûlant; ils déclarent qu’ils ont besoin, pour réussir dans leur mission, de tous les encouragemens de la Convention (33). [ Auguis et Serres, représentants du peuple dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et de l’Ardèche au comité de Salut public, Marseille le 28 fructidor an II] (34) Marseille le 28 fructidor, l’an 2e de la République française une et indivisible. Citoyens collègues. Nous avons de grandes et terribles vérités à vous dire. Nous voyons ici, et dans le département des Bouches-du-Rhône, des hommes bien différens de ce qu’ils paroissent à la barre de la Convention. Patriotes brûlans dans leurs adresses, plus probes et plus purs que la vertu même, exécrant Robespierre et ses machinations : voilà les apparences trompeuses avec lesquelles ils viennent en imposer à la barre. Eh bien collègues, nous sommes intimement convaincus, en nos âmes et conscience, qu’ils mentent à leurs propres cœurs; qu’en effet toutes leurs pensées, toutes leurs actions por-(33) P.-V, XLV, 363-365. (34) C 318, pl. 1290, p. 28. Débats, n° 730 bis, 587-588 Moniteur, XXII, 27-28 ; Ann. Patr., n° 630 ; J. Fr., n° 727 C. Eg., n° 765 ; Gazette Fr., n° 995 ; F. de la Républ., n° 2 Mess. Soir, n° 764 ; J. Perlet, n° 729. tent l’empreinte du crime, de la scélératesse et de la contrerévolution ouverte. Ce que nous vous disons vous étonnera; mais nous avons déjà des preuves convaincantes de ce que nous avançons. Vous verrez dans les pièces contenues dans notre paquet n° 1, que nous vous envoyons le nommé Reynier avec une lettre qui contient l’esprit, le plan et les projets des scélérats du Midi. Cependant ce n’est pas la masse du peuple qui est gangrenée sans ressource ; mais ce sont les prétendus patriotes par excellence. Reynier n’a exprimé dans sa lettre que les horreurs d’un parti profondément coupable. Reynier étoit conduit cette nuit au comité de Sûreté générale, sous escorte. Cent cinquante hommes déguisés, armés de sabres et pistolets, ont violé cette escorte, ont méprisé la Convention nationale et se sont mis en contrerévolution ouverte. Vous en trouverés les détails dans l’expédition du procès-verbal n° 2, que nous vous faisons passer cijointe. Mille hommes sont arrivés ici, hier du Port-la-Montagne, d’après les mesures que nous avions concertées avec Jeanbon Saint-André. Eh bien ! des émissaires coupables avoient devancé le passage de ces troupes. A la société populaire d’Aubagne, on a dit au commandant de ce corps qu’ils alloient à Marseille pour favoriser les aristocrates, opprimer les patriotes, et obéir à des gueux qui vouloient la contre-révolution. Hier, jour de l’arrivée de ces troupes, les officiers d’un bataillon qui est ici depuis neuf mois, ont été invités à un repas en corps ; mais ils n’ont pas donné dans le piège. Hier, nous nous rendimes à la société populaire (35) : l’on y fît lecture d’une adresse de la société de Cujès [Cuges] (36), qui fut accueillie avec des applaudissemens frénétiques, qui avoient tous les symptômes d’une conspiration au moment de son explosion. Non, jamais vos oreilles ne furent frappées de vociférations pareilles ; et cependant cette société en masse seroit excellente, sans une quinzaine de meneurs conspirateurs : mais les bons n’osent parler. Nous prononçâmes un discours dont nous vous faisons passer ci-joint douze exemplaires. Apprenés, collègues, que nous fûmes contraints de repousser la calomnie que vomit contre le dernier alinéa un orateur énergumène qui succédoit à deux autres dont les principes nous parurent absolument contradictoires avec ceux de la Convention nationale et de tout le peuple français. Indignés de ce que nous avons entendu, nous ne nous montrerons plus dans cette société jusqu’à ce qu’elle soit revenue aux vrais principes. Rendus chez nous, une députation de la société vint nous demander une explication sur notre détermination au sujet du commandant temporaire de Marseille, et nous inviter à revenir (35) J. Fr., n° 727; M.U., XLIV, 8; Mess. Soir, n° 764; Ann. R.F., n° 2 ; F. de la Républ., n° 2. Ces gazettes signalent qu’il s’agit de la société dite de Brutus. (36) Gazette Fr., n° 995, J. Perlet, n° 729 et Ann. Patr., n° 630, indiquent Tulle. SÉANCE DU 5e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (DIMANCHE 21 SEPTEMBRE 1794) - N° 3 333 sur nos arrêtés. Elle parut mécontente de ce que nous ne regardions pas nos arrêtés comme des jeux d’enfant. En notre présence un secrétaire demanda la parole; elle lui fut refusée, mais ce ne fut sans doute que dans la certitude qu’il n’auroit pas parlé dans le sens des meneurs. La Convention a reçu plusieurs adresses de ce département, calquées à peu-près sur celle de Cujés [Cuges]. Eh bien ! collègues, nous ne pouvons douter malheureusement qu’elles ne soient toutes parties de ce centre d’influence. Nous vous dirons une triste vérité, citoyens collègues, c’est que la République court