110 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE b PORCHER : Je viens, au nom de votre comité de Législation, pour faire cesser les doutes du département de Paris, vous proposer d’interpréter la loi que vous avez rendue, le 6 floréal, sur les passeports. Une loi du 7 décembre, qui n’a point été abrogée, ordonne aux personnes qui sont dans le cas de sortir du territoire de la République, pour leurs affaires, de s’adresser directement aux départements, qui pourront, s’ils trouvent les causes légitimes et suffisamment vérifiées, leur accorder les passeports dans les formes décrétées par les lois, après avoir préalablement pris l’avis des directoires de district et des conseils généraux des communes, et dans le cas seulement où les mêmes directoires et conseils généraux des communes approuveraient la demande des passeports et trouveraient les motifs légitimes. Cette forme est encore suivie dans tous les départements de la République : nulle loi contraire n’en a abrogé l’usage, mais il est évident qu’elle ne peut avoir lieu à Paris, depuis qu’une municipalité conspiratrice a été justement frappée par la souveraineté nationale qu’elle voulait usurper. Après sa chute, vous avez disséminé les pouvoirs de la manière que vous avez crue la plus utile à la chose publique, et vous avez décrété, le 6 fructidor, que les comités civils des sections de Paris délivreraient les passeports, sans qu’il fût besoin d’en référer au conseil général de la section, à la charge seulement de les faire viser par le comité révolutionnaire de son arrondissement ; vous avez de plus aboli la formalité du visa du département. Cette disposition législative n’a point paru assez claire aux membres qui composent le département de Paris; et en effet elle ne s’explique point assez pour ne leur pas laisser des doutes sur leur compétence en matière de passeports. La Convention nationale a-t-elle voulu accorder aux comités civils des sections le droit de délivrer ces actes, tant pour l’intérieur que pour l’extérieur? ou n’a-t-elle, au contraire, rien voulu innover à l’égard de ce qui se pratiquait pour les passeports délivrés pour sortir de la République; et alors quelle sera l’autorité qui remplacera le conseil général de la commune? Voilà, en peu de mots, les questions sur lesquelles le département de Paris a cru devoir vous consulter, et que vous avez renvoyées à l’examen de votre comité de Législation. Votre comité s’est donc vu forcé d’examiner la loi du 6 fructidor, et il l’a trouvée conçue en termes généraux qui, au premier abord, donneraient à penser que vous n’avez voulu faire aucunes exemptions ; mais, pour cela même que cette loi ne parle pas des passeports à l’étranger, objet si essentiel, et qui doivent être si rarement accordés dans les circonstances délicates où nous sommes, votre comité a cru que votre silence sur cet objet était une preuve évidente que vous n’avez rien voulu changer à ce qui s’était pratiqué jusqu’à ce jour. Et cette présomption est devenue presque mie certitude, quand nous avons réfléchi que ces objets, qui tenaient à la haute administration par les conséquences qu’ils pourraient avoir pour le salut public, devaient être nécessairement donnés par la première des autorités en ce genre, je veux dire les départements, après avoir consulté toutes les autorités subordonnées. Un motif qui a influé encore sur la détermination que nous vous proposons, c’est que cette forme est adoptée dans toute la République, et que nous ne pouvons nous éloigner d’un système complet d’unité dans notre législation, que lorsque la nécessité nous en fait la loi; ce qui n’existe pas ici. D’après cette explication, le comité de Légi-saltion vous propose le projet de décret suivant (38). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation, sur une lettre des administrateurs du département de Paris, par laquelle ils demandent en quelle forme et par qui, depuis la loi du 6 fructidor, les passe-ports pour l’étranger doivent être accordés, décrète ce qui suit : Article premier. - Les dispositions de la loi du 6 fructidor dernier, relatives aux passe-ports, ne sont applicables qu’à ceux qui sont délivrés pour voyager dans l’intérieur de la République. Art. II. - Le département de Paris continuera, comme par le passé, à délivrer ceux qui seront demandés pour sortir du territoire français, après avoir pris l’avis des comités civils et révolutionnaires dans l’arrondissement desquels le réclamant aura son domicile, et dans le cas seulement où ces deux comités approuveroient la demande du passe-port, et en trouveroient les motifs légitimes (39). c La Convention nationale, après avoir entendu son comité de Législation, sur la pétition de la citoyenne Forêt, passe à l’ordre du jour, motivé sur le pouvoir qu’ont les tribunaux de prononcer sur sa demande; et néanmoins, sur l’exposé de ses besoins et de ceux de sa famille composée de huit enfans en bas âge, renvoie sa pétition à son comité des Secours publics, pour lui en faire un prompt rapport. Le présent décret ne sera pas imprimé (40). (38) Moniteur, XXII, 106-107; Débats, n” 737, 87-88. (39) P. V., XLVI, 134-135. C 320, pl. 1321, p. 3, minute de la main de Porcher, rapporteur. Moniteur, XXII, 106-107 ; Débats, n° 737, 87-88 ; Ann. R. F., n° 7 ; F. de la Républ., n° 8 ; J. Fr., n° 733; J. Paris, n° 8; M. U., XLIV, 106; Rép., n° 8. (40) P. V., XLVI, 135. C 320, pl. 1321, p. 4, minute de la main de Porcher, rapporteur.