488 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791. J M. le Président. Voici la copie du billet de la reine à Mro0 d’Ossun : « Lundi, 20 juin 1791. « Tous les devoirs réunis m’ont empêché, madame, de vous avertir de notre départ. J'ai pourtant risqué de vous engager à faire une course, ne fùt-ce que pour vous savoir hors d’ici. J’ai bien peu de moments à moi et beaucoup d’affaires. Je me borne donc à vous assurer de mon éternelle et inviolable amitié. Dieu veuille que nous puissions être promptement réunies ! Je vous embrasse. » (La séance est suspendue à trois heures du soir, elle est reprise à quatre heures.) M. de Lianconrt, ex-président, occupe le fauteuil. M. Rœderer, un des commissaires chargés d'examiner les pièces relatives au passeport du roi. Messieurs, nous nous sommes rendus suivant l’ordre de l’Assemblée dans les bureaux des affaires étrangères. Nous nous sommes d’abord fait représenter le registre où l’on consigne les passeports qui sont délivrés. Dans ce registre, se trouve une colonne qui est destinée à contenir les notes des motifs sur lesquels on expédie b s passeports ; nousavons trouvé la note des motifs relatifs au passeport de Mm0 de Korff. Nous avons vu qu’il a été délivré à la recommandation de M. de Simolin, ministre plénipotentiairede l’impératrice de Russie à la cour de France. Nous avons demandé en conséquence à voir dans les cartons où nous avons trouvé la lettre de M. de Simolin. Cette lettre est ainsi conçue : « Paris, le 5 juin 1791. « Le soussigné, ministre plénipotentiaire de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies, a l'honneur de prier Son Excellence, M. le comte de Montmorin, de vouloir bien lui accorder deux passeports, dont l’un pour Mme la baronne de Korff, une femme de chambre, un valet de chambre, deux enfants et trois laquais; l’autre pour Mme la baronne de Stegleman, sa fille, sa femme de chambre, un valet de chambre et deux laquais, qui partent par Metz pour Francfort. « Signé : de SlMOLIN. » En vertu de cette lettre, deux passeports ont été délivrés le 5 juin, dont l’un pour Mme de Korff avec les noms et l’état des personnes qui se trouvent consignées dans le passeport trouvé sur le roi . Par conséquent, cela est parfaitement en ordre, et il n’y a rien à reprocher à M. de Montmorin, qui évidemment n’a pas pu refuser un passeport demandé par M. de Simolin, dont le témoignage est pour lui irrécusable. Ensuite nous avons trouvé, dans ce même carton, une pièce qu’il faut que vous connaissiez, moins pour l’intérêt de M. de Montmorin, que pour la confiance due à M. de Simolin, c’est une seconde lettre de M. de Simolin, nécessairement postérieure au 5 juin, époque de l’expédition du passeport, dont il s’agit. Cette seconde lettre de M. de Simolin en renferme une seconde de Mme de Korff elle-même, non pas adressée à M. deSimolin, mais à une tierce personne. Comme il n’y a pas d’adresse sur le billet, on ne peut savoir quelle est cette tierce personne, ce qui est à peu près indifférent Ce qui va vous expliquer la manœuvre de Mme de Korff, c’est que cette dernière dit à cette tierce personne que sa mère étant malade le jour d’hier et faisant ses dispositions pour partir incessamment, elle avait brûlé plusieurs papiers qu’elle ne voulait pas conserver, et que, dans les distractions du moment, elle avait jeté le passeport au feu, avec d’autres papiers inutiles. En conséquence, elle dit à cette tierce personne : « Je vous prie d’excuser mon importunité près M. de Simolin. Cependant les circonstances qui ont déterminé mon voyage me pressent. N’ayant plus de passeport, je vous engage à le supplier de m’obtenir de M. de Montmorin un duplicata de celui qui m’a été expédié le 5. Cette lettre est renfermée dans le second billet de M. de Simolin qui ne porte qu’une prière de donner un duplicata du passeport donné le 5 à Mme de Korff; et il ajoute : Vous en verrez le motif dans le billet ci-joint, qui m’a été envoyé. C’est en conséquence de ce billet de M. de Simolin que M. de Montmorin a fait délivrer un duplicata de passeport à la même date d’où il résulte que Mme de Korff avait un passeport sous sou nom, et un autre passeport par duplicata, qu’elle aura donné au roi ou à la reine. C’est ainsi que Mme de Korff et le roi ont pu sortir à la faveur d’un passeport séparé. Nous avons rapporté les pièces originales, que je puis vous lire si vous i’exigez. La connaissance des faits nous paraît ne laisser aucun doute sur la conduite de M. de Montmorin. Nous vous proposons en conséquence de déclarer cette conduite irréprochable. M. le Président. Je mets aux voix la proposition des commissaires; mais comme l’Assemblée n’est pas nombreuse, je les prierai de répéter le compte qu’ils ont rendu, lorsque la séance sera complète. (Oui! oui!) M. Rœderer. Voici le projet de décret que nous vous proposons : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le compte de ses commissaires relativement au passeport dont le roi était pourvu ; « Déclare que la conduite de M. de Montmorin est irréprochable. (Ce décret est adopté.) Un membre : Je demande que ce décret soit publié à son de trompe dans Paris. (Oui! oui!) M. Roger. Une foule considérable se porte dans le faubourg Saint-Germain, vers l’hôtel de M. de Montmorin ; il est instant de prévenir les désordres et de meltre en sûreté la personne et les propriétés de ce ministre. Je demande que M. le Président nomme sur-le-champ des commissaires, pour détromper le peuple et le ramener à l’ordre et à la paix, en l’éclairant sur les moyens dont on s’est servi pour obtenir le passeport du roi, et en lui déclarant que l’Assemblee nationale n’a aucun soupçon sur M. de Montmorin. (Oui ! oui !) M. le Président. Je nomme MM. Ricard, Roger, Gourdon et Francoville. (Oui! oui!) MM. les commissaires n’ont qu’à partir. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une adresse des citoyens de la section de Bondy , ainsi conçue : « Messieurs, « Ne vous étonnez pas de l’ordre que vous