les plus grands dangers dans tout le Midi, si la Convention ne se prononce pas avec énergie contre ces adresses coupables, et n’attère ces contrerévolutionnaires qui, à les entendre, sont les seuls patriotes de la République. Aux mesures que nous avons solbcitées dans nos précédentes pour parer à de si grands malheurs, nous en ajouterons une qui est instante et d’une nécessité absolüe, c’est de nous envoyer un bon républicain, étranger dans le paÿs, qui, en qualité de commandant temporaire de Marseille, ait la volonté et les talens nécessaires pour concourir efficacement avec nous, à sauver le Midi d’une contrerévo-lution qu’on trame ouvertement sous le masque du républicanisme le plus brûlant. Nous vous le répétons avec toute la franchise qui nous caractérise, nous avons besoin, pour réussir dans la mission dont nous sommes chargés, de tous les encouragemens que la Convention doit à tous ceux de ses membres qu’elle a honorés de sa confiance jusqu’à l’instant qu’ils s’en sont montrés indignes. Salut et fraternité. Signé, Auguis et Serres. k La onzième et dernière pièce est un procès-verbal, rédigé le 28 fructidor, par les citoyens Josset et Bouttet, officiers du premier bataillon des Gravilliers, par lequel il conste (sic) qu’ils se sont transportés à la maison de justice de Marseille, accompagnés de quatre hussards du premier régiment, en vertu d’un ordre du 27, pour en extraire le nommé Reynier; que le nommé Mangenot, concierge, s’y est refusé par deux fois différentes, sous prétexte que l’ordre n’étoit pas approuvé ni sur papier imprimé avec la formule des représentons du peuple ; mais que s’étant présentés une troisième fois avec un nouvel ordre, à trois heures du matin, ledit Reynier leur a été remis; qu’ensuite ils sont sortis de Marseille; qu’étant arrivés au lieu appelé la petite Grotte, des hommes cachés dans des fossés, au nombre de cent cinquante ou deux cents, se sont tout-à-coup montrés armés de fusils, de sabres et de pistolets, tous déguisés et sans uniforme en chapeaux rabattus, et se sont portés à la voiture, en disant : arrête, coquin, nous le voulons; que là, ils ont fait des menaces et proféré des horreurs; et après que le citoyen Josset, eut sommé, au nom de la loi, les rebelles de se retirer, en leur disant qu’il avoit une mission importante à remplir, et que ceux qui y mettoient obstacle commettoient les plus grands crimes; alors ils se sont portés, les uns à la tête des chevaux qu’ils ont détélés, et ont fait descendre le postillon, les autres aux portières de la voiture, ils se sont emparés par une force à laquelle on ne pouvoit opposer aucune résistance, du nommé Reynier, et ont suivi, avec le détenu, la route qui conduit à Aix (37). [Récit des officier et sous-officier du premier bataillon des Gravilliers, Josset et Bouttet ] (38) Le vingt-sept fructidor, an deuxième de la République française une et indivisible. Nous Jean-François Josset, lieutenant au premier bataillon des Gravilliers, et Jean Bouttet, sous-officier audit bataillon, ayant reçu l’ordre du commandant de la force armée de Marseille, de nous transporter à la maison d’arrêt de cette commune, appellée Justice, pour en extraire le nommé Reynier qui y était détenu : nous nous y sommes rendus le vingt-huit vers minuit et demi, accompagnés de quatre hussards du premier régiment ; savoir, Michel Ca-telin, compagnie Motet ; François-Nicolas Lefevre, même compagnie ; Jean-François Gauthier, compagnie Valther, et Jean Pousson, compagnie d’Alfele, qui avoient reçu l’ordre de nous escorter; où étant, nous avons présenté au concierge de ladite maison d’arrêt, l’ordre du commandant de la force armée, qui lui en-joignoit de nous délivrer ledit Reynier, moyennant la décharge qui y étoit contenue : à quoi le concierge, nommé Mangenot, s’est refusé disant qu’il ne voyait pas au bas de cet ordre l’approbation des représentans du peuple qui avaient décerné le mandat d’arrêt, en vertu duquel ledit Reynier était détenu. Les citoyens Josset et Bouttet se sont aussitôt transportés chez les susdits représentans, à qui ils ont fait part de cette difficulté, et qui ont approuvé et signé au bas ledit ordre, qui a été aussitôt reporté audit Mangenot qui l’a également méconnu, en objectant qu’il n’étoit pas écrit sur une feuille imprimée en tête avec la formule des Représentans du Peuple. Lesdits citoyens Josset et Bouttet se sont transportés une seconde fois chez les susdits Représentans qui leur ont donné un nouvel ordre signé d’eux et contre-signé par le secrétaire, qui a été de suitte signifé audit Mangenot. Il étoit alors trois heures du matin, (37) P.-V., XLV, 365. (38) C 318, pl. 1290, p. 29. Débats, n° 730 bis, 592-594; Moniteur, XXII, 32 ; Ann. Patr., n° 630 ; J. Fr., n° 727 ; J. Mont., n° 146 ; C. Eg., n° 765 ; J. Fr., n° 727 ; M. U., XLIV, 8 ; Rép., n° 2 ; Mess. Soir, n° 764 ; F. de la Républ., n° 2 ; J. Perlet, n° 729.