(Assemblée nationale.] ARCHIVES PA reproduisent pas parmi nos successeurs, s’ils sont ctiei'is parmi les hommes les plus cages, les plus modérés, et qu’ils promettent, comme les jurés, de dire la vérité , toute la vérité , rien que la vérité ; mais alors, à ces conditions seulement, la France sera régénérée, libre, florissante, et j’en payerais volontiers de mon sang l’assurance. Ce 29 janvier 1791. Malouet. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GREGOIRE. Séance du samedi 29 janvier 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille, qui est adopté. Il est fait lecture de la lettre suivante de M. du Portail, ministre de la guerre : « Monsieur le Président, « Les administrateurs du directoire du département de la Drôme m’ont adressé une délibération d’après laquelle ils ont arrêté de porter des secours de troupes à Garpentras : le roi, à qui j’en ai sur-le-champ rendu compte, n’a pu approuver une mesure aussi contraire aux principes de la Constitution, et Sa Majesté a cru devoir donner les ordres les plus prompts pour en faire cesser l’effet. Persuadée que l’Assemblée nationale ne sera pas moins frappée qu’elle des conséquences importantes que pourraient avoir des démarches de cette nature, Sa Majesté m’a ordonné de vous envoyer copie de la réponse que j’ai faite à l’administration du département de la Drôme, pour que vous vouliez bien la mettre sous les yeux ae l’Assemblée. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur, « Signé : DU PORTAIL. » Paris, le 28 janvier 1791. Copie de la lettre adressée aux administrateurs du département de la Drôme. « J’ai mis, Messieurs, sous les yeux du roi, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 20 de ce mois, et votre délibération du 19, par laquelle vous avez arrêté de faire à la ville d’Avignon les plus fortes représentations sur ses projets hostiles contre les peuples du Comtat, et d’envoyer en même temps un secours de cent cinquante hommes de gardes nationales à Carpentras, pour aider cette ville à repousser les attaques des Avignonnais ; vous avez, de plus, invité le sdépar-tements voisins à imiter votre exemple, afin de prévenir les malheurs dont le pays Yenaissin est menacé, et d’empêcher qu’ils ne s’étendent aux communautés limitrophes. « Quoique Sa Majesté ait remarqué avec satisfaction que votre délibération ne vous a été dictée que par la sollicitude que vous cause le maintien de la paix dans votre département, et par le vif intérêt que vous inspire la position dangereuse de vos voisins, elle n’en a pas moins été frappée EMENTAIRES. [29 janvier 1791.] 547 des conséquences infiniment graves que pourrait avoir une semblable mesure. « En effet, Messieurs, en vous déterminant à joindre la menace aux représentations que vous avez faites à la municipalité d’Avignon ; en prenant sur vous de donner un secours de troupes aux habitants de Carpentras, vous avez fait, ce me semble, un acte de souveraineté ; vous avez usé d’on pouvoir que la loi ne vous a pas donné, et qu’elle a réservé tout entier au pouvoir législatif réuni au pouvoir exécutif suprême. Si vous y réfléchissez, vous reconnaîtrez aisément combien il est contraire aux principes de la Constitution qu’un corps chargé de l’administration d’une portion de l’Etat se mêle de dissensions de peuples étrangers, prenne entre eux un parti, paraisse ainsi décider de la légitimité de celui qu’il embrasse, et le soutienne à force ouverte : ce n’est qu’à l’Assemblée nationale et au roi qu’il appartient de montrer à la nation quels sont ses amis ou ses ennemis. « Observez encore, Messieurs, que les départements qui vous environnent pourront, d’après votre exemple, se croire les mêmes droits que vous; et s’ils étaient mus par des impulsions contraires, s'ils croyaient voir la justice dans un antre parti; s’ils voulaient, comme vous, soutenir parla force celui qu’ils auraient adopté, vous vous rencontreriez les armes à la main, d’abord sur terre étrangère, pour agir hostilement les uns contre les autres, et peut-être bientôt vous poursuivriez-vous sur vos