144 [Assemblée nationale.] de présenter une quittance d’un lieu quelconque du royaume. Cette explication reçoit l’assentiment de l’Assemblée. M. l’abbé de Montesquiou fait remarquer que demain est un jour de fête; il demande s’il y aura séance et à quelle heure elle se tiendra. M. le Président consulte l’Assemblée, qui décide qu’il y aura demain une seule séance, à dix heures du matin, et que, pour avancer les travaux, la séance qui devait avoir lieu Je soir sera transportée à aujourd’hui même. M. Target donne lecture de l’article suivant : « Art. 8. Tous lès citoyens qui auront rempli la condition de l’inscription civique et du serment patriotique, seront dispensés des autres conditions de l’éligibilité pour l’Assemblée nationale, si, dans le premier scrutin, ils réuuissent les trois quarts des suffrages des électeurs. » M. lianjuinais. Cet article doit être modifié ; je ne l’attaque pas comme contraire à vos précédents décrets; j’ai entendu faire ce raisonnement que la saine logique réprouve, et la logique est la loi des lois. Il est impossible, dans quelques circonstances que ce soit, de renoncer à la condition de domicile et de la majorité de vingtœinq ans ; c’est sous ce rapport que je modilierai l’article. Il faut, en restreignant l’étendue de la contribution du marc d’argent, adopter une exception juste à un décret' rigoureux, qui a attiré des réclamations et des reproches, à un décret qui exclut les cinq sixièmes des Français et les trois quarts des citoyens actifs. Je propose donc, en amendement, qu’on insère dans l'article cette disposition : « Seront dispensés de la condition d’éligibilité relative à la contribution directe, déclarée nécessaire pour être membre de l’Assemblée nationale. » M. le comte de Virleu pense qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article. 11 établit son opinion sur les principes de la représentation. Le député élu par une ville de l’extrémité de la province devant, dit-il, arriver à l’Assemblée nationale et représenter la ville de Dunkerque, il faut établir des lois générales et sans exception, pour que les intérêts de tel ou tel canton ne soient pas compromis. La France est surtout agricole : elle doit donner aux propriétaires une grande influence : l’Angleterre, dont le commerce fait la principale richesse, a cru devoir n’admettre parmi ses représentants que des propriétaires. Toute autre disposition serait funeste à la nation et aux provinces, et seulement utile aux capitalistes, qui, conservant leur fortune en portefeuille, savent se soustraire au devoir de concourir aux charges communes. On les prive, dira-t-on, du droit le plus précieux; mais ils peuvent en jouir en devenant propriétaires. Les représentants de lanation doivent être attachés à la terre qui fait notre richesse; ils doivent être indépendants de leur existence, pour qu’ils le soient de leurs opinions; ils doivent donc être au-dessus du besoin, pour qu’ils soient au-dessus de la séduction. Les précédents décrets remplissent toutes ces vues. Il n’y a donc pas lieu à délibérer sur l’article qu’on vous présente. [7 décembre 1789.] M. le comte de Castellane. De tous les droits qui émanent des peuples, l’élection de leurs représentants est le seul droit dont ils puissent conserver l’usage. Il ne faut doue y apporter des modifications que pour régler, que pour épurer cet usage. La condition de réunir les trois quarts des suffrages doit faire disparaître les scrupules de ceux qui craiudraent les effets de cet article. L opinion publique paraît avoir déjà demandé une moitication à l’un de vos décrets; il faut écouter sa voix; il faut être juste; ii est donc indispensable d’adopter l’article. , M. Malès présente des considérations tirées des exemples offerts par l’antiquité et par quelques peuples modernes. H rejette l’article. M. Ménard de là ttroye. Messieurs, il serait à désirer que nulle distinction humiliante ne subsistât entre les citoyens; que tous, enfants de la patrie, ils eusseni également droit à ia servir, et que la pauvreté surtout ne devînt à l’égard de personne un signe de réprobation. Aristide ôtait pauvre et s’eu glorifiait. Le Trésor public fut obligé do doter ses filles et de pourvoir aux frais de ses funérailles. Pour être citoyen actif, pour mériter de s’asseoir parmi les législateurs d’un empire, que faut il si ce n’est de grands talents et de grandes vertus? Après cet exorde, l’orateur arrive à l’article du comité. Il regarde l’exception proposée comme nécessaire pour maintenir la liberté politique et ne pas diviser les Français en deux classes, à l’une desquelles appartiendraient exclusivement les fonctions législatives. Il termine en disant: L’exception proposée ne peut ni favoriser l’intrigue, ni ouvrir la porte à la corruption. Comment corrompre à la fois les trois quarts des électeurs? Gomment intriguer quand b s voix se forment au scrutin ? Il sera aussi utile que beau de voir la vertu recherchée dans l’obscurité, et les talents plus appréciés que les richesses ; et si l’on jouit une fois seulement dans chaque siècle du spectacle d’un homme obscur élevé par son seul mérite au titre de représentant de la nation, c’en sera assez pour consoler ceux de sa classe et pour les empêcher de se croire honteusement exclus du plus beau des titres. M. le marquis de Foiicault-Tardinalie. Vous ne devez pas espérerqu’on développe de nouvelles idées sur un article qu’on vous a déjà présenté septfois, et quesept fois vous avez rejeté; vous auriez puépargner un temps que vous reconnaissez pour être précieux. Je suis encore obligé de vous parler ici de mon malheureux cahier : il exprime qu'on doit chercher à envoyer des députés qui puissent répondre de la dette de l’Etat, et qui, par conséquent, possèdent des richesses ostensibles et saisissables. M. Rœderer. Il me semble qu’une très-grande partie des appréhensions qui se sont élevées disparaîtraient si elles étaient soumises à l’analyse. Je crois que, dans une assemblée d’hommes, on ne devrait pas concevoir tant de craintes et de défiances contre des hommes. D'abord il y a erreur de fait dans les reproches par lesquels on attaque l’article du comité. On suppose qu’il établit qu’avec les deux tiers des voix lin jeune homme de 21 ans peut être élu : un seul coup d’œil sur l’article précédent me dispense de m’occuper davantage de cette erreur. Et quand cet article aurait le sens qu’on lui attribue , quand il s’agirait d’agiter la question de ARCHIVES PARLEMENTAIRES.