propres foyers, où vous auriez ainsi attiré toutes les horreurs de la guerre civile. « J’espère beaucoup que ces malheurs n’arriveront pas; mais il résulte toujours, de la résolution que vous avez prise, un inconvénient inévitable : lorsque vous envoyez des gardes nationales tenir garnison sur un terroir étranger, vous ne pouvez, sans faire un tort notable au plus grand nombre, leur refuser une solde ; vous vous mettez donc dans la nécessité de lever à cet effet, de votre propre autorité, un subside suc votre département ; ou si l’administration générale doit y pourvoir, vous aurez impose à la nation une charge à laquelle elle n’aura pas consenti. « Je n’étendrai pas davantage ces réflexions : elles suffisent, pour que vous jugiez que le roi n’a pu approuver les mesures que vous avez prises. Eu conséquence, Sa Majesté vous ordonne de retirer sans délai du pays Venaissin tout secours de troupes que vous y auriez envoyé, de vous borner aux précautions que la prudence exige pour préserver votre pays des dissensions qui agitent nos voisins, et d’attendre ce que l’Assemblée nationale jugera à propos de décider, et les ordres que Sa Majesté croira alors devoir vous donner. « Depuis le départ de votre lettre, vous aurez été Informés, Messieurs, que l’Assemblée nationale a décrété que les troupes qui avaient été envoyées à Avignon en seraient retirées, et que Sa Majesté a sur-le-champ donué des ordres pour la prompte exécution de ce décret. Une pareille mesure vous annonce que le Corps législatif a été loin d’approuver que des Français se soient trouvés mêlés aux attaques que les peuples d’Avignon et du Comtat se sont faites, et qu’il est entièrement dans les principes qui ont dicté les ordres de Sa Majesté, que je viens de vous transmettre. » ( Applaudissements .) (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. d’André. Je demande l’insertion de cette 548 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 janvier 1791.] lettre dans le procès-verbal. Il faut d’autre part que l'Assemblée prenne un parti sur les Àvignon-nais; je demande doue eu ou Ire le renvoi de la lettre aux comités diplomatique et d’Avignon, qui seront chargés de faire incessamment le rapport de ce qui peut être relatif à cette ville. (Cette motion est décrétée.) M. Prngnon, au nom du comité de l’emplacement des tribunaux. Messieurs, le département du Loiret propose de s’établir dans la maison des bénédictins ; il demande à l’Assemblée de lui accorder un rabais aux enchères des biens nationaux dont il a besoin ; il appuie sa demande sur le patriotisme du peuple de ce pays. Nous lui avons répondu que de telles vertus ne se payent que par l’approbation nationale et non par un triste rabais; que la loi est faite, qu’elle est sagement faite, et pour les départements et pour les individus. Je vous propose donc le décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le directoire du département du Loiret à acquérir la maison des bénédictins d’Orléans, pour y former son établissement aux frais des administrés, en observant les formes établies par l’Assemblée pour l’acquisition des biens nationaux, à la charge qu’aucun des administrateurs, commis ou secrétaires ne pourra y être logé, aux termes de ses décrets. » J’ai ajouté cetie dernière clause parce que, malgré la sévérité de vos décrets, j’ai appris que, dans un departement, il y avait un monsieur qui s’était logé avec ses filles, fort jolies, et c’est malgré moi que je le dénonce. (Rires.) (Le décret est adopté.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de M. Ducber, vice-consul de France dans les Etats-Unis de l’Amérique, par laquelle il fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage intitulé : Analyse des lois commerciales et tarif des droits sur les bâtiments et marchandises dans les Etats-Unis de l’Amérique. A cet ouvrage est joiut un projet de décret de navigation française. (L’Assemblée en ordonne le renvoi à son comité d’agriculture et de commerce.) Il est ensuite fait lecture des lettres et adresses suivantes : 1° Lettre de M. Piccini, par laquelle il réclame le traitement de 6,000 livres, qui lui avait été assuré pour s’expatrier et venir consacrer en France ses travaux et les quinze plus belles années de sa vie. (L’Assemblée en ordonne le renvoi à son comité des finances.) 2° Adresse de M. François du Crui, de Vénis-sieux en Dauphiné, soldat citoyen delà compagnie de l’Oratoire de Paris, par laquelle il présente. à l’Assemblée le modèle d’une machine hydraulique, capable d’élever l’eau en tel volume qu’on juge à proposa la hauteur perpendiculaire de plus de 30 pieds, sans le secours d’aucun agent externe, et de rendre les mêmes services que les pompes à feu, dont le mécanisme est simple et rarement susceptible de réparation, et qui peut être exécutée en grand, à peu de frais. (L’A>semblée permet l’exposition du modèle dans le lieu de ses séances, et à son auteur d’assister à la séance.) 3° Lettre de M. de Condorcet, sur l’examen de la prétendue découverte de la trisection de l’angle, annoncée à l’Assemblée par M. Guérin, et que l’Assemblée avait renvoyée à l’Académie. Cette lettre est ainsi conçue ; « Monsieur le Président, « L’Assemblée nationale a renvoyé à l’examen de l’Académie une solution du problème de la trisection de t’angle, par M. Guérin. « En 1775, l’ Académie a pris et rendu publique la résolution de ne plus examiner ni trisection de l’angle, ni duplication du cube; ni quadrature du cercle, ni mouvement perpétuel. « Les problèmes de la trisection de l’angle et de la duplication du cube sont résolus depuis 2,000 ans; et si on cherche encore à les résoudre, ce n’est que par une ignorance absolue de la nature de ces questions. L’impossibilité de trouver la quadrature du cercle est aussi démontrée qne peut l’être une chose de ce genre, et celle d’un mouvement perpétuel l’est également. Ainsi, eu renonçant à examiner les prétendues solutions nouvelles de tous ces problèmes, l’Académie a été bien sûre de n’exclure aucun travail utile. « Le motif qui l’a déterminée à l’examiner pendant longtemps a été uniquement la crainte de paraître adopter en corps une opinion ; et elle a mieux aimé employer, quelquefois de la manière la plus inutile, le temps des académiciens, que d’avoir l’air de donner son jugement comme une règle éternelle. Mais le grand nombre de ceux qui consument en pure perte une partie de leur vie à ces vaines recherches, dont tout le fruit est de nuire à leur fortune, et trop souvent d’altérer leur raison, l’a déterminée à prendre une résolution qu’elle a crue propreàlesdétourner de cette occupation; elle a craint que si elle continuait à examiner leurs solutions, elle pût être accusée de les encourager à s’en occuper, et qu’elle ne se rendît en quelque sorte complice des malheurs qui leur arrivent. <' Fidèle à ce principe, l’Académie n’a pas cru devoir faire une exception pour l’ouvrage de M. Guérin. Son examen n’aurait servi qu’à montrer en quoi consistait l’erreur de cotte prétendue solution, et peut-être, en apprenant qu'elle s’occupait encore de ces questions, à engager quelques autres personnes à se livrer à des espérances de succès que l’expérience a prouvé être rarement sans danger. « Je suis avec respect, Monsieur le P résident, votre très humble et très obéissant serviteur. « Condorcet. « A Paris, le 28 janvier 1791. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette lettre au procès-verbal.) 4° Lettre de M. Jeudi de l’Houmand, physicien et naturaliste, par laquelle il fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage intitulé : Adresse et conseils patriotiques à V Assemblée nationale , sur l'importance de la réforme de la médecine et du charlatanisme en France. 5° Lettre de MM. Loquet, curé de Mobecq ; Michel, curé de Saint-Symphorien, district de Ca-rentan, uépartement de la Manche; Gibon, curé de Brauce, et Hugueny, curé de Chevannes, par laquelle ils annoncent qu'ils se sont empressés de prêter le serment prescrit par la loi du 27 novembre dernier, avant même sa publication, et expriment les sentiments de religion et de liberté dont ils sont pénétrés.